Catéchisme détaillé de l’Église catholique orthodoxe d’Orient/Seconde partie





SECONDE PARTIE


DU CATÉCHISME CHRÉTIEN.




DE L’ESPÉRANCE.




Q. Qu’est-ce que l’espérance du chrétien ?

R. Le repos de l’âme en Dieu, avec une confiance inébranlable en sa sollicitude pour notre salut, et une ferme espérance de posséder la béatitude selon sa promesse.

Q. Sur quoi se fonde l’espérance chrétienne ?

R. Jésus-Christ est notre espérance, ou le fondement de notre confiance. (I. Timoth. i, 1.)

Attendez avec une espérance parfaite la grâce qui vous sera donnée à l’avénement de Jésus-Christ. (I. Pierre, i, 13.)

Q. Quels moyens nous sont donnés pour acquérir cette espérance salutaire ?

R. Les suivants : premièrement, la prière ; en second lieu la doctrine véritable sur la béatitude, et la mise en action de cette doctrine.


DE LA PRIÈRE.


Q. La parole de Dieu témoigne-t-elle de l’efficacité de la prière pour acquérir l’espoir du salut ?

R. Jésus lui-même nous enseigne à croire que par la prière on peut obtenir ce que l’on désire : et quoique vous demandiez à mon Père, en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. (Jean, xiv, 13.)

Q. Qu’est-ce que la prière ?

R. Une élévation de l’esprit et du cœur vers Dieu, manifestée par des paroles religieuses que l’homme adresse à son Dieu.

Q. Que doit faire le chrétien, lorsqu’il veut élever son esprit et son cœur à Dieu ?

R. Premièrement il doit le glorifier à cause de sa perfection divine et infinie ; secondement, il doit lui rendre grâce pour ses bienfaits ; en troisième lieu il doit le prier, en lui soumettant ses besoins. Il résulte de là trois genres distincts d’oraisons : la glorification, la louange de Dieu ou l’expression de notre gratitude envers lui, et enfin la prière proprement dite.

Q. Peut-on prier sans paroles ?

R. Certainement, on peut prier d’esprit et de cœur. Moïse nous en donne l’exemple avant le passage de la mer Rouge. (Voyez Exode, xiv, 15.)

Q. Ce genre de prière n’a-t-il pas une dénomination particulière ?

R. On l’appelle oraison spirituelle ou mentale, ou enfin prière du cœur ; tandis que la prière énoncée en paroles et accompagnée d’autres démonstrations sensibles de la piété, se nomme prière orale ou extérieure.

Q. La prière extérieure peut-elle exister sans la prière intérieure.

R. Oui, toutes les fois que les mots de la prière sont proférés sans attention et sans ferveur.

Q. La prière extérieure suffit-elle seule, pour obtenir le don de la grâce ?

R. Non seulement elle n’est pas suffisante pour obtenir la grâce, mais elle offense Dieu, lorsqu’elle n’est pas jointe à la prière intérieure du cœur. Dieu lui-même exprime son indignation contre une telle prière : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi ; et c’est en vain qu’il m’honore. (Matth. xv, 8, 9.)

Q. Dans ce cas, la prière du cœur n’est-elle pas suffisante, sans qu’on y joigne les signes extérieurs de la prière ?

R. Cette question correspondrait parfaitement à cette autre : L’âme ne suffit-elle pas à l’homme sans le corps ? Il est entièrement superflu de le demander puisqu’il a plu à Dieu que l’âme soit jointe au corps pour former l’homme complet ; de même la prière du cœur doit rester inséparable de la prière extérieure. Ayant une âme et un corps, nous devons glorifier Dieu dans nos corps et dans nos âmes, qui sont également à Dieu, il en résulte tout naturellement, que nos lèvres doivent exprimer ce dont notre cœur est plein. Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a montré en sa personne le plus haut degré de spiritualité possible ici-bas ; et cependant il énonçait son oraison intérieure en paroles, et l’accompagnait de gestes de dévotion ; comme par exemple, lorsqu’il levait les yeux vers le ciel, ou lorsqu’il se prosternait le visage contre la terre. (Voyez I. Corinth. vi, 20. — Matth. xii, 34. — Jean, xvii, 1. — Luc, xxii, 4, 1. — Matth. xxvi, 39.)


DE L’ORAISON DOMINICALE.


Q. N’avons-nous pas une prière qui soit commune à tous les chrétiens et qui puisse servir de modèle à toutes les autres ?

R. Telle est en effet l’oraison dominicale.

Q. Qu’est-ce que l’oraison dominicale ?

R. C’est la prière que Notre-Seigneur Jésus-Christ enseigna aux apôtres, et que ceux-ci transmirent à tous les fidèles.

Q. Comment se récite-t-elle ?

R. Notre Père qui êtes aux cieux !

1. Que votre nom soit sanctifié ;

2. Que votre règne arrive ;

3. Que votre volonté soit faite en la terre comme au ciel ;

4. Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien ;

5. Et pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé ;

6. Et ne nous induisez point en tentation ;

7. Mais délivrez-nous du malin.

Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (Matth. vi, 9, 13.)

Q. Comment peut-on diviser l’oraison dominicale pour méditer sur chacune de ses parties en particulier ?

R. En une invocation, sept demandes et la glorification.


DE L’INVOCATION.


Q. Comment osons-nous nommer Dieu notre Père ?

R. Par la foi en Jésus-Christ, et par la grâce de la régénération.

Il a donné, à tous ceux qui l’ont reçu, le pouvoir d’être faits enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu même. (Saint Jean, i, 12, 13.)

Q. Faut-il toujours dire notre Père, même lorsqu’on prie seul ?

R. Sans doute.

Q. Et par quelle raison ?

R. La fraternité chrétienne nous fait une loi, en invoquant Dieu, de prier pour les autres autant que pour nous-mêmes.

Q. Pourquoi disons-nous, en invoquant notre Père, qu’il est aux cieux ?

R. Afin qu’au début même de la prière notre âme se détourne des choses terrestres et périssables, que notre esprit et notre cœur aspire à ce qui est céleste, immortel et divin.


DE LA PREMIÈRE DEMANDE.


Q. Le nom de Dieu n’est-il pas saint en lui-même ?

R. Sans nul doute, il est saint en lui-même, lui dont le nom est saint. (Luc. i, 49.)

Q. Comment peut-il donc être sanctifié ?

R. Il peut être sanctifié dans les hommes et par les hommes, c’est-à-dire sa sainteté, invariable de toute éternité, peut se manifester en eux.

Q. De quelle manière ?

R. Premièrement, lorsque nous portons le nom de Dieu dans notre cœur et dans nos pensées, que nous vivons comme l’exige la sainteté de ce nom, qu’enfin toute notre existence tend à glorifier Dieu ; secondement, lorsque les autres, voyant l’excellence de notre vie, sont portés par là à honorer Dieu.

Ainsi que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. (Matth. v, 16.)


DE LA DEUXIÈME DEMANDE.


Q. De quel règne est-il fait mention dans la seconde demande de l’Oraison dominicale ?

R. Du règne de la grâce, qui consiste, selon saint Paul, dans la justice, dans la paix et dans la joie que donne le Saint-Esprit. (Romains, xiv, 17.)

Q. Ce règne n’est-il pas déjà arrivé ?

R. Pour plusieurs il n’est pas encore arrivé dans sa plénitude et sa force, et pour le grand nombre il n’est pas arrivé du tout, si le péché règne encore dans leurs corps mortels, en sorte qu’ils obéissent à ses désirs déréglés. (Romains, vi, 12.)

Q. Comment arrive le règne de la grâce ?

R. Par des voies cachées et intérieures.

Le royaume de Dieu ne viendra point d’une manière qui le fasse remarquer. Car dès à présent le royaume de Dieu est au dedans de vous. (Luc, xvii, 20, 21.)

Q. Quelle autre signification le chrétien peut-il attacher à cette demande ?

R. Par ces mêmes paroles il peut demander à Dieu l’avénement du royaume de la gloire, ce qui signifie, la plénitude de la félicité pour les fidèles. Je désire d’être dégagé des liens du corps, et d’être avec Jésus-Christ. (Philip. i, 23.)


DE LA TROISIÈME DEMANDE.


Q. Que demandons-nous à Dieu par ces paroles : Que ta volonté soit faite ?

R. Nous le prions de permettre que tout ce qui nous arrive, et tout ce que nous faisons nous-mêmes, ne nous arrive et ne soit fait que selon la volonté de Dieu et non d’après notre propre désir.

Q. Pourquoi devons-nous le demander à Dieu ?

R. Parce que nous errons souvent dans nos désirs, et Dieu seul est infaillible ; qu’il nous veut incomparablement plus de bien que nous-mêmes n’en pouvons désirer ; qu’enfin il est toujours prêt à nous accorder ce qui est pour notre bien, lorsque notre volonté perverse et notre obstination ne s’y opposent pas.

Que celui qui, par la puissance qui opère en nous, peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons et tout ce que nous pensons, soit glorifié dans l’Église. (Éphes. iii, 20, 21.)

Q. Pourquoi demandons-nous que la volonté de Dieu soit faite sur la terre de même qu’elle l’est au ciel ?

R. Parce que les saints anges et les bienheureux qui habitent le ciel, accomplissent la volonté de Dieu, sans exception aucune, toujours et en tout.


DE LA QUATRIÈME DEMANDE.


Q. Qu’est-ce que le pain quotidien ?

R. Le pain indispensable à l’existence, à la vie.

Q. Dans quelle intention doit-on demander à Dieu son pain quotidien ?

R. Pour se conformer aux enseignements de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il ne faut demander à Dieu rien de plus que le pain quotidien, l’indispensable pour se nourrir, pour se vêtir et être logé. Tout ce qui dépasse le strict nécessaire, contribue à notre bien-être, nous procure des jouissances, et doit par conséquent être entièrement remis à la volonté de Dieu ; s’il l’accorde, on doit lui en rendre grâce ; sinon, il faut s’y résigner sans amertume et sans chagrin.

Q. Pourquoi la prière du Seigneur nous enseigne-t-elle à ne demander que le pain quotidien, c’est-à-dire du jour, pour un jour ?

R. Afin que nous ne nous laissions pas absorber par les soucis de l’avenir, et que nous remettions à Dieu tout ce qui doit nous arriver.

C’est pourquoi ne soyez point en inquiétude pour le lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même : à chaque jour suffit son mal. (Matth. vi, 34.)

Votre Père sait que vous en avez besoin (de toutes les choses matérielles). (Idem. 32.)

Q. Que peut-on encore entendre sous le nom de pain quotidien ?

R. Puisque l’homme est doué d’une nature double, corporelle et spirituelle, et que son âme a beaucoup plus de valeur que son corps : il peut et doit demander à Dieu le pain quotidien pour son âme, sans lequel l’homme intérieur en lui pourrait défaillir et mourir d’inanition. (Voyez Cyrille de Jérusalem. Instruction catéchétique iv, 15, et Confession orthodoxe, 2e partie, question 19.)

Q. Quel peut être le pain quotidien de l’âme ?

R. La parole de Dieu et le Saint Sacrement.

L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. (Matth. iv, 4.)

Ma chair est véritablement viande, et mon sang est véritablement breuvage. (Jean, vi, 55.)


DE LA CINQUIÈME DEMANDE.


Q. Que doit-on comprendre sous la dénomination de nos offenses ?

R. Nos péchés.

Q. Pourquoi nos péchés sont-ils nommés offenses, ou plus correctement dettes envers Dieu (Όφειλήματα) ?

R. Parce que ayant tout reçu de Dieu, nous devons tout remettre entre ses mains, ce qui signifie que nous devons nous soumettre entièrement à sa volonté et à sa loi ; et si nous ne remplissons pas ce devoir, nous restons débiteurs insolvables de sa justice éternelle.

Q. Et qui sont donc nos débiteurs ? ou ceux qui nous ont offensé ?

R. Ceux de nos semblables qui ne nous ont pas rendu ce qui nous revenait d’après la loi divine, comme, par exemple, si l’on nous a témoigné de l’inimitié au lieu de l’amour du prochain que Dieu exige de chacun de nous.

Q. Comment, malgré la justice divine que nous offensons, pouvons-nous espérer la rémission de nos dettes envers Dieu ?

R. Par la médiation de Jésus-Christ.

Car il n’y a qu’un seul Dieu et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, qui s’est livré lui-même pour la rédemption de tous. (I. Timoth. ii, 55.)

Q. Si nous demandons à Dieu le pardon de nos offenses et que nous-mêmes nous ne pardonnons pas à ceux qui nous ont offensés, qu’en résultera-t-il ?

R. Que nous n’aurons pas obtenu ce pardon. Car si vous pardonnez aux hommes les fautes qu’ils font contre vous, votre Père céleste vous pardonnera aussi vos péchés. Mais si vous ne pardonnez point aux hommes lorsqu’ils vous ont offensés, votre père ne vous pardonnera point non plus vos péchés. (Matth. vi, 14, 15.)

Q. Pourquoi Dieu ne nous pardonne-t-il nos iniquités qu’à mesure que nous pardonnons à ceux qui nous offensent ?

R. Parce qu’en ne pardonnant pas à notre prochain nous nous montrons méchants et rancuneux et nous séparons par là nous-mêmes de la bonté et de la miséricorde infinie de Dieu.

Q. Quelle disposition intérieure est exigée de ceux qui prient, par les paroles suivantes de l’Oraison dominicale : Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ?

R. Elles exigent une absence totale de haine ou de colère contre qui que ce soit, et la paix avec tous, la charité pour tous. Si donc lorsque vous présentez votre offrande à l’autel vous vous souvenez que votre frère a quelque chose contre vous, laissez là votre don devant l’autel, et allez vous réconcilier auparavant avec votre frère, et puis vous reviendrez offrir votre don. (Matth. v, 23, 24.)

Q. Mais comment faire si celui qui m’en veut, à tort ou à raison, est absent, ou qu’il ne consente pas à se réconcilier avec moi ?

R. Dans ce cas il suffit de se réconcilier avec lui pour soi-même et au fond de son cœur devant Dieu dont l’œil scrute le fond des consciences. Vivez en paix, si cela se peut, et autant qu’il est en vous, avec toutes sortes de personnes. (Romains, xii, 18.)


DE LA SIXIÈME DEMANDE.


Q. Qu’entend-on, dans l’Oraison dominicale, sous la dénomination de tentation ?

R. Un concours de circonstances telles, qu’on se trouve exposé à un danger imminent, ou de perdre la foi, ou de tomber dans un péché mortel.

Q. D’où proviennent de pareilles tentations ?

R. De la chair, du monde par l’intermédiaire de nos semblables, et du démon.

Q. Que demandons-nous à Dieu par ces paroles : ne nous induisez point en tentation ?

R. Premièrement que Dieu nous préserve d’être tentés ; en second lieu, s’il est nécessaire que nous soyons éprouvés et purifiés par la tentation, qu’il ne nous y abandonne pas, et qu’il nous empêche d’y succomber.


DE LA SEPTIÈME DEMANDE.


Q. Quelle prière adressons-nous à Dieu par ces paroles : délivrez-nous du malin ?

R. Nous lui demandons de nous libérer de toute influence maligne qui peut nous atteindre dans le monde, puisque depuis la chute et le péché originel tout le monde gît dans le mal (I. Jean, v, 19.)

Surtout nous prions Dieu de nous préserver de tout mal provenant du péché, des inspirations malfaisantes, et des ruses de l’Esprit malin, qui est le diable.


DE LA GLORIFICATION.


Q. Pourquoi fait-on suivre l’Oraison dominicale de la glorification de Dieu ?

R. Parce qu’en demandant à notre Père céleste des grâces, il est juste de l’honorer et de le glorifier en même temps. De plus, afin que la pensée de son règne, de sa puissance et de sa gloire fortifient en nous toujours davantage la confiance en lui, et l’espérance qu’il nous accordera ce que nous lui demandons, puisque cela ne dépend que de sa volonté et se rapporte à sa gloire.

Q. Quelle est la signification du mot Amen ?

R. Il signifie ainsi soit-il ou il est vrai.

Q. Pourquoi ajoute-t-on ce mot à la glorification de Dieu ?

R. Pour confirmer que l’oraison prononcée par nous est offerte à Dieu avec une certitude de foi que nul doute ne saurait ébranler, ainsi que nous l’enseigne saint Jacques (Chap. i, v. 6.)


DOCTRINE DE L’ÉVANGILE SUR LA BÉATITUDE.


Q. Que doit-on joindre à la prière pour s’affermir dans l’espoir du salut et de la béatitude ?

R. L’action, l’effort, les œuvres qui y conduisent.

Le Seigneur nous l’enseigne lorsqu’il dit : Pourquoi m’appelez-vous, Seigneur, Seigneur, et que vous ne faites pas ce que je dis ? (Luc, vi, 46.) Ceux qui me disent Seigneur, Seigneur, n’entreront pas tous dans le royaume des cieux ; mais celui-là seulement y entrera, qui fait la volonté de mon père qui est dans les cieux. (Matth. vii, 21.)

Q. Quelle doctrine peut nous fournir les enseignements nécessaires pour suivre cette voie ?

R. Celle que renferme en abrégé la prédication de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur les différentes voies qui conduisent à la béatitude céleste.

Q. Combien en énumère-t-il ?

R. Les neuf suivantes.

1. Bienheureux les pauvres d’esprit, parce que le royaume des cieux est à eux.

2. Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre.

3. Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés.

4. Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de la justice, parce qu’ils seront rassasiés.

5. Bienheureux ceux qui sont miséricordieux, parce qu’ils obtiendront eux-mêmes miséricorde.

6. Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu.

7. Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu.

8. Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux.

9. Vous êtes heureux lorsque les hommes vous chargeront de malédictions, et qu’ils vous persécuteront, et qu’ils diront faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi.

Réjouissez-vous alors, et tressaillez de joie, parce qu’une grande récompense vous est réservée dans les cieux. (Matth. v, 3-12.)

Q. Quelle remarque nous reste-t-il à faire pour mieux comprendre le sens de ces promesses de béatitude ?

R. Que le Seigneur nous révèle par ces préceptes le moyen d’atteindre à la béatitude, ainsi que l’Évangile le dit expressément : et ouvrant sa bouche il les enseignait. Étant doux et humble de cœur, Jésus-Christ nous offre sa doctrine sans nous l’imposer, mais il appelle bienheureux ceux qui l’accepteront librement et s’y conformeront. C’est à cause de cela que dans chacune des béatitudes il faut remarquer d’abord la doctrine ou le précepte et puis la béatification ou la promesse d’une récompense qui doit suivre.


PREMIÈRE BÉATITUDE ÉVANGÉLIQUE.


Q. Quel est le premier précepte du Seigneur pour parvenir à la béatitude ?

R. La pauvreté d’esprit.

Q. Que signifie, être pauvre d’esprit.

R. C’est être intimement convaincu que nous ne possédons rien en propre que ce qui nous vient de Dieu, et que nous ne pouvons rien accomplir de bien, sans le secours de la grâce divine ; en un mot nous compter pour rien, et implorer pour toutes nos œuvres la miséricorde de Dieu. Selon l’explication qu’en donne saint Jean Chrysostome, la pauvreté spirituelle est équivalente à l’humilité. (Hom. 15, sur le texte de saint Matth.)

Q. Ceux qui possèdent des richesses ici-bas, peuvent-ils être pauvres d’esprit ?

R. Ils le peuvent sans doute, s’ils n’oublient point que les richesses visibles sont corruptibles, passagères, et qu’elles ne sauraient remplacer les biens impérissables et spirituels. Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, et de perdre son âme ? Ou par quel échange l’homme pourra-t-il racheter son âme après qu’il l’aura perdue ? (Matth. xvi, 26.)

Q. La pauvreté corporelle, visible, peut-elle contribuer à la perfection de la pauvreté d’esprit ?

R. Elle le peut, si le chrétien l’a choisie et s’y soumet volontairement en vue de Dieu.

C’est dans ce sens que Jésus-Christ dit à un riche dans l’Évangile : Si vous voulez être parfait, allez, vendez ce que vous avez et le donnez aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel, puis venez et me suivez. (Matth. xix, 21.)

Q. Quelle récompense est promise par le Seigneur aux pauvres d’esprit ?

R. Le royaume des cieux.

Q. De quelle manière le royaume des cieux leur appartiendra-t-il ?

R. Pour la vie présente, intérieurement et comme un germe, par le moyen de la foi et de l’espérance en Dieu ; pour la vie future, dans toute sa plénitude, par leur participation à la béatitude éternelle.


DEUXIÈME BÉATITUDE ÉVANGÉLIQUE.


Q. Quel est le second précepte du Seigneur sur la béatitude ?

R. Ceux qui la recherchent doivent pleurer.

Q. Que signifie ici : pleurer.

R. La peine et la contrition que nous devons éprouver de servir Dieu si imparfaitement et d’une manière si peu digne de lui, et de mériter son courroux par nos péchés, ce qui peut bien en réalité nous faire répandre des larmes.

Car la tristesse qui est selon Dieu produit pour le salut une pénitence stable ; mais la tristesse de ce monde produit la mort. (II. Cor. vii, 10.)

Q. Quelle est la promesse particulière que le Seigneur fait à ceux qui pleurent ?

R. Qu’ils seront consolés.

Q. De quel genre de consolation s’agit-il ici ?

R. De celle que donne la grâce et qui consiste dans la rémission des péchés, et la paix de conscience.

Q. Pourquoi cette promesse de consolation est-elle donnée nommément à ceux qui pleurent ?

R. Afin que la douleur que nous ressentons de nos iniquités, ne se change pas en désespoir.


TROISIÈME BÉATITUDE ÉVANGÉLIQUE.


Q. Quel est le troisième précepte du Seigneur pour obtenir la béatitude ?

R. Ceux qui la désirent doivent être doux.

Q. Qu’est-ce que la douceur ?

R. C’est une disposition calme de l’esprit, qui nous rend attentifs à n’exciter ni n’aigrir personne, et à ne point dévier soi-même de cette quiétude.

Q. Quels doivent être les effets sensibles de la douceur chrétienne ?

R. C’est de ne jamais murmurer contre Dieu, ni même contre les hommes, quoi qu’il nous arrive de désagréable et de contraire à nos désirs, de ne point s’enorgueillir, de ne pas s’abandonner à la colère.

Q. Quelle récompense le Seigneur promet-il à ceux qui sont doux ?

R. Qu’ils posséderont la terre.

Q. Quel est le sens de cette promesse ?

R. Par rapport à ceux qui ont suivi le Christ dès l’origine de sa prédication, c’était une prédiction, et qui s’est accomplie à la lettre. Car les chrétiens primitifs, qui étaient constamment doux et humbles, au lieu d’être exterminés par les fureurs sanguinaires des païens, ont recueilli leur héritage, et possédé le monde qui appartenait à ces derniers.

Mais cette promesse a une autre signification relativement à tous les chrétiens en général, et à chacun d’eux en particulier, c’est qu’ils posséderont, selon le Psalmiste, la terre des vivants, là où l’on vit pour ne plus mourir, en d’autres termes, qu’ils recevront la béatitude éternelle. (Voyez Psaume xxvi, 13.)


QUATRIÈME BÉATITUDE ÉVANGÉLIQUE.


Q. Quel est le quatrième précepte du Seigneur pour la béatitude ?

R. Ceux qui veulent l’obtenir doivent être affamés et altérés de justice.

Q. Dans quel sens est pris ici le mot de justice ?

R. Toutes les vertus peuvent être comprises sous cette dénomination, puisqu’elles doivent toutes paraître désirables au chrétien, comme une nourriture et un breuvage spirituel. Cependant on doit principalement y voir cette justice dont la prophétie de Daniel dit que la justice éternelle viendra sur la terre, ce qui s’applique à la justification de l’homme prévaricateur devant Dieu, par la grâce, et à la foi en Jésus-Christ. (Daniel, ix, 24.)

C’est de cette même justice que saint Paul dit : Et cette justice que Dieu donne par la foi en Jésus-Christ, est répandue en tous ceux et sur tous ceux qui croient en lui ; car il n’y a nulle distinction, parce que tous ont péché, et ont besoin de la gloire de Dieu, étant justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qu’ils ont en Jésus-Christ, que Dieu a proposé pour être la victime de propitiation par la foi qu’on aurait en son sang, pour faire paraître la justice qu’il donne lui-même en pardonnant les péchés passés. (Romains, iii, 22-25.)

Q. Qui sont ceux qui sont affamés et altérés de justice ?

R. Ceux qui, tout en aimant à faire le bien, ne se regardent pas comme justes, et n’ont pas pleine confiance dans leurs bonnes œuvres, mais se reconnaissent pécheurs et coupables devant Dieu. Ceux qui, par leur ardent désir et leur prière pleine de foi, témoignent qu’ils ont faim et soif de la justification par la grâce en Jésus-Christ.

Q. Quelle est la promesse donnée par le Seigneur à ceux qui sont affamés et altérés de justice ?

R. Qu’ils seront rassasiés.

Q. Que signifie ici la satiété ?

R. La satiété corporelle fait cesser la sensation de faim et de soif, le corps se sent fortifié par la nourriture matérielle. De même l’âme étant rassasiée, le pécheur sauvé de la condamnation éprouve un calme intérieur, et acquiert de nouvelles forces pour faire le bien, mais il en est redevable uniquement à la grâce qui justifie. Néanmoins l’âme créée pour jouir d’un bien-être indicible et infini, ne pourra être complétement rassasiée que dans une vie qui n’aura point de terme, selon l’expression du Psalmiste : Je serai rassasié, lorsque vous aurez fait paraître votre gloire. (Psaume xvi, 15.)


CINQUIÈME BÉATITUDE ÉVANGÉLIQUE.


Q. Quel est le cinquième précepte de la béatitude ?

R. Ceux qui la désirent doivent être miséricordieux.

Q. Comment ce précepte du Sauveur doit-il être mis à exécution ?

R. Par le moyen des œuvres de charité, tant dans les choses matérielles que dans l’ordre spirituel. Car, au dire de saint Jean Chrysostome, la miséricorde opère diversement, et ce commandement est vaste et étendu. (Homélie 15, sur saint Matth.)

Q. Quelles sont les œuvres matérielles et palpables de la miséricorde ?

R. 1. Nourrir celui qui a faim.

2. Abreuver celui qui a soif.

3. Vêtir celui qui est dépouillé de vêtements, ou qui n’a pas de quoi s’en procurer.

4. Visiter celui qui est en prison.

5. Servir et visiter les malades, concourir autant qu’on le peut à leur guérison ou les préparer à une mort chrétienne.

6. Recueillir et abriter chez soi le voyageur.

7. Enterrer honorablement celui qui meurt dans l’indigence.

Q. Quelles sont les œuvres de miséricorde spirituelle ?

R. 1. Par de bonnes paroles convertir un pécheur et le ramener de son égarement. (Saint Jacques, v, 20).

2. Instruire l’ignorant de la vérité et du bien.

3. Donner un bon conseil au prochain pour le tirer d’embarras ou le prémunir contre un danger dont il ne s’aperçoit point.

4. Prier pour son prochain.

5. Consoler l’affligé.

6. Ne pas rendre le mal à ceux qui nous en ont fait.

7. Pardonner les offenses du fond de son cœur, et sans arrière-pensée.

Q. Quand la justice humaine punit un coupable, n’agit-elle pas en contravention au précepte de la miséricorde ?

R. Nullement, lorsqu’elle agit en conscience et dans une bonne intention pour l’amener à s’amender, ou pour préserver l’innocent du contact et des effets du crime.

Q. Quelle récompense le Seigneur promet-il aux miséricordieux ?

R. Qu’ils obtiendront eux-mêmes miséricorde.

Q. De quelle espèce de miséricorde s’agit-il ici ?

R. Ils seront libérés de la condamnation éternelle que leur ont méritée leurs péchés devant le tribunal de Dieu.


SIXIÈME BÉATITUDE ÉVANGÉLIQUE.


Q. Quel est le sixième précepte du Seigneur pour obtenir la béatitude ?

R. Il faut avoir le cœur pur.

Q. La pureté de cœur, n’est-ce pas la même chose que la franchise, l’ouverture de cœur ?

R. La franchise est l’opposé de l’hypocrisie ; par la franchise, on s’abstient de montrer au dehors de bonnes dispositions qui ne sont pas au fond du cœur, et celles qui s’y trouvent fructifient en bonnes œuvres, en actions louables ; mais ce n’est encore qu’un degré inférieur de la pureté du cœur. Cette dernière ne s’acquiert que par une attention continue sur soi même, une application infatigable à rejeter de son cœur toute pensée, tout désir illégitime, tout attachement passionné aux objets terrestres, afin de conserver avec foi et amour dans son cœur le souvenir incessant de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Q. Quelle est la promesse du Sauveur à ceux qui ont le cœur pur ?

R. Qu’ils verront Dieu.

Q. Comment entendre cette promesse ?

R. La parole de Dieu compare ailleurs le cœur de l’homme à un œil, et attribue aux chrétiens parfaits des yeux du cœur éclairés. (Éphés. i, 18.)

Comme un œil clair et pur a la faculté d’apercevoir la lumière, de même un cœur pur est capable de contempler Dieu. Or, puisque la contemplation de Dieu est une source de la félicité éternelle, on doit inférer de la promesse de voir Dieu, un degré élevé de béatitude céleste.


SEPTIÈME BÉATITUDE ÉVANGÉLIQUE.


Q. Quel est le septième précepte sur la béatitude ?

R. Ceux qui la désirent doivent être pacifiques.

Q. De quelle manière accomplir ce commandement ?

R. Dans nos relations avec nos semblables, il faut toujours agir affectueusement, et ne jamais donner occasion à la discorde ; si la discorde s’introduit malgré nous, nous devons employer tous les moyens en notre pouvoir pour l’apaiser, même au détriment de nos droits, pourvu que cela ne soit ni contraire à nos devoirs, ni nuisible à qui que ce soit. Enfin nous devons tâcher de pacifier les autres, autant que nous en avons la possibilité, et lorsque cela dépasse nos moyens, il ne nous reste qu’à prier Dieu de rétablir la paix et la concorde.

Q. Quelle récompense est promise aux pacifiques ?

R. Qu’ils seront appelés enfants de Dieu.

Q. Que nous prouve cette promesse ?

R. Toute la grandeur de la vocation de pacificateur, et de la récompense qui attend les pacifiques ; puisqu’en suivant cette voie ils suivent l’exemple donné par le Fils unique de Dieu, qui est venu sur la terre pour pacifier la justice divine et la réconcilier avec le genre humain prévaricateur. C’est pour cela qu’il est promis aux pacifiques qu’ils seront appelés enfants de Dieu par la grâce, et qu’ils obtiendront un degré de béatitude digne de ce nom.


HUITIÈME BÉATITUDE ÉVANGÉLIQUE.


Q. Quel est le huitième précepte de la béatitude ?

R. Ceux qui y aspirent doivent être prêts à souffrir la persécution pour la justice, et à se dévouer pour elle.

Q. Quelles qualités exige de nous ce précepte ?

R. L’amour de la vérité, une constance ferme et inébranlable dans la vertu, le courage et la patience, voilà les qualités indispensables à celui qui s’expose à des malheurs et à des périls, pour ne pas être infidèle à la vérité et à la vertu.

Q. À ceux qui sont persécutés pour la justice, que leur promet le Seigneur ?

R. Le royaume des cieux, comme une compensation de ce que la persécution leur fait perdre ici-bas, de même qu’aux pauvres d’esprit, pour lesquels le royaume des cieux compensera la privation et la misère de leur vie terrestre.


NEUVIÈME BÉATITUDE ÉVANGÉLIQUE.


Q. Quel est le neuvième précepte du Seigneur pour arriver à la béatitude ?

R. On doit se tenir prêt à subir avec joie toutes les malédictions, les persécutions, les maux, et la mort même, pour Jésus-Christ et la vraie foi.

Q. Comment se nomme l’acte d’abnégation que ce précepte nous commande ?

R. Le martyre.

Q. Quelle récompense le Seigneur promet-il au martyre ?

R. Une grande récompense dans les cieux, ce qui signifie un degré particulièrement élevé et supérieur de la béatitude.