Catalogue et description des objets d’art de l’antiquité, du moyen âge et de la Renaissance exposés au musée/Notice historique

LE PALAIS DES THERMES
ET
L’HÔTEL DE CLUNY

NOTICE HISTORIQUE

Le Palais Romain de Paris connu sous le nom de Palais des Thermes, et dont la grande salle, majestueux débris d’un colossal édifice, est encore debout avec ses immenses voûtes en plein cintre au milieu des ruines imposantes qui l’entourent, a été édifié dans les premières années du ive siècle. Les auteurs sont à peu près d’accord pour en attribuer la construction à Constance Chlore, père de Constantin, mort en 306, et le long séjour que fit cet empereur dans les Gaules semble justifier cette attribution. C’est le monument le plus ancien de Paris et il constitue aujourd’hui le seul vestige des grandioses constructions élevées par les empereurs romains sur le sol de l’antique Lutèce.

Il comportait des bâtiments d’une vaste étendue, dont les fondations ont été retrouvées dans les travaux accomplis récemment, des bains dont l’importance a dû suffire pour justifier son nom, des jardins immenses qui, au dire des chroniqueurs, embrassaient une grande partie de la rive gauche de la Seine, et il a servi, pendant plusieurs siècles, de résidence à nos rois de la première et de la deuxième race.

L’Hôtel de Cluny, édifié en grande partie sur les ruines du Palais Romain, date de la seconde moitié du xve siècle ; il est lui-même un des restes de la magnificence du vieux Paris et le seul spécimen, demeuré intact, de notre belle architecture civile de la seconde période du Gothique, alliée aux charmantes fantaisies des premières années de la Renaissance.

Ces deux édifices, d’âges différents, derniers débris à Paris l’un de l’ère gallo-romaine, l’autre d’une époque postérieure de onze siècles, et qui présentent par leur juxtaposition un rapprochement peut-être unique au monde de ces deux âges de l’architecture, étaient dans les meilleures conditions pour devenir le Musée des monuments historiques et leur réunion constitue aujourd’hui un ensemble aussi intéressant au point de vue de l’étude des monuments de notre histoire nationale qu’à celui de leur harmonie complète avec les collections qui s’y trouvent réunies et pour lesquelles il était impossible de trouver un cadre mieux choisi.

Il n’existe aucun document précis sur la date exacte de la construction du Palais des Thermes, non plus que sur le nom de son fondateur. L’opinion la plus accréditée est, comme nous l’avons dit, celle qui l’attribue à Constance Chlore. Le séjour de quatorze années que cet empereur fit dans les Gaules, le genre des matériaux employés, leur disposition, en même temps que le système de décoration du monument, sont les preuves les plus convaincantes à l’appui de cette assertion. Quoi qu’il en soit, le Palais des Thermes (Palatium Thermarum seu Thermæ Parisiaci) existait, à n’en pas douter, du temps de Julien. Il est certain que ce prince y avait fixé sa résidence et qu’il y fut proclamé empereur par ses troupes en l’an 360. Les traces du séjour qu’y firent les empereurs Valentinien Ieret Valens sont également bien constatées.

Plus tard, après les longs déchirements résultant de l’invasion des peuples barbares, la puissance romaine et ses alliances durent céder à la valeur des Franks, et la demeure des Césars devint la résidence de nos rois de la première et de la deuxième race, jusqu’à l’époque où, transférant leur séjour dans la Cité, ils firent construire à la pointe de l’île le vaste bâtiment connu sous le nom de Palais ; dès lors l’édifice appelé Palais des Thermes, ou Thermes de Paris, devint le Vieux-Palais[1], et les terrains qui en dépendaient et qui, s’étendant vers la Seine, embrassaient tout le littoral jusqu’à l’église Saint-Vincent (aujourd’hui Saint-Germain-des-Prés), furent morcelés et divisés successivement par la nouvelle enceinte de Paris, élevée sous le règne de Philippe-Auguste[2].

Ces terrains furent couverts de constructions qui passèrent, ainsi que le Palais lui-même, dans les mains de divers propriétaires, parmi lesquels nous trouvons, d’après les titres des xiiie et xive siècles, les sires Jehan de Courtenay, seigneur de Champignelles, Simon de Poissy, Raoul de Meulan, l’archevêque de Reims et l’évêque de Bayeux, jusqu’au jour de l’acquisition faite, vers 1340, par Pierre de Chaslus, au nom de l’ordre de Cluny, de la totalité de ce domaine, telle qu’il existait encore.

Pendant les cent cinquante ans qui s’écoulèrent depuis cette acquisition jusqu’à la construction de l’Hôtel de Cluny par Jehan de Bourbon et Jacques d’Amboise, on ignore quelle fut la destination des bâtiments. Toujours est-il qu’à la fin du xve siècle il ne restait plus de cet immense édifice, complètement intact trois siècles auparavant, que les salles qu’on voit aujourd’hui et qui ont conservé le nom de Palais des Thermes

À cette époque, l’Hôtel de Cluny vint s’élever sur une partie des fondations romaines, et les salles antiques encore debout furent conservées, comme dépendances, par les abbés de Cluny, qui demeurèrent propriétaires de tout le domaine jusqu’à la fin du siècle dernier. Ce fut alors que, par suite de la conversion des biens religieux en propriétés nationales, les restes du Palais des Césars furent mis en vente et adjugés à vil prix ; et, quelques années plus tard, la grande salle, louée à un tonnelier, fut concédée par décret impérial, en septembre 1807, à l’hospice de Charenton.

En 1819, la ville forma le projet d’établir aux Thermes un Musée destiné à renfermer les antiquités gauloises et romaines trouvées à Paris. Ce projet fut abandonné aussitôt que conçu, et ce fut seulement en l’année 1836 que, grâce aux dispositions prises par le Préfet de la Seine, sur la proposition du Conseil municipal, les restes du Palais romain rentrèrent dans le domaine de la ville de Paris.

En 1843, lors de l’acquisition faite par l’État de l’Hôtel de Cluny, et de la collection du Sommerard, pour la formation d’un Musée des antiquités nationales, la ville de Paris s’empressa d’offrir le Palais des Thermes au gouvernement. De ce jour, les débris du Palais des Césars et de la première résidence de nos rois sont devenus, comme l’Hôtel de Cluny, la propriété de l’État ; les deux monuments, contigus et entés l’un sur l’autre, ont été réunis dans le même but, débarrassés des constructions modernes qui les entouraient de toutes parts et mis ainsi à l’abri d’une destruction imminente.


Ce fut vers le milieu du xive siècle, en l’an 1340, comme nous venons de le dire, que Pierre de Chaslus, abbé de Cluny, fit, au nom de son ordre, l’acquisition des bâtiments de l’ancien Palais des Thermes, ainsi que des terrains et dépendances qui s’y rattachaient encore à cette époque, depuis la construction de la nouvelle enceinte de Paris, bâtie par Philippe-Auguste.

Un siècle plus tard, Jean de Bourbon, abbé de Cluny, fils naturel de Jean Ier, duc de Bourbon, jeta les premières fondations de l’Hôtel de Cluny sur les ruines de l’ancien Palais romain ; mais les travaux d’édification furent arrêtés par sa mort, qui survint le 2 décembre 1485, et ils ne furent repris que cinq ans après, en 1490, par Jacques d’Amboise, abbé de Cluny, depuis évêque de Clermont et le septième des neuf fils de Pierre d’Amboise, seigneur de Chaumont. Cet abbé consacra, dit Pierre de Saint-Julien, « cinquante mille angelots d’or provenant des dépouilles du prieur de Leuve, en Angleterre, à la réparation du collège de Cluny, situé entre les Jacobins et la place Saint-Michel à Paris et à l’édification de fond en cime de la magnifique maison de Cluny, assise entre la rue de la Harpe et la rue Saint-Jacques près les Mathurins au lieu jadis appelé le Palais des Thermes. »

Depuis l’époque de sa fondation jusqu’à la fin du siècle dernier, l’Hôtel de Cluny, mis continuellement à la disposition des rois de France et habité pendant trois siècles par les hôtes les plus illustres, ne cessa jamais d’appartenir à l’ordre de Cluny, ainsi qu’en font foi les chartes et titres de cette abbaye[3], dont le siège était en Mâconnais, et qui tenait également en sa dépendance le collège de Cluny, situé près la place de la Sorbonne[4].

Dès les premiers jours de l’année 1515, peu de temps après l’achèvement des travaux, la veuve du roi Louis XII, Marie d’Angleterre, sœur de Henri VIII, fit choix de l’Hôtel de Cluny pour sa résidence, et vint y passer la durée de son deuil, sur l’invitation du roi François Ier.

« Le dict sieur roy donna ordre, dit Jean Barillon, secrétaire du cardinal Duprat, que la royne Marie, veufve du roi Louis décédé, fust honorablement entretenue ; laquelle royne se veint loger en l’Hostel de Cluny, et le dict sieur la visitoit souvent et faisoit toutes gracieusetés qu’il est possible de faire. »

La chambre habitée par cette princesse a conservé jusqu’à nos jours le nom de chambre de la reine Blanche (les reines de France portaient le deuil en blanc).

Peu d’années après, cet hôtel fut le théâtre d’un événement qui lui donna une consécration plus royale encore : le mariage de Madeleine, fille de François Ier avec Jacques V, roi d’Écosse.

« Le dimanche dernier de décembre 1536, dit Pierre Bonfons, Jacques, roi d’Écosse, fit son entrée à Paris et vinst loger en l’Hostel de Cluny, les Mathurins, où le roy l’attendait et le lendemain, premier de janvier, il épousa Madeleine. »

Parmi les autres personnages illustres dont le séjour à l’Hôtel de Cluny est bien constaté par les chroniques, on doit citer les princes de la maison de Lorraine, et entre autres le cardinal de Lorraine, son neveu le duc de Guise, et le duc d’Aumale, en l’an 1565 ; les nonces du pape en 1601 ; l’illustre abbesse de Port-Royal-des-Champs en 1625 et enfin les astronomes Lalande et Messier de 1748 à 1817.

À la fin du siècle dernier, dès les premières années de la tourmente révolutionnaire, l’Hôtel de Cluny fut, comme tous les biens du clergé, transformé en propriété nationale. C’est de cette époque surtout que datent les principales mutilations de son architecture.

Voici la description qu’en donne Piganiol de la Force, en 1765 :

« Tout ce qui reste entier de remarquable dans l’Hôtel de Cluny, et dont aucune des éditions précédentes n’a parlé, c’est la chapelle qui est au premier étage, sur le jardin. Le gothique de l’architecture et de la sculpture en est très bien travaillé, quoique sans aucun goût pour le dessin. Un pilier rond, élevé dans le milieu en soutient toute la voûte très chargée de sculpture, et c’est dans ce pilier que naissent toutes les arêtes. Contre les murs sont placées par groupes en forme de mausolées, les figures de toute la famille de Jacques d’Amboise, entre autres du cardinal ; la plupart sont à genoux, avec les habillements de leur siècle très singuliers et bien sculptés[5].

» L’autel est placé contre le mur du jardin qui est ouvert dans le milieu par une demi-tourelle en saillie, formée par de grands vitraux dont les vitres, assez bien peintes, répandent beaucoup d’obscurité.

» En dedans de cette tourelle, devant l’autel, on voit un groupe de quatre figures, de grandeur naturelle où la sainte Vierge est représentée tenant le corps de Jésus-Christ détaché de la croix et couché sur ses genoux ; ces figures sont d’une bonne main et fort bien dessinées pour le temps. On y voit encore, comme dans tout cet hôtel, un nombre infini d’écussons avec les armoiries de Clermont et beaucoup de coquilles et de bourdons, par une froide allusion au nom de Jacques. On montre dans la cour de cet hôtel le diamètre de la cloche appelée Georges d’Amboise, qui est dans une des tours de la cathédrale de Rouen, et qui est tracé sur la muraille de cette cour, où l’on assure qu’elle a été jetée en fonte[6].

Plus tard, dans les premières années du xixe siècle, les membres composant l’administration du département de la Seine aliénèrent la maison de Cluny, qui passa successivement en la possession du sieur Baudot, médecin, ex-législateur, puis enfin de M. Leprieur, l’un des doyens de la librairie moderne.

Ce fut à cette dernière époque, en 1833, qu’un amateur infatigable des monuments des siècles passés, M. du Sommerard, fit choix de ce vieux manoir pour servir d’asile aux précieuses collections d’objets d’art du moyen âge et de la renaissance, réunies par ses soins pendant quarante années de recherches et d’études.

À la mort du célèbre antiquaire, et sur le vœu exprimé par la Commission des monuments historiques, le ministre de l’intérieur, M. le comte Duchâtel, présenta un projet de loi pour l’acquisition de cette belle collection, destinée à devenir la première base d’un Musée d’antiquités nationales.

L’Hôtel de Cluny, le seul de tous les monuments civils du moyen âge qui restât encore debout sur le sol de l’ancien Paris, fut choisi pour servir d’abri au nouveau Musée ; la Ville, s’associant à cette noble création, offrit en pur don au gouvernement les ruines du Palais des Thermes, précieux débris de l’art gallo-romain.

La collection du Sommerard et l’Hôtel de Cluny furent acquis par l’État, en vertu de la loi du 24 juillet 1843, et le nouveau Musée fut immédiatement constitué sous le nom de Musée des Thermes et de l’Hôtel de Cluny[7].

Dès ce jour, la communication qui reliait jadis les ruines du Palais des Césars et la résidence des abbés de Cluny a été rétablie. Les galeries de l’Hôtel, défigurées depuis deux siècles et transformées en appartements modernes, ont été remises dans leur état primitif ; les sculptures ont été dégagées et restaurées ; les collections d’objets d’art, classées et disposées sous les voûtes du ive siècle et dans l’édifice du xve, ont pris dans les deux monuments la place que leur assignait leur âge, et le Musée, placé dans les attributions de la Commission des monuments historiques, a été ouvert au public pour la première fois le 16 mars 1844.


La façade principale de l’Hôtel de Cluny se compose d’un vaste corps de bâtiment flanqué de deux ailes qui s’avancent jusqu’à la rue du Sommerard. Sa porte d’entrée, surmontée autrefois d’un couronnement gothique richement sculpté, conserve encore son large bandeau décoré d’ornements et de figures en relief. Au-dessus du mur régnait une série de créneaux, ainsi qu’on peut en juger par ceux qui ont pu être conservés ; ces créneaux ont été rétablis ainsi que le chemin de ronde qui leur donne accès et la porte d’entrée a repris son premier aspect.

Les bâtiments de la façade principale sont surmontés d’une galerie à jour, derrière laquelle s’élèvent de hautes lucarnes richement décorées de sculptures et qui présentent dans leurs tympans les écussons, les insignes et les devises de la famille d’Amboise.

Vers le milieu du bâtiment principal s’élève une grande tourelle à pans coupés, que couronne une galerie analogue à celle qui décore les autres parties de l’édifice. Sur les murs de cette tourelle, on trouve sculptés en relief les attributs de saint Jacques, les coquilles et les bourdons de pèlerins, allusions au nom du fondateur Jacques d’Amboise.

L’aile à gauche de l’entrée est percée de quatre arcades ogivales qui donnent accès dans une salle communiquant avec les Thermes. Cette salle, dont les murs sont de construction romaine, était une dépendance du Palais. Sa couverture antique n’a été renversée qu’en 1737 et a été remplacée dans ces dernières années.

Les bâtiments de l’aile opposée renfermaient à leur rez-de-chaussée les cuisines et les offices. Près du puits situé dans l’angle de la cour et qui a conservé son ancienne ferrure, on aperçoit, tracée sur le mur, la circonférence de la fameuse cloche appelée Georges d’Amboise, destinée à la cathédrale de Rouen et qui aurait été coulée en fonte dans la cour de l’Hôtel de Cluny, au dire assez contestable de Piganiol de la Force[8].

C’est dans l’angle formé par cette aile et la façade principale que se trouve l’entrée des collections qui occupent au rez-de-chaussée toute une suite de galeries consacrées aux meubles, sculptures, étoffes, broderies et objets de toute nature de l’antiquité, du moyen âge et de la renaissance. Les deux dernières de ces salles sont de construction récente, ainsi que la galerie des carrosses qui prend jour sur le jardin de la rue du Sommerard. Elles ont été installées dans d’anciennes dépendances du Palais Romain dont les murs seuls étaient encore debout. — Deux grandes cheminées, dont l’une est signée par Hugues Lallement, à la date de 1522, et qui étaient conservées dans une maison de Châlons-sur-Marne, ont été acquises par le Musée et réédifiées à la place occupée jadis par les cheminées de l’Hôtel qui avaient été détruites.

L’escalier en bois qui du rez-de-chaussée donne accès aux galeries du premier étage et porte les armes de France et de Navarre, ainsi que les chiffres couronnés de Marie de Médicis et de Henri IV, existait jadis à l’ancienne Chambre des Comptes de Paris. Il avait été emmagasiné dans les caveaux du Palais de Justice et a pu être remonté dans son état primitif à la place qu’il occupe aujourd’hui.

Le premier étage de l’Hôtel se compose d’une série de douze autres galeries dans lesquelles sont disposés aujourd’hui les meubles les plus précieux, les armes, les peintures, les ivoires, les émaux, les verreries, les faïences de toutes les écoles et les grandes pièces d’orfèvrerie telles que l’autel d’or de Bâle et les couronnes des rois goths qui occupent une salle à part et constituent une des richesses les plus imposantes du Musée.

Les grandes cheminées qui décorent trois de ces salles sont également d’origine ancienne ; deux d’entre elles proviennent du Mans et datent des premières années du xve siècle ; celle des trois âges de la vie conservait encore toutes les traces de peinture qui ont permis de lui rendre son aspect primitif ; la troisième a été rapportée de Troyes et constitue l’un des plus beaux spécimens de la sculpture décorative de l’école champenoise du xvie siècle.

Les galeries qui s’étendent à droite de l’ancien escalier de la Chambre des Comptes et dont l’une est consacrée aux collections des belles faïences de Lindos, acquises dans ces dernières années à l’île de Rhodes, sont d’installation récente et donnent accès dans l’ancienne aile droite de l’Hôtel de Cluny, affectée aujourd’hui aux faïences italiennes. C’est dans la plus grande de ces galeries, celle nouvellement édifiée au-dessus de la remise des voitures et qui prend jour sur le jardin de la rue du Sommerard, qu’a été remontée dans les premiers jours de l’année 1881, la belle cheminée de la rue de la Croix-de-Fer, à Rouen, récemment acquise par le Musée et que décorent les charmants bas-reliefs de l’histoire de la Santa Casa. Toutes les autres salles du premier étage ont été rétablies dans leur état primitif par la suppression des cloisons modernes qui y avaient été élevées par les derniers propriétaires afin de les convertir en appartements de location ; elles s’étendent sur toute la façade de l’Hôtel en prenant jour d’un côté sur la cour d’honneur et de l’autre sur les jardins, auxquels on arrive par un charmant escalier à jour après avoir traversé la chambre dite de la Reine Blanche et la Chapelle.

La Chambre de la Reine Blanche qui a conservé ce nom en souvenir du séjour qu’y fit Marie d’Angleterre, veuve du roi Louis XII, pendant la durée de son deuil, en janvier 1515, porte encore la décoration peinte au xvie siècle, telle qu’elle a été retrouvée sous l’épaisse couche de papiers de tenture qui lui avaient été superposés depuis cette époque. Les peintures mises au jour lors des travaux d’installation du Musée n’ont été que rafraîchies et rappellent les motifs des ruines antiques de l’Italie. Au milieu est une sorte de fronton destiné probablement à l’encadrement d’un baldaquin, et de chaque côté se trouvent des médaillons et des cartouches ornés de guirlandes et d’animaux chimériques ; ces peintures semblent l’œuvre des décorateurs italiens qui ont parcouru la France dans les premières années du xvie siècle. Ici, comme dans toutes les autres parties de l’Hôtel, les supports et les consoles des plafonds aux solives apparentes ont été retrouvés avec leurs écussons aux armes de la maison d’Amboise, palées d’or et de gueules, et surmontes de la croix épiscopale.

La Chapelle qui est contiguë à cette dernière salle est un des types les plus harmonieux de l’architecture du temps. Le groupe de la Vierge dont parle Piganiol de La Force n’existe plus, mais les voûtes aux fines nervures retombent en faisceaux sur un pilier central et complètement isolé ; les murs sont décorés de niches en haut relief travaillées à jour et d’une grande finesse d’exécution, niches, au nombre de douze, qui renfermaient les statues de la famille d’Amboise jetées bas à la fin du xviiie siècle, puis brisées et employées à cette époque comme matériaux de construction.

Les vitraux qui garnissent les fenêtres ont été détruits et remplacés par d’autres ; un seul existait encore et a été remis en place, c’est le Portement de croix ; il avait été recueilli par le chevalier Alex. Lenoir.

Sur les murs sont gravées plusieurs inscriptions, dont l’une, datée de 1644, rappelle la visite d’un nonce du pape.

La cage de l’escalier, travaillée à jour, a été dégagée en 1832, ainsi que les peintures du xvie siècle que l’on voit de chaque côté de l’autel, et les sujets sculptés en pierre dans la voûte de l’hémicycle. Ces sujets représentent le Père Éternel entouré d’anges et le Christ en croix. Toutes les figures, les bas-reliefs, et même les choux sculptés et dorés, placés de chaque côté, étaient couverts d’une épaisse couche de plâtre à laquelle on doit leur conservation.

Cette chapelle était devenue, sous le régime révolutionnaire, une salle de séances pour la section du quartier, puis elle avait été convertie en amphithéâtre de dissection, puis enfin en atelier d’imprimerie.

Les écussons armoriés, disposés au-dessous des niches, ont été grattés et effacés, et les croix de consécration que l’on retrouve encore aujourd’hui n’ont survécu que grâce à l’épaisse couche de badigeon qui couvrait les murs.

L’escalier qui s’ouvre dans l’angle de la chapelle descend par une gracieuse spirale à jour dans une salle basse, qui relie l’Hôtel de Cluny au Palais des Thermes. Cette salle, construite en dessous de la chapelle et qui en forme, pour ainsi dire, l’étage inférieur, est une des parties les plus curieuses de l’Hôtel. Un pilier central, destiné à soutenir celui de la chapelle, supporte la voûte aux arcades ogivales ; il est surmonté d’un chapiteau sur lequel sont sculptés en haut relief le K couronné du roi Charles VIII que l’on retrouve sur les balcons de la façade principale, puis les armes et écussons des d’Amboise, attributs des fondateurs ; ce chapiteau est donc, pour ainsi dire, la pierre de consécration de l’édifice.

Du côté des jardins, la façade de l’Hôtel est d’une architecture plus sévère, les galeries à jour n’existent pas et la toiture fait saillie sur les bâtiments ; les lucarnes sont néanmoins richement travaillées à jour, ainsi que l’extérieur de la chapelle qui présente une grande élégance de forme jointe à une véritable richesse d’ornementation. La demi-coupole, qui se présente en saillie et que supporte le grand écusson des d’Amboise soutenu par deux chérubins, est un type de charmante fantaisie ; les gargouilles en forme de dragons et les plombs historiés et couverts de devises, sont encore en parfait état de conservation et n’ont subi aucune restauration.

La Cour plantée d’arbres, qui, de la chapelle basse, s’étend jusqu’au Palais des Thermes et sur un côté de laquelle a été réédifié dans les derniers temps le portail de l’église Saint-Benoît retrouvé sous la façade du théâtre du Panthéon, était, lors de la fondation du Musée, encombrée de constructions modernes, qui ont été démolies et qui ont permis de rétablir la communication directe qui existait jadis entre les deux monuments.


En entrant dans la grande salle des Thermes, on est saisi du majestueux aspect et des proportions admirables de ce gigantesque édifice. L’architecture en est simple ; la construction se compose d’un appareil carré, mêlé de chaînes de briques superposées symétriquement. Les voussures sont d’une grande hardiesse et les seules sculptures servant de décoration à cette immense salle consistent en des proues de navires qui terminent chacune des retombées de la voûte, et constituent le point de départ des emblèmes de la Ville de Paris.

Cette salle, qui forme un vaste parallélogramme, était le frigidarium, ou salle des bains froids du Palais. À côté, se trouve une partie plus basse, contiguë et de forme analogue ; c’était la piscine[9].

La paroi qui fait face à la piscine, à gauche en entrant, est décorée de trois niches, dont une en hémicycle, et de deux grandes arcades.

Ces arcades, dont l’une est encore fermée avec des matériaux antiques, et dont l’autre donne accès aujourd’hui dans une petit pièce de construction romaine, servaient de communication avec les salles voisines ; quant aux niches, elles présentent les vestiges bien conservés des canaux qui apportaient les eaux pour le service des bains. En effet, au centre de chacune d’elles, existe un orifice garni d’un tuyau en poterie qui donnait passage et issue aux eaux du réservoir général, placé dans une salle voisine, détruite en partie aujourd’hui.

De ces orifices les eaux tombaient dans les baignoires disposées devant chacune des niches, et de ces baignoires elles se déversaient, en traversant le sol par un conduit existant encore, dans le canal de décharge construit au centre des caveaux.

Au milieu de la grande niche, et au-dessous de l’ouverture des tuyaux, est pratiquée une seconde issue garnie également en poterie et destinée à conduire les eaux à la piscine. Au fond de cette partie de la salle on retrouve un autre conduit de décharge pour l’écoulement des eaux dans le déversoir commun.

Le même appareil qui amenait les eaux à la piscine servait à les diriger par un tube divergeant dans la salle voisine, le tepidarium, ou salle des bains chauds. Là se trouvait l’hypocaustum ou fourneau servant au chauffage du bain, et dont il reste encore quelques parties.

Il paraît donc certain que le sol de cette grande salle était anciennement un peu plus élevé, et qu’entre ce sol et l’aire actuelle s’étendaient les ramifications de la conduite des eaux.

En passant de cette partie dans l’ancien tepidarium, salle voutée dans le principe, et dans laquelle on retrouve toutes les niches destinées à renfermer les baignoires, on traverse une petite pièce d’une construction remarquable. Elle s’élève au-dessus d’un caveau dont elle n’est séparée que par une voûte plate, sans voussures ni arêtes, et dont toute la force réside dans la cohésion du ciment. À droite était située une autre petite salle, qui a été défoncée sans doute pour y pratiquer un escalier moderne descendant aux caveaux et supprimé depuis. Cette pièce était probablement découverte, afin de donner passage à la lumière, par suite du changement d’axe des deux grandes parties de l’édifice.

De ces petites pièces on arrive au tepidarium, dépouillé de ses voûtes et orné de ses niches en hémicycle. Dans cette salle, qui forme aujourd’hui l’extrémité des ruines du côté du boulevard Saint-Michel, on trouve, en descendant quelques marches, une construction massive en briques plates, dans un état de calcination remarquable. Cette masse constitue les fondations de l’hypocaustum, placé plus ordinairement au centre de la salle des bains, dans les thermes antiques de Rome et de l’Italie. Les eaux arrivaient à cet hypocauste de la manière que nous avons indiquée plus haut, et séjournaient dans un réservoir situé probablement sous l’allée qui monte au boulevard. L’eau de ce réservoir allait s’échauffer dans les vases placés au-dessus des fourneaux, et de là elle se distribuait dans les baignoires disposées au-devant de chacune des niches.

Derrière cet hypocauste est un conduit romain d’une profondeur de deux mètres et qui servait de canal, soit pour l’arrivée des eaux, soit pour leur décharge.

Les restaurations en pierre de taille que l’on remarque sur le mur de cette salle faisant face au boulevard, ont été exécutées comme travaux de soutènement et de consolidation, en 1820, sur la demande du duc d’Angoulême. À la même époque a été détruit le jardin qui couronnait l’édifice, et qui, semblable aux jardins suspendus des temps antiques, était planté d’arbres de haute taille.

Outre ces beaux débris du palais antique, il existe encore dans les jardins de l’Hôtel de Cluny des traces de salles entières, des souterrains et des caveaux qui ont pu être retrouvés lors des travaux d’isolement du Musée et constituent aujourd’hui l’ensemble des fondations romaines qui ont pu échapper aux ravages du temps et à la main des hommes.

Le Musée, lors de sa fondation, se trouvait englobé dans un ensemble de constructions modernes d’un aspect assez misérable et au milieu desquelles se trouvaient ces nombreux restes de l’époque romaine.

Le projet préparé par M. E. du Sommerard consistait à jeter bas toutes les masures qui entouraient l’Hôtel de Cluny et le Palais des Thermes ; à isoler au milieu de jardins ces deux monuments de l’histoire nationale ; à ouvrir une large voie qui devait remplacer la rue du Foin-Saint-Jacques, voie devenue depuis le boulevard Saint-Germain ; à élargir la rue de la Harpe, devenue boulevard Saint-Michel, et à amener ainsi l’air et la lumière dans un quartier de Paris, qui en avait été privé jusqu’alors.

Ce projet, tel qu’il était conçu, avait en outre l’avantage de remettre autour toutes les parties de l’antique édifice romain engagées dans les propriétés voisines et d’assurer la conservation de tout ce qui existait encore de l’ancien palais des empereurs.

Les travaux d’isolement commencèrent en 1856 et la loi du 17 juin 1857 fixa la part de l’État, dans l’ouverture des nouveaux boulevards, pour le prix des terrains à réunir aux dépendances du Musée des Thermes et de l’Hôtel de Cluny.

Tous ces travaux sont terminés depuis longtemps, et le dégagement du Musée est complet. Les maisons qui l’entouraient et étaient pour lui un danger incessant d’incendie ont disparu. La rue du Foin-Saint-Jacques et celle de la Harpe ont fait place aux magnifiques boulevards Saint-Germain et Saint-Michel, la rue des Mathurins-Saint-Jacques, devenue rue du Sommerard, a été doublée de largeur et une nouvelle rue bordant le quatrième côté des jardins a été ouvert sur l’emplacement de l’ancien couvent des Mathurins, qui n’a pu, malheureusement, être conservé. Plus de cinq mille mètres de terrain ont été ainsi ajoutés au vieux jardin de l’Hôtel de Cluny, plantés d’arbres et ornés de nombreux fragments d’architecture et de sculpture de l’antiquité et du moyen âge. Tous les travaux d’appropriation, de clôture et d’installation ont été menés à bonne fin sous l’autorité de la Commission des monuments historiques sans qu’aucun crédit spécial ait été demandé pour y subvenir.

Le contrôle de la Commission des monuments historiques s’étend d’ailleurs sur l’accroissement des collections et sur les acquisitions d’œuvres d’art, en même temps que sur toutes les dépenses nécessitées par l’entretien et la restauration des bâtiments et cette unité d’action qui embrasse les collections aussi bien que les monuments qui en forment le cadre, a été un des premiers éléments de succès pour le Musée de Cluny. Les édifices civils et religieux des temps passés ont tous, en effet, et depuis longtemps, été dépouillés de leur ameublement et des nombreux objets, précieux à tant de titres, qui en constituaient la décoration. Il existait entre ces divers objets, ces meubles, ces motifs d’ornementation et les monuments auxquels ils étaient destinés, une corrélation incontestable, comme le déclarait si bien Viollet-le-Duc lors de la réorganisation des services des beaux-arts en 1878, et l’étude des monuments par les détails de leur mobilier est, on ne saurait le nier, un des éléments les plus appréciables de la science archéologique. La corrélation est intime entre le monument et le mobilier ; et cet ensemble l’Hôtel de Cluny est peut-être en Europe le seul monument qui le présente d’une manière aussi complète à toutes les périodes des temps anciens, du moyen âge et de la renaissance. Aussi, comme l’ajoutait avec tant d’autorité notre éminent collègue, ne saurait-on le désunir sans porter une grave atteinte aux intérêts de l’art comme à ceux de l’industrie, qui est sûre d’y trouver les modèles qui lui sont nécessaires auprès des types d’architecture auxquels ils se rapportent[10].

Le classement adopté pour l’installation des collections était tout indiqué par l’époque à laquelle appartiennent les deux édifices qui en forment le cadre. Sous les voûtes du vieux Palais Romain de Paris sont disposés tous les monuments en pierre et en marbre de l’antiquité, de l’ère gallo-romaine et des siècles suivants. C’est là, quoi qu’on fasse ailleurs, le véritable musée parisien : les autels romains élevés à Jupiter par les mariniers de Paris sous le règne de Tibère, les colonnes en marbre grec du temple sur les ruines duquel a été construite l’Église Notre-Dame de Paris, les statues du grand portail, les chapiteaux, bas-reliefs, sculptures et fragments de toute nature provenant de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Jean-de-Latran, de Saint-Benoît, de la collégiale de Cluny et de tous les anciens édifices de Paris se trouvent rassemblés dans le Palais Romain avec les nombreux monuments de l’ère gauloise qui ont été rapportés par M. E. du Sommerard des divers points de la France.

Dans les galeries de l’Hôtel de Cluny, d’un autre côté, sont les monuments du moyen âge et de la renaissance, les sculptures en pierre, en bois, en ivoire, les émaux, les verreries, les faïences, l’orfèvrerie, les armes, etc., qui occupent le rez-de-chaussée et le premier étage de l’édifice bâti par Jacques d’Amboise.

Si les collections du Musée de Cluny ont pris un développement important, si le public qui fréquente cet établissement ouvert à l’étude, non seulement le dimanche mais tous les jours de la semaine, sauf le lundi, public composé en grande partie d’artisans et de travailleurs, s’est augmenté dans des proportions considérables, il n’en est que plus intéressant de rapprocher de l’état actuel l’espoir que manifestait à son sujet et lors de sa création le savant Arago, dans son rapport à la Chambre des députés : « Si d’ici à peu d’années, disait l’éminent rapporteur, si la Chambre s’associe aux vœux de la Commission, la France possédera un musée considérable d’un genre entièrement neuf, qui contribuera puissamment à répandre et à perfectionner les connaissances historiques ; qui, de plus, et ce ne sera pas son moindre mérite, jettera au milieu de nos peintres, de nos sculpteurs, de nos manufacturiers, de nos artisans surtout, des germes précieux et féconds. » (17 juin 1843.)




  1. Voici la description qu’en donne Jehan de Hauteville, en l’an 1180 ; « Ce palais des rois, dit-il (domus aula regum), dont les cimes s’élevaient jusqu’aux cieux, et dont les fondements atteignaient l’empire des morts…

    » Au centre se distingue le principal corps de logis dont les ailes s’étendent sur le même alignement et, se déployant, semblent embrasser la montagne. »

  2. L’enceinte de Philippe-Auguste partait, du côté du midi, du point correspondant à l’extrémité occidentale de la Cité, vers la rue des Grands-Augustins, et suivant à peu près le prolongement de cette rue, venait aboutir à la rue Hautefeuille, par l’impasse du Paon, longeait la rue Pierre-Sarrasin, traversait celle de la Harpe vers la rue du Sommerard, jadis rue des Mathurins-Saint-Jacques, et la remontait jusqu’à la place Saint-Michel. De là elle rejoignait la rue Saint-Jacques, entre les rues du Foin et du Sommerard, pour aboutir, par la rue des Noyers et entre les rues Perdue et de Bièvre, au port Saint-Nicolas, vis à-vis la pointe orientale de la Cité, dont il s’agissait avant tout de garantir les abords. Cette nouvelle enceinte restreignait considérablement la circonscription des jardins et dépendances du Palais des Thermes, telle qu’elle existait encore au commencement du xiiie siècle. On trouve dans les titres du xiie siècle la désignation bien positive de cet enclos, cité sous le nom de Clos de Lias ou de Laas, Clos du Palais (du mot Arx). Il était borné, du côté de l’orient, par les bâtiments du palais et par une voie romaine venant d’Orléans, traversant Issy, et qui, passant entre la Sorbonne et l’église Saint-Benoît, prenait, au-dessous de la rue du Sommerard, la direction de la rue Saint-Jacques jusqu’au Petit-Pont. — Du côté du nord, la Seine même formait sa limite, ce qui ajoutait à l’agrément de ses jardins. — À l’occident, sa limite résultait d’un canal dit la Petite-Seine, allant, du bas de la rue Saint-Benoît, baigner l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, et venait joindre la Seine à l’angle du quai Malaquais et de la rue des Petits-Augustins. — Au midi, il s’étendait jusqu’aux abords du Panthéon.
  3. Le plus récent de ces titres date du 25 juillet 1780 ; ce sont des lettres patentes signées de Louis XVI, qui reconnaissent le cardinal de Larochefoucauld, archevêque de Rouen, abbé de Cluny, comme possédant en cette dernière qualité une maison appelée l’Hôtel de Cluny, sise à Paris, rue des Mathurins-Saint-Jacques, et qui l’autorisent, « vu que les abbés de Cluny ne font pas dans ladite ville un séjour assez long pour veiller eux-mêmes aux réparations de cette maison », à céder ledit Hôtel à titre de bail emphytéotique, moyennant une redevance annuelle de quatre mille cinq cents livres et autres conditions portées à l’acte.
  4. L’ordre de Cluny remontait au commencement du xe siècle ; il dut sa fondation à Guillaume le Pieux, duc d’Aquitaine, qui, en 910, fit bâtir aux environs de Mâcon l’abbaye de Cluny. Louis IV, d’Outre-Mer, confirma cette fondation en l’an 939, et sept ans après, le pape Agapet II déclara l’abbaye de Cluny et tous les monastères de sa dépendance relevant immédiatement du Saint-Siège (an 946).
  5. Ces figures, disparues à la fin du xviiie siècle, ont été retrouvées en 1844 pendant le cours des travaux d’installation du Musée ; elles avaient été placées par fragments et hachées pour former un mur dans la salle basse située au-dessous de la chapelle ; ce mur, composé entièrement de ces fragments, avait pour but de dissimuler le charmant escalier qui décore cette salle, et dont la découverte ne date que de ce jour.
  6. Voir la note page XI.
  7. Alexandre du Sommerard, né à Bar-sur-Aube en 1779, est mort à Saint-Cloud, en août 1842, à l’âge de 63 ans. Il était alors conseiller-maître à la Cour des comptes. Il a laissé de nombreux travaux sur les arts, entre autres le grand ouvrage des Arts au moyen âge.

    Le Musée des Thermes et de l’hôtel de Cluny a été fondé, comme il a été dit plus haut, par la loi du 24 juillet 1843, portant acquisition par l’État de la collection du Sommerard et de l’Hôtel de Cluny.

    L’exposé des motifs présenté à la Chambre des députés à l’appui du projet de loi, dans la séance du 26 mai 1843, par M. le comte Duchâtel, ministre de l’intérieur et des beaux-arts, définit en quelques lignes les raisons qui ont amené le gouvernement à proposer, en même temps que l’acquisition des collections réunies par M. du Sommerard, celle du monument dans lequel elles se trouvaient installées, pour en faire un musée spécial placé dans les attributions de la Commission des monuments historiques.

    « Dans cet édifice, dernier reste de la magnificence du vieux Paris, devenu la propriété d’un ancien libraire, se trouve aujourd’hui, disait l’honorable auteur de l’exposé, une précieuse collection qu’il était pour ainsi dire destiné à recevoir, tant il y a d’harmonie entre ces vieilles murailles et les objets qui s’y trouvent réunis. Un homme de goût et de savoir avait créé cet heureux ensemble ; sa mort allait en rendre la dispersion inévitable, lorsque avertis par les réclamations unanimes de tous les hommes qui attachent quelque prix aux souvenirs de nos arts et de notre histoire, nous avons cru devoir chercher s’il existait un moyen de prévenir ce triste résultat.

    « La famille de feu M. du Sommerard ne pouvant conserver pour elle-même cette importante collection, se disposait à la mettre en vente, et les offres les plus brillantes, venues de l’étranger, jointes à l’empressement des amateurs de la capitale, ne permettaient pas de douter que le prix de cette vente ne fût de beaucoup supérieur à la somme que nous pensions pouvoir vous demander d’y consacrer. Mais, poussés par un sentiment généreux, les héritiers de M. du Sommerard ont préféré, à la certitude d’un prix plus élevé, l’espoir de voir conserver à toujours l’œuvre de leur père. » — Exposé des motifs, séance du 26 mai 1843.

    Dès le mois d’août 1842, date de la mort de M. du Sommerard, de nombreuses propositions avaient en effet surgi pour la cession de la collection réunie par ses soins et dont la réputation était depuis longtemps européenne. Mais dès la première ouverture qui lui fut faite par le ministre de l’intérieur, M. E. du Sommerard fils, qui avait dû se rendre à Londres en présence d’offres pressantes qu’il n’était pas possible de décliner à moins d’une proposition de la part du gouvernement français, rompit sans hésiter toute négociation et revint immédiatement à Paris.

    La somme que proposait le gouvernement était loin cependant du prix offert d’autre part à la famille et ne dépassait pas deux cent cinquante mille francs. Elle fut acceptée sans hésitation.

    Peu de temps après, le jour même où la Chambre des députés allait être saisie du projet de loi, on s’aperçut qu’une erreur de toisé s’était produite au détriment du propriétaire de l’immeuble dans l’estimation faite par l’honorable M. Visconti des bâtiments de l’Hôtel de Cluny. Le ministre tenait à ne pas augmenter le chiffre prévu pour l’ensemble des deux acquisitions et demanda à Mme Ve du Sommerard si elle voulait bien consentir à une nouvelle réduction de cinquante mille francs sur le chiffre de 250,000 qui avait été convenu précédemment. Mme du Sommerard, en présence d’une proposition qui réduisait d’un cinquième le modeste avoir que lui assurait la vente de la collection, n’hésita pas du moment où il s’agissait de réaliser le vœu de son mari et donna son entière adhésion à la réduction proposée, sur l’engagement formel pris itérativement par le ministre que la collection du Sommerard serait conservée en bloc et non disséminée dans les autres collections publiques et que la direction en serait confiée, sous l’autorité de la Commission des monuments historiques, et sa vie durant, au fils du fondateur, qui avait, depuis bien des années, collaboré aux travaux de son père et avait largement contribué à la formation de ce vaste ensemble. Hâtons-nous d’ajouter que ces engagements ont été strictement remplis, puisque, dès le mois qui a suivi l’acquisition par l’État, M. du Sommerard fils était chargé de l’organisation du nouveau musée et attaché, à ce titre, à la Commission des monuments historiques et plus tard, sous l’empire, quand il s’est agi de fonder le Musée des souverains, fondation qui a atteint toutes les collections publiques, l’intégralité de la collection du Sommerard a été scrupuleusement respectée.

    La loi du 24 juillet 1843 fut votée à une majorité considérable, sur le rapport de l’illustre Arago, député des Pyrénées-Orientales, rapport qui démontrait avec une élévation d’idées tout à fait remarquable, les avantages que la fondation du nouveau musée devait présenter, non seulement au point de vue de l’étude des monuments de notre histoire nationale, mais à celui plus pratique encore de l’éducation de nos artistes et de nos artisans, éducation dont « elle devait être le magnifique complément », suivant l’expression du savant rapporteur (séance du 17 juin 1843, rapport de M. Arago).

  8. Description de Paris, édition de 1765. Tome VI, p. 306 à 308.

    Les registres capitulaires du chapitre de Rouen relevés par M. Ad. Lecocq, de Chartres, contredisent cette assertion et font mention que le 29 septembre 1500, le sieur Castignoles, trésorier du cardinal d’Amboise, présenta audit chapitre, de la part de son maître, une somme de 2,015 ducats, pour faire fondre, suivant l’intention du prélat, la plus grosse cloche qu’il serait possible de faire, laquelle cloche devait être fondue à Rouen, au bas de la Tour neuve, dans la cour d’Albane, par Jehan le Maçon, fondeur de Chartres.

  9. Les dimensions de la salle sont les suivantes : Hr 18m ; long. 20m ; larg. 11m,50.

    Les dimensions de la piscine sont : Long. 10m ; larg. 5m.

  10. EXTRAIT DU RAPPORT DE LA COMMISSION INSTITUÉE PRÈS DU MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS, PAR ARRÊTÉ DU 3 FÉVRIER 1878, POUR PRÉPARER UN PROJET DE RÉORGANISATION DES SERVICES ADMINISTRATIFS DES BEAUX-ARTS(*).

    « Musée des Thermes et de l’Hôtel de Cluny. — On peut s’étonner à première vue, quand on parcourt la liste des musées nationaux, de n’y pas voir figurer le Musée si intéressant des Thermes et de Cluny, qui appartient également à l’État. Mais la Commission a reconnu, que par son origine même, ce musée était dans une condition toute spéciale.

    (*). Cette Commission se composait de : MM. Édouard Charton, sénateur, président ; le sous-secrétaire d’État, vice-président ; Lambert de Sainte-Croix, sénateur, membre du Conseil supérieur des beaux-arts et de la Commission des théatres ; Tirard, député ; Antonin Proust, député, membre de la Commission des théâtres ; Quicherat, directeur de l’école des Chartes, membre de la Commission des monuments historiques et de la Commission de l’inventaire général des richesses d’art de la France ; Marbeau, conseiller d’État, le vicomte Delaborde, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts ; Du Mesnil, conseiller d’État, directeur de l’Enseignement supérieur ; Louis de Ronchaud, inspecteur des Beaux-Arts.

    Lorsque, dédaignant des offres de beaucoup supérieures faites par l’étranger, Mme du Sommerard vendit à la France la collection précieuse formée par son mari, ce fut à certaines conditions, qui, si elles n’ont pas été expressément stipulées dans le contrat de vente, n’en avaient pas moins été acceptées par les deux intermédiaires qui traitaient alors au nom du gouvernement et dont les noms sort restés chers aux amis des arts, M. le comte Duchatel et M. Vitet. Outre les stipulations personnelles, telles que celle qui assurait à M. du Sommerard fils, sa vie durant, la direction du Musée, il fut convenu alors que le Musée devait rester sous le contrôle et la surveillance de la Commission des monuments historiques. L’exécution de cet engagement a produit, on peut le dire, les meilleurs résultats. C’est par les travaux, par les missions, par les fouilles dont sont chargés les inspecteurs des monuments historiques, c’est sur les fonds dont ils disposent, que s’alimente le Musée de Cluny. C’est ainsi qu’il a pu acquérir les couronnes des rois goths, c’est ainsi que récemment il a pu sauver des objets d’art précieux déjà vendus, comme la porte de l’église Saint-Just de Narbonne, ou acquérir des objets prêts à l’être, comme les fonds baptismaux de Betton, les vitraux de la chapelle Saint-Gilles, la porte du chœur de l’ancienne église de Guerande. C’est ainsi qu’il a pu, l’an dernier, ramener de Rhodes les tombes des grands— maîtres de Saint-Jean de Jérusalem et 600 pièces de faïence persanes fabriquées sous leur direction. On peut dire de Cluny que c’est le musée des monuments historiques, et aucun motif sérieux ne saurait être allégué pour le soustraire à l’intelligent patronage sous lequel il a grandi. »
    Lambert de Sainte-Croix
    Rapporteur.