Ce qu’était un roi de France
Revue des Deux Mondes, 6e périodetome 5 (p. 431-456).
CE QU’ÉTAIT UN ROI DE FRANCE

I
LES ORIGINES DU POUVOIR ROYAL[1]

Par monarchie française, nous n’entendrons ni celle des Mérovingiens, ni celle des Carolingiens, mais la monarchie qui est sortie du fond de la nation avec l’avènement de Hugues Capet, produite par les causes mêmes qui, dans le courant des VIIIe et IXe siècles, ont fait la nation française. La monarchie mérovingienne n’a exercé qu’une souveraineté de conquérans, sans action sur la masse du peuple avec laquelle elle n’a guère pris contact ; la monarchie carolingienne a été une royauté militaire, un gouvernement de conquérans intérieurs, si l’on peut s’exprimer ainsi, — ce qui en explique la rapide extension, l’éclat et la fragilité ; la monarchie capétienne, au contraire, a coordonné les élémens vitaux du pays dont elle s’est elle-même formée.

Ceci s’est fait parmi les désordres effroyables que produisirent, durant les VIIIe et IXe siècles, les invasions barbares et les ravages plus terribles encore qu’engendrèrent les luttes, en tous lieux répétées, d’individu à individu, de famille à famille, de localité à localité.

Partout règne la terreur : nulle sécurité, partant nul commerce. Les champs sont dévastés et le paysan quitte le labour. De la civilisation romaine, qui avait fleuri sur tous les points de la Gaule, il ne reste que des ruines. Tout est détruit.

Sur quelle région les ravages des Hongrois, des Normands, des Sarrasins, des Saxons, ne se sont-ils pas étendus ? Et comme il n’est plus d’autorité centrale, chacun prend le droit de faire la guerre à son tour. « En l’absence de toute autorité, écrit Hariulf, les plus forts se répandaient en violences, ne cessant de ravager les contrées qui leur étaient voisines. »

Les chemins créés par les Romains deviennent des halliers ou des fondrières ; les ponts sur les rivières se délabrent et s’écroulent. On va se blottir dans le fond des forêts, parmi les landes inaccessibles ; on se réfugie sur le haut des montagnes, pour se mettre à l’abri ; on ne construit plus que des huttes en bois : il n’y a plus d’architecture.

Les liens, qui servaient à unir les habitans du pays, sont rompus ; les règles coutumières ou législatives, qui fixaient les rapports entre les hommes, sont brisées ; non seulement l’ensemble de la société, mais encore les groupes particuliers, si petits qu’on les suppose, ne sont plus gouvernés par rien.


I. — LE POUVOIR ROYAL EST ISSU DE L’AUTORITÉ PATERNELLE

C’est dans ces conditions que s’est fait le travail de reconstruction sociale ; il s’est fait autour de la seule force organisée qui était demeurée intacte, autour du seul abri que rien ne peut renverser, car il a ses fondemens dans les sentimens les plus profonds du cœur humain : la famille. La famille prend la place de l’État.

Petit Etat qui vit entre ses frontières, attentivement gardées contre les ennemis du dehors. Il est placé sous l’autorité de son chef naturel, le père de famille.

Le père commande au groupe qui se presse autour de lui et porte son nom, il organise la défense commune, répartit le travail selon les capacités et les conditions de chacun : il « règne, » le mot est dans les textes, en maître absolu.

La famille se développe. Réunis autour de leur chef, les membres de la famille ne tardent pas à former un groupe social plus étendu, la « mesnie. »

La mesnie est la famille agrandie ; elle comprend les cousins et les alliés ; elle comprend les serviteurs qui lui sont directement attachés ; elle comprendra bientôt, sous le régime patronal, ceux qui s’uniront à elle par les liens d’une parenté fictive. A la tête de la mesnie nous apparaît le seigneur revêtu d’un caractère patronal, paternel, comme l’autorité qu’il exerce. Un vieux dicton disait : « Tel seigneur, telle mesnie, » comme nous disons : « Tel père, tel fils. » « Selon seigneur mesgniée duite, » écrit encore au XIVe siècle Christine de Pisan.

La mesnie enveloppe les hommes d’armes les plus fidèles. Ils sont nourris, élevés, instruits au métier des armes par le seigneur, avec les neveux, les descendans, les autres parens. Un même esprit les anime. De leur seigneur tous les membres d’une mesnie poussent le cri de guerre, tous lèvent son enseigne, tous fixent, au bout de leurs lances, son gonfanon, tous portent son nom. Tous ensemble ils forment la « mesnie un tel. »

Cette mesnie, si étroitement familiale dans ses origines, comprendra au long aller un groupe étendu. Guillaume au court nez, ou, pour mieux dire « au nez courbe, » ne compte pas dans sa mesnie moins de quarante bacheliers, fils de comtes et récemment adoubés. Savari l’Allemand se met en route avec cent compagnons, tous de sa mesnie. Gaydon passe en revue sa mesnie : cent hommes d’armes qui le suivront contre l’ennemi. Les historiens dénombrent la mesnie Guillaume Gros de Martel. En 1172 il s’était rendu à Beaucaire, auprès de Raymond, comte de Toulouse ; trois cents chevaliers formaient sa suite ; il les nourrissait : de la rue on apercevait les queux qui leur apprêtaient des victuailles, dans la cuisine, à la lumière de nombreux flambeaux.


Bien sont d’une mesnie jusqu’à mil compagnons


lisons-nous dans la chanson des Saisnes.

Groupés autour de leur seigneur, tous ceux qui composent la mesnie doivent s’aimer mutuellement comme membres d’une même famille. Ils doivent avoir pour leur chef l’affection qu’on a pour le chef de famille et lui-même doit les protéger.

Le comte Guéri le Sor est fait prisonnier. Sa première pensée va aux siens :


Franche mesnie, que porrés devenir,
Quand je vos lais [laisse] ?


Le comte d’Artois voit les hommes de sa mesnie étendus « parmi le sablon. » Les ennemis les ont tués de leurs épieux carrés. « Sa mesnie est là, morte et sanglante ; de sa main droite il la bénit ; sur elle il s’attendrit et pleure ; ses larmes lui coulent jusqu’à la ceinture. » (Girart de Roussillon.)

Issue de la famille, la mesnie en a les caractères et dans les textes latins — en l’absence de l’expression mesnie, — elle est désignée par le mot familia.

La mesnie se développe à son tour et produit le fief, à la tête duquel est placé le baron féodal. Chef d’une mesnie plus puissante, plus étendue, celui-ci puise dans l’autorité du chef de famille un pouvoir fait des mêmes élémens.

C’est ainsi que, dans la formation de notre civilisation, la mesnie a joué, entre la famille et le fief, un rôle très exactement semblable à celui de la phratrie entre la famille et la tribu de l’ancienne Grèce, à celui de la gens entre la famille et la curie romaines.

Le fief apparaît au moyen âge comme une famille plus étendue dont le suzerain est le père. Si bien que, pour désigner l’ensemble des personnes réunies sous la suzeraineté d’un chef féodal, on rencontre fréquemment dans les textes des XIIe et XIIIe siècles, époque où le régime féodal atteignit son plein épanouissement, le même mot familia.

L’assimilation entre le seigneur, chef du fief, et le père, chef de la famille, se rencontre avec précision dans les textes du temps.

Maintes fois les historiens en ont fait l’observation : le fief est un petit Etat muni de tous les organes nécessaires à une existence complète et indépendante. On y voit une armée groupée autour du suzerain et qui obéit à ses ordres ; en temps de paix même, elle suit ses instructions ; on y voit des vassaux qui doivent le service de conseil et forment autour de leur seigneur un comité de gouvernement, le cas échéant, une cour de justice.

Au Xe siècle, dans les chartes et dans les chroniques, l’ensemble des personnes placées sous l’autorité du père de famille est appelé familia ; l’ensemble des personnes placées sous l’autorité du seigneur, chef de la mesnie, est appelé familia ; l’ensemble des personnes réunies sous l’autorité du baron, chef du fief féodal, est appelé familia ; et le territoire sur lequel s’exerce leur autorité, qu’il s’agisse du chef de famille, du chef de mesnie ou du baron féodal, s’appelle uniformément, dans les mêmes documens, patria.

De ces seigneuries, dont chacune représente un gouvernement autonome placé sous la direction d’un chef de famille, la France est composée au Xe siècle. On en compterait plusieurs milliers. Par elles le pays se gouverne. La réunion en forme la nation.

Or, en 987, un de ces barons féodaux, celui qui incarnait de la manière la plus complète et la plus puissante les caractères qui marquaient chacun d’eux, fut porté, — sous l’impulsion qui poussait la France à l’organisation de ses forces vives, — au sommet du groupe social : Hugues Capet devint roi.

Par quel argument Adalbéron, archevêque de Reims, a-t-il appuyé la candidature du nouveau souverain, devant l’assemblée des grands du royaume ? « Vous aurez en lui un père ; nul jusqu’à présent n’a invoqué en vain son patronage. »

Par l’intermédiaire du baron féodal, le pouvoir royal est donc sorti de l’autorité qu’exerçait le père de famille. Selon le mot de Hugues de Fleuri (XIe siècle) : « Le Roi représente dans le royaume l’image du père. » Et gardons-nous de ne voir ici qu’une filiation abstraite, une origine lointaine, qui se dessinerait par des formes extérieures, par des mots ou des formules ; car nous constatons là une origine directe, établie par des faits précis et concrets, formée d’élémens essentiels, et dont nous verrons les conséquences se répéter de siècle en siècle de la manière la plus vivante.


II. — LE MÉNAGE DE LA ROYAUTÉ

Après être remontés aux sources du pouvoir royal dans l’ancienne France, voyons quelle en a été la mécanique, comme aurait dit Saint-Simon. Y retrouverons-nous les conséquences de ces origines familiales ?

Rien n’est plus difficile à un esprit moderne que de se représenter ce qu’était dans l’ancienne France la personnalité royale, d’éprouver à nouveau les sentimens par lesquels les sujets du Roi lui étaient attachés. « L’autorité du Roi, écrit M. Paul Viollet, était celle du père de famille ; » et M. Flach : « Le Roi est le chef de famille. »

Aussi sa femme, comme dans toute maison bien tenue, doit- elle avoir part à l’administration. « Elle tient le ménage de sa royauté, » dit très heureusement l’historien des Origines de l’ancienne France, en reprenant l’expression des chansons de geste. Le trésor de l’Etat est sous sa surveillance. Le chambrier, qui s’appellerait de nos jours le ministre des Finances, est son subordonné. Robert II se plaît à louer l’habileté de la reine Constance dans la gestion des deniers publics ; quant à Bertrade, que Philippe Ier a fait asseoir sur le trône, elle faisait sans doute trop bien : Ives de Chartres lui reproche de trafiquer des évêchés pour le compte du trésor.

Philippe-Auguste fut le premier prince qui écarta les femmes du gouvernement, rompant avec des traditions déjà deux fois séculaires. Car il ne faut pas oublier que la monarchie française, tout en développant à travers les siècles les élémens qu’elle tenait de ses origines, n’en a pas moins été, comme tout organisme vivant, en perpétuelle transformation ; mais ici encore on trouvera, jusqu’aux derniers temps de la dynastie, les traces de ces conditions premières : en l’absence de Louis XIV, ce sera Marie-Thérèse qui délivrera et signera les lettres de cachet.

Auprès du père et de la mère, le fils aîné. L’accord de ces trois volontés, celle du Roi, celle de la Reine et celle de leur fils, est maintes fois exprimé par les diplômes royaux ; à eux trois ils formaient ce que nous appellerions « la couronne, » jouissant de cette inviolabilité, de cette suprême autorité que les hommes du Moyen âge attribuaient à la Trinité capétienne.

Au père, — en fait, au Roi, — à la mère et au fils, vient se joindre, si elle vit encore, la reine mère, la veuve du Roi défunt. Sous le règne de son fils, elle continue de participer à l’exercice du pouvoir.

Puis les frères. Leurs droits, dans les premiers temps de la monarchie, sont bien plus étendus que ceux dont ils jouiront plus tard sous le nom d’apanages.

A la famille immédiate du prince se joint son conseil. Celui-ci comprend, comme le conseil du seigneur féodal, les parens du suzerain, « messeigneurs du sang, » ses alliés et des personnages de confiance ; mais ces derniers, par celle même extension du caractère familial qui a produit la mesnie et le fief, sont eux-mêmes assimilés à des parens. Le 2 mars 986, Louis V est installé sur le trône par le duc de France, en attendant le jour où celui-ci s’y placera lui-même. Louis V dit au duc et à ceux qui l’entourent :

« Mon père m’a enseigné que vous devez être pour moi des alliés, des cousins, que je ne devrais rien faire d’important en dehors de votre prudence. En vous réside mon conseil. »

Conseil qui comprend la famille du Roi, ses familiers, ses serviteurs, et dont la réunion forme sa cour, curia regis. Il tend à prendre un caractère régulier, il suit le prince en ses déplacemens ; mais jusqu’à la fin du XIIIe siècle il restera, conformément à ses origines, un conseil privé, un conseil de famille. Chroniqueurs et poètes l’appelleront la « mesnie du Roi. » Souvent aussi on le nommera la « chambre du Roi, » à cause du lieu « la Chambre » où il se réunissait d’ordinaire, distinguée de « la Salle » destinée aux audiences publiques.

D’autres fois le Roi délibère avec son conseil dans l’une des cours de son palais, ou sur une terrasse : « Au milieu il y avait un pin qui protégeait contre la chaleur ; la brise soufflait doucement ; une fontaine coulait par la gueule d’une chimère. C’est là que le Roi tint son parlement (délibération) avec son conseil principal. » (Girart de Roussillon.)

Joinville a laissé une vivante peinture de la manière dont se tenaient ces assemblées et cela dans les circonstances les plus graves, quand il nous montre, par exemple, saint Louis et ses barons délibérant à Saint-Jean-d’Acre, en août 1250, sur la question de savoir si le Roi demeurerait en Terre Sainte ou rentrerait en France.

C’est le « grand conseil » au sein duquel ne tarda pas à se constituer le « conseil étroit, » composé des princes du sang des pairs de France et des principaux officiers du monarque

Avec ses grands vassaux, ses conseillers et ses serviteurs, le Roi mené une vie patriarcale ; princes et subordonnés forment une seule « maison, » une même « famille, » comme dit précisément le chroniqueur Geoffroi de Beaulieu. Leurs enfans sont élevés ensemble à la Cour ; ils y sont instruits au métier des armes et au gouvernement. Ils sont tous vêtus par la Reine. Ils forment la « mesnie » du Roi, qui les aime et les nourrit, et une affection mutuelle doit les unir : « Damoiseaux de ma mesnie, leur dit le Roi, aimez-vous mutuellement. » (Girart de Roussillon.)

Le visiteur qui arrive au logis royal passe devant la sentinelle qui joue de la flûte pour tuer le temps. Il entre dans le palais, où il croise dans les loges (galeries) les seigneurs palatins qui s’y promènent en devisant, quelques-uns d’entre eux fredonnent chansons d’histoire ou chansons courtoises, « chansons légères à entendre, » pour reprendre l’expression du trouvère Quènes de Béthune. Du haut du solier (premier étage) quelques officiers du palais regardent les je ânes bacheliers qui, dans les cours, jouent à la paume.

Les jeunes filles vivent autour de la Reine, dans la « Chambre des pucelles, » où Jean Renart nous les montre se coiffant le matin « à la heaumière » avec des branches de porc-épic. On les trouve assises par terre, sur des « coûtes-pointes » ou sur des « coûtes de soie, » autour de leur souveraine qui a les cheveux noués d’un cercelet d’orfroi (bande tissée d’or).


Si bele dame ne fu onc esgardée :
Vestue fu d’une porpre rouée [tissée à dessins],
Sa crine crespe [chevelure bouclée] fu à or galonnée.


Elles babillent en travaillant à l’aiguille avec des chapels (couronnes) de fleurs sur la tête. Naïfs et gracieux tableaux. Occupées à ouvrer « pailes » ou courtines, aumônières ou baudriers, attaches de soie ou las de beaumes,


Fanons, garnemens de moutiers,
Chasubles et aubes parées,


l’une ou l’autre, ou la Reine elle-même, ou toutes ensemble chantent des « chansons de toile, » — ainsi nommées dès le XIIIe siècle, parce que femmes et filles les chantaient tout en cousant, et parce qu’on y voyait généralement en scène dame ou pucelle occupée à coudre. C’est la chanson de la belle Aude :


Fille et la mère se siéent à l’orfroi [broderie],
A [avec] un fil d’or i font des ories croix [croix d’or] ;


ou la chanson de la belle Aïe :


Sur ses genoux un paile [étoffe] d’Engleterre,
Et à un fil i fet coustures beles ;


ou la chanson de la belle Aiglantine :


Bele Aiglantine, en roial chamberine,
Devant sa dame [sa mère] cousoit une chemise ;


ou bien encore celle de la belle Yolande :


Bele Yolans en sa chambre séoit,
D’un bon samit [satin] une robe cosoit, —
A son ami tramettre la voloit, —
En sospirant ceste chanson chantoit :
« Diex ! tant est dous li nom d’amor,
Jà n’en cuidai [pensai] sentir dolor ! »


L’auteur de Galeran (XIIe siècle) décrit ainsi la journée de la Reine, environnée de ses dames et de ses filles d’honneur. Elles passent les heures à


lire leur psautier
Et faire œuvre d’or et de soie [travailler à des tissus d’or ou de soie],
Oïr de Thèbes ou de Troie [romans d’aventure],
En leurs harpes lais noter,
Et aux échecs autrui mater,
Ou leur oisel en leur poing paistre...


Pour joyeuse que fût l’humeur de ceux qu’abritaient les demeures royales, les bâtimens eux-mêmes en présentèrent jusqu’au XIIIe siècle un coup d’œil sévère, mais qui n’était pas dépourvu de grandeur : vastes salles voûtées, aux murs blanchis à la chaux, quelquefois ornés de rosaces et de fleurons de couleur à la détrempe. Les sièges sont taillés de chaque côté des fenêtres dans l’épaisseur des murs, au long desquels ont également été ménagés des bancs en pierre de taille. Le sol est dallé de pierres dures ou d’un carrelage émaillé : les salles « pavées, » les « salles perrines » (en pierre) des chansons de geste. Deux pièces principales, comme il a été dit : « la Chambre » où se trouve le trésor et qui sert aussi de garde-meubles, où le prince réunit son conseil, et « la Salle » ouverte aux audiences publiques.

On y répand de l’herbe fraîche, des joncs, de la menthe et des fleurs en été ; de la paille en hiver. Philippe-Auguste ordonna que l’Hôtel-Dieu de Paris recevrait la jonchée de son palais, qui était renouvelée tous les matins. Les jours de fête, ou à l’occasion de cérémonies particulières, des étoffes de couleur, taffetas ou cendal, des tapis et des pailes sont tendus aux murs : ce qu’on nommait les « dossiers. » Enfermées dans des coffres, ces étoffes suivaient le Roi quand il changeait de résidence.

Les chambres de la Reine et des pucelles étaient revêtues de lambris de bois.

On vit à la Cour de France avec la plus grande simplicité. Walter Map, chanoine de Londres, vient à Paris sous le règne de Louis VII. Il rapporte que, s’entretenant certain jour avec le Roi, celui-ci lui traça un parallèle entre la Cour d’Angleterre et la Cour de France. « A ton souverain, lui dit Louis VII, il ne manque rien : hommes, chevaux, or et étoffes de soie, pierres précieuses et fruit et gibier, il a tout en abondance ; à la Cour de France, nous n’avons que du pain, du vin et de la gaîté. — J’ai noté ces paroles, ajoute l’Anglais, parce qu’elles étaient vraies et courtoises ; » car il y voyait naturellement un très grand éloge et la supériorité de son suzerain. On possède les comptes de la Cour de France pour les années 1202-1203, deux années du règne de Philippe-Auguste. Elles répondent à des mœurs très simples. Le Roi et les princes de sa famille ne changent de vêtemens que trois fois par an, à la Saint-André, à la Noël et à l’Assomption. A la table de Philippe le Rel, on ne servait que trois plats ; les jours maigres quatre plats étaient autorisés. Pour dessert, les fruits récoltés dans le verger royal, réservés d’ailleurs à la table du monarque et de ses frères, car les seigneurs et les officiers de la couronne ne recevaient pour leur part que des noix sèches. En carême, tous avaient également pour dessert des noix, des figues et du raisin sec.

Le Roi mange avec ses officiers, avec les prélats et avec les barons palatins qui le secondent dans l’expédition des affaires. Repas royal auquel chacun peut assister en spectateur, en curieux : la maison du Roi est ouverte à tous. Aussi la foule s’y pressait-elle. Au dessert, le restant des mets était réparti entre les personnes présentes, usage qui se conservera jusqu’à l’extrême fin de la monarchie.

Le roi des ribauds avait charge de maintenir un peu d’ordre dans une assemblée aussi nombreuse, à quoi il avait grand’peine. Parfois s’élèvent « noise, courroux et mêlée ; » les « poings carrés » se serrent et frappent rudement sur leurs victimes renversées à terre et qui poussent de grands cris.

Les vassaux du Roi le servent, comme ils le conseillent. L’une et l’autre fonctions constituent le service domestique ; car c’est aux âges les plus reculés que remonte l’honneur attaché par l’ancienne France aux charges domestiques et que nous ne comprenons plus aujourd’hui.

Des diverses provinces, seigneurs et prélats viennent auprès du monarque faire de courts séjours, remplir auprès de lui leurs devoirs d’aide et de conseil.

Le comte Ferrans arrive au palais, entre dans la première cour, où il met pied à terre et attache son cheval. Il retire son heaume qu’il fixe à l’arçon de sa selle, arrange son haubert, puis fait le signe de la croix avant de pénétrer dans le donjon principal du palais, où il trouve le Roi à table « au mangier, » entouré de ses principaux conseillers.

Les nouveaux venus sont logés par le Roi, ils sont nourris, ils reçoivent des présens, de l’argent monnayé. Et ce mélange hétéroclite de courtisans de passage et de familiers fixés à demeure, de toutes classes et de toutes conditions, sans autre titre que leur dévouement au monarque et la confiance qu’il leur témoigne, a formé pendant longtemps, — jusqu’à la veille de la Révolution, — l’organe principal du gouvernement.

Cour du Roi qui, suivant les circonstances, et par ce mouvement même d’allans et venans, change incessamment de caractère : voici qu’elle s’est transformée en camp de guerre, prêt à chevaucher contre l’ennemi, car les barons sont arrivés, coiffés de leurs heaumes verts, vêtus de leurs broignes à doubles mailles, avec leurs lances ornées de gonfanons et leurs écus bandés.

Mais bientôt la Cour du Roi a revêtu la physionomie d’un concile par l’afflux des prélats, abbés et évêques du royaume ; on y discute sur des questions de discipline ou d’administration religieuse, voire sur des articles du dogme, sous la présidence du Roi ; ou bien elle a pris le caractère d’une Cour de justice, prononçant des arrêts ou des sentences d’arbitrage, assistant aux combats meurtriers que se livrent, entre les lices blanches, les champions des combats judiciaires.

Au temps des derniers Carolingiens, la Cour résidait principalement à Laon, le Mont-loon des chansons de geste, la citadelle imprenable sur sa butte fortifiée ; mais, avec les premiers Capétiens, la famille royale devient vagabonde, sans cesse en route sur les chemins de Paris et d’Orléans, allant de Melun à Étampes, de Saint-Denis à Pontoise ou à Compiègne, à Mantes ou à Poissy. Les haquenées blanches, ornées de garnemens de samit aux arçons travaillés à jour, les mules ferrées d’argent et couvertes de sambues claires à œuvre d’or menue, où sont montées la Reine et les filles de sa maison, se groupent en gracieuses chevauchées. Les écuyers, qui les accompagnent, portent à leurs poings faucons, vautours et éperviers, et les garçons mènent en laisse chiens et brachets, viautres et lévriers. Avec les sommiers chargés de lourds coffres en bois de chêne bardés de fer, recouverts de tapis, et les chariots entoilés qui renferment les richesses du Trésor et les hardes de la garde-robe, ils forment de longues files sur les voies sillonnées de fondrières. Par derrière viennent, sur leurs roncins, les clercs de la chapelle habillés de noir ; mêlés aux queux et aux fourriers, les taboureurs, vielleurs et ménétriers, vêtus de couleurs voyantes, les uns mi-partis, les autres en manteau rouge et capuce jaune, les autres en chape et en chausses vertes. Le cortège est accompagné d’une petite troupe de chevaliers, dont une partie ouvre la marche, tandis que l’autre protège l’arrière. Par-dessus les halliers ou les buissons qui bordent les chemins creux, saillent les pointes de leurs lances en bois de frêne, au haut des- quelles « baloient, » fixés par des clous de cuivre, les longs gonfanons aux vives couleurs, dont les franges d’or retombent jusque sur la main à ceux qui en sont armés. A leur cou pendent les écus oblongs, les écus « de quartier, » c’est-à-dire coupés de bandes de métal doré, peinturés d’emblèmes héraldiques, de fleurs et d’animaux. Ils sont vêtus de leurs hauberts à mailles menues avec manches et gorgerin ; leur tête s’abrite sous le heaume d’acier bruni, en forme d’œuf, où glissent les coups d’épée, le heaume à visière et à ventail qui ne laisse à découvert que les yeux.

Quant au pouvoir exécutif, il se trouve naturellement entre les mains des domestiques attachés à la famille régnante. Ceux-ci se groupent en six métiers (ministeria), en six ministères : la cuisine, la paneterie, l’échansonnerie, la fruiterie, l’écurie et la chambre, où se répartissent un monde de cuisiniers, aideurs, souffleurs, tournebroches, portechapes, gâte-sauce, pâtissiers et oubliers, panetiers, sommeliers et échançons, barilliers, potiers, fruitiers, verduriers, poulailliers, valets de chandelle et porte-torche, écuyers, garçons, valets d’étable et valets de forge, charretiers et bourreliers, portiers et gaîteurs, chambellans, tailleurs, lavandières et repasseuses, courriers et fourriers, huissiers et fureteurs, dirigés par les grands officiers, le sénéchal, le bouteiller, le panetier, le chambrier et le connétable, serviteurs personnels du monarque.

Le sénéchal veille à la cuisine ; il fait allumer le feu pour le repas et ordonne la table royale : « sénéchal de la victuaille, » ainsi que le nomme Bertrand de Bar. A Bourges et à Orléans, où le Roi tenait cour ouverte, Hugues de Clèves a vu le sénéchal faire placer des bancs autour de la table du festin, puis les faire recouvrir d’étoffes et de tapis, afin que les seigneurs pussent y prendre place jusqu’à l’arrivée des mets. Il fait « crier l’eau » ou sonner les buccines pour avertir les seigneurs du Palais d’avoir à se préparer pour le repas et à se laver les mains. Il est l’écuyer tranchant : c’est lui qui découpe la viande mise sur la table du prince. Le repas terminé,


Les escueles fait torcher et laver,


après quoi il reçoit, pour sa peine, un morceau de viande, auquel le panetier et le bouteiller ajoutent deux ou trois chopines de vin. Le sénéchal tient en ordre la maison du Roi et son importance s’accroît avec cette dernière, à mesure que deviennent plus nombreux les nourris, ceux que le Roi élève et admet dans son domestique. Il garde les clés des portes qui donnent accès dans la demeure royale. Il règle souverainement l’hospitalité du palais, admet les nouveaux venus, leur fixe leur place à table, ou bien les en écarte. Il leur assigne les logemens qu’il a fait préparer.

Girart de Montglane et son frère se présentent au palais, entrent dans la Cour où ils croisent le sénéchal, très affairé. Il est vêtu de « fraîche hermine claire ; « son bliaut a été taillé à sa mesure.


En sa main tient un baston de pomier,


signe de son commandement. Il est fort occupé à répartir l’avoine aux écuyers pour leurs montures et crie à tue-tête :


Or, à l’avoine venez-en, escuier !
Si vos me faites .j. petit [un peu] courecier,
N’en panrez point, par Deu le droiturier !


Le sénéchal vit dans l’intimité du souverain, introduit les visiteurs. Le Roi lui confie l’éducation de son fils. Les chansons de geste indiquent les différentes charges de la domesticité royale par lesquelles on pouvait parvenir à ce poste éminent. Girbert de Metz, accueilli à la Cour sur la recommandation de la Reine, y fait d’abord les fonctions de veneur. Puis il devient fauconnier ; enfin sénéchal de France aux gages de quatre livres parisis par semaine.

En temps de guerre, le sénéchal donne ses soins à l’arrangement de la tente royale, il suit son maître dans les expéditions, il porte son gonfanon. « Métier, dit Bertrand de Bar, qui a seigneurie sur tous autres. » De son côté, Jean Renart nous montre le sénéchal « sire et mestre » dans le palais, où il est « commandère après le Roi de toute la maison ». Il est « sur tous ceus de Paris » « conseiller en sa Chambre. » Nul n’oserait contre son gré faire arrangement


Ne de haut fet, ne de besoigne.


Il gouverne la France :


Et bien doit France avoir en abandon,
Seneschaus est, en a le gonfanon.


Ces fonctions devinrent héréditaires dans la maison de Garlande qui les érigea à la hauteur d’une vice-royauté. Louis VI, pour en diminuer l’importance, retrancha de l’office le service de dapifer, c’est-à-dire d’écuyer tranchant ; enfin Philippe-Auguste supprima le sénéchalat (1191) devenu un danger pour la couronne.

A la suite du sénéchal vient le connétable, comes stabuli, le comte de l’écurie. Il surveille l’écurie du Roi, contrôle le service des fourrages, achète des chevaux ; il tient la main à ce que les palefreniers nettoient soigneusement les stalles ; aussi peut-il placer quatre de ses chevaux aux râteliers de son maître et prendre en outre à la cuisine de la viande crue ou de la viande cuite. « Comme l’escuyerie du Roy, écrit André Duchesne, semble estre en partie destinée pour les hasards de la guerre, ils (les connétables) commencèrent par là de s’accroistre et amplifier en grandeur et gaignèrent qu’au lieu où auparavant ils estoient superintendans de ceste escuyerie, ils commencèrent d’estre estimez pour lieutenans généraux de toute la gendarmerie... » Le connétable devint chef de l’armée. Philippe-Auguste lui adjoignit deux maréchaux. Le connétable étant devenu à son tour, par sa trop grande puissance, une menace pour la monarchie, l’office fut supprimé par Richelieu en 1627.

Le bouteiller, ainsi que son nom l’indique, magister pincernarum, commandait aux échansons comme le connétable aux garçons d’écurie. « Sa charge estoit de présenter la coupe à Leurs Majestez et d’avoir soin de leurs bouteilles. » Il distribuait le vin aux hôtes du palais. Il faisait


Les napes estuer [étuver] et garder
Et les hanaps, que nus nés puet ambler [voler].


D’autre part, il administrait les vignobles royaux et en gérait les revenus. Il ne veillait pas seulement à fournir la cave du Roi, mais à vendre les excédens des récoltes. Il établissait les pressoirs banaux, faisait rentrer les impôts de tonlieu, de pressurage, de forage ; ce qui l’amena naturellement à juger les contestations auxquelles ces redevances donnaient lieu. Ainsi s’étendit progressivement l’importance de ses fonctions. Il ne tarda pas à prendre part à l’administration du domaine et à la gestion du fisc.

Le bouteiller avait droit, pour lui et pour sa famille, au vin tiré du cellier du Roi ; il avait le droit d’aller prendre à la cuisine de la viande crue ou de la viande cuite. Il ne pouvait pas, comme le connétable, loger quatre chevaux dans les écuries de son maître ; mais en revanche, il avait permission d’aller se choisir des torches et des chandelles au fruitier. Lui revenaient en outre les tonneaux entamés les jours de fête : privilège auquel le bouteiller tenait beaucoup ; car comme c’était lui précisément qui faisait monter les tonneaux de la cave, il en faisait mettre en perce le plus grand nombre possible. Le bouteiller eut l’intendance du trésor royal et la présidence de la Chambre des Comptes. A partir du XIIe siècle, ces fonctions devinrent héréditaires dans la maison de la Tour, la première famille de Senlis. En 1449, Charles VII dut supprimer la charge qui avait pris trop d’importance.

L’histoire du chambrier et celle du panetier se présentent sous un jour semblable. Venons au grand chancelier.

Son caractère diffère un peu de celui de ses collègues, parce que, pour domestique, son origine fut également religieuse. Les rois mérovingiens conservaient parmi leurs reliques la petite chape (capa) de saint Martin. C’était le vêtement de dessous que le patron des Gaules portait le jour où il avait abandonné sa tunique à un pauvre. De là le nom de « chapelle » donné au lieu où étaient gardées les reliques des rois, et celui de « chapelain » attribué aux clercs qui y étaient préposés. Aux reliques étaient jointes les archives. Lesdits chapelains devaient tenir registre des sermens qui étaient prêtés sur la chape. Ils en vinrent ainsi à être chargés de la rédaction des actes, des diplômes munis de sceaux. Leur chef fut le chancelier. Celui-ci devait constamment porter le grand sceau suspendu à son cou, de crainte qu’il ne fût perdu. On l’appelle « cil qui porte le scel. » Il commande aux notaires qui rédigent les actes royaux et aux chauffe-cire qui les scellent.

A mesure que la royauté exerça une action plus paisible et que, dans le gouvernement, une justice de robe put remplacer la justice armée, le rôle du chancelier grandit en prestige et en autorité. Le voici qui prend le pas sur le bouteiller et sur le connétable ; après le monarque, il sera le premier personnage de l’Etat, le seul des grands officiers autorisé à porter la pourpre royale. On -l’admire dans les cortèges, vêtu de la robe, du manteau et du chaperon d’écarlate, ou bien de drap d’or sur champ cramoisi, monté sur sa mule enharnachée de velours rouge frangé d’or avec housse de même parure. Dans l’ost il revêt, à l’instar du Roi, par-dessus son corcet d’acier, une jacquette d’écarlate.

Dès 1227 les fonctions du chancelier ont pris tant d’importance que le Roi croit devoir laisser la place vacante ; mais, par courtoisie, « cil qui porte le scel » continue de recevoir le titre de chancelier et d’en revêtir le costume.

Tels étaient les six grands officiers de la couronne. Ils assistaient le Roi dans les divers actes de sa puissance. Leur caractère si étroitement domestique se perdit avec le temps, moins rapidement néanmoins qu’on ne serait tenté de le croire, puisque nous en retrouvons encore les traces les plus saillantes à l’époque de la Renaissance.

Ces domestiques, grands officiers, forment avec la Reine et les fils du Roi, avec ses parens et les grands du royaume qui composent le conseil étroit, — et avec les autres officiers de conditions diverses qui occupent les rangs de la haute et de la basse domesticité du palais, queux, cubiculaires, chapelains, maréchaux, — ils forment ce que les textes du temps appellent « la famille royale ; » ce que nous appellerions le gouvernement.

Louis le Gros fait d’un de ses cuisiniers, Harcher, un de ses principaux capitaines, et saint Louis fait un ambassadeur d’un de ses cuisiniers également, Gervais d’Escraines.

Les fonctions domestiques se confondaient donc originairement à la Cour de France avec les fonctions publiques.

Les six grands officiers de la Couronne, chargés des six ministères, ne furent cependant pas l’origine des secrétaires d’Etat modernes. Nous avons vu comment l’importance prise par eux, avec le temps, avait décidé les souverains, soit à supprimer leurs charges, soit à les rendre exclusivement honorifiques. Depuis le XIIIe siècle, on trouve quelques clercs auprès du Roi pour contresigner les actes qu’il expédie. Au commencement du XIVe siècle, ces modestes fonctionnaires sont appelés « les clercs du secret. » Ils mangent à la table des chapelains royaux. Ils sont les ancêtres directs des ministres d’aujourd’hui, origine dont on suit les conséquences jusqu’au XVIIe siècle, où la charge de notaire-secrétaire du Roi continuera d’être indispensable à qui voudra obtenir une commission de secrétaire d’État.

Enfin dans les « cours plénières, » — la grand’ cour, qu’il ne faut pas confondre avec le grand conseil, — la « famille » tout entière se réunit. On les nommait aussi « cours publiques, » « cours générales, » « cours ouvertes, » et « cours larges. » C’étaient des assemblées, conventus, où le Roi tenait ce qu’on nommait ses « fêtes, » à Pâques, à la Pentecôte, à la Toussaint, à Noël ; ou bien à l’anniversaire de son sacre, de son mariage, à la « chevalerie » de ses fils ou de ses frères, aux noces d’un frère ou d’un enfant, — fêtes de famille.

Ni ordre, ni règlement, ni hiérarchie : seigneurs et tenanciers, riches et pauvres, une innombrable cohue se presse autour du prince. Dans le palais


Tant i a chevalier et gent
Que l’en n’i puet son pie [pied] torner.


Les uns ont fait le voyage pour venir quémander des bénéfices, les autres au contraire, pour offrir des présens au souverain, pour lui marquer leur amitié. Nombre de seigneurs sont arrivés avec leurs femmes, à quoi quelques-uns d’entre eux étaient même obligés.

La ville, que le Roi a désignée pour y tenir sa Cour, s’est mise en fête, surtout la partie où il a pris résidence, le « château, » le « maître-bourg. » La chaussée en est jonchée de menthe, de jonc et de glaïeul ; les maisons sont tendues de cendal et de baudequins [étoffes historiées]. Sous les gouttières et aux pignons des demeures qu’ils occupent, barons, chevaliers et écuyers ont fixé leurs enseignes et leurs bannières, leurs armoiries et leurs écus,


Por leurs compaignons adrecier,


c’est-à-dire pour faire connaître leur logis à ceux qui le chercheraient. Enseignes, bannières et écus y font briller leurs vives couleurs.

Les poètes du XIIe siècle ont laissé mainte description des cours plénières tenues à Paris, « en la terre le Roi : »


Che fu à Pentecouste, le haut jor enforcié,
C’a Paris tint sa Cour Karles o le vis fier [au fier visage].


On y est venu de tous les points du royaume :


Grans fu la cors des barons chevaliers…
Et si ot bien. x. m. [dix mille] arbalestriers,
Et i ot moult de bacelers legiers…


Les fils d’Aymeri de Narbonne, les Narbonnais, comme les appelle Bertrand de Bar, approchent de la ville. Oyez cette description de Paris au XIIe siècle :


Ce jor ont tant chevalché et erré
Que Paris voient la mirable cité,
Et maint église et maint clochier levé,
Les abaïes de grand nobilité,

Et voient Seine, dont parfond sont li gué,
Et les molins, dont il i ot planté,
Voient les nés [nefs] qui amoinent le blé,
Le vin, le sel…


Les maisons sont tout « encourtinées, » le sol jonché d’herbes odoriférantes : aux fenêtres pendent mille tapis, des draps de cendal et de soie, des « pailes » pourpres ou brodés ; sur les épaules des passans on ne voit que manteaux « vairs » ou blanches hermines.

Combien grande est la peine du sénéchal à qui incombe le soin de loger tout ce monde. Chacun s’adresse à lui. La plus chétive demeure sert d’abri à des chevaliers.


Si est remplie de Paris la cité
Do grant barnage que li rois a mandé,
N’i a grant sale, ne grant paies listé [à cordons de pierre],
Meson ne volte, ne solier [étage] à degré,
Ne soient tuit ampli et ancombré,
De duc, de comte, o de prince chasé [qui tient fief],
O d’arcevesque, o d’evesque, o d’abé,
O de provoire [prêtre], o de clercs ordené.


Plus d’un noble vassal a dû s’installer dans une boutique, et dans la pièce même qui donne sur la chaussée :


Des rues ont toz les auvanz porpri.


Encore foule de braves gens restent-ils sur le pavé. Hernant de Narbonne pénètre à cheval dans un magnifique hôtel dont l’aspect l’a séduit ; il espère y trouver abri. La cour est toute grouillante de garçons et d’écuyers vaquant à leurs besognes :


Voit les haubers et froier [frotter] et coler [polie],
Et les espées forbir et ranheuder,
Et les chevax torchier et abruver,
En la quisine la vitaille porter,


Un grand tapis a été jeté emmi la place :


Environ siéent .xl. [quarante] bachelier,
Esches et tables [tric-trac] orent fet aporter,
Ensemble jouent…


Si grande est parfois l’affluence que la contrée où se tient la Cour en est « mangée, » comme un champ où se seraient abattues les sauterelles, car peu de villes étaient assez vastes pour contenir tant de gens. Alors sous les murailles des cités, dans la plaine, on dressait des campemens, où l’on voyait briller, à la lumière du jour, les toiles aux couleurs claires des trefs et des pavillons.

A l’occasion de la Cour plénière, le Roi s’est fait faire une robe neuve, une robe d’écarlate « noire comme mure. » Il s’est fait faire « un mantel d’escarlate vermeille, fendu à un costé, et chaperon de mesme étoffe tout fourré d’hermine, » manteau et chaperon ornés de pierres précieuses. Mais à la messe solennelle qu’a dite un des principaux prélats du royaume et par laquelle la Cour plénière s’est ouverte, il n’a pas mis ce vêtement d’écarlate, ni au festin qu’il préside le jour de la couronne, dies coronæ, ainsi nommé parce que ce jour le Roi paraît à table avec sa couronne qu’un évêque lui a posée au front.

Le « jour de la couronne » est le grand jour de la Cour plénière, le jour où le Roi paraît à table, couronne au front, entouré de sa famille, des princes du sang, des grands officiers et de tous ses sujets. La couronne qu’il a ceinte à cette occasion n’est pas celle du sacre, mais une autre couronne plus légère et plus facile à porter. Il a attaché à sa ceinture l’épée au pommeau d’or, il a chaussé les bottines de soie azurée, fleurdelisée d’or, il a vêtu la robe de cendal azuré, battu d’or aux armes de France, et s’est montré ainsi, dans le costume le plus auguste de sa majesté, à ses sujets réunis. Après quoi, il a repris le surcot d’écarlate ou de samit vermeil sous lequel il apparaîtra aux différens repas qui vont se succéder pendant plusieurs jours. C’est le « tinel. »

Le tinel est la table ouverte à tout venant, où le Roi reçoit son peuple, la famille entière. Sous les hautes voûtes des palais, dans les cours, dans les prés qui les environnent, dans les rues de la cité, de longues tables sont dressées et le peuple est convié parle cri des hérauts. S’assied qui veut. Les viandes sont servies en abondance. Aux carrefours, on défonce des tonneaux de vin.

Le prince tient « état royal. »

On trouve une description très précise d’une grande cour tenue par saint Louis à Saumur, dans la pittoresque chronique du bon sire de Joinville.

Le Roi, à la table où il est assis, entouré des princes du sang et des principaux personnages du royaume, est servi par ses grands officiers et parfois ceux-ci, quand le repas est en plein air, le servent à cheval. Le jour de la couronne, c’est-à-dire le jour où le prince mange couronné, avec appareil, le banquet est silencieux. On écoute le grand chambellan qui fait la lecture à haute voix. Le chambellan lit généralement les histoires où sont rappelées les gestes des hommes illustres ; mais, les jours suivans, ces agapes s’accompagnent de la plus tumultueuse gaîté. Les ménestrels font entendre les instrumens les plus divers et les tombéours font leurs farces et cabrioles. On voit leurs petits singes, dans leurs costumes d’écarlate à branlans d’or, grimper sur le des des convives. Les hérauts d’armes, avec des hanaps remplis de pièces de monnaie, se jettent parmi le peuple en criant : « Largesse ! largesse ! » et font voler autour d’eux l’argent répandu à pleines mains.

Monstrelet raconte que, en 1420, lorsque le roi d’Angleterre, Henri V, désigné roi de France par le traité de Troyes, célébra à Paris ses noces avec Catherine, fille de Charles VI, il y tint Cour plénière, comme l’avaient fait les princes aux fleurs de lis ses « prédécesseurs. » Les Parisiens se rendirent au Louvre en grand nombre, « pour voir lesdicts roy et royne séans ensemble en portant couronne, » mais, ajoute l’historien, « les peuples sans estre administrez de boire et de manger par nuls maistres d’hostel de léans. Ils partirent contre leur coutume, dont ils murmurèrent ensemble ; car, du temps passé, quand ils alloient en si haute solennité à la Cour de leur seigneur le roy de France, estoient administrez des gouverneurs de boire et de manger en sa Cour qui estoit à tous ouverte et là ceux qui se vouloient seoir estoient servis très largement par les serviteurs du roy, de viande d’iceluy. »

Trait où se marque la différence qu’on observait entre les mœurs des rois de France, demeurées patriarcales, et celles des monarques anglais.

En ces Cours ouvertes, le Roi ne se contentait pas de nourrir ses sujets ; le sénéchal distribuait en son nom


Chapes, surcots, cotes, mantiaus,


les fourrures, le vair et le gris, les des [peaux] de martres zibelines, les riches atours, garnemens et paremens, les armes, heaumes et hauberts et les écus peints à fleurs, les plats d’étain et les hanaps de vermeil, les mules et roncins, palefrois et destriers.

Veigne à la cort quand elle iert [sera] assemblée,
Chascun aura et cheval et espée.

Les moines recevaient de « blancs burriaus » [robes de bure blanche]. Aux dames le Roi donnait des pendans d’oreille, des perles, des joyaux, des ceintures « d’argent ferrées, » de riches étoffes, baudequins, draps d’argent ou de samit ciselé. Libéralités qui sont nommées les livrées, — du latin, liberatæ, liberationes, — du Roi. Puis le souverain nommait des titulaires aux charges vacantes, conférait des bénéfices, accordait des pensions, créait des chevaliers. Enfin se déroulaient joutes, carrousels et quintaines. Après quoi, le Roi embrassait les dames et congédiait l’assemblée.

Les trefs sont détendus. Barons et écuyers rejoignent leurs demeures en formant sur les routes de longues chevauchées :

Quant vient en mai, que l’on dist as Ions jors,
Que Franc de France repairent de roy cort,
Renaus repaire devant el premier front.

« En mai, le mois dit aux longs jours, quand Francs de France reviennent de la Cour du Roi, Renaud marche en avant, au premier rang. »

Que si nous nous sommes étendu un peu longuement sur ces « Cours plénières, » c’est à cause de leur importance dans le gouvernement de nos vieux rois. Les princes profitaient de ce qu’ils avaient autour d’eux le plus grand nombre possible de leurs sujets, pour prendre, d’accord avec eux, les mesures les plus instantes, les unes concernant l’ensemble du royaume, où ces décisions avaient force de loi, les autres concernant la famille royale. Les historiens ont noté toute une série de ces décisions qu’il serait trop long de rappeler ici. Et c’est ainsi que les Cours plénières, telles que nous venons de les décrire, ont été l’origine immédiate des États généraux. Les célèbres États généraux des XVe et XVe siècles n’ont pas été autre chose que les cours plénières du XIIe siècle, mais où s’était graduellement introduit plus d’ordre et de méthode.

Quant aux ressources qui leur étaient nécessaires, les premiers Capétiens les tiraient de l’exploitation de leurs domaines. Ils subvenaient à leurs besoins par leurs revenus particuliers, sans lever d’impôts, grâce à des rentes personnelles, à des cens et à des fermages, dont le montant leur était apporté dans les trois termes de Saint-Rémy, de la Chandeleur et de l’Ascension.

Les Capétiens sont devenus, il est vrai, les plus grands propriétaires fonciers du pays. A Gonesse, à Mantes, à Etampes, ils ont établi des greniers où leurs prévôts font ranger le blé et l’avoine ; ils ont des celliers à Orléans, à Angoulême ; le bois et la venaison leur sont fournis par les forêts dont leurs résidences sont entourées, les forêts de Fontainebleau, d’Ivelin, de Saint-Germain, de Compiègne et de Rouvray (bois de Boulogne). Que si le Roi est si souvent en chasse, ce n’est pas seulement, comme dans les derniers temps de la monarchie, pour son plaisir, mais pour alimenter sa table et celle de ses officiers. Et de là aussi ces déplacemens incessans, car, au lieu de faire voyager vivres et subsistances, il semblait à la Cour plus expédient de les aller consommer sur place, d’un domaine à l’autre. Ou bien le Roi se rendait, avec sa suite, dans telle ou telle abbaye où il exerçait le droit de gîte en qualité de suzerain. Vastes et multiples exploitations rurales au profit desquelles les princes ajoutent les droits féodaux qu’ils percevaient comme suzerains de leurs fiefs. Le Roi n’avait à faire face qu’à des dépenses domestiques. L’Etat n’existait pas, partant nul impôt public.

Conception qui persistera jusqu’à la Renaissance. Après cinq siècles de monarchie, les Etats généraux de 1484 estimeront encore que les propriétés du Roi lui doivent suffire à lui et à sa maison, voire aux dépenses de l’Etat. Au regard du peuple, l’impôt n’est toujours qu’un recours momentané, une aide, pour reprendre l’expression consacrée. Aussi, jusque sous Louis XIII, appellera-t-on « finances ordinaires » les produits du domaine royal, « finances extraordinaires » le produit des impôts.

Depuis des siècles, il est vrai, cet « extraordinaire » formait la ressource principale du gouvernement.

Aux revenus de ses propriétés le prince ajoutait les quatre cas de l’aide féodale qui nous arrêteront un instant.

Rappelons que, dans l’antiquité, la législation romaine prescrivait que les cliens devaient 1° doter la fille du patron ; 2° fournir la rançon du patron quand il était fait prisonnier ; 3° contribuer aux frais de ses magistratures et à celles de son fils ; 4° le soutenir dans les dépenses extraordinaires, quand des amendes étaient encourues, etc.

Le droit féodal établit que le vassal doit aide au suzerain ; 1° quand il marie sa fille ; 2° quand, fait prisonnier, il doit payer une rançon ; 3° quand il est armé chevalier ou arme ses fils chevaliers ; 4° dans les dépenses extraordinaires, quand il part pour la croisade ou veut racheter une partie du fief.

En retour, le patron devait à son client, comme le seigneur à son vassal, soutien et protection dans toutes les circonstances de la vie.

Les deux tableaux ne présentent pas seulement une grande similitude, mais une parfaite identité.

On constatera que, lorsque la féodalité se développa, la clientèle romaine avait disparu depuis des siècles : l’une ne peut donc être sortie de l’autre. Force est de conclure que l’une et l’autre ont été produites par la même cause ; or l’origine familiale de la clientèle romaine ne fait plus doute pour personne.

Voyons à présent les quatre cas de laide royale :

Le sujet doit aide au monarque : 1° quand celui-ci marie sa fille ; 2° quand, fait prisonnier, il doit payer sa rançon ; 3° quand il arme ses fils chevaliers ; 4° dans les dépenses extraordinaires, quand il part pour la croisade.

Entre l’aide féodale et l’aide royale nous constaterons donc encore les rapports les plus étroits.

La première application de l’aide royale, étendue au royaume entier, date de 1188, nous voulons parler de la contribution demandée par Philippe-Auguste pour subvenir aux frais de l’expédition contre les Sarrasins, de la dîme Saladine (du nom du sultan Saladin).

Suivons à présent les contingences dont l’influence étendra et, peu à peu, modifiera les faits sur lesquels elles agiront : l’impôt perçu par Philippe-Auguste, plus tard par Louis VII pour la croisade, fut donc essentiellement un impôt féodal, familial, à en considérer l’origine ; mais les circonstances devaient en faire un impôt général ; à plus forte raison, en sera-t-il ainsi des contributions levées par Philippe le Bel pour le mariage de sa fille Isabelle ou pour la chevalerie de ses fils, des deniers perçus pour la rançon du roi Jean.

Et quels ne furent pas les peines, les efforts du gouvernement, avant qu’il parvînt à faire accepter le principe même de l’impôt ! Sur la fin du règne de Philippe le Bel, les Capétiens occupent le trône depuis trois siècles ; le Roi veut lever, pour les besoins urgens de la guerre de Flandre, un droit qui paraîtrait aujourd’hui fort mince, sur la vente des objets de consommation. Quelle indignation provoquent ces « nouveautés, » ces extorsions injustes et intolérables ! Il y eut des émeutes, des personnes furent tuées. Si grande est la colère soulevée, que le paisible continuateur de Nangis en perd son sang-froid.

Il nous reste à parler de l’administration locale.

Au-dessous des grands officiers dont il vient d’être question, sont rangés les agens inférieurs, les agens locaux, c’est-à-dire les prévôts, qui continuent les fonctions des judices carolingiens ; mais ils sont principalement chargés d’exploiter les domaines que les premiers Capétiens possèdent sur les points les plus divers du territoire et dont les revenus leur fournissent encore leurs principales ressources pour gouverner leurs sujets. Les prévôts prennent leurs fonctions à ferme, pour un temps déterminé, versant au Roi une somme convenue pour l’exploitation du domaine et conservant le surplus des profits, qu’ils en ont tirés, pour leur rémunération. En réalité, ils sont des fermiers, dans le sens moderne du mot.

On trouve des prévôts, — ils sont au nombre de trente-huit jusqu’à Philippe-Auguste, — dans toutes les localités où la couronne possède des domaines importans. Ils y président aux labours, aux semailles, à la moisson, à la fenaison, aux vendanges ; ils y surveillent l’entretien des bâtimens royaux et des clôtures, celui des cuisines, des brasseries, boulangeries et pressoirs ; ils doivent maintenir en bon état les viviers, les vacheries, les porcheries, les bergeries et les écuries diverses, nourrir les poules, les oies, les canards, les paons, les faisans, les tourterelles et les perdrix qui appartiennent à leur maître ; élever leurs chevaux, faire cultiver leurs jardins ; recueillir les œufs, le lait, le miel, le lard que produisent les fermes et les courtils ; faire ranger la paille et le foin sous les hangars qu’ils ont fait construire ; enfin, quand ils en sont requis, ils doivent faire parvenir ces provisions à la Cour et en vendre le surplus ; occupations absorbantes et qui leur prennent plus de temps que les fonctions judiciaires dont ils sont chargés par surcroît, comme représentans de l’autorité royale. Ils sont placés sous les ordres du sénéchal, chef de la maison du Roi.

Gérans du domaine royal, ils deviennent avec le temps, — sous la force du mouvement qui a généralement déterminé l’évolution des institutions monarchiques, — des officiers publics. Pendant longtemps, ils ont été les seuls juges locaux, joignant d’ailleurs à ces attributions financières et judiciaires un rôle guerrier. Ils publient les semonces à l’ost royal et conduisent les contingens levés dans l’étendue de leur ressort. Ils deviennent les plus utiles auxiliaires du monarque.

On sait que l’institution des baillis, — cette première et, dans ses origines, cette très vague esquisse du gouvernement administratif, — n’apparaîtra que sous Philippe-Auguste, alors que la maison capétienne comptera déjà deux siècles de royauté.

Quant à un pouvoir législatif, il n’y en a pas. Un père ne fait pas de législation au sein de sa famille. « Si veut le père, si veut la loi. » Les Mérovingiens légiféraient, ainsi que les Carolingiens ; car leur autorité n’était pas de caractère patronal. Les Capétiens ne légifèrent plus. Comme le père parmi ses enfans, le Roi est, parmi ses sujets, « la loi vive. » Il gouverne son royaume comme une famille. « Si veut le Roi, si veut la loi. » Les ordonnances du Roi et de son conseil, quand elles entrent dans les mœurs, deviennent coutumières ; mais si la coutume ne les admet pas, elles n’ont qu’un effet passager. Au XVIIe siècle encore, Pascal et Domat pourront écrire : « La coutume, c’est la loi. » Et les Capétiens ne légiféreront pas jusqu’à la Révolution. On sait la célèbre réflexion de Mirabeau : « La place que la notion de loi doit occuper dans l’esprit humain était vacante dans l’esprit des Français. » Après 1789 seulement, quand le régime patronal aura été détruit, on reverra dans notre pays ce qu’on n’y avait pas vu depuis le iXe siècle, depuis les Carolingiens, un pouvoir législatif.


FRANTZ FUNCK-BRENTANO.

  1. Nous ne pouvons indiquer ici tous les documens et les travaux historiques qui ont été utilisés pour écrire les pages qui suivent ; mais nous tenons à mentionner spécialement les belles études de nos maîtres MM. Jacques Flach sur les Origines de l’ancienne France et Achille Luchaire sur les premiers Capétiens, ainsi que les livres de MM. Esmein, Imbart de la Tour et Ch.-V. Langlois.