Catéchisme populaire républicain/De l’Individu

Alphonse Lemerre, éditeur (p. 11-20).

DE L’INDIVIDU.


Qu’est-ce que l’individu ?

L’individu est l’homme lui-même, considéré isolément, ou dans ses rapports avec ses semblables.

Quel est le but de l’individu ?

Le but de l’individu est de vivre et de se conserver.

Par quels moyens ?

Par la satisfaction de ses besoins et par le développement de ses facultés physiques, intellectuelles et morales.

L’individu possède-t-il des droits ?

Il possède des droits qui garantissent sa vie et sa conservation.

L’individu a-t-il des devoirs à remplir ?

Il a des devoirs à remplir envers ses semblables, car tout droit entraîne un devoir.

Qu’est-ce que le devoir ?

Le respect de ses propres droits et de ceux d’autrui.

Le devoir n’a-t-il pas un sens plus actif ?

Non, le devoir politique de l’individu ne peut être autrement défini, car, chacun respectant ses propres droits et les droits de chacun, tout est garanti et parfait.

Mais si les droits de l’individu ou du corps social sont lésés, qui donc a le devoir de les garantir et de les faire respecter ?

La loi seule.

Qu’est-ce que la loi ?

La loi est la règle suprême et la sauvegarde des droits de tous et de chacun.

Que faut-il pour que la loi soit véritablement la règle suprême et la sauvegarde des droits de tous et de chacun ?

Il faut qu’elle soit consentie par tous et conforme à la nature de l’homme, être moral, intelligent et perfectible ; sans quoi elle n’est plus loi, mais violence et oppression.

Quels sont les droits de l’individu ?

L’instruction, la liberté, l’égalité, la propriété et la sûreté.

Ces droits sont-ils inviolables ?

Ils sont nécessairement inviolables, car ils garantissent la vie et la conservation de l’individu.

Qu’est-ce que l’instruction ?

Nous avons défini l’être intelligent, celui qui désire et qui recherche la science et la vérité. Or l’instruction est l’unique moyen d’acquérir l’une et l’autre. C’est le premier des droits de l’individu enfant, car il contient en germe tous les autres.

L’instruction doit-elle être donnée gratuitement ?

L’instruction doit être gratuite, comme la liberté et l’égalité elles-mêmes, qui ne peuvent être ni achetées, ni vendues, ni refusées.

L’instruction est-elle obligatoire ?

Oui, car nul ne doit refuser pour soi ou pour les siens l’unique moyen d’acquérir la science et la vérité, sous peine d’être une brute et non un homme.

Qu’est-ce que la liberté ?

La liberté est le droit d’exprimer sa pensée et d’agir sans entraves.

Ce droit est-il illimité ?

Il n’a d’autre limite que le droit d’autrui.

L’individu peut-il aliéner sa liberté ?

Non, car aliéner sa liberté c’est non-seulement renoncer à la dignité d’homme, être moral, intelligent et perfectible, mais encore c’est attenter à la liberté de tous, qui, elle aussi, pourrait être aliénée.

Tous les individus, formant le corps social, peuvent-ils aliéner collectivement leur liberté ?

Non, car ce serait attenter à la liberté de chacun.

Mais n’est-ce point un acte de liberté que de renoncer volontairement à la liberté ?

Non, car il n’y a point de droit contre le droit.

Qu’est-ce que l’égalité ?

L’égalité est le droit qu’ont tous les individus indistinctement de vivre, de se conserver et d’améliorer leur condition, sans préférence ni privilège.

Qu’est-ce que la propriété ?

La propriété est le droit de jouir et de disposer librement des choses légitimement acquises.

Qu’est-ce que l’acquisition légitime ?

Celle qui est due au travail ou à l’héritage.

L’individu peut-il être privé de la totalité ou d’une portion de ce qu’il possède ?

Oui, au nom et dans l’intérêt du corps social ; mais alors ce préjudice doit être équitablement compensé par une indemnité préalable.

Qu’est-ce que la sûreté ?

La sûreté est le droit pour l’individu d’être assuré contre toute atteinte à la libre satisfaction de ses besoins et au libre développement de ses facultés.

Quels sont les devoirs de l’individu ?

Les devoirs de l’individu sont les conséquences nécessaires de ses droits. Ils garantissent la vie, la conservation et le légitime perfectionnement des autres individus, d’où résultent la conservation et l’harmonie du corps social tout entier.

Où s’arrêtent les devoirs de l’individu ?

Les devoirs de l’individu sont proportionnels à ses droits. Nul devoir n’est plus grand qu’un droit, car alors l’individu serait opprimé. Or l’oppression d’un seul opprime le corps social tout entier.

L’individu est-il responsable

L’individu est responsable envers lui-même et envers ses semblables.

Qu’est-ce que la responsabilité ?

La responsabilité est la garantie du respect réciproque des droits.

L’individu peut-il être soumis à une peine ?

Oui, car il est responsable, et la responsabilité implique une sanction.

Qu’est-ce qu’une sanction ?

C’est l’acte par lequel la loi affirme la responsabilité de l’individu en le frappant d’une peine.

Quelle est la mesure de cette peine ?

Elle ne peut être que la proportion au délit.


EXPLICATION.


Il y a une différence sensible, nous l’avouons, entre ces deux demandes et ces deux réponses : — 1o Pourquoi Dieu nous a-t-il créés ?Pour le connaître, l’aimer et le servir ; — et 2o Quel est le but de l’individu ? — Le but de l’individu est de vivre et de se conserver, par la libre satisfaction de ses besoins et par l’entier développement de ses facultés physiques, intellectuelles et morales.

Ceux qui prétendent que Dieu a créé l’homme afin d’être connu, aimé et servi par lui, n’exigent pas autre chose de l’homme que de renoncer à sa raison, à son intelligence, à sa liberté morale, de se nier soi-même et de s’anéantir en face d’une puissance absolue dont il ne lui est accordé de comprendre ni la nature ni la justice.

Certaines personnes prétendent aussi, il est vrai, faire concorder la volonté divine et le libre arbitre de l’homme ; mais les deux termes étant, de toute évidence, et en eux-mêmes, radicalement inconciliables, la prétention dont il s’agit n’a jamais été qu’une assertion mensongère qui a coûté la vie à des millions d’hommes, torturés, massacrés et brûlés vifs pour la plus grande gloire de cette puissance incompréhensible.

La raison humaine, au contraire, affirme que la fin de l’homme est de se connaître soi-même, d’aimer la justice et de la pratiquer envers ses semblables ; et la conscience universelle proclame que cela est la vérité irréfutable.