de même qu’aujourd’hui, l’usage voulait que l’on imprimât d’avance sur une affiche le nom de l’auteur d’une pièce nouvelle. Le public se porte à la représentation suivant le degré d’estime qu’il accorde au nom du poète. Contrairement aux coutumes de France, les chefs-d’œuvre dramatiques de Naples ne peuvent se permettre l’incognito.

— Eh bien ! se dit en rentrant chez lui Geronimo, puisqu’ils ne veulent pas endosser la responsabilité de la pièce, c’est moi qui la signerai, et il ne sera pas dit qu’un théâtre périra faute d’un poète de bonne volonté !

Il fit aussitôt fabriquer une immense affiche sur laquelle on lisait : « Dans trois jours, l’excellente, l’incomparable, la sublime, la divine farce du Triomphe des Masques, par le directeur du théâtre San-Carlino, Geronimo Passavanti. »

Cette affiche fut suspendue, à l’aide d’une corde, au milieu des rues les plus fréquentées qui avoisinent la rue de Tolède, forme de publicité qui rappelle un peu, par parenthèse, celle de nos réverbères. Mais, quand les poètes que Geronimo avait implorés vainement virent son affiche se balancer au gré des zéphyrs, ils triomphèrent et s’applaudirent de la réussite de leur complot.

— Un directeur de spectacle, dirent-ils, en être réduit à se donner comme le père de vieilleries ensevelies depuis un siècle ! Les habitués du théâtre ne peuvent manquer de s’éloigner tous de concert ; c’en est fait de San-Carlino, et nous aurons bientôt à composer une tragi-comédie sur sa ruine.

Geronimo, sans se laisser intimider par ces prédictions sinistres, avait distribué ses rôles aux acteurs ; mais, comme ils lui demandaient tous à la fois ce qu’ils auraient à dire et à faire :