Carnets de voyage, 1897/Musée d’Angers (1865)

Librairie Hachette et Cie (p. 276-278).
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1865

MUSÉE D’ANGERS


J’ai admiré surtout les petits maîtres français du XVIIIe siècle : Lancret, Chardin, Greuze, Watteau ; tous charmants, élégants, fins, d’une touche légère et prompte, la couleur un peu effacée, mais harmonieuse ; — c’est la fleur de la galanterie.

Voyez surtout chez Lancret la facilité, l’agrément avec lequel, dans cette teinte effacée générale, les tons varient incessamment et imperceptiblement, comme une petite brume ensoleillée qui s’évapore. C’est fait avec rien, et d’un caprice infini. Une petite tache rouge avec deux points noirs fait une figure, c’est une esquisse qui dit tout, et si vite ! Les feuillages ne sont qu’un accompagnement vert pâle ou jaunissant, une forme vague subordonnée. On sent que le peintre ne procède pas par dessin, mais par petites touches qui donnent l’effet général, l’agrément et le papillotage des étoffes, l’esprit du personnage, sa désinvolture.

Watteau est bien plus coloriste, ou plutôt il est monté d’un ton plus haut. Ses couleurs sont plus intenses ; il est, comme les autres et plus qu’eux, manifestement flamand.

Plâtres des œuvres de David d’Angers.

Cela m’ennuie beaucoup ; on y retrouve l’école historique ou emphatique d’avant 1848 ; c’est faux ou insuffisant.

Mais on passerait un jour à regarder ses médaillons en bronze ; il y en a quatre ou cinq cents. Tous les hommes ou femmes remarquables de son époque y sont de profil et grandement interprétés. Il y a là l’histoire de notre temps, un temps qui s’est beaucoup agité et travaillé ; — on y voit le profond labeur intérieur de l’âme et la diversité infinie.

D’autres grands bustes en terre sont bien curieux. Par exemple, Armand Carrel, maigre, les joues osseuses, la figure en avant, pointue et tranchante comme une épée, aigri et acerbe ; et l’énorme buste de David le père, moustachu, les bords des yeux creusés, fouillés, bouffis, colosse sanguin républicain, tout à l’action joyeuse, brave, expansif.