Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade XXXIII

Cent Ballades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 34).


XXXIII[1]


EN plourant a grosses goutes,
Trés triste et pleine de dueil,
Ma vraye amour dessus toutes,
4Cil que j’aim, n’autre ne vueil,
Vous di a Dieu a grant peine.
Car trop grant doulour soustient
Mon cuer, qui grief dueil demaine,
8Puis que partir vous convient.

Or sont mes joyes desrouptes ;
Plus ne chant, si com je sueil ;
Des tristes suivray les routes,
12J’en ay ja passé le sueil,
Puis que je seray longtaine
De vous, et il apertient.
Je demeure de dueil pleine,
16Puis que partir vous convient.

Je mourray, n’en faites doubtes,
Sans veoir vo doulz accueil.
Ha ! Fortune, tu me boutes
20En dur point, puis que my œil,
Fors par pensée prochaine,
Ne verront cil qui retient
Mon cuer : c’est chose certaine,
24Puis que partir vous convient.

  1. XXXIII. — 17 A1 mouray — 18 A1 vou d. a. — 22 A2 q. te tient