Ce qu’on voit dans les yeux d’une maîtresse


CE QU’ON VOIT


dans les yeux d’une maîtresse.




 
Ô ma belle brune aux yeux bleus,
Vagabonde enfant des Bohèmes,
Laisse-moi lire dans tes yeux,
De ton regard les longs poëmes.

Derrière le rideau des bois
Le soleil va cacher son orbe ;

Assoupis un moment ta voix
Et les refrains de ton théorbe.

Et dans l’océan de tes yeux
Laisse voguer ma fantaisie ;
Sous les plis de leurs cils soyeux
Mon œil se perd et s’extasie ;

Leur azur calme et souverain
Reflète pour moi tout un monde,
Assis, radieux et serein,
Dans sa grandeur suave et monde ;

Des forêts que vient effeuiller
L’âpre sirocco des savanes,
Où passe le brun chamelier
En conduisant les caravanes.

De longs fleuves dont les palmiers
Ombragent les flots et les berges ;

Des pelouses où les ramiers
S’abritent sous les herbes vierges ;

Tout un Éden mystérieux
Ivre de sa splendeur première,
Où le firmament curieux
Mire en souriant sa lumière ;

Voilà ce que dans tes grands yeux
Je vois, lorsque ravi, je penche
Sur l’ambre de ton front soyeux
Mon œil d’où le rêve s’épanche.

Puis, au-dessus de ces splendeurs,
Comme le soleil sur le monde
Brille dans ses chastes candeurs
Ton amour naïve et profonde.