Chapitre 9 Chaîne d’or sur l’évangile de saint Jean Chapitre 11


CHAPITRE X


Versets. 1-6.


S. Chrysostome : (hom. 59 sur S. Jean.) Nôtre-Seigneur venait de convaincre les Juifs d’aveuglement, mais ils pouvaient lui répondre : Ce n’est point par aveuglement que nous ne vous suivons pas, nous nous séparons de vous comme d’un imposteur, il veut donc leur prouver que loin d’être un imposteur, il est le véritable pasteur, en donnant les signes distinctifs de l’un et de l’autre, et d’abord le signalement de l’imposteur et du voleur : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre point par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par un autre endroit, est un voleur et un larron. » Nôtre-Seigneur désigne ici indirectement tons ceux qui sont venus avant lui et ceux qui doivent paraître après lui, l’Antéchrist et les faux prophètes. Les saintes Ecritures sont la porte, car ce sont elles qui ouvrent l’intelligence à la connaissance de Dieu, elles servent d’ailleurs à garder les brebis et ne laissent point approcher les loups, c’est-à-dire, les hérétiques qu’elles empêchent d’entrer dans la bergerie. Celui donc qui, laissant là les Ecritures, veut monter par un autre endroit, et s’ouvre un chemin particulier et non autorisé, est un voleur. Le Sauveur dit : « Il monte, » et non pas : « Il entre, » à l’exemple du voleur qui cherche à escalader le mur de clôture, et s’expose pour cela à tous les dangers. Nôtre-Seigneur ajoute : « Par un autre endroit, » et il désigne à mots couverts les scribes, qui enseignaient des maximes et des doctrines tout humaines, et transgressaient ouvertement la loi. S’il déclare plus bas qu’il est lui-même la porte, il ne faut pas s’en étonner, il s’appelle la porte et pasteur sous des rapports différents. Il est la porte, parce qu’il nous amène à son Père, et il est notre pasteur, parce qu’il nous conduit et nous dirige.


S. AUG. (Traité 45 sur S. Jean.) Ou bien encore, il en est beaucoup que selon l’usage ordinaire de la vie, on appelle des hommes de bien, ils observent d’une manière quelconque les commandements de la loi, et toutefois ils ne sont pas chrétiens et demandent avec fierté comme les pharisiens : « Est-ce que nous sommes aveugles ? » Or, Nôtre-Seigneur leur montre que toutes leurs actions qu’ils ne savent à quelle fin rapporter, sont vaines sous la figure d’un troupeau et de la porte par laquelle on entre dans la bergerie : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre point par la porte, » etc. Que les païens donc, que les Juifs, que les hérétiques disent : « Notre vie est bonne, » à quoi cela leur sert-il s’ils n’entrent point par la porte ? La fin de la bonne vie doit être pour chacun de lui faire obtenir la vie éternelle, et on ne peut appeler des hommes de bien ceux qui, par aveuglement ou bien par orgueil, dédaignent de connaître ce qui doit être la fin de la bonne vie. Or, la véritable espérance de vivre toujours n’est donnée qu’à celui qui connaît la vie qui est Jésus-Christ, et qui entre par la porte dans la bergerie. Que celui donc qui veut entrer dans la bergerie, entre par la porte, qu’il ne se contente pas d’annoncer Jésus-Christ, qu’il cherche la gloire de Jésus-Christ au lieu de chercher la sienne. Mais Jésus-Christ est une porte qui est bien basse, et il faut s’abaisser pour entrer par cette porte sans se blesser la tête, or celui qui s’élève au lieu de s’humilier, veut escalader le mur, et il ne s’élève que pour tomber. Ces hommes, la plupart du temps, cherchent à persuader aux autres à vivre en hommes de bien sans être chrétiens, ils veulent monter et passer ailleurs que par la porte pour ravir et pour tuer. Ce sont des voleurs, parce qu’ils disent que ce qui est aux autres, leur appartient, et des larrons, parce qu’ils tuent ce qu’ils ont volé.


S. Chrysostome : (hom. 59.) Vous avez vu la description du voleur, voici celle du pasteur : « Mais celui qui entre par la porte est le pasteur des brebis. » — S. AUG. (serm. 49 sur les par. du Seign.) Celui qui entre par la porte est celui qui entre par Jésus-Christ, qui imite la passion de Jésus-Christ, qui connaît l’humilité de Jésus-Christ, c’est-à-dire, qu’à la vue d’un Dieu fait homme, l’homme doit reconnaître que lui-même n’est pas Dieu, mais qu’il n’est qu’un homme, car celui qui veut affecter de paraître un Dieu, lorsqu’il n’est qu’un homme, n’imite pas celui qui étant Dieu s’est fait homme. Or, on ne vous dit pas : Soyez moins que ce que vous êtes, mais : Reconnaissez ce que vous êtes en réalité.


« C’est à lui que le portier ouvre. » — S. Chrysostome : (hom. 59.) Rien ne s’oppose à ce que ce portier soit Moïse, car c’est à lui qu’a été confié le dépôt des oracles de Dieu. — THEOPHYL. Ou bien encore ce portier, c’est l’Esprit saint qui nous ouvre le sens des Ecritures pour nous y faire reconnaître le Christ. — S. AUG. Ou bien encore ce portier, c’est le Seigneur lui-même ; dans les choses humaines, en effet, il y a une bien plus grande différence entre le pasteur et la porte qu’entre le portier et la porte, et cependant le Sauveur se donne à la fois comme le pasteur et comme la porte. Pourquoi donc ne pas voir aussi en lui le portier ? Ne s’ouvre-t-il pas lui-même lorsqu’il s’explique lui-même ? Si cependant vous voulez qu’un autre soit le portier, vous pouvez donner cette dénomination à l’Esprit saint, dont le Seigneur a dit : « Il vous enseignera lui-même toute vérité. » (Jn 16) La porte, c’est Jésus-Christ qui est la vérité. Qui ouvre la porte, si ce n’est celui qui enseigne la vérité ? Prenons garde cependant de regarder ici le portier comme supérieur à la porte, parce que dans les maisons des hommes, le portier est plus que la porte, et non la porte plus que le portier.


S. Chrysostome : (hom. 59.) Comme les Juifs traitaient Jésus d’imposteur et confirmaient cette opinion par leur incrédulité, en disant : « Qui d’entre les princes du peuple a cru en lui ? » il leur signifie que pour avoir refusé de l’écouter, ils sont exclus du nombre de ses brebis : « Et les brebis entendent sa voix. » Si en effet, c’est un signe distinctif du pasteur d’entrer par la porte, comme Nôtre-Seigneur lui-même est entré, c’est se séparer du troupeau de ses brebis que de refuser d’écouter sa voix.


« Et il appelle par leur nom ses brebis. » — S. AUG. En effet, il connaît le nom des prédestinés, et c’est pour cela qu’il dit à ses disciples : « Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. » (Lc 10) « Et il les fait sortir. » — S. Chrysostome : (Hom. 59.) Il faisait sortir ses brebis, quand il les envoyait non loin des loups, mais au milieu même des loups. Le Sauveur paraît faire ici allusion à l’aveugle, car en l’appelant, il l’a comme fait sortir du milieu des Juifs. — S. AUG. Quel est celui qui fait véritablement sortir les brebis, si ce n’est celui qui leur remet leurs péchés, afin qu’elles puissent le suivre délivrées qu’elles sont des lourdes chaînes de leur esclavage ? « Et lorsqu’il a fait sortir ses brebis, il marche devant elles. » — LA GLOSE. Il les fait sortir des ténèbres de l’ignorance à la lumière de la vérité, en marchant devant elles, comme il marchait autrefois devant le peuple de Dieu, dans une colonne tour à tour de nuée et de feu. S. Chrysostome : Les bergers font le contraire de ce qui est ici marqué, et marchent après leur troupeau. Nôtre-Seigneur nous apprend qu’il agit tout différemment, parce qu’il conduit ses brebis à la vérité. — S. AUG. Quel est le pasteur qui a précédé ses brebis, si ce n’est celui qui est ressuscité des morts pour ne plus mourir (Rm 6), et qui a dit à son Père : « Mon Père, je veux que là où je suis, ceux que vous m’avez donnés soient aussi avec moi ? » (Jn 17, 24.)


« Et les brebis le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix, mais elles ne suivent point un étranger, » etc. — S. Chrysostome : Ces étrangers sont les partisans de Théodas et de Judas (Ac 6, 36-37), et de tous les faux apôtres qui, après eux devaient tromper le peuple de Dieu. Or, pour n’être point confondu avec eux, il fait voir les différents caractères qui l’en séparent ; d’abord la doctrine des Ecritures, par lesquelles Jésus-Christ amenait les hommes à lui, tandis que les autres en détournaient les hommes ; en second lieu, l’obéissance que les brebis avaient pour lui, car les hommes ont cru en lui, non-seulement pendant sa vie, mais après sa mort, tandis que ces faux pasteurs furent bientôt abandonnés de ceux qui les avaient suivis. — THEOPHYL. Il veut encore désigner ici l’Antéchrist, qui, après avoir égaré un instant les hommes, n’aura point de disciples après sa mort.


S. AUG. Mais comment résoudre celte question ? Ceux qui ne sont pas des brebis de Jésus entendent quelquefois sa voix, comme Judas, par exemple, qui était un loup, tandis qu’une partie de ceux qui avaient crucifié le Sauveur, n’écoutèrent pas sa voix, bien qu’ils fussent du nombre de ses brebis. On peut dire que lorsqu’elles n’entendaient pas sa voix, elles n’étaient pas encore du nombre des brebis, la voix qu’elles ont entendue, les a changés, et en a fait des brebis de loups qu’elles étaient. Je suis encore frappé de ces reproches que Dieu adresse aux pasteurs par la bouche d’Ezéchiel, lorsqu’il leur dit entre autres choses, en parlant des brebis : « Vous n’avez point ramené la brebis qui s’égarait. » (Ez 34, 4.) Elle s’égare et il ne laisse pas de lui donner le nom de brebis ; elle ne s’égarerait pas, si elle entendait la voix du pasteur, et elle ne s’égare que parce qu’elle écoute la voix d’un étranger. Disons donc : « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui, » (2 Tm 2) il connaît les prédestinés, ce sont les brebis. Quelquefois ils ne se connaissent pas eux-mêmes, mais le pas-tour les connaît, car il y a beaucoup de brebis dehors, comme il y a un grand nombre de loups dans l’intérieur. Nôtre-Seigneur veut donc parler ici des prédestinés. Il y a d’ailleurs une certaine voix du pasteur qui ne sera jamais confondue parles brebis avec celle des étrangers, et que ceux qui ne sont pas brebis n’entendront jamais comme la voix de Jésus-Christ. Quelle est cette voix ? « Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. » (Mt 10 et 24) Cette voix est toujours entendue de celui qui appartient à Jésus-Christ ; elle ne l’est pas de celui qui lui est étranger : « Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas ce qu’ils lui disaient. » Nôtre-Seigneur, en effet, nourrit notre âme par les vérités qu’il révèle clairement, et il l’exerce par celles qu’il, laisse dans l’obscurité. Deux hommes entendent les paroles de l’Evangile, l’un est un homme religieux, l’autre est un impie, et ce qu’ils entendent n’est peut-être compris ni de l’un ni de l’autre. L’un s’exprime de la sorte : Ce que le Sauveur vient de nous dire est vrai et bon, mais nous ne le comprenons pas ; cet homme a déjà la foi, il est digne qu’on lui ouvre, s’il persévère à frapper. L’autre, au contraire, soutient qu’il ne leur a rien dit, il a donc encore besoin d’entendre ces paroles : « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. » (Is 7, 9, selon la vers. des Sept.)


Versets. 7-10.


S. Chrysostome : (hom. 59 sur S. Jean.) Nôtre-Seigneur, pour rendre les Juifs plus attentifs, leur explique ce qu’il vient de dire : « Jésus donc leur dit encore : En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis. » — S. AUG. (Traité 45 sur S. Jean.) Voici qu’il ouvre ce qui était fermé, il est lui-même la porte ; entrons et réjouissons-nous d’être entrés.


« Tous ceux qui sont venus sont des voleurs et des larrons. » — S. Chrysostome : (hom. 59.) Ce n’est point aux prophètes que s’appliquent ces paroles, comme le disent les hérétiques, mais à ceux qui ont excité des séditions. Aussi se hâte-t-il de faire l’éloge des brebis en ajoutant : « Et les brebis ne les ont point écoutés ; » or, jamais nous ne le voyons donner des louanges à ceux qui n’ont point obéi aux prophètes, au contraire, il les blâme toujours sévèrement. — S. AUG. Comprenez donc ces paroles dans ce sens : « Tous ceux qui sont venus en dehors de moi ; » or, les prophètes ne sont point venus en dehors de lui, tous ceux qui sont venus avec le Verbe de Dieu sont venus avec lui, et ceux qui sont venus avec lui sont dignes de foi, parce qu’il est lui-même le Verbe et la vérité. Avant de venir lui-même sur la terre, il envoyait devant lui ses hérauts, mais il était le maître des cœurs de ceux qu’il envoyait, car s’il a pris une chair mortelle dans le temps, il existe de toute éternité. Que signifient ces paroles : « De toute éternité ? » « Au commencement était le Verbe. » Or, avant son avènement si plein d’humilité dans la chair, il a paru sur la terre des justes qui croyaient au Christ qui devait venir, comme nous croyons au Christ qui est venu. Les temps ont changé, la foi est restée la même, et cette même foi unit étroitement ceux qui croyaient que le Christ devait venir avec ceux qui croyaient qu’il est venu. Tous ceux donc qui sont venus en dehors de lui sont des voleurs et des larrons, c’est-à-dire, qu’ils ne sont venus que pour voler et pour tuer. Mais les brebis, c’est-à-dire ceux dont saint Paul a dit : « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent, » (2 Tm 2) ne les ont point écoutés. Les brebis n’ont donc pas écouté ceux en qui n’était point la voix de Jésus-Christ, c’étaient des maîtres d’erreur et de mensonge qui ne pouvaient que séduire des âmes infortunées.


Il explique ensuite pourquoi il s’est appelé la porte : « Je suis la porte, si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé. » — ALCUIN. C’est-à-dire, les brebis ne les écoutent point ; mais ils m’écoutent, parce que je suis la porte, et que celui qui entrera par moi sans artifice, en toute sincérité, et en toute persévérance, sera sauvé. — THEOPHYL. Or, le Seigneur conduit ses brebis aux pâturages par la porte : « Et il entrera, et il sortira, et il trouvera des pâturages. » Quels sont ces pâturages ? ce sont les délices du ciel, et ce repos dans lequel Nôtre-Seigneur nous fera entrer. — S. AUG. (Traité 45.) Mais que signifient ces paroles : « Il entrera et il sortira ? » Entrer dans l’Église par la porte elle-même est une excellente chose, mais il n’est pas aussi avantageux de sortir de l’Église. On peut donc dire que nous entrons, quand nous avons quelque pensée au dedans de nous, et que nous sortons quand nous agissons au dehors, selon ces paroles : « L’homme sortira pour accomplir son œuvre. » (Ps 103) — THEOPHYL. Ou bien encore, entrer c’est prendre soin de l’homme intérieur ; sortir, c’est mortifier en Jésus-Christ l’homme extérieur, c’est-à-dire les membres qui sont sur la terre. (Col 3) Celui qui agit ainsi trouvera des pâturages dans la vie future. — S. Chrysostome : (hom. 59.) Peut-être encore ces paroles doivent s’entendre des Apôtres, qui entrèrent et sortirent librement comme les maîtres du monde entier, sans que personne les en pût chasser ou les empêcher de trouver leur nourriture.


S. AUG. (Traité 41) Mais j’aime mieux voir ici un avertissement que la vérité elle-même, comme un bon pasteur, nous confirme dans les paroles qui suivent : « Le larron ne vient que pour dérober, pour égorger, et pour détruire. » — ALCUIN. Paroles dont voici le sens : Les brebis ont raison de ne pas écouter la voix du larron, parce qu’il ne vient que pour voler, en dérobant ce qui ne lui appartient pas, c’est-à-dire, en persuadant à ceux qui le suivent de vivre conformément à ses exemples, au lieu de leur enseigner les préceptes de Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute : « Et pour égorger, » en les détournant de la foi par sa doctrine pernicieuse, « et pour les perdre, » en les précipitant dans l’éternelle damnation. Les larrons ne font donc que voler et égorger ; « mais je suis venu pour qu’elles aient la vie, et une vie plus abondante. » — S. AUG. Je crois que Notre-Seigneur veut dire : Afin qu’elles aient la vie en entrant, c’est-à-dire au moyen de la foi, qui opère par la charité. (Gal 5) Cette foi les fait entrer dans la bergerie, pour leur donner la vie, parce que le juste vit de la foi. (Rom 1, 17.) Il ajoute : « Et une vie plus abondante en sortant, » c’est-à-dire, quand les vrais fidèles sortent de cette vie, et entrent en possession d’une vie plus abondante, qui est pour toujours à l’abri de la mort. Car, bien que sur la terre même, et dans la bergerie, les pâturages ne leur aient pas manqué, ils trouveront alors des pâturages où ils seront pleinement rassasiés, tels que les a trouvés celui à qui Jésus a dit : « Aujourd’hui vous serez avec moi dans le paradis. » — S. GREG. (hom. 13, sur Ezech.) Il entrera donc pour recevoir la foi, il sortira pour entrer dans la claire vision, et il trouvera des pâturages là où son âme sera éternellement rassasiée.


S. Chrysostome : (hom. 59.) Ces paroles : « Le voleur ne vient que pour dérober, pour égorger et pour perdre, » s’appliquent à tous les auteurs de révolte ou de sédition, et elles se sont vérifiées à la lettre dans tous ceux qui ont été misa mort pour les avoir suivis, et qui ont ainsi perdu même la vie présente. Mais pour moi, je suis venu pour le salut de tous, pour qu’ils aient la vie, et une vie plus abondante dans le royaume des cieux, et c’est la troisième différence qui le distinguo, des faux prophètes. — THEOPHYL. Dans le sens allégorique, le voleur est le démon qui vient par la tentation pour dérober, par les pensées coupables qu’il inspire, égorger par le consentement, et perdre par les actes.


Versets. 11-13.


S. AUG. (Traité 46 sur S. Jean.) Notre-Seigneur nous a déjà expliqué deux choses qu’il nous avait proposées sous le voile de la parabole ; nous savons déjà qu’il est lui-même la porte, nous savons qu’il est lui-même le pasteur ; il va maintenant prouver qu’il est le bon pasteur : « Je suis le bon pasteur. » (Traité 47.) Il avait dit précédemment que le pasteur entre par la porte ; si donc il est lui-même la porte, comment peut-il entrer par lui-même ? Le Fils de Dieu connaît le Père par lui-même, et nous ne le connaissons que par lui ; ainsi il entre dans la bergerie par lui-même, tandis que nous n’y entrons que par lui. Nous, qui prêchons Jésus-Christ, nous entrons par la porte ; Jésus-Christ, au contraire, se prêche lui-même, car la lumière se manifeste elle-même en découvrant les autres objets qu’elle éclaire. (Traité 46.) Si les chefs de l’Église, qui sont ses enfants, sont pasteurs, comment peut-il dire qu’il n’y a qu’un seul pasteur, si ce n’est parce qu’ils sont tous les membres d’un seul et même pasteur ? (Traité 47.) Il a communiqué à ses membres son titre et ses fonctions de pasteur ; ainsi Pierre est pasteur, les autres apôtres sont pasteurs, tons les saints apôtres sont eux-mêmes pasteurs. Mais personne d’entre nous n’ose se dire la porte ; c’est une prérogative que le Sauveur s’est réservée à l’exclusion de tout autre. Il n’aurait pas ajouté au nom de pasteur la qualification de bon, s’il n’y avait de mauvais pasteurs ; ce sont les voleurs et les larrons, ou du moins les mercenaires, qui sont en grand nombre. — S. GREG. (hom. 14 sur les Evang.) Il propose ensuite à notre imitation l’exemple de sa bonté et de son dévouement pour ses brebis. « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. » Il a fait lui-même ce qu’il nous enseigne ; il pratique le commandement qu’il nous a impose, il a donné sa vie pour ses brebis, afin de faire de son corps et de son sang un véritable sacrement pour nous, et rassasier de sa chair, devenue notre aliment, les brebis qu’il avait rachetées, il nous a tracé, pour que nous la suivions, la voie du mépris de la mort ; il nous a donné le modèle que nous devons reproduire. Notre premier devoir est de distribuer charitablement nos biens à ses brebis ; le second, de sacrifier généreusement, s’il le faut, notre vie pour elles. Mais celui qui ne sacrifie même pas ses biens pour ses brebis, quand sera-t-il disposé à sacrifier sa vie ?


S. AUG. (Traité 47) Or, le Christ n’est pas le seul qui ait donné personnellement cette preuve de charité, et cependant on peut dire que c’est lui seul qui l’a donnée, dans la personne de ceux qui étaient ses membres ; car lui seul pouvait la donner sans eux, tandis qu’ils ne pouvaient, sans lui, accomplir cet acte de dévouement. — S. AUG. (Serm. 50 sur les paroles du Seig.) Tous cependant ont été de bons pasteurs, non-seulement parce qu’ils ont versé leur sang, mais parce qu’ils l’ont versé pour leurs brebis, et qu’ils l’ont versé non par orgueil, mais par charité. Il est des hérétiques, en effet, qui osent décorer du nom de martyre les tribulations qu’ils ont pu souffrir à cause de leurs erreurs et de leurs iniquités, et qui se couvrent de ce manteau pour pouvoir plus facilement voler et piller, parce qu’ils sont de véritables loups. Mais gardons-nous de croire que tous ceux qui livrent leur corps au supplice même du feu versent leur sang pour les brebis, c’est bien plutôt contre elles qu’elles le versent. Car, comme dit l’Apôtre : « Quand je livrerai mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien. » (1 Co 13) Or, comment peut-on prétendre avoir le moindre degré de charité, quand on n’aime pas l’unité de la communion chrétienne ? C’est pour nous recommander cette unité que le Seigneur ne veut point dire qu’il y a plusieurs pasteurs, mais un seul, en disant : « Je suis le bon pasteur. »


S. Chrysostome : (hom. 89 sur S. Jean.) Nôtre-Seigneur en vient ensuite à parler de sa passion, et à montrer qu’elle avait pour objet le salut du monde, et qu’il allait volontairement au-devant d’elle. Puis il expose de nouveau les signes distinctifs du pasteur et du mercenaire. « Mais le mercenaire et celui qui n’est pas le pasteur, à qui les brebis n’appartiennent pas, voit venir le loup, laisse là les brebis et s’enfuit. » — S. GREG. Il en est quelques-uns qui, en préférant dans leur affection les avantages de la terre, aux brebis elles-mêmes, perdent justement le nom de pasteur ; car celui qui ne conduit pas ses brebis par un sentiment d’amour, mais pour un gain terrestre, n’est pas un pasteur, c’est un mercenaire. Le mercenaire, en effet, est celui qui tient la place du pasteur, mais ne cherche pas l’intérêt des âmes, ne soupire qu’après les richesses de la terre, et se complaît dans les prérogatives de sa dignité. — S. AUG. (Serm. 49 sur les par. du Seig.) Il cherche donc dans l’Église autre chose que Dieu ; s’il cherchait Dieu, il serait chaste, car le légitime époux de l’âme c’est Dieu, et celui qui demande à Dieu autre chose que Dieu lui-même, ne le cherche pas avec des dispositions pures.


S. GREG. — Ce n’est, du reste, que dans les temps d’épreuve qu’on peut distinguer parfaitement le pasteur du mercenaire ; dans les temps de paix, le mercenaire veille ordinairement à la garde du troupeau comme le véritable pasteur : mais lorsque le loup survient, il découvre les vrais motifs qui inspiraient cette vigilance. — S. AUG. (Serm. 49 sur les par. du Seign.) Le loup, c’est le démon et tous ceux qui font profession de le suivre ; car, Nôtre-Seigneur lui-même nous dit que, tout revêtus qu’ils sont de peaux de brebis, ils sont au dedans des loups ravisseurs. (Mt 7) — S. AUG. (Traité 46 sur S. Jean.) Voici que le loup saisit la brebis à la gorge, le démon persuade à un fidèle de commettre un adultère, vous devez l’excommunier ; mais cette excommunication le rendra votre ennemi déclaré, il vous tendra des pièges, et vous nuira autant qu’il le pourra ; vous gardez le silence, vous ne lui faites aucun reproche ; vous avez vu le loup qui venait, et vous vous êtes enfui ; vous êtes resté de corps, mais vous vous êtes enfui d’esprit ; car c’est par les affections que notre âme se meut, elle se répand par la foi, se resserre par la tristesse, marche par le désir, et s’enfuit par la crainte. — S. GREG. Le loup vient encore fondre sur les brebis toutes les fois qu’un homme injuste ou ravisseur opprime les fidèles et les humbles. Or, celui qui n’avait que l’extérieur du pas-leur et ne l’était pas en effet, laisse les brebis et s’enfuit à son approche, parce que le danger qu’il redoute pour lui le rend incapable de résister à l’injustice ; et il s’enfuit non pas en changeant de lieu, mais en privant ses brebis de son appui. A la vue des dangers que court son troupeau, le mercenaire n’est enflammé d’aucun sentiment de zèle ; et il supporte avec indifférence les maux qui viennent fondre sur ses brebis, parce qu’il n’est préoccupé que de ses intérêts personnels. « Le mercenaire s’enfuit, » etc. L’unique raison pour laquelle le mercenaire s’enfuit, c’est qu’il est mercenaire ; et voici le sens de ces paroles : Celui qui dirige les brebis non par un sentiment d’amour, mais en vue d’un gain sordide, ne peut supporter le danger qui menace les brebis, et il redoute de l’affronter, parce qu’il craint de perdre ce qu’il aime.


S. AUG. (Tr. 46 sur S. Jean.) Les Apôtres étaient des pasteurs et non des mercenaires, et pourquoi donc fuyaient-ils devant la persécution, obéissant en cela au conseil du Sauveur : « S’ils vous persécutent, fuyez » (Mt 10, 23.) Frappons, quelqu’un nous ouvrira. — S.AUG. (Lett. 180 à Honor.) Les serviteurs de Jésus-Christ, les ministres de sa parole et de ses sacrements peuvent fuir de ville en ville, peuvent fuir de ville en ville,et spécial de la haine des persécuteurs, à la condition que l’Église ne soit pas abandonnée par ceux qu’épargne la persécution. Mais lorsque le danger devient commun pour tous, pour les évêques, pour les clercs, pour les simples fidèles, ceux qui ont besoin du ministère de leurs frères, ne doivent pas être abandonnés par eux. Que tous donc s’enfuient alors dans des lieux de sûreté, ou que ceux qui sont obligés de rester ne soient pas privés du ministère de ceux qui doivent pourvoir à leurs besoins spirituels. Ainsi il est permis aux ministres de Jésus-Christ, de fuir devant la persécution, quand ils ne laissent pas derrière eux tout un peuple qui réclame leur ministère, ou lorsque ce ministère peut être rempli par ceux qui n’ont pas les mêmes raisons de fuir. Mais si le peuple est obligé de rester et que les ministres le laissent sans secours en s’enfuyant, c’est la fuite honteuse et inexcusable des mercenaires qui n’ont aucun souci de leurs brebis.


S. AUG. (Traité 46 sur S. Jean.) Parmi les bons, il nous faut donc compter la porte, le portier, le pasteur et les brebis ; parmi les mauvais, les voleurs, les larrons, les mercenaires et les loups. — S. AUG. (serm. 49 sur les par. du Seig.) Il faut aimer le pasteur, se garder du voleur, supporter le mercenaire, car le mercenaire peut être utile tant qu’il ne voit point le loup, le voleur ou le larron, mais à leur vue seule, il s’enfuit. — S. AUG. (Traité 46 sur S. Jean.) On ne lui donne le nom de mercenaire, que parce qu’il est payé par celui qui le loue. Les enfants attendent patiemment l’héritage de leur père, le mercenaire soupire ardemment après le salaire qu’il regarde comme le prix de son travail, et cependant la gloire du divin Sauveur se répand par la bouche de chacun d’eux. Le mercenaire n’est donc nuisible que lorsqu’il fait mal et non lorsqu’il annonce la bonne doctrine : cueillez le raisin, gardez-vous des épines. Quelquefois, en effet, la grappe de raisin qu’a produite le cep de vigne, pend aux branches d’un buisson ; il en est beaucoup dans l’Église, qui cherchent leurs avantages temporels en prêchant Jésus-Christ, la voix de Jésus-Christ se l’ait entendre par eux, et les brebis suivent alors, non pas le mercenaire, mais la voix de Jésus-Christ qui se fait entendre par le mercenaire.


Versets. 14-21.


S. Chrysostome : ( hom. 60 sur S. Jean.) Nôtre-Seigneur a fait connaître dans ce qui précède l’existence de deux mauvais maîtres, l’un qui vole, égorge et pille, l’autre qui ne s’y oppose point ; par le premier il veut représenter les auteurs de sédition ; et par le second, confondre les docteurs des Juifs, qui ne veillaient point sur les brebis qui leur étaient confiées. Il se sépare nettement de ces deux maîtres, d’abord de ceux qui ne venaient que pour perdre en disant : « Je suis venu pour qu’elles aient la vie, » et ensuite de ceux qui voient avec indifférence les rapines des loups, en déclarant qu’il donne sa vie pour ses brebis, et comme conclusion de tout ce qui précède, il dit : « Je suis le bon pasteur. » Mais comme il venait de dire que les brebis entendent la voix du pasteur et le suivent, on pouvait lui objecter : « Que dites-vous donc de ceux qui ne croient point en vous ; » il ajoute donc : « Et je connais mes brebis, » etc. Vérité que saint Paul confirme, lorsqu’il dit : « Dieu n’a pas rejeté son peuple qu’il a connu dans sa prescience. » — S. Chrysostome : Il semble dire ouvertement : J’aime mes brebis, et leur amour pour moi est le principe de leur obéissance, car celui qui n’aime pas la vérité n’en a pas la moindre intelligence. — THEOPHYL. Vous pouvez conclure de là quelle différence sépare le pasteur du mercenaire, le mercenaire ne connaît pas les brebis, parce qu’il les visite rarement ; le pasteur les connaît en vertu de la sollicitude qu’il a pour son troupeau.


S. Chrysostome : Gardez-vous de croire cependant que la connaissance de Jésus-Christ et celle des brebis soit la même : « Comme mon Père me connaît, ajoute-t-il, et que moi-même je connais mon Père, » etc., c’est-à-dire, je le connais avec autant de certitude qu’il me connaît lui-même, la connaissance du Père et du Fils est donc la même, il n’en est pas de même de la connaissance des brebis, car il ajoute : « Et je donne ma vie pour mes brebis. » — S. GREG. (hom. 14.) La preuve évidente que je connais mon Père, et que mon Père me connaît, c’est que je donne ma vie pour mes brebis, c’est-à-dire, la charité qui me porte à sacrifier ma vie pour mes brebis, fait voir la grandeur de l’amour que j’ai pour mon Père. — S. Chrysostome : Il prouve un même temps qu’il n’est pas un imposteur, de même que le grand Apôtre voulant prouver contre les faux apôtres qu’il était un véritable maître, puisait ses raisons dans les dangers qu’il avait courus et dans les périls de mort auxquels il avait été exposé. — THEOPHYL. En effet, les séducteurs n’ont jamais exposé leur vie pour leur brebis, mais comme des mercenaires, ils ont abandonné ceux qui les suivaient, et le Sauveur, pour qu’on ne se saisît pas de la personne de ses disciples, dit à ses ennemis : « Laissez-les aller ».


S. GREG. Cependant comme le Sauveur était venu racheter, non-seulement les Juifs, mais les Gentils, il ajoute : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont point de cette bergerie. » — S. AUG. (serm. 50 sur les par. du Seig.) Il s’adressait tout d’abord au bercail qui était composé des enfants d’Israël par le sang, il y en avait d’autres qui en faisaient partie par la foi, ils étaient encore au milieu des Gentils, ils étaient prédestinés, mais ils n’étaient pas encore réunis. Ils ne sont donc pas encore de cette bergerie, parce qu’ils n’appartiennent point par le sang à la race d’Israël, mais ils en feront un jour partie d’après la parole du Sauveur : « Il faut que je les amène, » etc. — S. Chrysostome : (hom. 60.) Il nous apprend ainsi que les uns et les autres étaient dispersés et n’avaient point de pasteurs : « Et ils entendront ma voix, » paroles dont voici le sens : Pourquoi vous étonner que les premiers me suivront et entendront ma voix, quand vous verrez les autres eux-mêmes se mettre à ma suite et écouter ma voix ? Il prédit ensuite l’union future des deux troupeaux : « Et il n’y aura qu’une bergerie et qu’un pasteur. » — S. GREG. Il ne fait de ces deux troupeaux qu’une seule bergerie, parce qu’il unit dans les liens d’une seule et même foi les Juifs et les Gentils. — THEOPHYL. Tous deux, en effet, n’ont qu’un seul et même sacrement du baptême, un seul et même pasteur qui est le Verbe de Dieu. Que les manichéens comprennent donc ici que l’Ancien et le Nouveau Testament n’ont qu’un seul pasteur et un seul bercail. — S. AUG. (Traité 17.) Que signifient alors ces paroles : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ? » C’est que le peuple d’Israël seul a joui de sa présence corporelle, et qu’il n’a pas été en personne vers les Gentils, mais qu’il leur a envoyé ses Apôtres.


S. Chrysostome : (hom. 60.) Ce mot : « Il faut, » n’exprime pas la nécessité, mais la certitude de l’événement, et comme les Juifs prétendaient que Jésus était en opposition avec le Père, il ajoute : « Mon Père m’aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre. » — S. AUG. C’est-à-dire, parce que je meurs pour ressusciter. Remarquez la force de cette expression : « Je donne ma vie. » Que les Juifs cessent de se glorifier, ils pourront se déchaîner contre moi, mais si je ne consens à donner ma vie, à quoi peuvent aboutir les efforts de leur fureur ? Or, l’amour que le Père a pour le Fils, n’est pas comme le prix de la mort qu’il doit soutenir, mais il l’aime en contemplant dans ce Fils qu’il a engendré sa propre nature, alors qu’en vertu de ce même amour, il consent à donner sa vie pour nous.


S. Chrysostome : (hom. 60.) On peut dire encore qu’en parlant de la sorte, il s’accommode à notre faiblesse et veut nous dire : Quand il n’y aurait pas d’autre motif, ce qui me porte à vous aimer, c’est l’amour que mon Père a pour vous, amour qui est si grand, qu’il m’aime moi-même, parce qu’il me voit disposé à mourir pour vous. Il ne faut pas toutefois l’entendre dans ce sens, que le Père n’aimait pas auparavant son Fils, et que nous soyons la cause de cet amour. Le Sauveur veut encore prouver que ce n’est point malgré lui qu’il a enduré les souffrances de sa passion : a Personne, dit-il, ne me la ravit, mais je la donne de moi-même. » — S. AUG. (de la Trin., 4, 13.) Ces paroles sont la preuve que sa mort n’a été l’effet et la suite d’aucun péché personnel, mais qu’il est mort parce qu’il l’a voulu, quand il l’a voulu, et de la manière qu’il l’a voulu : « Et j’ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre. » — S. Chrysostome : Combien de fois les Juifs avaient formé le projet de le mettre à mort, il leur déclare donc que tous leurs efforts sont inutiles, s’il ne consent à donner sa vie. J’ai tellement le pouvoir de la donner, dit-il, que personne ne peut me l’arracher malgré moi, pouvoir qui n’appartient pas à tous les hommes. Ainsi nous n’avons le pouvoir de donner notre vie qu’en nous donnant la mort à nous-mêmes, et Nôtre-Seigneur a le véritable pouvoir de la donner. De cette vérité suit nécessairement cette autre qu’il a le pouvoir de reprendre sa vie, et il donne ainsi une preuve certaine de sa résurrection. Mais comme ils auraient pu penser qu’après qu’ils l’auraient mis à mort, il serait abandonné de son Père, il ajoute : « J’ai reçu de mon Père ce commandement, » c’est-à-dire, de donner ma vie et de la reprendre. Ne croyons pas cependant qu’il ait attendu que ce commandement lui ait été donné, et qu’il ait eu besoin de l’apprendre, il veut simplement montrer ici que sa volonté est libre, et détruire tout soupçon d’opposition entre lui et son Père. — THEOPHYL. Ce commandement, en effet, n’exprime autre chose que la parfaite harmonie entre son Père et lui. — ALCUIN. Et ce n’est point par une parole extérieure, que le Verbe a reçu ce commandement, car tout commandement a sa racine dans le Verbe, Fils unique du Père. Lors donc qu’on dit du Fils, qu’il reçoit ce qu’il possède, par sa nature, ce n’est point pour amoindrir sa puissance, mais pour prouver sa génération, car c’est par la génération que le Père a tout donné à son Fils, qu’il a engendré dans toute sa perfection.


THEOPHYL. Après avoir parlé de lui-même en termes aussi relevés et s’être donné pour le maître de la mort et de la vie ; le Sauveur tempère de nouveau son langage, et unit ainsi les choses les plus contraires dans une admirable harmonie, afin que nous le considérions, non comme inférieur à son Père, ni comme son adversaire, mais comme possédant le même pouvoir et la même sagesse.


S. AUG. (Traité 47.) La manière dont Nôtre-Seigneur parle ici de son âme, nous prémunit contre l’erreur des apollinaristes, qui prétendent que Jésus-Christ n’a pas eu d’âme humaine, c’est-à-dire, une âme intelligente et raisonnable. Dans quel sens donc Nôtre-Seigneur dit-il qu’il a le pouvoir de donner son âme ou sa vie ? Jésus-Christ est à la fois Verbe et homme, c’est-à-dire, Verbe, âme et chair ; or, est-ce comme Verbe qu’il donne son âme ou sa vie et qu’il la reprend ? Ou bien est-ce en tant qu’il est une âme humaine que l’âme se donne et qu’elle se reprend ? Ou bien encore est-ce en tant qu’il est chair, que la chair donne son âme ou la reprend ? Si nous disons que le Verbe de Dieu a donné son âme et l’a reprise, donc cette âme a été pendant un certain temps séparée du Verbe de Dieu, puisque la mort sépare l’âme du corps, mais non, l’âme n’a jamais été séparée du Verbe. Si nous disons au contraire que l’âme elle-même s’est donnée, c’est une proposition absurde, car si elle ne pouvait être séparée du Verbe, pouvait-elle être séparée d’elle-même ? C’est donc la chair qui laisse son âme pour la reprendre ensuite, non cependant par sa puissance, mais par la puissance du Verbe qui habitait en elle.


ALCUIN. Et comme la lumière luisait dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l’ont point comprise, l’Evangéliste ajoute : « Il s’éleva de nouveau une dissension parmi les Juifs, à l’occasion de ce discours, plusieurs d’entre eux disaient : Il est possédé du démon et il a perdu le sens. » — S. Chrysostome : Ses enseignements dépassaient la portée de l’intelligence humaine, ils l’accusaient doue d’être possédé du démon ; mais il trouve des défenseurs qui savent bien le venger de cette accusation par les œuvres qu’il a faites : « D’autres disaient : Ce ne sont pas là les paroles d’un homme possédé du démon, est-ce que le démon peut ouvrir les yeux des aveugles ? » C’est-à-dire, ces paroles ne sont pas celles d’un homme possédé du démon, mais si elles ne suffisent point pour vous convaincre, laissez-vous an moins persuader par les œuvres. Après cette démonstration tirée des faits eux-mêmes, Nôtre-Seigneur se tait sur le reste, car ils n’étaient pas dignes qu’il leur répondit. Il nous enseigne aussi à pratiquer dans toute leur étendue la douceur et la longanimité. D’ailleurs ils se réfutaient eux-mêmes les uns les autres par les divisions qui existaient entre eux.


Versets. 22-30.


ALCUIN. Nous avons entendu le récit de la patience du Seigneur, et comment les outrages dont il est l’objet ne peuvent interrompre pour lui le ministère de la prédication du salut, mais les Juifs, plus que jamais endurcis, cherchaient à le tenter plutôt qu’à lui obéir, voici dans quelles circonstances : « Or, c’était à Jérusalem la fête de la Dédicace. » — S. AUG. (Traité 48.) Le mot encœnia signifiait la fête de la Dédicace du temple, car le mot grec χαινόν veut dire nouveau, et on appelait encœnia, toute dédicace de chose nouvelle. — S. Chrysostome : (hom. 61.) C’était l’anniversaire du jour où le temple fut de nouveau consacré, au retour des Juifs de la captivité de Babylone. — THEOPHYL. Ils célébraient cette fête avec une grande pompe, il leur semblait que la ville de Jérusalem avait recouvré tout son éclat après une si longue captivité. — ALCUIN. Ou bien encore, cette dédicace était l’anniversaire de celle qu’avait faite Judas le Machabée, car la première dédicace avait été faite par Salomon en automne, la seconde par Zorobabel et Jésus au printemps, et celle-ci avait lieu en hiver, comme le remarque l’Evangéliste : « Et c’était l’hiver. » — Bède : Nous lisons en effet, qu’il fut établi sous Judas Machabée, que l’anniversaire de cette dédicace aurait lieu solennellement tous les ans.


Bède : L’Evangéliste précise l’époque de cette fête qui avait lieu en hiver, pour nous faire comprendre que le temps de la passion était proche, car ce fut au printemps suivant qu’eut lieu la passion du Sauveur, et c’est pour cela qu’il se trouvait alors à Jérusalem. — S. GREG. (2 Mor., 2.) On bien encore, il fait mention de la saison d’hiver pour exprimer la froide méchanceté qui avait gagné les cœurs des Juifs.


S. Chrysostome : Nôtre-Seigneur s’était rendu avec un grand empressement à cette solennité, et il restait d’ailleurs de préférence dans la Judée, parce que sa passion approchait : « Et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon. » — ALCUIN. On appelait portique de Salomon, celui où ce roi se tenait ordinairement pour la prière, et qui pour cette raison avait reçu son nom, car ces portiques qui entouraient le temple, tiraient leur nom de la partie du temple qu’ils entouraient. Or, si le Fils de Dieu a voulu fréquenter le temple où l’on n’offrait que la chair des animaux sans raison, combien plus aimera-t-il à visiter notre maison de prière où se fait la consécration de sou corps et de son sang.


THEOPHYL. Efforcez-vous aussi pendant la durée de l’hiver, c’est-à-dire, durant cette vie présente si souvent agitée par les tempêtes de l’iniquité, de célébrer la dédicace spirituelle de votre temple, en vous renouvelant sans cesse vous-même et en disposant dans votre cœur les degrés qui vous élèvent jusqu’à Dieu, alors Jésus viendra à votre rencontre sous le portique de Salomon, et vous fera jouir d’une paix assurée sous son propre toit. Mais dans la vie future, nous n’aurons plus à célébrer les fêtes solennelles de la dédicace.


S. AUG. Comme le feu de la charité s’était éteint dans le cœur des Juifs, et qu’ils brûlaient au contraire de l’ardeur de faire le mal, ce n’est point la foi qui les amenait à Jésus, c’est le désir de le persécuter : « Les Juifs donc l’entourèrent et lui dirent : Jusques à quand tiendrez-vous notre esprit en suspens ? Si vous êtes le Christ, dites-nous-le ouvertement. » Ils lui font cette question, non qu’ils désirent connaître la vérité, mais pour trouver occasion de le calomnier. — S. Chrysostome : (hom. 61.) Ils ne peuvent incriminer aucune de ses actions, ils désiraient donc trouver dans ses paroles un sujet d’accusation. Et voyez jusqu’où va leur perversité : lorsqu’il les enseigne par ses paroles, ils lui disent : « Quel miracle faites-vous ? » S’il fait des miracles pour démontrer sa divinité, ils viennent lui dire : « Si vous êtes le Christ, dites-le nous ouvertement, » tant ils sont dominés par l’esprit de contradiction. Remarquez encore quelle haine dans ces paroles : « Si vous êtes le Christ, dites-le nous ouvertement. » Mais Jésus parlait toujours en public, il assistait à toutes les grandes solennités, et ne disait rien en secret. Ils commencent toutefois par un langage plein de flatterie : « Jusques à quand tiendrez vous notre âme en suspens ? » pour le provoquer et le faire tomber dans un piège. — ALCUIN. Ils reprochent à celui qui était venu sauver les âmes de tenir leur âme en suspens et dans l’incertitude.


S. AUG. Ils cherchaient à obtenir du Sauveur cet aveu : « Je suis le Christ, » et comme ils n’avaient du Christ que des idées tout humaines, et qu’ils ne comprenaient point sa divinité prédite par les prophètes, s’il leur avait répondu qu’il était le Christ, ils l’auraient accusé d’usurper la puissance royale d’après la croyance où ils étaient que le Christ devait sortir de la race de David. — ALCUIN. Ils pensaient donc à le livrer au gouverneur pour le faire punir comme usurpateur du pouvoir de l’empereur Auguste, mais Nôtre-Seigneur leur répond de manière à fermer la bouche des calomniateurs, à faire connaître aux fidèles qu’il est vraiment le Christ, et à dévoiler les mystères de sa divinité à ceux qui ne l’interrogeaient que sur son humanité : « Jésus leur répondit : Je vous parle et vous ne me croyez point. » — S. Chrysostome : (hom. 61.) Comme ils paraissaient vouloir se rendre à l’évidence seule de ses paroles, eux que tant d’œuvres miraculeuses n’avaient pu persuader, il confond leur malice et semble leur dire : Si vous ne croyez pas à mes œuvres, comment croirez-vous à mes paroles ? et il leur fait connaître la raison de leur peu de foi : « Mais vous ne croyez point, parce que vous n’êtes point de mes brebis. » — S. AUG. (Traité 48.) Il leur tient ce langage, parce qu’il les voyait prédestinés à la mort éternelle et privés à jamais de la vie éternelle qu’il avait acquise par son sang, car ce qui fait les brebis c’est leur foi et leur obéissance à leur pasteur.


THEOPHYL. Après leur avoir déclaré qu’ils ne sont point de ses brebis, il les engage ensuite à le devenir, et leur en donne le moyen : « Mes brebis, leur dit-il, entendent ma voix. » — ALCUIN. C’est-à-dire, elles obéissent de cœur à mes préceptes, « et je les connais, » c’est-à-dire, je les choisis, « et elles me suivent, » en marchant ici dans les voies de la douceur et de l’innocence, et en entrant ensuite dans les joies de la vie éternelle : « Et je leur donne la vie éternelle. » — S. AUG. (Traité 48.) Ce sont les pâturages dont il avait dit précédemment : « Il trouvera des pâturages. » Ce pâturage excellent, c’est la vie éternelle, où l’herbe, loin de se flétrir, conserve toute sa verdure, mais pour vous, vous cherchez à me calomnier, parce que vous ne songez qu’à la vie présente : « Et elles ne périront pas à jamais ; » ajoutez ce qu’il sous-entend : Pour vous, vous périrez éternellement, parce que vous n’êtes pas de mes brebis. — théophyl. Mais comment Judas a-t-il péri ? Parce qu’il n’a point persévéré jusqu’à la fin. Or, Jésus-Christ ne veut parler ici que de ceux qui persévèrent, car si quelques brebis se séparent du troupeau, et cessent de suivre le pasteur, elles s’exposent aussitôt aux plus grands dangers.


S. AUG. (Traité 48.) Il explique ensuite pourquoi ses brebis ne périssent point ; les brebis dont il est dit : « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui, » (2 Tm 2) ni le loup ne les ravit, ni le voleur ne les enlève, ni le larron ne les égorge, celui qui sait le prix qu’elles lui ont coûté est assuré de n’en perdre aucune. — S. HIL. (de la Trin., 7) Cette parole est le témoignage d’une puissance qui a conscience d’elle-même ; mais comme tout en ayant la nature même de Dieu, il faut cependant admettre qu’il est né de lui ; il ajoute : « Ce que mon Père m’a donné est plus grand que toutes choses. » Il ne dissimule point qu’il est né du Père, car ce qu’il a reçu du Père, il l’a reçu par sa naissance, et non dans la suite. — S. AUG. En effet, le Fils qui est né du Père, Dieu de Dieu, n’est point devenu son égal par un accroissement successif, il l’est par sa naissance seule. Voilà donc ce que mon Père m’a donné, et ce qui est plus grand que toutes choses, c’est que je suis son Verbe, son Fils unique, la splendeur de sa lumière. On ne peut donc ravir mes brebis d’entre mes mains, parce qu’on ne peut les ravir d’entre les mains de mon Père : « Et nul ne peut ravir ce qui est entre les mains de mon Père. » Si par la main nous entendons la puissance, le Père et le Fils ont une seule et même puissance, parce qu’ils ont une seule et même divinité ; mais si par la main nous entendons le Fils, c’est le Fils qui est la main du Père, ce qui ne veut point dire que Dieu le Père ait des membres comme ceux du corps de l’homme, mais qu’il a tout fait par son Fils. (Jn 1, 3.) C’est ainsi que les hommes appellent leurs mains ceux de leurs semblables, qui sont les instruments de leurs volontés. Quelquefois même l’œuvre de l’homme est appelée sa main, parce qu’elle est le produit de sa main, c’est ainsi qu’on dit qu’un homme reconnaît sa main lorsqu’il reconnaît son écriture. Dans cet endroit la main doit s’entendre de la puissance du Père et du Fils, de peur qu’en appliquant exclusivement au Fils cette dénomination, une pensée toute charnelle ne nous fasse chercher le Fils du Fils. — S. HIL. (de la Trin., 7) La main du Fils est ici appelée la main du Père, pour vous faire comprendre par une comparaison sensible, qu’ils ont une puissance de même nature, parce que la nature et la puissance du Père se trouvent également dans le Fils.


S. Chrysostome : Et afin que vous ne puissiez soupçonner que la puissance du Père vient au secours de la puissance du Fils, pour mettre les brebis en sûreté, Nôtre-Seigneur ajoute : « Mon Père et moi nous sommes un. » — S. AUG. (Traité 48.) Comprenez bien ces deux mots : « Un, » et : « Nous sommes, » et vous ne tomberez ni dans Charybde, ni dans Scylla. En disant : « Un, » il vous délivre d’Arius, et en disant : « Nous sommes, » il vous débarrasse de Sabellius ; s’il y a unité, il n’y a donc point de différence ; si : « Nous sommes, » il y a donc Père et Fils. — S. AUG. (de la Trin., 6) Il a dit : « Nous sommes un, » ce qu’il est, je le suis moi-même, quant à la nature, non quant à la relation de personne à personne. — S. HIL. (de la Trin., 8) Les hérétiques contraints d’avouer la vérité de ces paroles, s’efforcent de les dénaturer par leurs interprétations mensongères aussi ridicules qu’elles sont impies. Ils cherchent donc à les expliquer dans le sens d’unité parfaite de consentement ; il y a, disent-ils, unité de volonté, mais non unité de nature, c’est-à-dire, que le Père et le Fils sont un, non par leur essence, mais par la conformité parfaite de leur volonté. Ils sont un, non par le mystère d’une économie quelconque, mais par la génération de la nature divine, parce que la nature divine ne dégénère en aucune manière par cette génération. Ils sont un, en ce sens que ce qui ne peut être ravi d’entre les mains du Fils, ne peut être ravi d’entre les mains du Père ; parce que le Père agit en lui et en même temps que lui ; puisqu’il est dans le Père, et que le Père est en lui. Ce n’est point là l’effet d’une création, mais de la naissance ; ce n’est pas la volonté, mais la puissance qui agit ici, ce n’est point une simple unanimité de sentiments qui parle ici, c’est l’unité de nature. Nous ne nions donc pas l’unanimité de sentiments entre le Père et le Fils, ce que les hérétiques nous attribuent à tort en prétendant que nous n’admettons point cette unanimité entre le Père et le Fils, parce que nous voulons voir ici autre chose que l’unanimité. Qu’ils comprennent donc dans quel sens nous affirmons cette unanimité ; le Père et le Fils sont un en nature, en honneur, en puissance, et une même nature ne peut avoir des volontés différentes.


Versets. 31-38.


S. AUG. (Traité 48.) Les Juifs ne purent supporter ces paroles : « Mon Père et moi nous sommes un, » et obéissant à leur dureté habituelle, ils coururent chercher des pierres pour les lui jeter : « Alors les Juifs prirent des pierres pour le lapider. » — S. HIL. (de la Trin., 7) Maintenant que le Seigneur est assis an plus haut des cieux, les hérétiques refusent encore d’obéir à ses paroles par le même sentiment d’incrédulité, et le poursuivent de leur haine sacrilège ; ils lancent contre lui leurs impiétés comme autant de pierres, et s’ils le pouvaient, ils le renverseraient de son trône pour l’attacher de nouveau à la croix.


THEOPHYL. Mais le Sauveur voulant leur prouver que leur fureur contre lui n’a aucune raison d’être, leur rappelle les prodiges qu’il avait opérés : « J’ai fait devant vous beaucoup d’œuvres excellentes, » etc. — ALCUIN. C’est-à-dire, les guérisons des infirmes, l’éclat de ma doctrine et de mes miracles, dont mon Père était le principe comme je vous l’ai déclaré, parce que j’ai toujours cherché sa gloire, pour laquelle donc de ces œuvres me lapidez-vous ? Ils sont forcés de reconnaître la multitude des bienfaits dont Jésus-Christ les a comblés, mais ils relèvent comme un blasphème ce qu’il a dit, qu’il était égal à son Père : « Les Juifs lui répondirent : Ce n’est pas pour aucune bonne œuvre que nous vous lapidons, mais à cause de votre blasphème, » etc. — S. AUG. C’est la réponse qu’ils font à cette parole du Sauveur : « Mon Père et moi nous ne sommes qu’un. » Voici donc que les Juifs ont compris ce que n’ont pas compris les Ariens, car la colère des Juifs vint de ce qu’ils comprirent bien qu’il ne pouvait dire : Mon Père et moi nous ne sommes qu’un, qu’autant qu’il y avait égalité parfaite entre son Père et lui. — S. hil. (de la Trin., 7) Le Juif dit : « Alors que vous êtes un homme ; » l’Arien : « Alors que vous êtes une créature, » et tous deux poursuivent : « Vous vous faites Dieu. » Les ariens, en effet, en font un Dieu d’une nature nouvelle et toute particulière, un Dieu d’un nouveau genre, ou plutôt un Dieu qui n’en est pas un, puisqu’ils prétendent qu’il n’est point Fils de Dieu par naissance, qu’il n’est point Dieu en vérité, et qu’il est tout simplement une créature plus excellente que les autres.


S. Chrysostome : (hom. 61.) Nôtre-Seigneur, loin de détruire l’opinion où étaient les Juifs, qu’il se disait égal à Dieu, cherche au contraire à la confirmer : « Jésus leur repartit : N’est-il pas écrit dans votre loi, » etc. — S. AUG. C’est-à-dire, dans la loi qui vous a été donnée : « Je l’ai dit : Vous êtes des dieux. » Ce sont les paroles que Dieu adresse aux hommes dans les psaumes par son prophète. Le Sauveur comprend quelquefois sous le nom de loi, toutes les Ecritures ; en d’autres endroits il la distingue des écrits prophétiques : « A ces deux commandements se rattachent toute la loi et les prophètes. » (Mt 22) Quelquefois il divise les Ecritures en trois parties : « Il fallait que tout ce qui a été prédit de moi, dans la loi, dans les prophètes et dans les psaumes, fût accompli. » (Lc 14) Ici il comprend les psaumes sous le nom de loi, et voici son raisonnement : Si l’Ecriture appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et que l’Ecriture ne puisse être démentie, comment dites-vous à celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde : Vous blasphémez, parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu ?


S. HIL. (de la Trin., 7) Le Sauveur, avant de démontrer que son Père et lui n’avaient qu’une seule et même nature, commence par repousser l’accusation aussi ridicule qu’outrageante, que les Juifs dirigeaient contre lui, qu’il se faisait Dieu, lorsqu’il était homme, car puisque ce nom était donné à de saints personnages, et que la parole de Dieu appuyait de son autorité irréfragable l’attribution faite de ce nom à de simples mortels, ce n’est donc point un crime pour lui de se faire Dieu, quand il n’aurait été qu’un homme, puisque la loi elle-même appelle Dieu ceux qui ne sont que des hommes. Et si les autres hommes peuvent prendre ce nom sans aucune usurpation sacrilège, à plus forte raison celui que le Père a sanctifié peut-il sans usurpation prendre ce nom et se dire le Fils de Dieu, puisqu’il surpasse tous les autres par la sanctification qu’il a reçue comme Fils, d’après ces paroles de saint Paul : « Qu’il était prédestiné Fils de Dieu en puissance, selon l’esprit de sanctification, » (Rm 1, 4) car toute cette réponse du Sauveur a trait à son humanité, et tend à établir que le Fils de Dieu est aussi le Fils de l’homme.


S. AUG. Ou bien encore, le Père l’a sanctifié, c’est-à-dire, lui a donné d’être saint eu l’engendrant, parce qu’il l’a engendré dans la plénitude de la sainteté. Or, si la parole de Dieu, adressée aux hommes, leur a donné le nom de dieux, comment le Verbe de Dieu ne serait-il pas Dieu lui-même ? Et si les hommes, en participant au Verbe de Dieu, deviennent eux-mêmes des dieux, comment le Verbe qui fait entrer en participation de lui-même, ne serait-il pas Dieu ? — THEOPHYL. Ou bien, il l’a sanctifié, c’est-à-dire, il a ordonné qu’il serait offert en sacrifice pour le monde, ce qui prouve qu’il n’est pas Dieu comme les autres hommes, car sauver le monde est une œuvre toute divine et bien au-dessus d’un homme déifié par la grâce.


S. Chrysostome : (hom. 61.) Ou bien encore, Nôtre-Seigneur s’exprime d’abord en termes plus humbles de lui-même, pour faire recevoir plus facilement ses paroles, et s’élever ensuite à de plus hautes considérations : « Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez point. » Il prouve ainsi qu’il n’est en rien inférieur à son Père : et comme il était impossible de voir sa nature divine, il prouve que la ressemblance est l’identité des œuvres, la parfaite égalité de puissance. — S. HIL. (de la Trin., 7) Comment trouver place ici à une simple adoption, à un nom concédé par indulgence, pour nier qu’il soit le Fils de Dieu par nature, alors que les œuvres de la puissance du Père prouvent évidemment qu’il est le Fils de Dieu ? La créature ne peut prétendre ni à l’égalité ni à la ressemblance avec Dieu, et aucune nature créée ne peut lui être comparée en puissance. Or, le Fils déclare qu’il accomplit non pas ses œuvres, mais les œuvres de son Père, pour ne pas détruire par l’éclat de ses œuvres la vérité de sa naissance. Et comme le mystère de son incarnation, dans le sein de Marie, découvrait surtout en lui le Fils de l’homme et non le Fils de Dieu, il appuie notre foi sur ses œuvres : « Mais si je les fais, quand bien même vous ne voudriez pas me croire, croyez aux œuvres. » Pourquoi, en effet, le mystère de sa naissance humaine, de son humanité, nous empêcherait-il d’admettre sa naissance divine, puisque c’est sous le voile de l’humanité que la nature divine accomplit toutes ses œuvres ? Mais quelle est la vérité qu’il veut faire ressortir des œuvres du Père qu’il accomplit ? « Afin que vous connaissiez et que vous croyiez que mon Père est en moi, et moi dans mon Père, » c’est-à-dire que je suis le Fils de Dieu, ou en d’autres termes, que mon Père et moi ne sommes qu’un. — S. AUG. (Traité 48 sur S. Jean.) Le Fils de Dieu ne dit pas : Mon Père est en moi. et moi en lui, dans le sens que les hommes le peuvent dire ; car si nos pensées sont bonnes, nous sommes en Dieu, et si notre vie est sainte, Dieu est en nous. Lorsque nous participons à sa grâce et que nous recevons sa lumière, nous sommes en lui, et lui en nous. Mais pour le Fils unique de Dieu, il est dans le Père, et le Père est en lui, comme un égal est dans celui qui lui est égal.


Versets. 39-42.


Bède : Nous voyons par le récit de l’Evangéliste que les Juifs persévèrent avec opiniâtreté dans leur égarement : « Les Juifs cherchaient donc à le prendre. » — S. AUG. (Traité 48) Ils cherchent à le prendre, non par la foi ou par l’intelligence, mais pour satisfaire leur haine contre lui en le mettant à mort. Vous le prenez pour l’avoir en votre possession, ils veulent le prendre pour se défaire de lui : « Et il s’échappa de leurs mains. » Ils ne purent se saisir de lui, parce qu’ils n’avaient pas les mains de la foi, et il ne fut pas difficile au Verbe de délivrer son corps de ces mains de chair. — S. Chrysostome : (hom. 61.) Lorsque le Sauveur a enseigné aux Juifs quelque grande vérité, il se dérobe presque aussitôt pour apaiser leur fureur par son absence, comme il le fait encore ici : « Et il s’en alla de nouveau au delà du Jourdain. » Pourquoi l’Evangéliste fait-il mention du lieu où il se retire ? c’est pour rappeler le souvenir des actions et des paroles de Jean-Baptiste, aussi bien que de ses témoignages multipliés. — Bède : Il dit : « Où Jean était d’abord, » c’est-à-dire dès ses premières années. Pendant le séjour que Jésus, y fit, l’Evangéliste nous raconte qu’un grand nombre de personnes vinrent le trouver : « Et un grand nombre de personnes vinrent à lui, et ils disaient : Jean n’a fait aucun miracle. » — S. AUG. C’est-à-dire qu’il n’a fait aucun miracle public, il n’a ni chassé les démons, ni rendu la vue aux aveugles, ni ressuscité les morts.


S. Chrysostome : Voyez la force de leurs raisonnements : « Jean, disent-ils, n’a fait aucun miracle. Jésus, au contraire, en a fait de nombreux. ce qui établit sa supériorité et sa prééminence. Cependant il ne faut pas croire pour cela que parce que Jean n’a fait aucun miracle, son témoignage soit sans autorité, aussi ajoutent-ils : « Tout ce que Jean a dit de celui-ci était vrai. » Si Jean n’a fait aucun miracle, tous les témoignages qu’il a rendus à Jésus sont véritables. Donc si l’on devait ajouter foi aux témoignages de Jean, à plus forte raison doit-on croire à celui qui, à l’autorité de ce témoignage, joint encore l’autorité des miracles. C’est ce qui eut lieu en effet : « Et beaucoup crurent en lui. » — S. AUG. Voici qu’ils s’emparent de Jésus-Christ, alors qu’il demeure au milieu d’eux, non pas comme les Juifs qui voulaient se saisir de lui, lorsqu’il s’échappait de leurs mains. Servons-nous donc aussi de la lampe pour arriver au jour, puisque Jean était la lampe, et qu’il rendait témoignage au jour.


THEOPHYL. Il est à remarquer que le Seigneur aimait à conduire le peuple dans des lieux solitaires, et qu’il les arrachait à la société des méchants pour leur faire produire des fruits de vertu. C’est ainsi qu’il avait conduit le peuple hébreu dans le désert pour lui donner la loi ancienne. Dans le sens mystique, Nôtre-Seigneur s’éloigne de Jérusalem, c’est-à-dire du peuple juif, et se dirige vers les lieux où les fontaines abondent, c’est-à-dire vers l’Église des nations qui a la fontaine du baptême, par laquelle un grand nombre parviennent jusqu’à Jésus-Christ en traversant le Jourdain.