Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade LXXX


LXXX



Ne pourray je donc jamais avenir
A vostre amour, ma dame debonnaire,
Pour bien amer et loyaulté tenir,
Ne pour prier ou pour service faire ?
N’ay je pouoir de vo doulz cuer attraire,
Belle plaisant, mon gracieux cuer doulz,
Voulez vous donc que je muire pour vous ?

Helas ! pour Dieu, vueilliez moy retenir
Pour vostre ami ! car il m’est neccessaire
Se vivre vueil, ne puis plus soustenir
Vostre escondit qui m’oste mon salaire
Et plus vous serfs et plus m’estes contraire,
Dame d’onneur, me haïez vous sur tous,
Voulez vous donc que je muire pour vous ?
Au moins s’un pou vous daignast souvenir
Du dueil amer qu’il me fault pour vous traire ;
Pour quoy vous pleust, quant me volez venir,
Vous dire ce dont je ne me puis taire,
Que me feissiez de vostre doulz viaire
Un doulz semblant, mais, quant ne suis rescoux,
Voulez vous donc que je muire pour vous ?