Catéchisme d’économie politique/1881/13

Texte établi par Charles Comte, Joseph GarnierGuillaumin (p. 77-83).
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CHAPITRE XIII.

Des Signes représentatifs de la Monnaie.


Qu’appelez-vous des signes représentatifs de la monnaie ?

Des titres qui n’ont aucune valeur autre que celle que leur procure la somme qu’ils donnent au porteur le droit de se faire payer. Telles sont les promesses, les lettres de change, les billets de banque, etc.

Qu’est-ce que les lettres de change ?

Ce sont des mandats fournis par un tireur, et payables par un accepteur qui habite une autre ville du même pays ou de l’étranger. Le tireur est garant du paiement de la lettre de change ; et l’accepteur, quand il l’a revêtue de son acceptation, en est garant aussi, et solidairement.

À quoi servent les lettres de change ?

Elles évitent les frais et les risques qui accompagnent les transports d’argent.

Comment cela ?

En établissant une compensation entre ce qui est dû réciproquement par deux villes différentes.

Expliquez cet effet par un exemple.

Si un habitant de Bordeaux me doit 1,000 francs, je fais sur lui une lettre de change de cette somme ; je la vends, et j’évite le risque du transport de la somme de Bordeaux à Paris. Cette lettre de change est achetée par une personne de Paris qui doit 1,000 francs à Bordeaux, et qui s’acquitte en remettant ce titre au lieu de la somme.

On peut donc vendre et acheter les lettres de change ?

Sans doute ; les vendre, c’est ce qu’on appelle les négocier.

Valent-elles autant que la somme qu’elles portent ?

Quelquefois, lorsque peu de personnes ont des créances à recevoir dans la ville où elles doivent être payées, et lorsqu’au contraire on a besoin d’y faire passer beaucoup de valeurs. Hors ce cas-là, elles ne valent pas autant que la somme qu’elles portent, d’abord parce qu’elles ne sont pas payables sur-le-champ, ensuite parce que celui qui les achète court le risque de n’être pas payé, si les tireurs et accepteurs ne sont pas gens solvables.

En quelle monnaie sont acquittées les lettres de change sur l’étranger ?

En monnaie du pays où elles doivent être acquittées ; une lettre sur Londres est payée à Londres en livres sterling.

Quand on achète à Paris une lettre sur Londres, en quelle monnaie l’acquéreur la paye-t-il ?

En monnaie de France. Le vendeur et lui conviennent que chaque livre sterling sera payée sur le pied de 24, 25 francs, ou davantage, suivant le degré de confiance que lui inspire le tireur, suivant l’éloignement de l’échéance, et le besoin plus ou moins grand que l’on a de papier sur Londres. C’est ce prix variable de la monnaie étrangère achetée à Paris, qui fait ce qu’on appelle le cours des changes de Paris.

Qu’est-ce qu’on appelle le pair du change ?

C’est le prix au moyen duquel la quantité d’or fin, ou d’argent fin, que la lettre de change vous donne droit de toucher de l’étranger, est précisément égale la quantité du même métal que vous payez à Paris pour faire l’acquisition de la lettre de change.

Les billets de banque se négocient-ils comme les lettres de change ?

Non ; quand on a la conviction qu’on en touchera le montant en monnaie à l’instant qu’on voudra, on les reçoit comme si c’était de l’argent, et on les donne sur le même pied, si celui à qui l’on doit un payement a la même persuasion.

Quelle différence y a-t-il entre une monnaie de papier et un billet de banque ?

Une monnaie de papier est un billet qui n’est point convertissable en monnaie métallique à la volonté du porteur ; un billet de banque est payable à vue et au porteur.

La plupart des papiers-monnaie portent cependant qu’ils sont de même payés à vue.

Quand cette promesse est effectuée, ce ne sont pas des papiers-monnaie, mais des billets de confiance ; quand cette promesse est illusoire, ce sont des papiers-monnaie.

Qu’est-ce qui donne de la valeur à un papier-monnaie ?

Différentes causes ; notamment, la faculté accordée aux particuliers de s’en servir pour payer leurs impositions et pour acquitter leurs dettes, et surtout l’absence de tout autre instrument des échanges ; ce qui oblige les gens à avoir recours à celui-là, particulièrement lorsque les ventes et les achats ont une grande activité.

Qu’est-ce qui donne de la valeur aux billets de banque ?

La certitude de pouvoir les convertir à volonté en monnaie.

Quelle assurance le public a-t-il que les billets au porteur d’une banque seront exactement payés ?

Une banque bien administrée ne délivre jamais un billet sans recevoir en échange une valeur quelconque. Cette valeur est ordinairement de la monnaie, ou des lingots, ou des lettres de change. La partie du gage de ces billets qui est en monnaie peut servir directement à les acquitter. La partie qui est en lingots n’exige que le temps de les vendre. La partie qui est en lettres de change exige qu’on attende, à la rigueur, jusqu’à leur échéance, pour que la valeur de ces lettres de change puisse servir à l’acquittement des billets. On voit que, si les lettres de change sont souscrites par plusieurs personnes solvables, et si leur échéance n’est pas trop éloignée, les porteurs des billets ne courent d’autres risques qu’un léger retard.

Cependant si, à l’échéance, des lettres de change sont payées avec des billets de Banque au lieu de numéraire ?

Alors ces billets rentrent dans les coffres de la Banque ; ils sont remboursés de fait.

Les billets de banque peuvent donc suppléer au numéraire ?

Oui, jusqu’à un certain point, mais seulement dans les villes où il y a une caisse toujours ouverte pour les rembourser, car un billet ne vaut de l’argent comptant que lorsqu’il peut être sur-le-champ converti en argent.

Comment s’y prend une banque pour mettre en circulation ses billets ?

Quand elle se charge des recettes et des payements pour le compte des particuliers, ou quand elle escompte des effets de commerce[1], ces fonctions la mettent dans le cas d’opérer beaucoup de payements, dans lesquels elle offre ses billets en concurrence avec de l’argent ; et ces billets, quand ils inspirent une confiance parfaite, sont préférés comme plus commodes que de l’argent.

Qu’arrive-t-il quand une banque met en circulation une trop grande quantité de ses billets ?

La quantité de ceux qui, chaque jour, viennent se faire rembourser, balance ou surpasse la quantité de ceux que la banque met journellement en circulation, et si le discrédit s’en mêle, si tous les billets se présentent à la fois pour être remboursés, la difficulté qu’on éprouve toujours lorsqu’il s’agit de réaliser tout à la fois des valeurs considérables, expose la Banque à de fort grands embarras.




  1. Escompter des effets de commerce, c’est en payer comptant le montant, en retenant l’escompte ou l’intérêt du temps qui doit encore s’écouler jusqu’à leur échéance.