Chapitre 15 Chaîne d’or sur l’évangile de saint Jean Chapitre 17


CHAPITRE XVI



Versets 1-5.



S. AUG. (Traité 93 sur S. Jean.) Après avoir promis à ses disciples l’Esprit saint, qui devait faire d’eux autant de témoins de la vérité, le Sauveur ajoute : « Je vous ai dit ces choses, afin que vous ne soyez pas scandalisés. » Et en effet, lorsque la charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l’Esprit saint qui nous a été donné (Rm 5), une paix abondante se répand en même temps dans l’âme de ceux qui aiment la loi de Dieu, et il n’y a point pour eux de scandale. (Ps 118, 165.) Il leur prédit ensuite les épreuves qui les attendent : « Ils vous chasseront des synagogues. » — S. Chrysostome : (hom. 77 sur S. Jean.) Ils avaient déjà pris de concert la résolution de chasser de la synagogue quiconque confesserait Jésus-Christ. — S. AUG. Mais quel grand mal pour les Apôtres d’être chassés des synagogues des Juifs, puisqu’ils devaient en sortir d’eux-mêmes, alors que personne ne les chasserait dehors ? Il a donc voulu leur apprendre par-là que les Juifs ne devaient point recevoir Jésus-Christ, dont les disciples ne devaient point se séparer. Si, en effet, ils avaient voulu le reconnaître, comme il n’y avait point d’autre peuple de Dieu que la race d’Abraham, les Églises de Jésus-Christ n’auraient pas été différentes des synagogues des Juifs. Mais ils ont refusé de recevoir Jésus-Christ, et la conséquence naturelle, c’est que restant eux-mêmes en dehors de Jésus-Christ, ils devaient chasser de leurs synagogues ceux qui ne consentaient pas à quitter Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute, encore : « Et l’heure vient où quiconque vous fera mourir, croira faire nue chose agréable à Dieu, » paroles qui ont pour objet de consoler ceux qui seraient chassés des synagogues des Juifs. Est-ce donc que cette expulsion de la synagogue devait les affliger à ce point, qu’ils auraient mieux aimé mourir que de n’en plus faire partie ? Non, sans doute, une crainte semblable ne pouvait trouver place dans le cœur de ceux qui cherchaient, non la gloire des hommes, mais la gloire de Dieu. Voici donc le sens de ces paroles : « Ils vous chasseront des synagogues, mais ne craignez pas votre isolement ; vous serez exclus de leurs réunions, il est vrai, mais vous en rassemblerez un si grand nombre en mon nom, que les Juifs, craignant l’abandon de leur temple et de toutes les cérémonies de l’ancienne loi, vous mettront à mort, croyant en cela faire une chose agréable à Dieu, parce que leur zèle pour la gloire de Dieu, n’est pas un zèle dirigé par la science » (Rm 10, 2), paroles qu’il faut entendre des Juifs, dont Nôtre-Seigneur dit : « Ils vous chasseront de leurs synagogues. » En effet, lorsque les Gentils ont mis à mort les témoins, c’est-à-dire, les martyrs de Jésus-Christ, ce n’est pas à Dieu, mais à leurs fausses divinités qu’ils ont cru faire une chose agréable, tandis que ceux qui, parmi les Juifs, mirent à mort les prédicateurs de Jésus-Christ, crurent faire un acte agréable à Dieu, dans la crainte que ceux qui se convertiraient à Jésus-Christ, abandonneraient le culte du vrai Dieu. Voilà pourquoi dans l’ardeur d’un zèle qui n’était pas selon la science, ils mettaient à mort les disciples de Jésus-Christ, croyant en cela faire une œuvre agréable à Dieu.




S. Chrysostome : Jésus leur donne ensuite un nouveau motif de consolation : « Et ils vous traiteront de la sorte, parce qu’ils ne connaissent ni mon Père, ni moi, » c’est-à-dire, qu’il vous suffise comme consolation de penser que vous souffrez pour moi et pour mon Père. — S. AUG. Il leur apprend ensuite que la cause pour laquelle il leur a prédit ces épreuves, c’est de prévenir le trouble qu’auraient jeté dans leurs cœurs non préparés des maux qu’ils n’avaient pas prévus, bien qu’ils dussent être de courte durée : « Je vous ai dit ces choses, afin que lorsqu’un sera venue l’heure, vous vous souveniez que je vous les ai dites. » Cette heure, c’était l’heure des ténèbres, l’heure de la nuit, mais la nuit des Juifs n’a pu obscurcir de ses ténèbres les clartés du jour de Jésus-Christ qui en était séparé. — S. Chrysostome : Un autre motif pour lequel il leur annonce ces épreuves à l’avance ; c’est afin de bien les convaincre que l’avenir lui était présent, comme il le déclare par ces paroles : « Afin que lorsqu’on sera venue l’heure, vous vous souveniez que je vous les ai dites. Il ne veut pas non plus qu’ils pussent dire qu’il n’avait cherché qu’à les flatter et à leur dire des choses agréables. Mais pourquoi ne leur a-t-il pas fait tout d’abord ces prédictions ? En voici la raison : « Je ne vous ai pas dit ces choses dès le commencement, parce que j’étais avec vous, » c’est-à-dire, vous étiez sous ma garde, vous pouviez m’interroger quand vous vouliez ; tous les efforts de vos ennemis se concentraient sur moi ; il était donc inutile de vous en parler tout d’abord, mais au moins si je ne l’ai pas fait, ce n’est pas que j’ignorais que ces épreuves dussent arriver.




S. AUG. (Tr. 94 sur S. Jean.) Selon les trois autres évangélistes, Nôtre-Seigneur fit cette prédiction avant la cène, tandis que saint Jean la place après la cène. Ne peut-on pas résoudre cette difficulté, en disant que les trois premiers évangélistes font observer que sa passion était proche, lorsqu’il fit ces prédictions ? Il ne les fit donc pas dès le commencement qu’il était avec eux. Cependant saint Matthieu rapporte que le Sauveur prédit ces événements, non-seulement aux approches de sa passion, mais encore dès le commencement. Comment donc expliquer ces paroles : « Je ne vous les ai pas dites dès le commencement, » etc., si ce n’est en faisant une exception pour les choses qu’il attribue ici à l’Esprit saint, et qu’il ne leur a pas fait connaître dès le commencement, par exemple qu’il devait leur être envoyé et rendre témoignage, lorsqu’ils seraient persécutés. En effet, il était alors au milieu d’eux, et sa présence seule était pour eux une véritable consolation. Mais lorsque le moment vint de les quitter, il devait leur annoncer la venue de l’Esprit saint, qui, en répandant dans leurs cœurs la charité de Dieu, leur donnerait le courage de prêcher hautement le Verbe de Dieu. — S. Chrysostome : (hom. 78 sur S. Jean.) Ou peut dire encore qu’il leur avait prédit les persécutions qu’ils devaient endurer, mais non pas que leur mort serait regardée comme une œuvre agréable à Dieu, ce qui devait être pour eux un sujet d’étonnement extraordinaire ; ou bien encore, il leur annonça dès le commencement, ce qu’ils devaient souffrir de la part des Gentils, et leur prédit ici les persécutions que leur préparaient les Juifs.




Versets 6-11.



S. Chrysostome : (hom. 78 sur S. Jean.) La tristesse s’était emparée de l’esprit des disciples encore bien imparfaits, en entendant les dernières paroles de leur divin Maître ; il les en reprend, et leur en fait un reproche. « Et maintenant je vais à celui qui m’a envoyé, et aucun de vous ne me demande : Où allez-vous ? » En effet, lorsqu’ils l’entendirent déclarer que celui qui les mettrait à mort croirait faire une chose agréable à Dieu, ils gardèrent un profond silence, et ne lui adressèrent plus aucune question, c’est pour cela qu’il ajoute : « Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre cœur, » etc. Ce n’était pas pour eux une consolation médiocre que de voir que le Seigneur connaissait la grandeur de leur tristesse produite par la pensée de son départ prochain, par la perspective des maux qu’ils devaient souffrir, et l’ignorance où ils étaient s’ils pourraient les supporter courageusement.




S. AUG. (Traité 94 sur saint Jean.) Ou bien encore, ils lui avaient demandé précédemment où il allait, et il leur avait répondu qu’il allait où ils ne pouvaient le suivre actuellement ; maintenant il leur déclare qu’il s’en ira, sans qu’aucun d’eux lui demande où il va : « Aucun de vous ne me demande : Où allez-vous ? » Car lorsqu’il monta aux cieux, ils l’accompagnèrent de leurs regards, mais sans chercher à savoir où il allait. Or, le Seigneur voyait l’effet que produisaient ses paroles dans leur cœur ; comme ils n’avaient pas encore cette consolation intérieure que le Saint-Esprit devait répandre dans leur âme, ils craignaient de perdre la présence visible de Jésus-Christ ; et comme d’après sa déclaration, ils ne pouvaient douter qu’ils la perdraient, leur affection encore tout humaine s’attristait de ce que leurs yeux allaient être privés de ce qui faisait leur consolation : « Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre cœur. » Jésus savait ce qui leur était le plus avantageux ; car la vue intérieure que l’Esprit saint devait leur donner comme consolation, était bien préférable : « Cependant je vous dis la vérité, il vous est avantageux que je m’en aille. » — S. Chrysostome : C’est-à-dire, dût votre tristesse être mille fois plus grande, il vous faut entendre cette vérité, c’est qu’il vous est utile, que je me sépare de vous. Or, quelle est cette utilité ? « Car si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous. » S. AUG. (de la Trin., 1, 9) S’il parle de la sorte, ce n’est point qu’il y ait inégalité entre le Verbe de Dieu et l’Esprit saint, mais parce que la présence du Fils de l’homme au milieu d’eux était comme un empêchement à la venue de celui qui ne lui était pas inférieur, parce qu’il ne s’était pas anéanti lui-même jusqu’à prendre la forme d’esclave. (Ph 2) Il fallait donc faire, disparaître à leurs yeux la forme de serviteur, qui les portait à croire que Jésus-Christ n’était pas ce qu’ils voyaient des yeux au corps : « mais si je m’en vais, je vous l’enverrai. » — S. AUG. Est-ce qu’il ne pouvait l’envoyer, tout en demeurant sur la terre, lui sur qui nous savons que l’Esprit saint descendit et demeura lorsqu’il fut baptisé et qui ne fut jamais séparé de lui ? Quel est donc le sens de ces paroles : « Si je ne m’en vais, le Paraclet ne viendra pas à vous, » si ce n’est, vous n’êtes pas capables de recevoir le Saint-Esprit, tant que vous continuez à ne connaître Jésus-Christ que selon la chair. Mais lorsque Jésus-Christ les eut privés de sa présence corporelle, non-seulement l’Esprit saint, mais le Père et le Fils vinrent fixer spirituellement en eux leur séjour. — S. GREG. (Moral., 8, 13 ou 17 dans les anc. éd.) Il semble leur dire ouvertement : « Si je ne dérobe pas mon corps aux yeux de votre affection, il me sera impossible de vous conduire à l’intelligence invisible par l’Esprit consolateur. — S. AUG. (sur les par. du Seig.) Or, après que la forme de serviteur que le Sauveur a prise dans le sein de la Vierge, eut été éloignée des yeux de la chair, l’Esprit consolateur leur procura ce bonheur singulier de pouvoir contempler avec les yeux purifiés de leur intelligence la nature de Dieu elle-même, par laquelle le Fils était égal à son Père, alors même qu’il daigna se manifester dans la chair.




S. Chrysostome : Mais quelle est donc l’objection que font ici ceux qui ne se forment point de l’Esprit saint des idées justes et convenables ? Est-il donc utile que le Seigneur s’en aille pour que le serviteur vienne ? Or, le Sauveur répond, en nous faisant connaître les avantages de la venue de l’Esprit saint : « Et lorsqu’il sera venu, il convaincra le monde en ce qui touche le péché, » etc.— S. AUG. (Traité 95 sur S. Jean.)Est-ce donc que Jésus-Christ n’a pas convaincu le monde ? Serait-ce parce qu’il n’a fait entendre sa voix qu’aux Juifs, qu’on ne pourrait dire qu’il a convaincu le monde, tandis que l’Esprit saint, au contraire, dans la personne de ses disciples répandus par tout l’univers, n’a pas seulement convaincu une nation, mais le monde tout entier ? Mais qui oserait dire que l’Esprit saint a convaincu le monde par la bouche des disciples, tandis que Jésus-Christ ne peut le convaincre ; alors que l’Apôtre s’écrie : « Est-ce que vous voulez éprouver la puissance du Jésus-Christ qui parle par ma bouche ? » (2 Co 13, 3.) Jésus-Christ peut donc convaincre ceux que l’Esprit saint convainc lui-même. Mais Nôtre-Seigneur dit : « Il convaincra le monde, » c’est-à-dire, il répandra la charité dans vos cœurs, et en dissipant toutes vos craintes, vous donnera la liberté de convaincre le monde. Il explique, ensuite ce qu’il venait de dire : « En ce qui touche le péché, parce qu’ils n’ont pas cru en moi. » Nôtre-Seigneur ne parle que de ce péché à l’exclusion de tous les autres, parce que tant qu’il reste, les autres péchés ne peuvent être pardonnés, et que s’il vient à être effacé, tous les autres le sont avec lui. — S. AUG. (serm. 61 sur les par. du Seig.) Mais il y a une grande différence entre croire que Jésus est le Christ, et croire en Jésus-Christ ; les démons eux-mêmes n’ont pu s’empêcher de croire qu’il était le Christ, mais celui qui croit en Jésus-Christ, espère eu même temps en Jésus-Christ, aime Jésus-Christ. — S. AUG. (Traité 95.) Le monde est donc convaincu de péché, parce qu’il ne croit pas en Jésus-Christ, et il est convaincu aussi en ce qui touche la justice de ceux qui croient, car le seul exemple des fidèles est la condamnation des infidèles : « Il convaincra le monde en ce qui touche la justice, parce que je m’en vais à mon Père. » Nous entendons souvent sortir de la bouche des infidèles cette question : Comment pouvons-nous croire ce que nous ne voyons pas ? Il fallait donc définir de la sorte le caractère de la justice des croyants : « Parce que je m’en vais à mon Père, et que vous ne me verrez plus. » Bienheureux, en effet, ceux qui ne voient point et ne laissent pas de croire, car si la foi de ceux qui ont vu Jésus-Christ a reçu des éloges, ce n’est point parce qu’ils croyaient ce qu’ils voyaient (c’est-à-dire, le Fils de l’homme), mais parce qu’ils croyaient ce qu’ils ne voyaient pas (c’est-à-dire, le Fils de Dieu). Lorsqu’au contraire, la forme de serviteur eut disparu à leurs regards, alors cette, parole du prophète fut entièrement accomplie : « Le juste vit de la foi. » Votre justice donc qui convaincra le monde, consistera à croire en moi, alors que vous ne me verrez plus ; et lorsque vous me verrez tel que je serai alors, vous ne me verrez plus tel que je suis maintenant au milieu de vous, c’est-à-dire, vous ne me verrez plus soumis à la mort, mais environné d’immortalité. Et en effet, en leur disant : « Vous ne me verrez plus, » il leur prédit qu’ils ne verront plus désormais le Christ tel qu’ils le voient.




S. AUG. (serm. 61 sur les par. du Seigneur.) On peut donner encore cotte explication : Il n’ont pas cru en lui, et il s’en va vers son Père ; le péché est donc pour eux, et la justice pour lui. En effet, lorsqu’il est venu du sein de son Père vers nous ; c’est un acte de miséricorde, mais c’est par un effet de sa justice qu’il retourne à son Père, selon ces paroles de l’Apôtre : « C’est pour cela que Dieu l’a exalté. » (Ph 2) Mais s’il s’en va seul à son Père, quelle utilité pouvons-nous en retirer ? S’en est-il allé seul, parce que le Christ ne fait qu’un avec tous ses membres, comme le chef ne fait qu’un avec son corps ? Le monde est donc convaincu de péché dans la personne de ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ, et il est convaincu en ce qui touche la justice dans ceux qui ressuscitent comme membres de Jésus-Christ : « Et en ce qui touche le jugement, parce que le prince de ce monde est déjà jugé, » c’est-à-dire, le démon, le prince des méchants, dont le cœur est tout entier fixé dans ce monde, objet de leurs affections. Par-là même qu’il a été jeté dehors, il a été jugé, et le monde est convaincu de ce jugement, parce qu’il se plaint inutilement du démon, lui qui ne veut point croire en Jésus-Christ. En effet, ce prince du monde qui est jugé, c’est-à-dire, jeté dehors, et à qui Dieu permet de nous attaquer extérieurement pour nous exercer à la vertu, a été vaincu, non-seulement par des hommes, mais par de simples femmes, par des enfants, par de tendres vierges qui ont souffert le martyre pour Jésus-Christ. — S. AUG. (Tr. 95 sur S. Jean.) Ou bien encore, il est déjà jugé, parce qu’il est irrévocablement condamné au feu éternel. Or, le monde est convaincu de ce jugement, parce qu’il est jugé lui-même avec son chef dont il imite l’orgueil et l’impiété. Que tous les hommes croient donc en Jésus-Christ, pour n’être point convaincus du péché d’incrédulité qui est comme un lien qui retient tous les autres péchés ; qu’ils passent au nombre des fidèles, pour n’être point convaincus en ce qui touche la justice de ceux dont ils n’imitent point la conduite, et qu’ils se mettent en garde contre le jugement à venir, afin de n’être pas jugé avec le prince du monde qu’ils ont imité malgré son jugement et sa condamnation.




S. Chrysostome : (hom. 78 sur S. Jean.) Ou bien encore : « Il convaincra le monde de pêché, » c’est-à-dire, il leur ôtera toute excuse, et leur prouvera qu’ils sont coupables de n’avoir pas voulu croire en moi, alors qu’ils verront l’Esprit saint descendre sur les fidèles d’une manière ineffable par la seule invocation de mon nom. — S. AUG. (Quest. sur le Nouv. et l’Anc. Test., quest. 89) L’Esprit saint a encore convaincu le monde de péché par les prodiges qu’il a opérés au nom du Sauveur, que le monde avait rejeté. Pour le Sauveur lui-même, ayant réservé la justice, il n’a point hésité de retourner à celui qui l’avait envoyé, et en retournant vers lui, il a prouvé qu’il en était venu : « Et en ce qui touche la justice, parce que je m’en vais à mon Père. » — S. Chrysostome : C’est-à-dire, qu’un retournant à mon Père, je leur prouverai que ma vie était irréprochable, et qu’ils ne pourront dire encore comme autrefois : « Cet homme est un pécheur, et ne vient pas de Dieu. » Lorsqu’ils verront d’ailleurs que j’ai triomphé de mon ennemi (ce que je n’aurais pu faire si j’avais été un pécheur), il leur sera impossible de dire que je suis possédé du démon, que je suis un séducteur. En apprenant que le démon a été condamné à cause de ce qu’il avait l’ait à mon égard, ils sauront qu’ils pourront désormais le fouler aux pieds, et ils seront convaincus à n’en pouvoir douter de ma résurrection, parce qu’il n’a pu me retenir dans les liens de la mort. — S. AUG. (Quest. de l’Anc. et du Nouv. Test.) Les démons eux-mêmes en voyant les âmes délivrées des enfers monter vers les cieux, ont connu que le prince de ce monde était déjà jugé, et que par suite du crime qu’il avait commis dans le jugement du Sauveur, il était condamné lui-même à perdre tout ce qu’il avait en sa possession, c’est ce que les Apôtres virent à l’ascension de Jésus-Christ, mais ce qui leur fut pleinement découvert, lorsque l’Esprit saint descendit sur eux.




Versets 12-15.



THEOPHYL. Nôtre-Seigneur développe les paroles qu’il vient de leur dire : « Il vous est utile que je m’en aille, » ou ajoutant : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, » mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. » — S. AUG. (Traité 97 sur S. Jean.) Tous les hérétiques se sont efforcés d’étayer sur ces paroles de l’Evangile leurs audacieuses inventions que la raison repousse avec horreur, comme si ces inventions étaient justement les vérités que les disciples ne pouvaient porter, et que l’Esprit saint leur eut enseigné ce que l’esprit immonde rougit d’enseigner et de prêcher en public. (Tr. 96) Mais on ne peut établir de comparaison entre les infamies qu’aucune pudeur humaine ne peut supporter, et les vérités salutaires que la faiblesse de l’esprit humain n’est pus capable de comprendre. Les unes ne se trouvent que dans les corps livrés à l’impureté, les autres sont au-dessus de toute nature corporelle et sensible. (Même Traité.) Mais qui de nous se croira capable de comprendre les vérités que les disciples ne pouvaient porter alors ? Il ne faut donc point s’attendre à ce que je les explique. On me dira peut-être, il en est beaucoup maintenant qui pourraient comprendre ce que saint Pierre n’était pas alors même qu’il en est beaucoup qui sont aujourd’hui capables de recevoir la couronne du martyre, surtout depuis qu’ils ont reçu l’Esprit saint qui, alors n’avait pas encore été envoyé. J’accorde qu’il en soit beaucoup qui, depuis la venue du l’Esprit saint, puissent porter les vérités dont les disciples étaient incapables avant de l’avoir reçu. Est-ce une raison pour que nous sachions ce qu’il n’a pas voulu dire ? Et puisqu’il a cru devoir les taire, qui de nous entreprendra de les dire ? (Plus bas.) Savons-nous pour cela les vérités qu’il n’a pas cru devoir révéler ? Il est également de la dernière absurdité de dire que les disciples étaient alors incapables de porter les hautes vérités que renferment leurs Epîtres écrites beaucoup plus tard, et dont on ne voit pas que le Seigneur leur ait parlé. Ces hommes qui appartiennent à des sectes perverses et corrompues, comme les Manichéens, les Sabelliens, les Ariens, ne peuvent supporter les vérités de la foi catholique qui se trouvent dans les saintes Ecritures et condamnent leurs erreurs, de, même que nous ne pouvons supporter leurs mensonges sacrilèges. Qu’est-ce, en effet, que de ne pouvoir supporter quelque chose ? C’est ne pouvoir l’envisager avec un esprit égal et tranquille. Mais quel est le fidèle, quel est même le catéchumène qui, avant d’avoir reçu avec le baptême le Saint-Esprit, ne lise pas ou n’entende pas d’un esprit égal, bien qu’il ne les comprenne pas, les vérités qui n’ont été écrites qu’après l’ascension du Sauveur ? (Traité 97 vers la fin.) On me dira encore : Est-ce que les hommes verses dans la spiritualité n’ont pas dans leur doctrine des vérités qu’ils taisent aux hommes charnels, et qu’ils font connaître à ceux qui se conduisent selon l’esprit ? ( Traité 98, avant le milieu.) Il n’y a aucune nécessité de taire aux fidèles qui ne font que commencer les secrets de la doctrine chrétienne, pour les exposer en particulier aux âmes plus avancées. (Le milieu.) Les hommes spirituels ne doivent pas garder devant les chrétiens même charnels, un secret absolu sur les vérités spirituelles, parce qu’elles font partie de la foi catholique qui doit être annoncée à tous les hommes. Cependant, dans l’exposé qu’ils en font, ils doivent prendre garde qu’en voulant faire entrer ces vérités dans l’esprit de ceux qui n’en sont pas capables, ils leur inspirent le dégoût pour la parole de vérité plutôt que de leur en donner l’intelligence. (Même imité après le commencement.) Ne soupçonnons donc pas dans ces paroles du Seigneur, je ne sais quelles vérités secrètes qui pourraient être dites par celui qui enseigne, mais que ne pourrait supporter son disciple ; mais comprenons que pour les choses mêmes qui, dans la doctrine chrétienne, font partie de l’enseignement commun des fidèles, si Jésus-Christ voulait nous les expliquer comme il les développe à ses anges, quels sont ceux qui pourraient supporter cette révélation, fussent-ils des plus avancés dans la spiritualité, ce que n’étaient pas encore les Apôtres ? Certainement tout ce qu’on peut savoir de la créature est au-dessous du Créateur, et cependant qui garde le silence sur le Créateur ? Dans quel endroit du monde n’est-il pas connu de tous les hommes ? Et cependant alors que tous parlent de lui, quel est celui qui le comprend comme il doit être compris ? (Traité 96.) Et quel est celui qui, pendant cette vie, peut connaître toute la vérité ? Est-ce que l’Apôtre ne dit pas : « Nous ne connaissons maintenant qu’imparfaitement ? » (1 Co 13) Disons donc que comme l’Esprit Saint nous conduit à cette plénitude de vérité dont parle le même Apôtre, en ajoutant : « Mais alors nous le verrons face à face ; » ce n’est pas seulement ce qui doit se faire en cette vie ; mais la révélation pleine et entière qui doit avoir lieu dans la vie future que Nôtre-Seigneur nous promet par ces paroles : « Lorsque l’Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité, » ou : « Il vous fera parvenir à toute vérité. » Ces paroles nous font comprendre que la plénitude de la vérité nous est réservée pour l’autre vie, et que dans celle-ci l’Esprit saint enseigne aux fidèles les choses spirituelles d’une manière proportionnée à leurs dispositions, tout en excitant dans leur cœur un désir de plus en plus vif pour ces mêmes vérités. — DIDYME. (de l’Esprit saint, 2) Ou bien Nôtre-Seigneur veut dire que ses disciples ne savaient pas encore tout ce qu’ils auraient à souffrir dans la suite pour son nom ; il ne leur en faisait connaître qu’une partie, réservant pour plus tard la connaissance des épreuves plus grandes qu’ils ne pouvaient porter alors, avant que leur chef leur en eut donné l’exemple par l’enseignement de sa croix. Ils étaient encore asservis aux figures, à l’ombre et aux images de la loi, et ils ne pouvaient regarder la vérité dont la loi n’était que l’ombre. Mais lorsque l’Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité ; et par sa doctrine et par son enseignement, vous fera passer de la mort de la lettre à l’esprit de vie dans lequel seul se trouve la vérité de toutes les Écritures.




S. Chrysostome : (hom. 78.) Ces paroles : « Vous ne pouvez porter maintenant ces vérités, » (mais vous le pourrez plus tard) et ces autres : « L’Esprit saint vous conduira à toute vérité, » pouvaient donner aux Apôtres la pensée que l’Esprit saint était plus grand que lui, il se hâte donc d’ajouter : « Car il ne parlera pas de lui-même, » etc. — S. AUG. (Traité 99 sur S. Jean.) Ces paroles sont semblables à celles que le Sauveur dit de lui-même : « Je ne puis faire rien de moi-même, mais je juge suivant ce que j’entends, » toutefois il parlait ainsi en tant qu’homme. — Or, comme l’Esprit saint n’est pas devenu créature par son union à un être créé, comment entendre en lui ces paroles de Nôtre-Seigneur ? Nous devons les entendre dans ce sens que l’Esprit saint n’existe point par lui-même, car le Fils est né du Père, et l’Esprit saint procède du Père ; or quelle différence entre procéder et naître, c’est ce qui demanderait de longues discussions et ce qu’il serait téméraire de définir. Entendre pour l’Esprit-Saint, c’est savoir, et savoir, c’est être. Puisque donc l’Esprit saint n’existe pas de lui-même, mais par celui de qui il procède, il reçoit la science et la propriété d’entendre de celui duquel il reçoit l’être. L’Esprit saint entend donc, toujours parce qu’il sait toujours ; c’est donc de celui qui lui a donné l’être qu’il a entendu, qu’il entend et qu’il entendra.




DIDYME. (De l’Esprit saint.) Nôtre-Seigneur dit donc : « Il ne parlera pas de lui-même, » c’est-à-dire sans la volonté de mon Père et la mienne ; parce qu’il tire son existence de mon Père et de moi, et c’est de mon Père et de moi qu’il a reçu d’être, et de parler. Pour moi, je dis la vérité, c’est-à-dire je lui inspire ce que je dis, car il est l’Esprit de vérité. Lorsqu’il s’agit de la Trinité, il ne faut point entendre ces expressions dire et parler dans leur signification ordinaire, mais dans le sens qui seul peut convenir aux natures incorporelles, et surtout à la Trinité qui inspire sa volonté dans le cœur des fidèles et de ceux qui sont dignes d’entendre sa voix. Pour le Père parler, et pour le Fils entendre, est le signe d’une entière égalité de nature, et d’une parfaite unité de volonté. Quant à l’Esprit-Saint, qui est l’Esprit de vérité, l’Esprit de sagesse, lorsque le Fils parle, on ne peut dire qu’il entend ce qu’il ne sait pas, puisqu’il est lui-même ce qui sort du Fils, la vérité qui procède de la vérité, le consolateur qui émane du consolateur, le Dieu esprit de vérité qui procède de Dieu. Et afin que personne ne lui attribuât une volonté différente de celle du Père et du Fils, Nôtre-Seigneur ajoute : « Ce qu’il entendra, il le dira. »




S. AUG. (De la Trin., 2, 43) On ne peut conclure de là que l’Esprit saint soit inférieur au Père et au Fils, car ces paroles doivent s’entendre de lui en tant qu’il procède du Père. — S. AUG. (Traité 99 sur S. Jean.) Il ne faut pas s’étonner que le verbe « il entendra » soit au futur, le Saint-Esprit entend de toute éternité parce qu’il sait de toute éternité. Or quand il s’agit d’un être éternel sans commencement comme sans fin, quel que soit le temps qu’on emploie, il n’est pas contraire à la vérité. Quoique cette nature immuable ne soit pas susceptible de passé et de futur, mais seulement du présent, cependant on ne parle point contre la vérité en disant : « Il a été, il est, et il sera, » il a été, car il n’a jamais cessé d’être ; il sera, parce que son existence n’aura jamais de fin ; il est, parce qu’il existe toujours.




DIDYME. (De l’Esprit saint.) C’est encore par l’Esprit de vérité que la science certaine de l’avenir est accordée à de saints personnages, c’est sous l’inspiration de cet Esprit dont ils étaient remplis que les prophètes prédisaient, et voyaient comme présents des événements qui ne devaient arriver que bien longtemps après : « Et il vous annoncera les choses à venir. » — Bède : Il est certain qu’un grand nombre de saints personnages remplis de la grâce de l’Esprit saint ont connu et annoncé les événements à venir. Mais comme il en est un grand nombre aussi en qui brille l’éclat des plus pures vertus, et à qui la science des choses à venir n’est point donnée, on peut entendre ces paroles : « Il vous annoncera les choses à venir » dans ce sens qu’il vous remettra en mémoire les joies de la céleste patrie. L’Esprit saint fait connaître encore aux apôtres les épreuves qu’ils devaient endurer pour le nom de Jésus-Christ, et les biens qui devaient être la récompense de ces mêmes épreuves.




S. Chrysostome : (hom. 78.) C’est ainsi que Notre-Seigneur élève l’esprit et les pensées de ses disciples, car rien n’excite à un plus haut degré la curiosité et les désirs de la nature humaine, comme la connaissance do l’avenir. Il les délivre donc de celte sollicitude en leur révélant les épreuves qui les attendent, afin qu’ils n’y tombent point sans y être préparés. Il leur explique ensuite quelle est cette vérité dont il a dit : « L’Esprit saint vous enseignera toute vérité, » en ajoutant : « Il me glorifiera, » etc. — S. AUG. (Traité 6 sur S. Jean.) C’est-à-dire qu’en répandant la charité dans les meurs des fidèles, et en les rendant des hommes spirituels, l’Esprit saint leur a fait connaître que le Fils était égal au Père, lui qu’ils ne connaissaient auparavant que selon la chair, et que dans leurs pensées tout humaines, ils ne considéraient que comme un homme. Ou bien encore : « Il me glorifiera, » parce que la charité remplissant les apôtres de confiance, et bannissant la crainte de leurs cœurs, ils ont annoncé Jésus-Christ aux hommes, et répandu la connaissance de son nom dans tout l’univers, car le Sauveur attribue ici à l’Esprit Saint ce que les apôtres devaient faire sous son inspiration. — S. Chrysostome : Et comme il leur avait dit précédemment : « Vous n’avez qu’un seul maître, qui est le Christ ; » (Mt 23) pour les disposer à recevoir les leçons de l’Esprit saint, il ajoute : « Il recevra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera. » — DIDYME. Il faut entendre ce mot recevoir dans un sens qui puisse convenir à la nature divine ; car de même que le Fils en donnant, ne perd point ce qu’il donne, et n’éprouve aucun dommage de ce qu’il accorde aux autres ; ainsi l’Esprit saint ne reçoit point ce qu’il n’avait pas auparavant, car s’il a reçu ce qu’il n’avait pas, en communiquant lui-même cette même grâce à un autre, il s’est appauvri de ce qu’il donnait. Comprenons donc que l’Esprit saint a reçu du Fils ce qui était propre à sa nature, qu’il n’y a point ici une personne qui donne et une personne qui reçoit, mais une seule et même nature, car le Fils lui-même reçoit du Père les propriétés qui font sa nature ; en effet, le Fils n’est rien en dehors de ce qui lui est donné par son Père, de même qu’on ne peut concevoir la nature de l’Esprit saint en dehors de ce qui lui est donné par le Fils.




S. AUG. (Traité 6 sur S. Jean.) Il ne faut point toutefois penser, comme l’ont fait quelques hérétiques, que l’Esprit saint soit moindre que le Fils, parce que le Fils reçoit du Père, et que le Saint-Esprit reçoit du Fils en suivant certains degrés qui établiraient une différence entre leurs natures, aussi le Sauveur se hâte de résoudre cette difficulté et d’expliquer ces paroles en ajoutant : « Tout ce qu’a mon Père est à moi. — DIDYME. C’est-à-dire, quoique l’Esprit de vérité procède du Père, cependant, comme tout ce qui est à mon Père est à moi, l’Esprit du Père est le mien, et il recevra de ce qui est à moi. Gardez-vous, en entendant ces paroles de soupçonner ici une chose ou une propriété quelconque qui serait possédée par le Père et par le fils ; tout ce que le Père a dans sa nature, c’est-à-dire dans son éternité, dans son immutabilité, dans sa bonté, le Fils l’a également. Rejetons donc bien loin tous ces filets des raisonneurs et des sophistes qui viennent nous dire : « Donc le Père est le Fils ; » s’il avait dit : Tout ce qu’a Dieu est à moi, leur impiété pourrait y trouver matière à ces inventions sacrilèges, mais comme il a dit : « Tout ce qu’a mon Père est à moi, » en proclamant le nom de son Père, il déclare lui-même qu’il est Fils, et il se garde bien, lui qui est le Fils, d’usurper la paternité, bien que par la grâce de l’adoption, il soit lui-même le Père d’un grand nombre de saints.




S. HIL. (De la Trin., 8) Notre-Soigneur n’a donc point laissé dans l’incertitude si le Saint-Esprit venait du Père ou du Fils ; il a reçu du Fils d’être envoyé, et il procède du Père. Mais je demande si c’est une même chose pour l’Esprit saint de recevoir du Fils et de procéder du Père ? On devra certainement reconnaître que c’est une seule et même chose de recevoir du Fils et de recevoir du Père ; car lorsque Nôtre-Seigneur dit : « Tout ce qu’a mon Père est à moi, » et qu’il dit eu même temps que l’Esprit saint recevra de ce qui est à lui, il enseigne par-la même qu’il doit recevoir également du Père. Il dit cependant qu’il recevra de ce qui est à lui, parce que tout ce qui est à son Père est à lui. Cette unité ne peut donc admettre de différence, peu importe de qui on reçoit, puisque ce qui est donné par le Père est considéré comme donné par le Fils.

Versets 16-22.



S. Chrysostome : (hom. 79 sur S. Jean.) Après avoir répandu la joie dans l’âme de ses disciples, par la promesse qu’il leur a faite de leur envoyer l’Esprit saint, le Sauveur les attriste de nouveau en leur disant : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus. » Il agit de la sorte pour les préparer, par ce langage triste et sévère, à l’idée de sa séparation prochaine ; car rien n’est plus propre à calmer l’âme plongée dans la tristesse et l’affliction, comme la pensée fréquente des motifs qui ont produit en elle cette tristesse. — Bède : (hom. 1, pour le 2° Dim. ap. l’oct. de Pâq.) Il dit : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus, » parce qu’il fut arrêté cette nuit par les Juifs, crucifié le jour suivant, enseveli vers le soir, et qu’il disparut ainsi aux regards des hommes. — S. Chrysostome : En méditant sérieusement ces paroles : « Parce que je m’en vais à mon Père, » on y trouve un motif de consolation, car Notre-Seigneur montre ainsi qu’il ne doit point périr sans retour, et que sa mort n’est qu’un passage de ce monde à son Père. Il les console, encore en ajoutant : « Et encore un peu de temps, et vous me verrez ; » car il leur apprend ainsi qu’il reviendra, que la séparation sera courte, et que la réunion avec eux durera éternellement.




S. AUG. (Traité 100 sur S. Jean.) Ces paroles du Sauveur étaient obscures pour les disciples avant l’accomplissement des événements qu’elles avaient pour objet. Aussi : « Plusieurs de ses disciples se dirent l’un à l’autre : Qu’est-ce qu’il nous dit : Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus : et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais à mon Père ? » — S. Chrysostome : Ils ne comprenaient pas, soit à cause de la tristesse qui les empêchait de penser à ce qu’il leur disait, soit à cause de l’obscurité des paroles elles-mêmes, qui paraissaient renfermer deux choses contradictoires, mais qui ne l’étaient pas en réalité ; car, si nous vous voyons, pouvaient-ils dire, comment vous en allez-vous ? Et si vous vous en allez, comment pourrons-nous vous voir ? C’est pour cela qu’ils se demandent l’un à l’autre : « Qu’est-ce qu’il nous dit : Encore un peu de temps ? Nous ne savons ce qu’il veut dire. » — S. AUG. Dans ce qui précède, Notre-Seigneur, en leur disant : « Je vais à mon Père, » sans ajouter : « Dans un peu de temps, vous ne me verrez plus, » leur avait parlé ouvertement. Mais ce qui put alors leur paraître obscur, et qui leur fut bientôt dévoilé, nous est aussi parfaitement connu. En effet, la passion et la mort du Sauveur arrivèrent quelque temps après, et ils ne le virent plus ; puis, peu de temps après, il ressuscita et ils le virent de nouveau. Il leur dit aussi : « Et vous ne me verrez plus, » parce qu’ils ne devaient plus voir Jésus-Christ dans la nature mortelle dont il était revêtu.




ALCUIN. On peut dire encore que ce peu de temps pendant lequel ils ne le verront pas, ce sont les trois jours qu’il fut déposé dans le sépulcre, et que ce peu de temps après lequel ils le reverront, ce sont les quarante jours qui suivirent sa passion et sa résurrection, et pendant lesquels il leur apparut plusieurs fois jusqu’au jour de son ascension. Pendant ce court espace de temps, vous me verrez, jusqu’au jour où je m’eu irai à mon Père ; car je ne dois pas toujours rester corporellement sur cette terre, mais je dois remonter dans le ciel avec l’humanité que j’ai prise dans mon incarnation.




« Jésus, connaissant qu’ils voulaient l’interroger, leur dit : Vous vous demandez les uns aux autres ce que j’ai dit : Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et encore un peu de temps, et vous me verrez. « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous gémirez. » Ce bon Maître, qui voit leur ignorance, répond au doute que ses paroles avaient fait naître, en leur expliquant le sens de ce qu’il vient de leur dire. — S. AUG. On peut entendre ces paroles de la tristesse des apôtres après la mort du Sauveur, et de la joie que leur fit éprouver sa résurrection ; et le monde alors (c’est-à-dire les ennemis de Jésus-Christ, qui le firent mourir), se réjouit de la mort du Sauveur, tandis que ses disciples étaient dans la tristesse. « Le monde se réjouira, » etc. — ALCUIN. Ces paroles du Seigneur peuvent s’appliquer à tous les chrétiens qui tendent aux joies éternelles par les larmes et les souffrances de cette vie ; tandis que les justes pleurent, le monde se réjouit, parce qu’il ne connaît que les joies de la vie présente, et n’espère en aucune façon les joies de l’autre vie.

S. Chrysostome : Nôtre-Seigneur voulant ensuite leur montrer que la tristesse engendre la joie, comme aussi que cette tristesse sera courte, tandis que leur joie n’aura point de fin, emprunte cette comparaison aux choses du monde : « Une femme, lorsqu’elle enfante, a de la tristesse, parce que son heure est venue ; mais lorsqu’elle a mis un enfant au jour, elle ne se souvient plus de ses douleurs, à cause de sa joie, parce qu’un homme est né au monde. » — S. AUG. Cette comparaison n’est pas difficile à comprendre, parce que les termes en sont connus, puisque c’est celui même qui la propose qui en fait l’application : « Vous donc aussi, vous avez maintenant de la tristesse ; mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira. » Le travail de l’enfantement est ici comparé à la tristesse, et la délivrance à la joie, qui est ordinairement d’autant plus grande, que ce n’est pas une fille, mais un garçon qu’on a mis au monde. Il ajoute : « Et personne ne vous ravira votre joie, » parce que Jésus est lui-même leur joie, et que, comme le dit l’Apôtre : « Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts, ne meurt plus, et la mort n’a plus d’empire sur lui. » (Rm 6, 9.) — S. Chrysostome : Par la comparaison qui précède, il veut aussi exprimer, d’une manière figurée, qu’il s’est délivré des étreintes de la mort, et qu’il a lui-même régénéré le nouvel homme. Et il ne dit pas qu’il n’aura point de tribulation, mais qu’il ne s’en souviendra point, tant sera grande la joie qui lui succédera : et il en sera de même pour les saints. Il ne dit pas non plus : Parce qu’un enfant, mais : « Parce qu’un homme est venu au monde, » annonçant ainsi, en termes couverts, sa résurrection. — S. AUG. Mais je crois qu’il est mieux d’entendre de la vision et de la joie des cieux, ces paroles : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; » et alors, ce peu de temps, c’est toute la durée du siècle présent. C’est pour cola que Notre-Seigneur ajoute : « Parce que je vais à mon Père, » paroles qui se rapportent à la première proposition : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; » et non à la seconde : « Encore un peu de temps, et vous me verrez, » car c’est eu allant à son Père qu’il est devenu invisible pour eux. Il leur dit donc, à ceux qui le voyaient corporellement : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus, » parce qu’il devait aller à son Père, et qu’ils ne devaient plus le voir désormais dans cette nature mortelle, qu’ils voyaient de leurs yeux, lorsqu’il leur tenait ce langage. Ce qu’il ajoute : « Et encore un peu de temps, et vous me verrez, » est une promesse qui s’adresse à toute l’Église. Ce peu de temps nous paraît bien long, parce qu’il dure encore ; mais lorsqu’il sera écoulé, nous comprendrons alors combien courte a été sa durée.




ALCUIN. Cette femme, c’est la sainte Église qui est féconde en bonnes œuvres, et qui engendre à Dieu des enfants spirituels. Cette femme, tant que dure pour elle le travail de l’enfantement (c’est-à-dire, tant qu’elle s’applique à faire des progrès dans la vertu, tant qu’elle est exposée aux tentations et aux épreuves), a de la tristesse, parce que l’heure de la souffrance est venue pour elle ; car il n’est personne qui ait de la haine pour sa propre chair. (Ep 5, 30.) — S. AUG. Et cependant jusque dans l’enfantement de cette joie, notre tristesse elle-même n’est pas sans quelque joie, car, comme le dit l’Apôtre : « Nous nous réjouissons en espérance, » (Rm 12) parce qu’en effet, la femme à laquelle Jésus-Christ nous compare, se réjouit beaucoup plus de l’enfant qu’elle doit mettre au monde, qu’elle n’est triste des douleurs actuelles qu’elle ressent. — ALCUIN. Mais lorsqu’elle a mis au monde son enfant (c’est-à-dire, lorsqu’ayant triomphé de toutes ses épreuves, elle arrive à recueillir les palmes de la victoire), elle ne se souvient plus des douleurs qui ont précédé, tant est grande la joie de la récompense qui lui est donnée, en effet de même qu’une femme se réjouit d’avoir mis un homme au monde, ainsi l’Église est remplie d’une juste allégresse, en voyant le peuple des fidèles qu’elle a enfanté à la vie éternelle. — Bède : Il ne doit point nous paraître étrange d’entendre parler de la naissance de celui qui sort de cette vie, car de même qu’on dit de celui qui sort du sein de sa mère pour voir cette lumière sensible, qu’il naît à la vie ; ainsi on peut dire de celui qui, délivré des liens de la chair, est élevé jusqu’à la contemplation de la lumière éternelle, qu’il naît à une nouvelle vie, et c’est pour cela que les fêtes des saints sont appelées les anniversaires, non de leur mort, mais de leur naissance.




ALCUIN. Nôtre-Seigneur dit à ses Apôtres : « Je vous verrai de nouveau, » c’est-à-dire, je vous prendrai avec moi, ou bien : « Je vous verrai de nouveau, » c’est-à-dire, j’apparaîtrai de nouveau à vos regards, « et votre cœur se réjouira. » — S. AUG. (Traité 1) L’Église enfante maintenant par ses désirs le fruit de tous ses travaux, elle l’enfantera alors par la contemplation, elle enfantera par conséquent un enfant mâle, parce que tous les devoirs de la vie active se rapportent à ce fruit de la contemplation ; le seul fruit vraiment libre est celui qu’on recherche pour soi, et qui ne se rapporte pas à un autre, la vie active lui est subordonnée, car toutes les bonnes œuvres se rapportent à lui, c’est la fin qui nous suffit ; ce fruit sera donc éternel, car la seule fin qui puisse nous suffire est celle qui n’a pas de fin. C’est de cette fin qui doit combler tous nos désirs que le Sauveur nous dit a juste titre : « Et personne ne vous ravira votre joie. »




Versets 23-28.



S. Chrysostome : (hom. 79 sur S. Jean.) Nôtre-Seigneur montre de nouveau à ses disciples qu’il leur est avantageux qu’il s’en aille, en leur disant : « Et en ce jour-là, vous ne m’interrogerez plus sur rien. » — S. AUG. (Traité 101 sur S. Jean.) Le mot rogare ne signifie pas seulement demander, mais aussi interroger, et le verbe qui se trouve dans l’Evangile grec, dont le nôtre est une traduction, peut signifier également l’un et l’autre. — S. Chrysostome : Il leur dit donc : « En ce jour-là (c’est-à-dire, lorsque je serai ressuscité), vous ne m’interrogerez plus, » c’est-à-dire, vous ne direz pas : Montrez-nous votre Père, et où allezvous ? car l’Esprit saint vous l’apprendra. On bien encore, vous ne me demanderez rien, c’est-à-dire, vous n’aurez pas besoin de médiateur pour obtenir l’effet de vos prières, mon nom seul suffira, et en l’invoquant, vous recevrez tout ce. que vous demanderez : « En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera. » Il fait voir ainsi la puissance de son nom, puisque sans le voir, sans le prier, il suffira de prononcer ce nom pour qu’il opère des merveilles auprès de son Père. Ne vous regardez donc point comme abandonnés, parce que je ne serai plus avec vous ; mon nom seul vous inspirera une plus grande confiance : « Jusqu’à présent, vous n’avez rien demandé en mon nom, demandez et vous recevrez, afin que voire joie soit pleine. » — THEOPHYL. Votre joie sera entière et parfaite, lorsque vos vœux seront pleinement satisfaits.




S. Chrysostome : Comme ses paroles étaient encore couvertes d’un certain voile pour ses disciples, il ajoute : « Je vous ai dit ces choses en paraboles, vient l’heure où je ne vous parlerai plus en paraboles, » c’est-à-dire, il viendra un temps (c’est le temps de sa résurrection), où vous comprendrez parfaitement ce que je vous dirai, et où je vous parlerai ouvertement de mon Père ; et, en effet, pendant quarante jours, il s’entretint avec tous ses disciples réunis du royaume de Dieu. Maintenant, leur dit-il, vous êtes remplis de crainte, et ne prêtez point d’attention à ce que je vous dis, mais lorsque vous me verrez ressuscité, vous pourrez apprendre toutes choses sans qu’il y ait pour vous d’obscurité.




THEOPHYL. Il leur donne encore un nouveau motif de confiance, c’est qu’ils recevront dans leurs tentations le secours d’en haut : « En ce jour-là, vous demanderez en mon nom, » c’est-à-dire, je vous déclare que mon Père vous aime à ce point, que vous n’aurez plus besoin de mon intervention : « Et je ne vous dis point que je prierai mon Père pour vous, » etc. Mais ce ne doit pas être pour eux une raison de s’éloigner du Sauveur, comme s’ils n’en avaient plus besoin, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Parce que vous m’avez aimé, » c’est-à-dire, mon Père vous aime, parce que vous m’avez aimé, si donc vous veniez à vous détacher de mon amour, vous perdriez immédiatement l’amour de mon Père.




S. AUG. (Traité 102 sur S. Jean.) Mais notre amour pour le Fils de Dieu est-il le motif de l’amour de son Père pour nous ? N’est-ce point, au contraire, son amour pour nous qui est la cause de notre amour ? C’est ce que nous dit l’évangéliste saint Jean, dans une de ses Epîtres : « Aimons Dieu, parce qu’il nous a aimés le premier. » (l Jn iv.) Le Père nous aime donc, parce que nous aimons le Fils, en vertu du pouvoir que le Père et le Fils nous ont donné de les aimer. Dieu aime en nous son œuvre, mais Dieu n’aurait pas fait en nous ce qui est digne de son amour, si avant de le faire il ne nous avait aimés le premier. — S. HIL. (de la Trin., 6) La foi parfaite que nous avons en Jésus-Christ, Fils de Dieu, n’a plus besoin d’intercession auprès de Dieu, car elle croit qu’il est sorti de Dieu et qu’elle l’aime, et elle mérite ainsi d’être écoutée et d’être aimée par elle-même, parce qu’elle professe hautement la naissance divine du Fils et son incarnation : « Et parce que vous avez cru que je suis sorti de Dieu. » C’est, en effet, à sa naissance divine et à son avènement en ce monde, que le Sauveur fait allusion dans ces paroles : « Je suis sorti de mon Père, et je suis venu en ce monde ; » la première de ces deux choses s’est accomplie dans sa nature divine, la seconde dans sou incarnation ; car ces deux expressions : « Venir de son Père, et sortir de son Père, » n’ont plus la même signification ; autre chose, en effet, est pour le Fils de sortir du Père par une naissance qui lui donne toute la substance divine ; autre chose est d’être venu du Père en ce monde pour y consommer les mystères de notre saint. Mais comme sortir de Dieu n’est autre chose que d’avoir par naissance la nature divine, celui qui a le privilège de cette naissance ne peut être que Dieu.




S. Chrysostome : Comme la promesse de la résurrection du Sauveur était un véritable adoucissement à leurs peines, aussi bien que de lui entendre dire qu’il sortait de Dieu et qu’il retournait à Dieu, il les entretient continuellement dans cette pensée : « Je quitte de nouveau le monde et je vais à mon Père. » Il leur donnait ainsi la certitude d’un côté qu’ils avaient en lui une foi droite et pure, et de l’autre qu’ils seraient désormais sous sa protection. — S. AUG. Il est sorti du Père, parce qu’il vient du Père, et il est venu dans le monde, parce qu’il est apparu au monde dans le corps qu’il avait pris dans le sein de la vierge Marie. Il a quitté le monde corporellement, et il est retourne vers son Père, en conduisant son humanité dans les cieux ; mais il n’a point cessé de gouverner le monde par sa présence, parce qu’il est sorti de son Père pour venir dans le monde sans quitter le sein de son Père. Or, nous voyons que les Apôtres et les disciples de Jésus-Christ lui ont adressé, après sa résurrection, et des questions et des prières ; des questions, lorsqu’ils lui demandèrent avant son ascension, en quel temps il rétablirait le royaume d’Israël (Ac 1), des prières lorsque Etienne le vit dans les deux à la droite du Père, et le pria de recevoir son esprit. (Ac 6) Et qui oserait dire que nous ne devions plus le prier depuis qu’il est immortel, tandis qu’on devait le prier pendant sa vie mortelle ? Je pense donc que ses paroles : « En ce jour-là vous ne me demanderez plus rien, » ne doivent pas être rapportées au temps qui suivit sa résurrection, mais à celui où nous le verrons tel qu’il est (1 Jn 3), vision qui n’est pas de cette vie que le temps mesure, mais qui est le privilège de cette vie éternelle, dans laquelle nous n’aurons plus aucune prière, aucune question à faire, parce qu’il ne nous restera plus rien à désirer, rien à connaître.




ALCUIN. Voici donc le sens des paroles du Sauveur : Dans la vie future, vous ne me demanderez plus rien, mais durant le pèlerinage de cette vie de misères et d’épreuves, si vous demandez quelque chose à mon Père, il vous l’accordera. Comme il le déclare expressément : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous demandez quelque chose à mon Père on mon nom, il vous l’accordera. » — S. AUG. Il ne veut point dire toutes sortes de choses indifféremment, mais quelque chose, qui ne soit pas comme un rien en comparaison de la vie éternelle. Or, toute prière dont l’objet est contraire aux intérêts de notre salut, n’est pas faite au nom du Sauveur, car par ces paroles : « En mon nom, » il faut entendre, non pas le son extérieur des lettres et des syllabes dont ce nom est composé, mais la signification véritable de ce nom. Donc celui qui a de Jésus-Christ des idées autres que celles qu’il faut avoir du Fils unique de Dieu, ne demande point en son nom, bien que ses lèvres prononcent le nom de Jésus-Christ, parce qu’il demande au nom de celui qui est présent à sa pensée, au moment de sa prière. Celui, au contraire, qui a de Jésus-Christ des idées justes et droites, demande véritablement en son nom, et reçoit infailliblement l’objet de ses prières, s’il ne demande rien du contraire au salut éternel de son âme. Or, il reçoit dans le temps où Dieu juge devoir l’exaucer, car il est des choses que Dieu ne nous refuse pas, mais qu’il diffère de nous donner dans un temps plus favorable. Il font encore entendre ces paroles : « Il vous donnera, » des grâces exclusivement propres à ceux qui demandent ; car tous les saints sont exaucés dans les prières qu’ils font pour eux-mêmes, mais non dans celles qu’ils adressent à Dieu pour tous les antres, parce qu’en effet, le Sauveur ne dit pas en général : Il donnera, mais : « Il vous donnera. » Quant aux paroles qui suivent : « Jusqu’à présent, vous n’avez rien demandé en mon nom, » on peut les entendre de deux manières : Ou bien, vous n’avez rien demandé en mon nom, parce que vous n’aviez pas de ce nom le connaissance que vous deviez en avoir, ou bien vous n’avez rien demandé, parce que ce qui a fait l’objet de vos prières doit être considéré comme rien, en comparaison de ce que vous auriez dû demander. C’est donc, pour les engager à ne plus demander des choses de rien, mais une joie pleine et entière, qu’il ajoute : « Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit pleine. » Cette joie pleine n’est point une joie sensible, mais une joie toute spirituelle, et elle sera pleine, lorsqu’elle sera si grande, qu’on ne pourra plus y rien ajouter.




S. AUG. (de la Trin., 1, 2.) Cette joie pleine, au-dessus de laquelle il n’y a plus rien, sera de jouir de la présence de Dieu dans la Trinité, à l’image de laquelle nous avons été créés. — S. AUG. (Traité 102 sur S. Jean.) C’est donc au nom de Jésus-Christ qu’il nous faut demander tout ce qui tend à nous faire obtenir cette joie éternelle, et jamais la miséricorde divine ne trompera la confiance de ses saints qui persévèrent dans la demande d’un si grand bien.. Tout ce qu’on demande en dehors de ce bien, n’est rien, non pas que l’objet de nos prières soit nul absolument, mais parce qu’un comparaison d’un si grand bien, tout ce que l’on peut désirer n’est rien.




« Je vous ai dit ces choses en paraboles, mais vient l’heure où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père. » Je dirais volontiers que cette heure dont il parle est la vie future où nous le verrons à découvert, comme le dit l’Apôtre : « Nous le verrons face à face. » (1 Co 13, 12.) Et alors ces paroles du Sauveur : « Je vous ai dit ces choses en paraboles, » se rapporteraient à ce que dit saint Paul : « Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et sous des images obscures, » je vous parlerai ouvertement de mon Père, parce que c’est par le Fils qu’on peut voir le Père, « car personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils a voulu le révéler. » (Mt 11) — S. GREG. (Moral., 20, 5, ou dans les anc. éd., 8.) Il leur annonce qu’il leur parlera ouvertement de son Père, parce qu’en leur découvrant l’éclat de sa majesté, il leur fera voir comment il est égal dans sa naissance à celui qui l’a engendré, et comment l’Esprit saint est coéternel au Père et au Fils dont il procède. — S. AUG. Mais les paroles qui suivent semblent s’opposer à l’explication que nous venons de donner : « En ce jour, dit le Sauveur, vous demanderez en mon nom, » car que pourrons-nous demander dans le siècle futur, quand nos désirs seront rassasiés de l’abondance de tous les biens ? car la demande suppose toujours une indigence quelconque. Il est donc mieux d’entendre ces paroles dans ce sens, que Jésus rendra ses disciples spirituels de charnels, et d’esclaves de leurs sens qu’ils étaient. En effet l’homme animal ne se représente que sous des images matérielles et sensibles tout ce qu’il entend dire de la nature de Dieu. Tous les enseignements de la sagesse sur la nature incorporelle et immuable de Dieu sont pour lui autant de paraboles, non qu’il les prenne positivement pour des paraboles, mais parce qu’il n’a d’autres pensées que ceux qui entendent des paraboles sans les comprendre. Mais lorsque l’homme devenu spirituel commence à juger tout avec discernement, bien que dans cette vie il ne puisse voir que comme dans un miroir et en partie, il comprend que Dieu n’est pas un corps, mais un esprit, et cela sans l’aide d’aucun sens, d’aucune image sensible, mais par une perception claire et distincte de son intelligence. Lorsque le Fils nous parle ainsi à découvert de son Père, et nous fait voir en même temps qu’il a une même nature avec, lui, alors nous demandons véritablement en son nom, parce que ce nom représente alors à notre esprit la vérité même qu’il exprime. Nous pouvons comprendre alors que Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, en tant qu’homme, prie pour nous son Père, et que, comme Dieu, il nous exauce conjointement avec son Père, ce qu’il paraît indiquer dans les paroles suivantes : « Et je ne vous dis pas que je prierai mon Père pour vous. » Il n’y a, en effet, que l’œil spirituel de l’âme qui puisse s’élever jusqu’à cette vérité que le Fils ne prie pas le Père, mais que le Père et le Fils exaucent ensemble les prières qui leur sont adressées.

Versets 29-33



S. Chrysostome : (hom. 79 sur S. Jean.) Les disciples de Jésus consolés et ranimés par l’assurance qui leur est donnée qu’ils sont les amis du Père, lui avouent qu’ils reconnaissent maintenant qu’il sait toutes choses : « Ses disciples lui dirent : Voilà que maintenant vous parlez ouvertement, et sans vous servir d’aucune parabole. » — S. AUG. (Traité 103 sur S. Jean.) Le Sauveur leur annonce et leur promet seulement que l’heure vient où il ne leur parlera plus en paraboles, d’où vient donc qu’ils lui tiennent ce langage, sinon qu’ils ne comprennent pas les paraboles dont il se sert, et que leur ignorance est si grande, qu’ils ne la connaissent même pas ? — S. Chrysostome : Nôtre-Seigneur, dans les paroles qui précèdent, a répondu aux secrètes pensées de leur esprit, et c’est pour cela qu’ils lui disent : « Maintenant nous voyons que vous savez toutes choses. » Voyez comme ils étaient encore imparfaits ; après tant et de si grandes preuves qu’il leur avait données, ils lui disent : « C’est maintenant seulement que nous savons ; » ils semblent lui en faire un mérite. « Et il n’est pas besoin que personne vous interroge, » c’est-à-dire, avant même que nous vous le disions, vous saviez ce qui était pour nous un sujet de trouble, et vous nous avez rassurés en nous disant que votre Père nous aimait.




S. AUG. Les apôtres étaient convaincus maintenant que le Sauveur savait toutes choses, d’où vient donc qu’au lieu de lui dire, ce qui paraissait bien plus naturel : Vous n’avez pas besoin d’interroger sur aucune chose, ils lui disent au contraire : « Il n’est pas besoin que personne vous interroge ? » Ou plutôt comment se fait-il que les deux choses eurent lieu, c’est-à-dire que le Seigneur les interrogea, et qu’ils l’interrogèrent à leur tour ? La solution de cette difficulté est facile, car ce n’était que pour eux et non pour lui qu’il les interrogeait, ou qu’il en était interrogé lui-même. En effet, il ne les interrogeait pas pour en apprendre quelque chose, mais bien plutôt pour les enseigner eux-mêmes ; et ses disciples, qui l’interrogeaient pour en apprendre ce qu’ils voulaient savoir, avaient besoin d’être instruits à l’école de celui qui savait toutes choses. Pour lui au contraire il n’avait aucun besoin qu’on l’interrogeât pour qu’il connût ce que chacun d’eux voulait savoir de lui ; car avant même qu’on lui fit aucune question, il connaissait l’intention de celui qui allait l’interroger. Ce n’était point sans doute une chose extraordinaire pour le Seigneur de prévoir les pensées des hommes, mais pour des hommes faibles il y avait un certain mérite à dire comme ils le font : « En cela nous croyons que vous êtes sorti de Dieu. » — S. HIL. (De la Trin., 6) Ils croient qu’il est sorti de Dieu, parce qu’il fait des œuvre que Dieu seul peut faire. Le Sauveur leur avait déjà dit plusieurs fois : « Je suis sorti de Dieu, et je suis venu de mon Père en ce monde, » et cette déclaration si souvent répétée, n’avait excité en eux aucun sentiment d’admiration ; aussi ils n’ajoutent pas : Vous êtes venu de votre Père en ce monde ; car ils savaient qu’il avait été envoyé de Dieu, mais ils ne savaient pas qu’il était sorti de Dieu, ils ne commencèrent à comprendre cette ineffable naissance du Fils de Dieu que grâce à ces derniers enseignements du Sauveur, et c’est alors qu’ils reconnaissent qu’il ne leur parlait plus en paraboles. Ce n’est point en effet à la manière des enfantements humains, qu’un Dieu naît d’un Dieu, c’est plutôt une sortie qu’un enfantement, car il vient seul d’un principe unique, il n’en est pas une partie, un amoindrissement, une diminution, une dérivation, une extension, une affection, c’est la naissance d’un être vivant sortant d’un être vivant, il n’est point choisi pour recevoir le nom de Dieu, il n’est point sorti du néant pour arriver à l’existence, il est sorti d’un être immuable, et cette sortie doit s’appeler une naissance, mais non un commencement.




S. AUG. Le Sauveur leur donne ensuite des avis proportionnés à l’état de faiblesse et d’enfance où se trouvait encore en eux l’homme intérieur : « Jésus leur répondit : Vous croyez maintenant ? » — Bède : Ce que l’on peut entendre de deux manières : comme une affirmation, ou comme une ironie ; comme une ironie dans ce sens : Il est bien tard pour commencer à croire ; car voici l’heure, etc., comme une affirmation, c’est-à-dirc : « Vous croyez maintenant ; il est vrai, mais voici que vient l’heure, et déjà elle est venue où vous serez dispersés chacun de votre côté, et où vous me laisserez seul. » — S. AUG. En effet lorsqu’on se saisit de sa personne, ils n’abandonnèrent pas seulement extérieurement son corps au pouvoir de ses ennemis ; mais ils renoncèrent intérieurement à la foi qu’ils avaient en lui. — S. Chrysostome : Il leur dit : « L’heure est venue que vous soyez dispersés, » c’est-à-dire quand je serai livré à mes ennemis, car la crainte qui s’emparera de vous sera si grande, que vous ne pourrez fuir tous ensemble ; mais pour moi il n’en résultera aucun mal. « Et je ne suis pas seul, parce que mon Père est avec moi. » — S. AUG. Il voulait que leur foi prît de l’accroissement et que leur intelligence s’élevât jusqu’à comprendre que le Fils était sorti du Père, mais sans le quitter. Il conclut son discours par ces paroles : « Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. » — S. Chrysostome : C’est-à-dire afin que vous ne me repoussiez jamais de votre cœur, car ce n’est pas seulement lorsque je serai pris par mes ennemis que vous serez assaillis par le malheur ; tant que vous serez dans le monde, vous serez opprimés, c’est-à-dire, persécutés, c’est ce qu’il leur prédit en ces termes : « Dans le monde vous aurez des tribulations. » — S. GREG. (Moral., 26, 12, ou 11 dans les anc. éd.) Il semble leur dire : Placez en moi toute votre consolation et votre force intérieure, car pour le monde, vous n’avez à en attendre que l’oppression et la persécution la plus cruelle.




S. AUG. Cette oppression devait commencer pour eux à cette heure dont Jésus leur disait : « Vient l’heure où vous serez dispersés chacun de votre côté, » mais elle ne devait pas se continuer de la même manière. Car ce qu’il ajoute : « Et que vous me laissiez seul, » ne devait point s’appliquer aux persécutions qu’ils auraient à endurer dans le monde, après son ascension ; alors, au contraire, loin de l’abandonner, il veut qu’ils lui demeurent attachés et qu’ils mettent en lui leur paix. Il leur dit encore : « Ayez confiance. » — S. Chrysostome : C’est-à-dire que votre âme ressuscite et revienne à la vie, car il ne faut pas que les disciples restent dans la tristesse et les alarmes, alors que leur Maître a triomphé de leurs ennemis. C’est pour cela qu’il ajoute : « Parce que j’ai vaincu le monde. » — S. AUG. Lorsqu’ils eurent reçu l’Esprit saint, c’est en Jésus-Christ qu’ils mirent toute leur confiance, et c’est par lui qu’ils remportèrent la victoire ; car on ne pourrait dire que le Sauveur a vaincu le monde, si ses membres étaient vaincus par le monde. (Traité 104.) Quant à ces paroles : « Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi, » nous ne devons pas seulement les entendre de ce qu’il vient de dire immédiatement à ses disciples, mais de tous ses enseignements, soit de ceux qu’il leur a donnés depuis qu’ils ont commencé à être ses disciples, soit de ce long et admirable discours qui suivit la cène. Le but qu’il s’est proposé dans tons ces discours il l’a dit en termes exprès, c’est qu’ils placent en lui leur paix ; cette paix n’aura point de fin comme le temps, mais elle sera elle-même la fin de toutes nos pieuses intentions et de nos saintes actions.