Catherine Tekakwitha/1/2
CHAPITRE DEUXIÈME
L’Évangile avait déjà été porté par les Pères de la Compagnie de Jésus chez les Micmacs, les Abénaquis, les Montagnais, les Attikamègues, les Hurons. Leurs regards se tournaient vers le pays des Iroquois, qui restait obstinément fermé. Ils attendaient l’heure de Dieu. L’état de guerre violent semblait devoir la remettre à un avenir lointain.
Elle sonna inopinément.
En 1642, le P. Isaac Jogues est saisi par les Iroquois avec son compagnon, le jeune Goupil, et plusieurs Français et Hurons. La première victime des Agniers (29 septembre 1642) est René Goupil, que les vœux de religion viennent d’admettre dans la Compagnie de Jésus. Après treize mois de dure captivité, où il pose les fondements d’une église nouvelle, le P. Jogues est libéré par les Hollandais, repasse en France, puis revient aussitôt à sa chère mission du Canada.
On le nomme ambassadeur pour traiter de la paix avec les Iroquois. Il réussit. Il veut y retourner une troisième fois, pour consolider l’œuvre commencée. Il tombe à son tour sous la hache du barbare. C’est le 18 octobre 1646, à Ossernenon : là-même, dix ans plus tard, naîtra Catherine Tekakwitha. Le lendemain, 19 octobre, Jean de la Lande suivait le P. Jogues dans son triomphe.
Jogues, Goupil, La Lande sont aujourd’hui sur les autels.
La mort du P. Jogues fut le signal de la rupture de la paix et de la reprise des hostilités. Les cinq cantons décrètent une guerre d’extermination contre les Hurons et les Français.
La situation de la colonie s’aggrave d’une manière effrayante. Les Iroquois sont partout. En 1651, le P. Joseph-Antoine Poncet (le fondateur de la première congrégation de la S. V. à Québec) est surpris avec un Français au Cap-Rouge, et emmené en captivité ; il subit le supplice des prisonniers ; il allait être brûlé vif, lorsqu’un traité de paix lui rendit la liberté.
Les Onnontagués avaient demandé au gouverneur, M. de Lauzon, la visite d’une Robe-Noire. Le P. Simon Le Moyne est choisi. Il remonte le fleuve Saint-Laurent, et du lac Ontario, il pénètre dans le territoire iroquois. Il est tout de suite entouré d’une bande de Hurons captifs, restés fidèles à leur foi religieuse. Le P. Jogues en avait aussi trouvé chez les Agniers, soit comme esclaves, soit comme incorporés à la tribu.
Jusqu’au bourg d’Onnontagué, le voyage du missionnaire est un vrai triomphe. On lui demande d’établir une résidence en cet endroit. Il revient à Québec, expose à son supérieur la demande des Onnontagués, et, pendant qu’il s’achemine cette fois vers les Agniers, à Ossernenon, les Pères Chaumonot et Dablon remontent la rivière Oswego et fixent leur tente à Onnontagué (1655).
Le succès couronne si bien leurs travaux, qu’un poste français est établi non loin de là, à Gannentaha, sur les bords de l’Oswego. Quatre Pères et trois Frères y sont envoyés de Québec. Les uns travaillent au fort, les autres se répandent de village en village, dans les cantons d’Onnontagué, d’Onneyout, de Goyogouin, de Tsonnontouan. Des conversions nombreuses s’opèrent. La Mère de l’Incarnation écrit que le P. Mesnard à lui seul a baptisé quatre cents personnes. Les plus grands espoirs remplissaient tous les cœurs.
À Ossernenon, le P. Le Moyne avait fondé la mission des Martyrs, dans l’espérance de la voir un jour fixe. Revenu à Montréal au mois de novembre 1655, il repart pour sa mission volante en 1656.
C’est l’année où va paraître sur les bords de la Mohawk, le lis de pureté que le Jardinier divin transplantera plus tard aux rives du Saint-Laurent.