Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade LXXXV


LXXXV



L’espoir que j’ay de reveoir ma dame
Prochainement, me fait joyeux chanter
A haulte voix ou vert bois soubz la rame,
Ou par deduit j’ay apris a hanter
Pour un petit les maulx que j’ay domter,
Pour ce qu’adès suis d’elle si longtains ;
Mais, se Dieux plaist, j’en seray plus prochains.

Et je doy bien avoir desir par m’ame
D’elle veoir, car je m’ose vanter
Qu’il n’est ne roy, ne duc, ne prince, n’ame
Qui ne voulsist a elle honneur porter,
Pour les grans biens qu’on en ot raconter ;
Si me desplait, dont d’elle si loins mains ;
Mais, se Dieux plaist, j’en seray plus prochains.

Et sa beaulté, qui le mien cuer enflamme,
Me fait souvent gemir et guermenter
Pour le desir, qui m’estraint et affame,
D’elle veoir, pour moy reconforter ;
Je chanteray pour mon cuer deporter.
Adès suis loings d’elle ou sont mes reclains ;
Mais, se Dieu plaist, j’en seray plus prochains.