Chants révolutionnaires
Dentu (p. 91-92).

CASERNE ET FORET


À Paul AVENEL (Lice chansonnière).


J’espérais à Fontainebleau
Savourer les bois solitaires,
Mais par malheur ce lieu si beau
    Grouille de militaires.

Parmi la feuille et le granit,
Dès l’aube en soldat malhonnête
Réveille l’oiseau dans son nid,
    Au son de la trompette.

Le silence étend son velours
Dans le creux d’un vallon sauvage ;
Mais sur les rochers, des tambours
    Font leur apprentissage.

Refaisant le monde et chantant
L’avenir large et l’espérance,
On s’éveille en sursaut, heurtant
    Un pantalon garance.

Puant fort le vin et l’amour,
Des femmes à soldats font tache
Sur des prés où jusqu’à ce jour
    J’ai vu paître la vache.

Ne pourrions-nous pas ― en secret ―
Sans nuire au pouvoir qui gouverne,
Une nuit porter la forêt
    Bien loin de la caserne ?...


Fontainebleau, août 1867.