Carnets de voyage, 1897/De Toulouse à Cette (1863)

Librairie Hachette et Cie (p. 96-97).


DE TOULOUSE À CETTE


Encore une grande plaine, comme entre Toulouse et Bordeaux.

Du maïs, puis des vignes. Le maïs luit au soleil avec une couleur forte, roussie ou jaune. Chaque épi est dans une gaine sèche ou grillée et l’effet est étrange. — La tache d’un champ entier est bien plus granuleuse à l’œil que celle du blé. — Les vignes rampent à terre ; pas d’échalas, l’arbuste est dans son pays et n’a pas besoin de soutien. Les feuilles sont bien vertes et vivantes, et cela est beau sous ce soleil.

Les bâtisses sont carrées, souvent il y a des tours quadrangulaires comme dans les fabriques des paysages italiens. Beaucoup de granges sont ouvertes et posent sur des arcades. On sent partout l’absence de pluie, la vie en plein air.

Les villes passent à droite et à gauche sur des collines, Carcassonne, Castelnaudary, Narbonne, demi-féodales et demi-romaines. La plupart sont sur des hauteurs pour la défense ; telle a tous ses remparts, sa ceinture de tours, on dirait un décor d’opéra sicilien ou espagnol. Elles sont fauves, bronzées ; on sent la pluie infinie, séculaire, des rayons brûlants. Pierres sur roches ; les yeux habitués au Nord ne s’y accoutument pas.

Vers le soir, des montagnes pelées qui ondulent à droite et à gauche ; les bâtisses antiques, brunies, sont grandioses dans la pourpre vive du couchant ; on dirait des spectres. Sur la droite, derrière les premières montagnes, se dressent les Pyrénées, blanches comme des Vierges.