Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade XVII

Cent Ballades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 18).


XVII



Se de douloureux sentement
Sont tous mes dis, n’est pas merveille,
Car ne peut avoir pensement
4Joyeux, cuer qui en dueil traveille.
Car, se je dors ou se je veille,
Si suis je en tristour a toute heure,
Si est fort que joye recueille
8Cuer qui en tel tristour demeure.

N’oublier ne puis nullement
La trés grant douleur non pareille[1]
Qui mon cuer livre a tel tourment,
12Que souvent me met a l’oreille[2]
Grief desespoir, qui me conseille
Que tost je m’occie et accueure ;
Si est fort que joye recueille
16Cuer qui en tel tristour demeure.

Si ne pourroye doulcement[3]
Faire dis ; car, vueille ou ne vueille,
M’estuet complaindre trop griefment
20Le mal, dont fault que je me dueille ;
Dont souvent tremble comme fueille,[4]
Par la douleur qui me cueurt seure.
Si est fort que joye recueille
24Cuer qui en tel tristour demeure.

  1. Note Wikisource : voir un erratum en p. 319.
  2. B m. en l’
  3. A2 Dont ne p.
  4. A2 Et s.