Anonyme - début xxe siècle



Je me souviens encor de ma première femme
Ell' s'appelait Nina, un' vraie putain dans l'âme !
La Reine des morues de la plain' Saint-Denis,
Ell' faisait le tapin près d' la rue d' Rivoli !

Refrain :
Mort aux vaches ! Mort aux condés [1]!
Viv' les enfants d' Cayenne ! À bas ceux d' la sûr'té !

Elle aguichait l' client quand mon destin d' bagnard
Vint frapper à sa porte sous forme d'un richard…
Il lui cracha dessus, rempli de son dédain,
Lui mit la main au cul et la traita d' putain

Refrain

Moi qui était son mec et pas une peau d' vache,
Moi qui dans ma jeuness' pris des principes d'apache[2],
Sortis mon six trent'-cinq et d'un' balle en plein cœur
Je l'étendis raid' mort et fus serré sur l'heure !…

Refrain

Aussitôt arrêté, 'fus mené à Cayenne.
C'est là que j'ai purgé le forfait de ma peine…
Jeunesses d'aujourd'hui, ne faites plus les cons,
Car d'une simpl' conn'rie, on vous fout en prison !…

Refrain

Si je viens à mourir, je veux que l'on m'enterre
Dans un tout p'tit cim'tière près d' la rue Saint-Martin,
Quatr' cents putains à poil viendront crier très haut :
« C'est le roi des julots que l'on colle au tombeau ! »

Refrain (bis)

Sur la tombe on lira cette glorieuse phrase
Écrit' par des truands d'une très haute classe
Honneur à la putain qui m'a donné sa main
Si je n'étais pas mort je te bais'rais encore !

  1. Les vaches et les condés sont des mots d'argot désignant, ici, les policiers.
  2. Le terme "apache" désigne probablement les apaches, connus comme membres de la pègre parisienne au début du xxe siècle qui n'hésitaient pas à s'afficher en montrant leur appartenance à ce gang.