Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade LXXVI

Cent Ballades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 76-77).


LXXVI



Je pri a Dieu qu’il lui doint bonne nuit
A la trés belle, ou sont tous mes reclaims,
Et qu’il ne soit chose qui lui anuit,
Fors seulement que d’elle si loings mains.
Car de tel mal moult bien me plaist qu’atains
Soit son doulz cuer, si qu’adès lui souviegne
De son ami, desirant qu’il reviegne.

C’est la plus belle et la meilleur, je cuid,
Qui soit ou monde, et si suis tous certains
Que loiaulté du tout gouverne et duit
Son noble cuer, qui n’est fier ne haultains,
Ne de villain penser taché ne tains ;
Si requier Dieu que nouvelles lui viegne
De son ami, desirant qu’il reviegne.


Ha ! que fusse je ores ou doulx reduit,
Ou elle maint, la porté ou ampains !
A lui seroit et a moy grant deduit,
Si seroient un pou noz maulx estains ;
Dieux ! que sceust elle au moins comment je l’aims ?
Si le sçara, mais qu’on l’amour se tiegne
De son ami, desirant qu’il reviegne.