Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade XCIII

Cent Ballades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 93-94).


XCIII



Les roys, les princes et les sages,
Et les preux du temps ancien,
Ilz avoient tout plein d’usages,
Dont l’en ne fait maintenant rien ;
Ilz amoient sur toute rien
Honneur trop plus que convoitise.
Mais adès qui garde le sien,
Il a assez science acquise.

Proece, honneur, grans vacelages
Ot l’empereur Ottovien,[1]
Sage fu, prudent et moult larges,
Pour ce de ses fais lui prist bien ;
Mais qui tient cri destroit lien
Son avoir, adès cil on prise,
Quel que soit le nyce maintien,
Il a assez science acquise.


Et pour ce font de grans oultrages
Les convoiteux de mal merrien
Aux pouvres gens, et mains domages,
Mais jamais ne diroient « tien »,
Mais trop bien « ce cy sera mien »
Qui de traire a soy scet la guise,
Par flaterie ou par moyen,
Il a assez science acquise.

  1. Note Wikisource : voir un erratum en p. 319.