Carnets de voyage, 1897/Avant-propos

Librairie Hachette et Cie (p. v-vi).
Douai  ►


AVANT-PROPOS


Les Carnets de Voyage ont été écrits pendant les tournées que M. Taine fit de 1863 à 1866 comme examinateur d’admission à l’École militaire de Saint-Cyr. Ce sont des notes prises au jour le jour, sur de tout petits cahiers, la plupart du temps au crayon, presque toujours sans corrections ni ratures. Dans sa correspondance, il manifeste à plusieurs reprises l’intention de les publier. Il aurait sans doute, en ce cas, refondu le texte, complété son enquête et rédigé à nouveau certaines parties, comme il le fit pour les Notes sur Paris et, plus tard, pour les Notes sur l’Angleterre, tirées de carnets analogues. Entre-temps, il en choisit quelques extraits qu’on retrouve dans ses œuvres de cette époque, notamment dans le Voyage en Italie (1866), les Notes sur Paris (1867), l’article sur l’Iphigénie de Gœthe, etc.

Mais il commençait à écrire en 1867 son traité de l’Intelligence, énorme travail auquel il avait pensé depuis sa sortie de l’École normale. Puis vinrent la guerre et la chute de l’Empire : du bouleversement politique et social qui suivit, sortait une France différente de celle que décrivent les Carnets. — M. Taine se consacra dès lors tout entier aux Origines de la France Contemporaine, et y travailla sans trêve jusqu’à la fin de sa vie. Les petits cahiers sur la France restèrent enfouis dans ses cartons.

Le public devra replacer ces notes à leur date. En les lui présentant aujourd’hui, nous n’en changeons ni la forme ni le fond : il aurait appartenu à l’auteur seul d’entreprendre ce travail délicat. — M. Taine nous dit lui-même (page 81) : « Ordinairement, on n’a que des commencements de sensations… Pour les avoir parfaites, il faut les corriger, les compléter ». — Ce sont ces sensations imparfaites et incomplètes que le lecteur trouvera ici ; mais, telles quelles et encore enveloppées dans la gangue primitive, elles peuvent donner une idée de la qualité du métal et de la richesse du filon.

Novembre 1896.