Causeries, deuxième série/Les Francs-Maçons excommuniés
LES FRANCS-MAÇONS EXCOMMUNIÉS.
La dernière malédiction publiée par le pape a surpris beaucoup mes lecteurs. On m’écrit de divers côtés : « Il y a donc des francs-maçons ? En seriez-vous par hasard ? Qu’est-ce que cette conspiration permanente contre les autels et les trônes ? S’il est vrai que la franc-maçonnerie menace également le pouvoir religieux et le pouvoir civil, comment est-elle protégée par les gouvernements lorsque les prêtres la damnent ? Éclairez-nous, si toutefois vous pouvez le faire sans danger, car on assure que la vengeance des francs-maçons est terrible. »
Je ne suis pas docteur ès-science maçonnique ; toutefois, j’en sais assez long pour réfuter les calomnies enfantines ou séniles (c’est tout un) de la papauté sur ses fins.
On m’a fait l’honneur de m’envoyer, sans précaution d’aucune sorte, tous les écrits récents qui concernent l’institution maçonnique. J’ai tout lu, tout analysé, j’ai assisté de loin aux débats de l’assemblée constituante du Grand-Orient de France. J’ai sous les yeux la nouvelle constitution votée en juin 1865, avant l’injuste et ridicule condamnation de Rome. Si le secrétariat du Grand-Orient m’a mis ces pièces en main, ce n’est pas, je le suppose, dans l’espoir que je n’en ferais point usage. Je vais donc m’en servir librement, sauf le respect que tout initié doit aux symboles et aux mystères innocents d’une quasi religion philosophique. Il y a deux éléments dans l’affaire : une doctrine qu’on ne saurait trop publier, et une collection de rites quelque peu surannés qu’il faut laisser sous le boisseau jusqu’au jour où ils tomberont en désuétude.
Cette réserve indiquée, je suis parfaitement à mon aise pour apprendre au public qui me fait l’honneur de me lire :
1o Ce que la franc-maçonnerie n’est pas.
2o Ce qu’elle est.
3o Ce qu’elle pourrait être, et ce qu’elle sera bientôt, s’il plaît aux hommes de bonne volonté.
La maçonnerie n’est pas une société secrète. Est-il bien nécessaire d’insister sur ce point ? La loi sur les sociétés secrètes est encore en vigueur dans ce joyeux pays de France. Si le gouvernement ne l’applique pas aux maçons, c’est qu’il tient leur innocence pour démontrée. Le grand-maître de la maçonnerie était naguère le prince Murat, en dernier lieu le maréchal Magnan ; aujourd’hui c’est le général Mellinet, commandant des gardes nationales de la Seine.
M. le général Mellinet n’a jamais passé pour un conspirateur ; il n’est pas même révolutionnaire en musique ; demandez aux honorables et excellents chefs de l’école Galin-Paris-Chevé. Les grands maîtres adjoints sont M. Alfred Blanche, conseiller d’État, secrétaire général de la préfecture de la Seine, et M. Lenglé, ancien préfet de la Meurthe. Parmi les grands dignitaires de l’ordre maçonnique, je remarque M. de Saulcy, sénateur, et trop homme d’esprit, j’en réponds, pour conspirer contre lui-même. La maçonnerie est donc entre les mains d’une direction très-rassurante au point de vue de l’ordre établi. Ajoutez que presque toutes les loges ou réunions particulières sont fréquentées par des officiers, des magistrats, des hommes dont le dévouement au pouvoir est incontestable. Ajoutez que tout citoyen majeur, bien famé et pourvu de l’instruction primaire, peut demander l’initiation maçonnique. M. Boitelle, préfet de police, remplit amplement les conditions d’un tel programme. Il peut donc être maçon si bon lui semble, et rien ne prouve qu’il ne le soit pas.
La constitution du 10 juin 1865 dit, article 17 : « Tout maçon a le droit de publier son opinion sur les questions maçonniques. » Or, vous n’ignorez pas que la loi civile ordonne le dépôt de toutes les publications. Donc, la maçonnerie ne peut pas avoir de secrets pour les hommes qui nous gouvernent.
Et le plus surprenant de l’affaire, c’est que le contrôle imposé à tous ses faits et gestes ne l’incommode aucunement. Pourquoi ? parce que la maçonnerie, aux termes de sa constitution, « interdit formellement à ses assemblées toute discussion en matière religieuse ou politique, qui aurait pour objet soit la controverse sur les différentes religions, soit la critique des actes de l’autorité civile et des diverses formes de gouvernement. Elle rappelle à tous ses adeptes qu’un de leurs premiers devoirs, comme maçons et comme citoyens, est de respecter les lois du pays qu’ils habitent. »
Mais si l’on violait cette sage prescription ? Si la loge se métamorphosait en club ?
« Le grand-maître (article 28) a la haute surveillance de tous les ateliers. Il suspend (article 25) tous ateliers et tous maçons qui se seraient écartés du respect dû aux lois du pays. »
Il est donc absolument impossible que la maçonnerie conspire contre l’État ou même contre l’Église. Une loge qui discuterait le dogme de l’Immaculée-Conception serait fermée dans les vingt-quatre heures. Le pape peut formuler tous les dogmes les plus inutiles et les plus invraisemblables. Ses inventions seront critiquées partout, excepté dans les ateliers maçonniques. Votre foudre tombe mal, ô saint-père, quand elle choisit les seules maisons où l’on ne vous attaque jamais.
Il n’y a pas même de courage à frapper la maçonnerie ; elle est sans armes contre ses ennemis du dehors ; contre ses ennemis du dedans, les initiés qui la trahissent, elle n’a que des peines disciplinaires.
Est-ce à dire que les francs-maçons n’aient jamais conspiré ? M’est avis qu’ils n’ont pas fait autre chose depuis l’an 1725 jusqu’à la Révolution de 1789. Les épreuves de l’initiation, le secret des assemblées, les mots et les signes mystérieux, le serment, tous les détails du rite indiquent clairement que la maçonnerie a été une conjuration énergique, terrible, contre les iniquités du vieux monde. Mais aujourd’hui qu’elle a remporté la victoire, aujourd’hui que sa devise : Liberté, Égalité, Fraternité, est devenue le mot d’ordre du genre humain, lorsqu’elle voit la science, l’industrie et la politique elle-même renverser les barrières internationales qu’elle battait en brèche, la maçonnerie vit en paix avec le nouvel ordre de choses qu’elle a si laborieusement préparé. En déclarant la guerre à la civilisation moderne, elle croirait commettre un infanticide. Elle pouvait s’armer secrètement contre les lois, lorsque les lois n’étaient pas autre chose que le bon plaisir d’un homme ; elle doit et sait les respecter depuis qu’elles expriment la sagesse d’un peuple.
Ces conséquences logiques de la Révolution sont évidentes à tous les yeux ; j’entends aux yeux de tous les hommes qui lisent notre histoire sans déchirer la page qui leur déplaît. Le pape n’en sait rien parce qu’il s’obstine à regarder 89 comme non avenu, et que l’horloge du Vatican retarde de trois quarts de siècle.
Mais s’il est vrai que la maçonnerie ait atteint son but en 1789, pourquoi existe-t-elle encore ? Pourquoi n’a-t-elle pas désarmé après la victoire ? Dans quel intérêt recrute-t-on en France de 10 à 12 000 adhérents chaque année, s’il ne s’agit que d’enfoncer une porte ouverte ? Voilà l’objection des indifférents, qui sont assez nombreux aujourd’hui, je l’avoue. Beaucoup d’esprits sensés ne voient dans les ateliers maçonniques qu’un rendez-vous de bourgeois désœuvrés, un cercle de bons vivants qui se déguisent en conspirateurs pour trinquer et faire bombance. D’autres ayant entendu dire qu’un commis-voyageur en vins s’est fait initier à la loge de Molinchart, s’imaginent que tous les Frères sont des négociants en quête de clientèle, et qu’ils courent les ateliers pour placer leur marchandise. D’autres, pour avoir su qu’une réunion maçonnique ne se sépare jamais sans donner pour les pauvres, supposent que la maçonnerie n’est qu’une association de charité, quelque chose comme la société de Saint-Vincent de Paul, avec la tolérance en plus. C’est ainsi que M. de Persigny, franc-maçon, a jugé la maçonnerie. L’Empereur, en Afrique, a répondu dans le même sens au vénérable, ou président d’une loge qui le haranguait.
Certes, la bienfaisance est un des objets de la maçonnerie, mais elle n’est ni l’unique ni même le principal. Aux termes de la constitution (art. 1er), « la franc-maçonnerie a pour objet la recherche de la vérité, l’étude de la morale universelle, des sciences, des arts et l’exercice de la bienfaisance. » Prenez cette définition pour ce qu’elle est ; je la trouve trop ambitieuse et trop étroite à la fois ; je constate seulement qu’elle exprime des aspirations bien supérieures à l’exercice banal et inutile de l’aumône.
Et quant au préjugé des sages ménagères qui redoutent les banquets maçonniques pour la santé et la bourse de leurs maris, je le ferai tomber d’un seul mot. Chaque loge se réunit à table deux fois par an, et ces repas, au moins ceux que j’ai vus, sont de six ou sept francs par tête, vin compris. La maçonnerie n’est pas une institution gastronomique.
Qu’est-elle donc ?
Une vaste association de bourgeois honnêtes, intelligents et tolérants, qui se rassemblent de temps à autre pour parler de ce qui les unit sans toucher à ce qui les divise. La loge maçonnique, très-utile surtout dans les villes de province, est un petit conservatoire où quelques hommes d’opinions et de religions diverses, vont respirer en commun l’esprit de 89.
On y perd beaucoup de temps, je l’avoue. Les vieux rites, parfaitement inutiles aujourd’hui, prennent une place qui pourrait être consacrée à des discussions utiles. Mais déduction faite des formes surannées et des symbolismes oiseux, il reste un fond sérieux et un enseignement sain. La seule agglomération de citoyens inégaux dans la société civile et qui deviennent égaux tout d’un coup ; le contact de ces juifs, de ces protestants et de ces catholiques qui s’appellent frères ; l’introduction d’un Russe ou d’un Anglais qui se sent et se dit notre concitoyen dès qu’il a franchi le seuil de la loge ; la hauteur des discussions qui planent au-dessus de toute actualité religieuse ou politique ; la modération qui s’impose d’elle-même à tous les orateurs, l’autorité quasi paternelle du président, la cordialité des rapports : voilà ce qui rachète amplement les côtés enfantins du rite.
Je fais bon marché des progrès réalisés par la maçonnerie contemporaine dans le domaine des arts et des sciences, voire des sciences philosophiques. Il est trop évident que la maçonnerie n’a fait ni un musicien, ni un peintre, ni un sculpteur, ni un mathématicien, ni un philosophe. Elle a reçu Voltaire, et elle s’en fait une gloire, mais elle ne l’a pas créé. On naît artiste ou philosophe, on s’instruit à l’école, on se perfectionne dans la vie ; toutes les loges de l’Europe s’attelleraient ensemble à la besogne, qu’elles ne produiraient pas la cinquième partie d’un Rossini, d’un Ingres ou même d’un M. Cousin.
Il est également démontré que les vérités utiles à l’homme ne sont plus aujourd’hui un objet de monopole. Les prêtres égyptiens pouvaient échelonner les révélations de leur science et mesurer le vrai à petite dose, durant une longue et pénible initiation. Les philosophes grecs étaient forcés de diviser leur doctrine en deux parties, dont l’une se vulgarisait dans la foule et l’autre se réservait pour les adeptes. Les francs-maçons eux-mêmes, avant 89, agissaient prudemment en révélant leurs idées une à une, à mesure que l’initié offrait des garanties plus sérieuses. En 1865, le franc-maçon le plus complet, se fût-il élevé jusqu’au 99e grade dans les ateliers de perfectionnement, ne sait rien qui ne soit imprimé dans les livres et les journaux. L’initiation n’a pu lui donner que des secrets vides, des formules creuses, un vase de forme plus ou moins bizarre où il enfermera des idées connues. Je dis plus : il serait un mauvais franc-maçon, un mauvais citoyen, un homme impie s’il gardait par devers lui un atome de vrai. Tout ce que nous savons d’utile ou simplement de certain, nous le devons aux autres hommes. Il n’y a pas une vérité qui ne fasse partie du patrimoine commun.
L’ancienne organisation de la maçonnerie ne ressemblait pas mal à un trésor mystérieux où 99 vérités inconnues à la foule étaient serrées dans 99 sacs de formes et de couleurs différentes. On ouvrait le premier sac en présence de l’apprenti et on lui disait : Puise ! Le second sac ouvert élevait l’apprenti au rang de compagnon ; le troisième en faisait un maître. Les avides fouillaient ainsi jusqu’au 30e sac, et les insatiables jusqu’au 99e.
Aujourd’hui, le contenu de tous les sacs, le trésor des idées modernes, a été répandu sur le peuple ; il ne reste que des sacs vides ; quelques maçons ambitieux les découpent en lanières et les portent fièrement dans les cérémonies maçonniques.
Les hauts gardes, les cordons, les décorations, les jouets orgueilleux, qui amusent un certain nombre de francs-maçons, ne tarderont pas à disparaître. Ils n’ont été maintenus qu’à trois voix de majorité dans la nouvelle constitution. Il est absurde qu’une institution qui proclame l’égalité des hommes multiplie les distinctions entre ses associés. Il est d’ailleurs assez ridicule d’appeler Tartempion illustre et Barbanchu très-illustre. Un bourgeois de Paris, ou même de Strasbourg, peut acquérir dans la maçonnerie les titres de chevalier, de prince et de souverain prince, ce qui n’a pas le sens commun. Ces vieilleries ont fait leur temps ; on les a maintenues dans la nouvelle constitution pour une raison toute financière : c’est que les titres et les hochets maçonniques payent l’impôt de la vanité.
Cette réforme faite, il restera la loge, l’humble atelier maçonnique où les plus honnêtes gens de la ville iront fraterniser ensemble, échanger amicalement leurs idées et s’instruire les uns les autres. Voilà le fond de la maçonnerie, ce qu’il faut respecter, honorer et étendre, s’il est possible, sur toute la surface du monde. Concevez-vous rien de plus pur et de plus beau, malgré toutes les malédictions du saint-père ? Dans un temps affairé comme le nôtre, quand la plupart des hommes, enfoncés dans la mêlée des intérêts matériels, n’ont d’autres récréations que le jeu, le café et Mlle Thérésa, on crée des oasis morales où les passions s’apaisent, où l’esprit se retrempe, où le cœur s’élève et s’élargit. Les hommes les plus éclairés de chaque ville se rassemblent à jour fixe, et chacun d’eux, écartant les préoccupations de la théologie et de la politique, cherche à fonder solidement la morale sociale, étudie les meilleurs moyens de rendre l’homme meilleur et plus heureux. Chacun apporte sa théorie ; on s’éclaire réciproquement, on discute à l’amiable, un auditoire attentif et bienveillant profite des leçons, soumet ses doutes, provoque les explications et fixe laborieusement ses idées sur le bien et sur le mal.
La franc-maçonnerie ainsi comprise n’est pas une institution de luxe, croyez-moi, et sa tâche n’est pas une sinécure. Songez donc ! il s’agit de fonder une morale qui s’impose avec l’autorité la plus incontestable au genre humain tout entier. Étant donnés un protestant comme Lincoln, un israélite comme M. de Rothschild, un musulman comme Abd-el-Kader, un catholique comme vous et un athée comme Proudhon, rédiger une loi qui satisfasse tout le monde et ne blesse ni les opinions, ni la foi, ni les intérêts de personne ! c’est l’harmonie universelle à fonder : ni plus ni moins. Voilà le but de la maçonnerie, et quoiqu’il soit placé un peu haut, un peu loin, il est assez digne d’ambition pour que les plus honnêtes gens chaussent leurs bottes et se mettent en route.
Mais plus la route est longue et le but élevé, plus il importe de secouer tout bagage inutile. Or, j’ai indiqué discrètement tout le fatras qui surcharge la maçonnerie actuelle.
Il y a une langue maçonnique : à quoi bon ? Que les conspirateurs parlent entre eux à mots couverts ; que les malfaiteurs aient un argot, qu’un maître et une maîtresse de maison causent en anglais devant leurs domestiques, c’est dans l’ordre. Il s’agit de soustraire un secret petit ou grand, honnête ou criminel, à des oreilles indiscrètes.
Mais la maçonnerie n’est plus une conspiration, et elle n’a jamais été une association criminelle. Mais les profanes ne sont ni les valets, ni même les inférieurs des maçons ; ils sont leurs frères, et l’on n’a rien à leur cacher. Ne voudriez-vous pas que l’univers entier pensât aussi correctement que vous et fût éclairé de la même manière ? Oui, j’en réponds. Alors pourquoi mettez-vous la lumière sous le boisseau ? Le monde est avide de vrai, de juste et de bien : vous êtes-vous associés pour le nourrir ou pour l’affamer ? Lorsque je crois avoir un atome de vérité au bout de ma plume, j’enrage de ne pouvoir y concentrer toute la lumière du soleil, j’accuse le français de n’être pas une langue assez claire, je voudrais que la pensée pût aller toute nue par le monde pour épargner à mes lecteurs la fatigue et l’ennui de la déshabiller.
Que diriez-vous de moi si, tenant l’évidence sous ma main, je l’affublais d’un manteau et d’un masque ? Le symbolisme a eu sa raison d’être ; il était de son temps, mais il a fait son temps. À bas les voiles et les mystères ! Les hommes d’aujourd’hui ne sont pas des prisonniers qu’on tire d’un cachot : leurs yeux peuvent affronter le grand jour ; ils seront éclairés, ils ne seront pas éblouis. La lumière pour tous, au nom de la devise maçonnique ! Liberté, égalité, fraternité, cela n’a jamais voulu dire : liberté pour les maçons, égalité entre les maçons, fraternité avec les maçons.
Mais s’il n’y a plus de secret, les maçons ne pourront plus se reconnaître les uns les autres. Où est le mal ? Est-ce que par hasard un vrai maçon, imbu de la morale maçonnique, réserverait son assistance, ses lumières et sa bourse aux maçons ? Jamais de la vie. La maçonnerie ainsi interprétée serait de l’égoïsme à cent mille, comme l’amour est de l’égoïsme à deux. Le premier mot qu’on vous a dit en vous ouvrant le temple, c’est que tous les hommes sont vos frères. On ne vous a pas dit : Les maçons sont vos frères et les profanes vas cousins.
Le temple maçonnique se cache dans un recoin obscur des petites villes ; il devrait se montrer. On le ferme soigneusement ; on devrait l’ouvrir à la foule. Comment ! on fait autour de vous des efforts énergiques pour instruire les ignorants gratis ; les écoles, les cours, les conférences se fondent par milliers ; on enseigne pour rien l’orthographe, le dessin, la musique, la chimie, tous les arts et toutes les sciences, et vous, hommes de bien réunis pour bien faire, vous élaborez une morale excellente, et vous refusieriez d’en faire part au public ! Je vois des directeurs de théâtre, de purs industriels, admettre les soldats par fournées de deux cents à leurs pantomimes ou leurs féeries, et vous n’invitez pas les ouvriers à votre école de bon droit et de bon sens !
Le vœu que j’exprime ici est celui des francs-maçons les plus éclairés et les plus dévoués au progrès. Il y a des éléments précieux, je vous jure, dans cette association méconnue à Rome, et trop peu connue à Paris. La lecture des séances de l’assemblée constituante m’a sérieusement édifié. Je voudrais transcrire ici le beau discours prononcé par M. Massol, et quelques autres encore. Si les hommes acharnés au progrès n’obtiennent pas toujours la majorité dans les discussions, on peut espérer dès aujourd’hui qu’ils ne tarderont guère à entraîner le grand nombre. Et quand la maçonnerie sera débarrassée de certaine friperie et de certains préjugés, elle jouera un grand rôle dans le monde. Après la Révolution de 1789 qu’elle a préparée dans l’ombre, elle peut accomplir la régénération de l’homme, au soleil. Mais la papauté sera-t-elle encore là pour excommunier cette grande œuvre ?