Carnets de voyage, 1897/De Bordeaux à Toulouse (1863)
DE BORDEAUX À TOULOUSE
Pays plat et tout en culture. Je n’ai vu qu’un seul bois en six heures de chemin de fer ; ni collines, ni rien — pas même une grande plaine ; tout est petit ou ordinaire. On dit seulement : « C’est un bon pays ».
Certaines terres, formées par les alluvions de la Garonne, valent 15 000 francs l’hectare ; on les cultive en blé, tabac, chanvre. Les terres ici sont comme partout et rapportent 2 l/2 pour cent.
La Garonne se montre souvent sur la droite, jaune et rousse à cause de ses sables. Des oseraies pâles l’enveloppent. — Puis, entre deux chaussées, le canal du Midi. S’il est grand par l’utilité, il ne l’est pas pour la vue. — Variété de culture, petits champs, propriétés divisées, médiocres récoltes, dit-on. — Le partage des terres a gâté le paysage.
Ce qu’il y a d’intéressant, ce sont les constructions ; on sent le voisinage de l’Italie, la clémence du climat. Les toits sont presque plats ; il n’y a pas de neige l’hiver. Beaucoup de maisons ont deux ailes, ce qui leur donne tout de suite un caractère. Plusieurs ont des péristyles, de longs balcons, des avançages pour prendre le frais le soir. Les clochers sont carrés ; quelques-uns, neufs, s’élancent bien, et dans ce beau ciel, sous cette riche lumière, leur blancheur, leur propreté, leur taille effilée sont agréables à voir. Les cloches ne sont point enfermées dans un clocher ; on élève seulement une sorte de mur isolé percé à jour. Parfois une tour, quelques jolis châteaux à pavillons et à tourelles. — Il y a ici une sorte de sentiment de l’architecture.
Mais je sens bien que pour mon compte, mon vrai, mon profond plaisir me viendra toujours des forêts et des fleuves. — Je ne suis pas un homme du Midi, mais du Nord.