Carl Spitteler
Revue des Deux Mondes6e période, tome 43 (p. 421-444).
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CARL SPITTELER

I
LA PÉRIODE PESSIMISTE<

Nous n’aurons jamais trop d’égards pour nos amis de l’étranger. En Suisse alémanique, nous avons eu pour nous, dès le début de la guerre, des artistes très fêtés en Allemagne, peu connus chez nous : le peintre Hodler, le poète Spitteler. Le 24 avril 1915, l’Académie française envoyait en reconnaissance « au grand poète Charles Spitteler, dont les compatriotes fêtent aujourd’hui le soixante-dixième anniversaire, son salut confraternel. » Au banquet organisé en l’honneur du poète par la revue genevoise Pages d’Art, les télégrammes de sympathie ont afflué de France, signés des plus illustres noms. Des journaux, des revues ont consacré à Spitteler quelques lignes ou quelques pages. Des traductions ont commencé à répandre dans le public les œuvres en prose de Spitteler, les plus accessibles aux traducteurs comme aux lecteurs.

Il reste à présenter au public l’œuvre de Spitteler dans son ensemble, et principalement ses grands poèmes symboliques, Prométhée et Épiméthée, le Printemps olympien.

Avant la guerre même, et sans que Spitteler s’en soit douté[1], ces ouvrages ont eu chez nous des lecteurs peu nombreux, mais fervens. Il est de simple justice qu’aujourd’hui nous élevions la voix en l’honneur du maître, nous qui, depuis longtemps, aimions son art robuste et le jeu éblouissant de son imagination, et faisions confiance à son clair bon sens de montagnard indépendant et critique.


Cari Spitteler avait largement dépassé la cinquantaine quand la notoriété, puis la célébrité, lui sont venues[2]. Il s’est mûri dans la solitude et dans l’exil : solitaire dans sa patrie suisse, au cours d’études juridiques, puis théologiques, qui l’ont conduit aux solutions les plus négatives ; solitaire dans ses années de préceptorats lointains, en Russie et en Finlande, plus seul encore au retour lorsque, pareil au héros de son roman d’Imago, il a plus cruellement ressenti les ridicules et les mesquineries de son milieu bourgeois et de sa petite ville. Cette solitude s’est aggravée d’amertume et de dépit quand la première œuvre, celle où vivaient enfermées toute sa jeunesse méditative et toute son orgueilleuse ambition, a sombré dans l’indifférence d’un public et d’une critique gagnés à de tout autres tendances. De là sont venus au poète et ont germé dans son âme un courage combatif, une violence contenue, une totale indépendance d’esprit qui donnent à Spitteler son originalité vigoureuse parmi les écrivains de ce temps. La tendance polémique, et trop souvent didactique, de son œuvre tient par de profondes racines à son tempérament et à sa destinée. Mais, à vingt ans, il est tout entier formé, ce caractère inflexible, impitoyable aux autres et à lui-même, cet esprit exigeant et perspicace : en vain des amis l’engagent à faire imprimer ses premiers essais poétiques, il refuse et se condamne par-là, il le sait, « à rester toute sa vie un aristocrate en littérature : publier une œuvre imparfaite lui eût semblé une honte éternelle, pire qu’un vol[3]. »


Par ses origines, Spitteler appartient à la petite bourgeoisie aisée, mi-campagnarde, mi-citadine, du canton de Bâle. Son enfance s’est écoulée à Liesthal et à Bâle, mais surtout à Liesthal où son père, fonctionnaire cantonal, possédait une maison. Ses souvenirs de tout petit enfant, heureux de vivre au soleil, de jouer avec les cailloux et les herbes, de se faire caresser par sa grand’mère et ses tantes, sont demeurés en lui intacts et vivans jusqu’à ce jour et forment, nous dit-il, « sa plus belle collection d’images et son livre poétique favori. » Le recueil de ses Premiers souvenirs, tout illuminé de soleil et de tendresse, se distingue d’autres volumes analogues par la préoccupation constante de rattacher le rêve à la réalité, la vision poétique à l’impression reçue : comment se forment les premiers rêves, comment les impressions de la journée, transfigurées ou prolongées dans l’espace et dans le temps, donnent naissance aux rêves, premier germe des visions poétiques ultérieures, à quel point la personnalité, l’âme est déjà formée dans l’enfant, tels sont les problèmes qui ont intéressé Spitteler, lorsqu’il a ressuscité ses quatre premières années d’enfance. De ces souvenirs on peut conclure qu’il a été de bonne heure un visuel et un imaginatif ; il note comme les grands événemens de son enfance la première fois où il a vu couler un fleuve, le jour où il a pénétré dans une forêt, la première fois qu’il a reçu une averse en plein air. Enfant vigoureux, sain, voire turbulent, il a été aussi le petit rêveur précoce qui se plaignait qu’on vît dans les champs « trop de corbeaux et trop peu de cigognes, » et qui passait de longs après-midi d’automne à la fenêtre, à espérer les défilés de soldats en armes et de botes fauves que lui suggérait son imagination. La vérité l’oblige à reconnaître qu’il est une fois passé un chameau dans la rue de Liesthal, mais, hélas ! pas le moindre rhinocéros, pas le plus petit éléphant à sa suite !

Adolescent, il a longtemps cherché sa voie. L’essentiel lui paraît être d’exprimer ces images, ces visions de l’enfance si vivantes en lui, et l’émoi de l’adolescence, le rêve, la méditation de l’âge viril. A dix-sept ans, il s’est cru peintre, ou peut-être musicien. Puis il a choisi d’être poète. La poésie lui a semblé la forme d’expression la plus satisfaisante, celle qui peut seule suppléer à la peinture et à la musique, celle dont on peut le mieux se rendre maître par le travail. Car il ne croit pas précisément à l’inspiration, ou du moins, il pense qu’on peut la solliciter par le travail. « Le travail, dit-il, tend des rets où les visions, un beau matin, viennent se prendre. »

Dans ce tâtonnement préalable où des maîtres tels que Wackernagel et J. Burckhardt ont pu le guider, même à son insu, une lueur jaillit soudain : à vingt-deux ans, la lecture du Roland furieux révèle à « l’ex-apprenti-peintre » une poésie toute proche de la grande peinture a fresque, poésie d’action, de gestes et de batailles où « toutes choses sont transmuées en devenir vivant[4]. » Dès lors, il s’habitue à projeter au dehors en tableaux symboliques, en hautes figures allégoriques, en visions mouvantes et chatoyantes, tout ce qui vit en lui de pensée et de rêve. Il veut être poète épique. Entreprise que condamne la critique officielle. Ne sait-on pas que l’épopée est un genre mort depuis des siècles ? N’est-elle pas l’apanage des époques primitives et des peuples-enfans ? Fort de son admiration pour Dante, pour l’Arioste et pour la Renaissance italienne, Spitteler revendique « le droit à l’épopée, » à l’épopée savante, héroïque ou mythologique, qui ne saurait à aucun moment se confondre avec le roman : le romancier, dit-il, ressemble au poète épique comme un escargot ressemble à un hussard ; tous deux se meuvent sur le chemin, et peut-être dans le même sens, mais tandis que l’un rampe sur le ventre dans l’ornière, l’autre s’avance au galop de son cheval.

Pour lui, son choix est fait d’avance. Il sent en lui frémir « ce courage débordant, ce goût de l’aventure, cet amour du coloris brillant de l’existence » qui sont les marques du génie épique. Une « allégresse matinale » l’emplit, un désir « qui s’élance dans l’univers sur les ailes de l’imagination, avide de tout ce que Dame Aventure lui enverra au travers du chemin…[5]. C’était au temps de sa jeunesse, la santé colorait son sang, de jour en jour croissait sa force… »[6].

Comment expliquer qu’avec un tempérament de cette exubérance, Spitteler soit arrivé jusqu’à l’âge de trente-cinq ans sans rien publier ? Sans doute, les circonstances étaient contraires ; de graves scrupules théologiques fermaient à Spitteler la carrière pastorale à laquelle il s’était préparé ; il fallait compter avec la nécessité d’un travail mercenaire, loin de tout centre littéraire et intellectuel, loin de toute école et de tout cénacle qui auraient pu fournir le stimulant nécessaire. Mais la vraie raison est plus profonde et Spitteler l’a maintes fois précisée : elle tient à une fausse méthode de travail ; le poète croit, à cette période, que la forme naît spontanément de la pensée, par germination intérieure, sans que la raison ou la volonté ait à intervenir. D’où un foisonnement désordonné d’images, une multitude de plans ébauchés, abandonnés et repris et qui « dégénèrent par la profusion des variantes. » Ni le Prêtre Jean, ni l’Atlantis, ni les Noces de Thésée, ni cet Héraklès tant aimé n’ont pu être achevés. Et lorsque, dans une nuit mémorable, celle de l’arrivée à Heidelberg (14-15 octobre 1867) a surgi du chaos une vision plus nette et plus obsédante, celle de Prométhée quittant la vallée natale sous la malédiction de l’Ange irrité, il a fallu, non pas huit jours, comme le pensait le jeune poète, mais treize années de labeur acharné pour que l’œuvre prît forme et vînt au jour.

Spitteler n’aime guère les confidences. Mais s’il décrit en termes pathétiques, dans une conférence sur la Personnalité du poète[7]ces orages de l’adolescence, ces premières révoltes de l’individualité juvénile, ces crises d’orgueil et de désespoir qui peuvent mener au bord du suicide, soyons sûrs qu’il les connaît d’expérience directe. Il sait que toute sagesse et toute virtuosité ne s’achètent « qu’à prix de sang. » Au travail de son Prométhée, poursuivi d’abord en Suisse, puis en Russie, il a donné le meilleur de sa force et toute sa jeunesse. Il ne parle de cette période qu’avec une sorte d’horreur sacrée, comme d’un « travail de Sisyphe, » d’une « Passion qui a duré dix ans, » mais au cours de laquelle il a « entrepris et mené à bien des tâches poétiques si ardues que tout autre travail lui a paru aisé par la suite. » Mais, ajoute-t-il, « comme, dans ce cruel labeur, les années s’évanouissaient une à une, emmenant avec elles ma jeunesse, sans espoir de retour, un pathétique puissant se développa naturellement dans mon âme. De ce pathétique est né le récit profondément symbolique de Prométhée égorgeant ses petits chiens. Les petits chiens sont les espérances terrestres que l’homme sacrifie aux exigences de son génie intérieur. Mais malheur à lui, si le sacrifice de sa jeunesse a été vain ! » L’histoire de cette jeunesse et de ce sacrifice, c’est dans Prométhée et Epiméthée qu’il faut la lire, sous le tissu brillant ou vaporeux des symboles. Parvenu au terme de son travail, de retour en Suisse et plein d’assurance, Spitteler comptait que ses peines ne resteraient pas sans compensation. Heureux enfin, il signe cette première œuvre d’un pseudonyme qui est un soupir de soulagement et un cri d’allégresse : Carl Félix Tandem.


Prométhée et Epiméthée. Symbole[8]. Dans une prose rythmée, sur une mélopée un peu monotone et psalmodiante, sous forme de mythes assez transparens, c’est toute la foi morale, philosophique et poétique de l’auteur qui s’exprime. Produit d’une longue méditation silencieuse, le livre en décrit, en style métaphorique, les périodes et les crises.

C’est l’évangile du solitaire, de l’individu orgueilleux et anarchique qui veut vivre en dehors des lois, non pour assouvir des passions brutales, mais pour écouter, dans le silence, « le chuchotement léger de son âme, » les suggestions du génie tyrannique qu’il porte en lui. A l’aube de leur jeunesse vigoureuse, Prométhée et Epiméthée décident « de devenir différens des hommes innombrables qui grouillent dans la tourbe commune, » ils se bâtissent chacun une maison à l’écart « et n’acceptent ni loi ni coutume, car leur unique règle était la voix chuchotante de leur âme, lorsqu’ils se promenaient pensifs par les forêts et les bocages et sur les pentes fleuries et embaumées de la montagne. » Riant début de la cruelle initiation ! Bientôt les soupçons naissent autour des deux frères. Sans doute, l’Ange puissant qui gouverne les hommes prend plaisir à leur fière jeunesse et à « cette singulière richesse intérieure » qui distingue Prométhée entre tous les hommes. Mais pour réussir, pour conquérir la puissance, il faudrait ployer sous la loi commune, adopter la foi commune, la croyance correcte du troupeau, et Prométhée s’y refuse avec hauteur. La scène de l’entrevue avec l’Ange est d’une extrême beauté et mérite d’être citée tout au long :


C’était au septième jour, un samedi, et Prométhée se promenait rêveur dans le jardin de sa maison, et son regard paisible cherchait à percer les brouillards, tandis que sous ses pas bruissaient les feuilles sèches.

Et déjà dépouillée par un long automne, la splendeur du jardin s’était appauvrie, et quelques feuilles d’or pendaient encore aux arbres et aux buissons, et quelques fleurs d’un rouge foncé émergeaient encore de la mer des brumes, mais un silence riche et lourd de pressentimens pesait sur le tout ; et ce silence était sanctifié par le trille léger d’un merle qui sautillait dans le bosquet désert, rêvant aux plaisirs et aux bonheurs de l’été disparu ; et toute vie semblait éteinte alentour, et nul mouvement n’en rompait la torpeur, sauf un unique rayon de soleil qui se jouait sur l’herbe verte, tournoyait et courait comme un enfant mutin, disparaissait, revenait, se glissait sous la barrière, se balançait sur une feuille, puis se fixait sur le sol.

Et tandis qu’il se promenait en paix, et que son visage calme et beau semblait refléter la sérénité de son cœur, et que son regard pensif suivait le rayon de soleil, et que ses pensées s’égaraient au loin, l’Ange de Dieu s’approcha soudain de Prométhée et lui dit d’un ton sévère ces graves paroles :

« Prométhée, audacieux étranger du Pays des Hommes, depuis longtemps je t’observe, et certes, j’ai remarqué la vigueur de ton esprit et ta singulière richesse intérieure ! Cependant tu seras rejeté, au jour de la gloire, à cause de ton Ame qui ne connaît ni Dieu ni loi, car rien n’est sacré à son orgueil, ni dans le ciel, ni sur la terre.

« C’est pourquoi, écoute mon conseil et sépare-toi d’elle. Et je te donnerai en échange une Conscience qui t’enseignera les mots en « isme » et en « tion, » et qui te guidera sur des voies sûres et droites. »

Et Prométhée répondit et dit d’un cœur résolu :

« Maître suprême, qui distribues la gloire et la honte au peuple des hommes, selon tes décrets arbitraires, en vérité, je te rends grâces ! Car bienveillant est le sens de ton discours, et je vois l’intention amicale qui se cache sous tes paroles !

« Toutefois, qui suis-je pour juger mon Ame ? Car voici, elle est ma souveraine et ma déesse dans la joie et dans la peine, et tout ce que je suis, je le tiens d’elle. C’est pourquoi je veux partager ma gloire avec elle ; et s’il le faut, je me passerai de gloire plutôt. »

Et à ces paroles, le visage de l’Ange s’assombrit, et il ouvrit la bouche, le tança et lui dit, — et son regard en disait plus long que ses paroles :

« Prométhée, trop d’insolence est dans ton cœur, et trop promptes sont tes lèvres à contredire ! Cependant je suis venu traiter avec toi de choses graves, et le destin de ta longue vie est tout entier sous ta langue. Écoute donc, une fois encore, mon conseil : si tu n’es pas capable de t’affranchir de cette Ame injuste, voici, tu y perdras le prix immense de tes longues années, et la joie de ton cœur, et tous les fruits de ton esprit ingénieux. »

Et de nouveau Prométhée insista et dit d’un ton ferme :

« Maître suprême, qui gardes sous clef dans ton trésor les joies terrestres, si bien que, hors de ta grâce, nul bonheur ne dure au cœur de l’homme ! Peut-être connais-tu cette légende du Pays des Hommes : Un homme avait des amis qui vinrent le trouver, pleins d’anxiété, et lui dirent : Voici, tu as une mauvaise femme qui te conduira à la mort et au crime. — Et l’homme sourit doucement et dit : A la mort ? au crime ? qu’importe ? — Il en est de même de moi, et ni dans la joie, ni dans la peine, je ne saurais me passer de son murmure adoré. »

Et à cette réponse, l’Ange se détourna, salua et partit. Et lentement il traversa la vallée étroite, pas à pas et comme hésitant. Et parvenu à la clôture intérieure du vallon, il s’arrêta, immobile et dans l’attente, tel celui qui croit être rappelé et espère chez son ami un tardif et dernier repentir.


Seul dans sa montagne sauvage, Prométhée connaîtra désormais l’exil, et plus tard la servitude ; il laissera dépérir, faute d’emploi ou d’occasion, et la vigueur et la tendresse dont sa jeunesse était si riche. Sur l’ordre de sa divinité mystérieuse, il lui faudra massacrer tous les innocens compagnons de sa solitude, les petits du Lion et ceux du Chien, tout son orgueil, toutes ses humbles joies, toutes ses légitimes espérances. Être soi, ne jamais accepter d’acheter au marché « les bons principes » qu’on y débite à vil prix ; se faire à soi-même sa loi et la choisir dure et belle, et ardue au-delà de toute expression, renoncer même aux « bonnes actions » courantes et à la satisfaction naïve qu’elles procurent ; accepter de vivre seul et bourrelé ; choisir, en un mot, la solitude, la misère, les privations, le doute intérieur et le tourment perpétuel d’un cœur inassouvi et d’une énergie sans emploi : tel est le choix prométhéen. À ce prix, on devient un homme. À ce prix, on mérite l’approbation et le sourire de la déesse aux yeux changeans qui n’admet pas de partage.

Mais cet individualisme intégral ne va pas sans crime : « Je suis une divinité du crime, murmure l’Ame à son adorateur, et je te détournerai vers des sentiers non frayés. Et l’on te frustrera de la gloire de ton nom et du bonheur de la vie à cause de moi… Et tu ne connaîtras ni bonheur ni joie sur la terre, mais bien tout ce qu’on appelle crève-cœur au pays des hommes. Car voici ce que tu auras à foison : les privations, l’opprobre et le désir inextinguible, et les sanglots qui serrent la gorge dans le silence des nuits. » Et dans cette mystique nouvelle où l’individu s’offre en sacrifice volontaire à sa destinée, Prométhée répond : « O ma déesse, lumière de ma vie, seule félicité, délice de mon cœur ! Béni soit le jour où j’ai pour la première fois plongé mon regard dans les ténèbres de tes prunelles ! Béni soit le lieu où s’est révélé à moi le chant harmonieux de ta voix ! Et chaque jour j’irai baiser, baiser ce sol sacré ! » S’il a dû renoncer « aux humbles bonheurs et au bien-être vulgaire, » il y a gagné en échange « un bonheur de choix et des douleurs pleines d’âme… »

Epiméthée, au contraire, accepte, pour devenir roi, de troquer son âme contre une conscience, chien de garde un peu épais qui juge de façon grossière, mais toujours catégorique, du bien et du mal, parce qu’il ignore les séductions fines du sentiment et de la beauté. Longtemps, certes, il pourra vivre heureux, régner sur la plaine grasse au beau fleuve paresseux, pays des hommes obtus, facilement satisfaits s’ils ont en abondance la nourriture et le vêtement et la bourgeoise existence familiale. Mais sa conscience bien dressée ne le préservera pas des pires bévues et ne l’avertira pas des plus grossières embûches : couronne en tête, et suivi de son peuple endimanché, il ira fraterniser par-dessus la frontière avec les mauvais voisins d’en face, la race de Béhémoth. Bien plus, il livrera aux mains de l’ennemi les enfans divins qui sont confiés aux hommes : la religion, l’art et l’avenir meilleur. Et par sa faute seront massacrés Mythos, le premier-né qui n’était que sourire et soleil, et Hiéro, le divin rêveur dont les chants faisaient surgir du réel un paradis de songe. Pour sauver le dernier-né, le Messie, l’espoir de l’avenir, Dieu même et son ange ne sauraient faire appel qu’au réprouvé, à Prométhée qu’ils ont maudit autrefois. L’occasion héroïque s’offre enfin au solitaire, celle qui mettra un terme, selon sa prière, « à cette période infernale d’éternelle et d’oisive passivité. » Il se peut qu’il aille au-devant de la mort, lui seul contre deux peuples, mais qu’importe ? « Voici, lui dit son Ame, il arrivera que, s’ils te massacrent, je baiserai tes lèvres pâles et je t’aimerai pour l’éternité. »

L’entreprise réussit, l’Enfant divin est sauvé, les hommes sont réconciliés avec la divinité courroucée. Prométhée acceptera-t-il maintenant d’être leur roi ? Il n’est plus temps, une justice trop tardive n’est plus efficace et rien ne peut rendre la jeunesse et la force à une grande âme meurtrie par l’âge et par le malheur : « C’est pourquoi, puisqu’une erreur fatale a détruit mon corps et ma vie, et que le Lion est mort en moi, ainsi que le Chien, il est trop tard, et mon cœur ne désire plus que la solitude et mes yeux ne cherchent plus que la terre. »

Un puissant réconfort demeure : l’instant d’ivresse où Prométhée, seul dans sa forêt, comprend tout à coup qu’il a pleinement réalisé son être et que son Ame est contente de lui : « O mon Ame, s’écrie-t-il, déesse pleine de grâces ! En vérité, tu m’as récompensé richement et tu m’as amplement payé de toute ma souffrance et de toutes mes blessures ! Car voici, tu m’as fait gravir la cime de mon existence, et à cause de cet instant toutes les générations à venir me porteront envie, malgré le labeur inquiet de mes longues années… Mais à présent, adieu, époque divine, heure d’orgueil et de fière souffrance, où chaque pierre m’était un présage de victoire, où les bois et les sources partageaient mon espoir ! » Puisque la lutte est finie et la victoire acquise, il suffit désormais d’attendre la mort, patiemment, et d’espérer parfois une visite de l’amie divine qui ressuscite un souvenir des premières ivresses. Si on demande, pourtant, à Prométhée qui est sa déesse, il répondra qu’il n’en sait rien : « Je ne lui ai demandé ni sa profession, ni son nom, ni exigé d’elle le moindre papier. Mais un après-midi d’été, je l’ai rencontrée au bord du ruisseau, parmi l’éclat des fleurs, et aussitôt j’ai cru en elle, à cause de sa souveraine beauté. » Peut-être n’est-elle qu’un mirage ou qu’une chimère. Peut-être n’a-t-elle pas plus de réalité que la chenille brune qui tombe de l’arbre et rampe dans l’allée. Qu’importe ? « Que nous importent le ciel et la terre, et que nous fait le jugement de Dieu ou des hommes ? Ce sont des étrangers, impuissans à donner la béatitude ou l’enfer à notre patrie intérieure. »

Livre étrange et beau que le Prométhée. Livre à la fois très mûr et très jeune : mûr par la résignation haute et méprisante, jeune par l’outrance même du pessimisme et par ce fanatisme logique qui pousse toujours ses déductions à l’extrême. Livre obscur aussi, à moins d’admettre, ce que le texte ne dit pas, que Prométhée est l’artiste, prêt à tous les ascétismes pour réaliser une beauté rêvée, ardemment poursuivie à travers d’infinis déboires. Alors seulement nous comprenons son sacrifice et le risque terrible qu’il court. Mais sans doute y a-t-il une beauté dans ce sacrifice, même inutile, dans cette destinée royale brisée en son germe et si grande encore dans la ruine totale.

L’atmosphère du Prométhée est tragique et triste. L’univers y est dépeint comme un monde manqué, né de l’union adultère de l’Esprit créateur avec la matière brute, Physis, qui a supplanté la fiancée de Dieu, Ousia, l’Essence immortelle. Et maintenant, le remords de son œuvre imparfaite hante le Créateur sénile et malade, tandis qu’il erre, rongé de chagrin, sur la prairie solitaire. « C’est un empereur fou qui gouverne ce monde, et, quel qu’il soit, je le déclare injuste, et honteuses ses mœurs, et aveugle son jugement… Car voici, dans ce monde mauvais, tout bonheur et tout succès ne peuvent venir que de la brutalité ou de la ruse. »

Entre ciel et terre, cependant, circulent sans cesse des envoyées divines : Pandore l’Espérance, ou Maïa l’Illusion, ou Doxa la Croyance. Mais les présens qu’elles font aux hommes sont généralement méprisés ; et toujours ils sont impuissans à guérir le mal de la Création. Une profonde « mélancolie cosmique » plane sur le Prométhée, comme un nuage chargé d’inexorables destins et d’absurdes hasards qui se déchaînent en tempêtes sur les têtes les plus fières ou les plus innocentes. Les Extramundana qui succèdent au Prométhée permettent d’apprécier la profondeur métaphysique de ce désespoir chez Spitteler. Ils permettent aussi une conjecture : les critiques suisses et allemands sont d’accord pour affirmer que toute la mythologie dont Spitteler a revêtu son pessimisme est née spontanément de sa souffrance même et de son vouloir tempétueux, et du contraste pathétique entre le monde qu’il rêve et celui qu’il voit réalisé. Il est évident au contraire qu’on peut relever dans ces mythes et ces symboles, si transformés soient-ils, des souvenirs précis qui ne sont pas inattendus chez un ex-théologien : souvenirs de mythes platoniciens et néo-platoniciens sur la création du monde, souvenirs des doctrines essentielles de la gnose chrétienne primitive sur les origines du mal, la chute, la rédemption. Aux trois univers des Gnostiques correspondent ici trois régions géographiques : le royaume de Béhémoth, la plaine des hommes et la montagne de Prométhée, c’est-à-dire trois zones de la vie morale où prévalent aussi trois lois morales différentes : matérialisme grossier, croyance grégaire, initiative libre du génie[9]. Au-dessus des hommes, un Créateur, démiurge maladroit et coupable, analogue à celui des gnostiques ; auprès de lui, son ministre, l’Ange semblable à l’Archôn des Gnostiques. Des mythes comme celui de Logos et de Sophia, de l’Ange et de Doxa, d’Adam et d’Atlas attestent une connaissance exacte de tout ce mysticisme hérétique, mi-chrétien, mi-platonicien, mêlé de doctrines orientales, mouture trouble et puissante d’où s’est dégagée peu à peu la théologie chrétienne orthodoxe. On peut aller plus loin et dire que le procédé favori de Spitteler, celui de Prométhée et du Printemps olympien, est une manière de gnose moderne : prendre ainsi à toutes les religions et à toutes les mythologies des figures ou des mythes que l’on combine dans des ensembles nouveaux, auxquels on prête un sens qui parfois est le contraire même de leur sens primitif, donner pour fille au Dieu hébreu, la déesse Pandore, amie et bienfaitrice des hommes ; mettre aux prises Prométhée et un ange, Epiméthée et Béhémoth ; transformer la mystérieuse Màyà des Brahmanes en une fillette gracieuse et diligente qui, du matin au soir, remplit la maison de chansons : ce mélange d’extrême liberté et de profond mysticisme est commun aux théologiens alexandrins et à Spitteler. Il est favorable, pense notre poète, à la poésie mythique et symbolique : à l’époque de transition où se décomposent les croyances, il appartient aux poètes de retenir une dernière fois les brillantes figures divines qui s’effacent ; leurs noms, qui n’éveillent plus l’adoration, exercent encore une magie sur les cœurs ; un parfum vague, une tonalité d’émotion affaiblie, un rayon pâli flottent encore autour des dieux morts ; et leurs traits légendaires et familiers sont plus capables que tout autre symbole d’exprimer les pensées et les vérités nouvelles[10]. Le Prométhée est un essai timide encore, le Printemps olympien sera le triomphe de ce procédé.

Dans cet univers imparfait et cruel, il reste pourtant à l’individu d’élite quelque possibilité de vivre une vie noble, dédaigneuse de toute vulgarité. C’est la consolation aristocratique entre toutes. Il reste les divines intuitions du génie, la voix enfantine et pure de la poésie qui transforme en un paradis l’humble vallée où elle a retenti pour la première fois, conseillant à tous la bonté et le bonheur et le mépris souriant de l’injure[11]. Il reste enfin, répandue à profusion, de la beauté dans l’univers ; et cela suffit. Les hommes ne savent pas toujours la reconnaître. Ils la persécutent et la bafouent, parce qu’ils lui préfèrent des biens plus tangibles et des conventions plus hypocrites. Mais aux cœurs solitaires la beauté de la nature parle un ineffable langage : de là, dans le Prométhée, cette vie continuelle du paysage, jurassien, alpestre et méditerranéen, avec ses lointains vaporeux, ses perspectives éthérées, ses ciels voilés ou radieux, ses mille senteurs d’aubépine, de sapin et de bruyère, les animaux de ses forêts, les aigles de ses hautes cimes, ses alouettes, ses papillons, ses abeilles. On pardonne aisément à Spitteler l’abus parfois indiscret de ses symboles, l’intention didactique souvent trop accusée du récit, en faveur de tel entretien de Prométhée avec son Ame, d’une si parfaite et mystique suavité, en faveur de tant de paysages d’un impressionnisme raffiné et lumineux, en faveur de telle immortelle image : promenade du dieu Logos convalescent, appuyé sur sa sœur Sophia, hautes et souples silhouettes qui se profilent en pleine lumière au bord de la mer.

Les saisons intermédiaires, automne et printemps, les heures où la lumière change, début de soirée ou lever du jour, sont celles que Spitteler note avec le plus de délicatesse. Il sait sur quel rythme, d’abord inégal, puis pressé et régulier, tombe l’averse d’été, et comment descend sur la montagne la première neige de l’hiver. Il a longuement suivi des yeux le vol de l’aigle royal en plein ciel, parmi les avenues et les colonnades des nuages. Il note le ruissellement cristallin de la lumière, à travers les grottes azurées de l’éther, et l’heure crépusculaire où « l’ombre et la lumière se sont évanouies, en remontant vers le ciel pâle et translucide, tandis que sur le fond opaque de la terre les couleurs lourdes pèsent encore sur les choses. »

La montagne suisse, ses forêts et ses pâturages, les mille ruisseaux qui bondissent dans ses cluses rocheuses, Spitteler les peint d’un coloris vif et pur, dans la lumière changeante des heures et des saisons. Et quand il évoque la mer, une mer glauque et dorée d’où surgissent à l’horizon les Iles Bienheureuses, on croit discerner un souvenir de paysages italiens, ceux du lac Majeur ou du lac de Côme[12]. Sa couleur tâche à s’éclaircir encore, à n’être plus que lumière, sans ombre goudronnée, sans délayage affadissant — pareille, par la transparence rayonnante, aux plus vibrans paysages d’un Signac ou d’un Claude Monet. « Et point n’étaient ces couleurs semblables à celles qui couvrent à flots la surface du monde, engrisaillées par l’atmosphère opaque, maculées par les communs usages, avec des airs d’avoir traîné par les chemins, le regard hébété et le visage flétri : celles-ci, extraites des rayons les plus purs du soleil, posées par louches éclatantes, brillantes comme d’un feu intérieur, juxtaposaient hardiment les lumières aux lumières et bravaient en riant les jugemens timorés. »

La nature est pour Spitteler autre chose encore qu’une magie musicale et colorée : elle est un symbole continu de la vie de l’âme, elle est peut-être elle-même pénétrée d’âme : les montagnes, à l’horizon, se dressent « pareilles à des pensées, pareilles aux intuitions d’une âme noble qui médite devant l’univers ; » la forêt, parmi la vie jeune et gaie de l’été, semble « un homme mûr et grave, que le malheur n’a point courbé ; » le nuage parle à la vallée qu’il survole, le tilleul et le chêne murmurent au voyageur de confuses paroles, le ruisseau raconte d’interminables histoires ; « au flanc des montagnes, les forêts vivantes changent de visage, et du haut des nombreux sommets les rocs croulent et s’effritent comme du sable dans les profondeurs houleuses de la mer. » Les phénomènes atmosphériques eux-mêmes se concrétisent en vagues formes animales : les nuages orageux traînent sur les prairies du ciel leurs corps monstrueux aux mamelles pendantes, aux flancs féconds ; un rayon de soleil dans la forêt, c’est l’écureuil roux qui bondit de branche en branche, se balance au bout d’un rameau, puis saute à terre d’où il fixe sur le promeneur un regard vif et étonné. Ailleurs les mythes sont plus humoristiques : la sottise est le crapaud immonde qu’on sent tout à coup sous son pied, « et voici, c’était une véritable sottise, verte et jaune, et couverte de pustules et de bave, et oncques ne vis sottise aussi épanouie. » Tout ce qui a trait au « Pays des Hommes, » aux mœurs patriarcales des sujets d’Epiméthée, aux vertus « de leurs pères nobles, de leurs femmes blanches et de leurs enfans purs, » à leurs réjouissances patriotiques et champêtres et à leur éloquence de fête nationale, est d’un burlesque véhément et gai qui tranche sur la solennité générale du style.

Ainsi, grâce à l’orgueil prométhéen qui ne transige jamais ; grâce aux belles images et grâce à l’humour, le poète échappe trois fois au pessimisme ; et son livre, dont la portée est abstraite et l’affabulation générale austère, arrive à être plein de soleil et de chants d’oiseaux, plein de parfums alpestres, de fleurs et de rayons, plein de mythes gracieux ou sévères, mélancoliques ou burlesques[13], plein d’admirables visions symboliques qui préfigurent déjà le monde héroïque et divin du Printemps olympien.

Ce livre si neuf, et par sa hardiesse morale et par son art du paysage et par sa surprenante richesse d’images et de symboles, ce livre si fort, si lourd de pensée, passa totalement inaperçu. Nietzsche l’a-t-il lu ? C’est probable. Mais son Zarathustra, qui vit au désert entre l’Aigle et le Serpent, doit-il quelque chose au Prométhée, autre anachorète que suivent le Lion et le Chien ? N’y a-t-il pas, surtout, une parenté générale d’atmosphère et de tendances entre les deux livres, si différentes qu’en soient par ailleurs la doctrine, la musique et les ressources imagées ? Le jour où Spitteler a cru bon de donner quelques explications sur les rapports d’ailleurs passagers qu’il a eus avec Nietzsche, il a déclaré la question sans intérêt à ses yeux. De toute manière, le Prométhée étant antérieur de deux ans au Zarathustra, le problème relève du biographe de Nietzsche plutôt que de celui de Spitteler[14].

Pour le moment, c’était le silence. Çà et là, quelque lecteur solitaire découvrait le poème, en était touché. Th. Vischer en écrivait à Keller, Keller à Storm ou à C. F. Meyer. L’ami de Spitteler, Widmann, s’évertuait à chercher une revue allemande qui acceptât un compte rendu. Mais en vain. Le public demeura sourd et la critique muette.

Il fallut reprendre une laborieuse existence de professeur de langues vivantes, à Berne d’abord, puis au collège de Neuveville, gagner sa vie « tant bien que mal, et plus mal que bien, et de mal en pis durant dix années. » Les vingt ans qui séparent le Prométhée du Printemps Olympien n’offrent plus une seule grande œuvre, mais uniquement le recueil fragmentaire des Extramundana, des nouvelles, de petits recueils de vers ou d’articles en prose. Ce n’est pas que Spitteler ait renoncé à suivre la voie qu’il a choisie et que lui prescrit une irrésistible vocation. Pas plus que Prométhée il n’a « maudit son âme » ou accepté de la travestir au goût public. Mais trente heures de classe par semaine laissent peu de loisir pour rédiger des œuvres de longue haleine. Spitteler a dit, dans la Personnalité du poète, comment l’insuccès d’une première œuvre trempe et tonifie les âmes fortes, mais ajoute à leur inspiration de l’amertume, de l’âpreté. Cette amertume et cette âpreté sont sensibles dans le pessimisme des Extramundana, dans la virulence des Paraboles littéraires, et jusque dans le sarcasme d’Imago. Mais pareilles à ces fleurs des Alpes qui égayent de leur vif coloris les plus sombres éboulis de roches, les mêmes années voient s’épanouir toute une guirlande d’idylles enfantines ou rustiques, les Ballades héroïques, et les ravissans recueils des Papillons et des Chants de Cloches.


Les Extramundana (1883) sont un témoignage du découragement qui a saisi l’auteur après l’échec de son Prométhée. Sept poèmes « cosmiques » composent le recueil, sept fragmens seuls sauvés du naufrage parmi la soixantaine de plans ébauchés. Dans ces poèmes qui ont pour sujet la création du monde et l’origine du mal, Spitteler revient à ce problème central de la gnose et de la philosophie alexandrine, qui exerce sur lui une telle fascination. Une seconde série, symétrique de la première, devait traiter le second problème corrélatif du premier : la fin du monde, l’abolition de l’existence individuelle et finie, de la souffrance et de la mort. Après le Paradis Perdu, le Paradis reconquis ; mais ce n’est pas dans un esprit de puritanisme miltonien que Spitteler traite ces hauts problèmes spéculatifs. L’univers, pour lui, n’est point l’œuvre de Dieu, mais celle de Satan peut-être[15], ou d’un ouvrier maladroit qui n’a rien su comprendre aux intentions divines[16]. C’est une combinaison de chiffres maléfiques d’où ne peut sortir que de la douleur, du mal et du sang[17]. C’est l’exil cruel où vivent les âmes nobles, dans la basse promiscuité des meurtriers et des larrons[18]. C’est le « tombeau de sable » où gémit la vie supérieure captive, loin de cette céleste patrie qu’elle a quittée en un jour d’illusion et dont elle garde, par le rêve, par l’amour, par les intuitions de l’art et de la poésie, un souvenir confus[19]. Çà et là subsistent des îlots de douceur et de joie, des lueurs de beauté ou d’héroïsme, les réminiscences d’un âge d’or perdu et qu’un miracle seul saurait restituer. Le mythe des Algébristes, celui de Kosmoxera et celui des Plans de l’Univers ne laissent entrevoir aucune rédemption possible, si ce n’est le retour au néant primitif. Les autres mythes, plus optimistes, font espérer le miracle qui mettrait fin au règne de la matière brute et instaurerait enfin la royauté de l’âme, l’harmonie intégrale entre la matière, pénétrée d’esprit, et l’esprit, nourri de réalité substantielle, grâce au médium de l’art qui emprunte ses formes à la matière, son rythme à l’esprit[20].

Tel est ce livre, assez schopenhauérien d’inspiration, le plus sombre que Spitteler ait écrit, et le plus abstrus, malgré quantité de charmans détails, d’inventions gracieuses, pittoresques ou poétiques. Poèmes tout métaphysiques, « extramondiaux, » dont l’action nous transporte volontiers hors du temps et de l’espace, dans de vagues paysages allégoriques, sur les remparts de la Jérusalem céleste où se promène Adonaï, le Seigneur, suivi de sa chienne blanche Amouna, ou dans l’aréopage céleste convoqué par l’architecte de l’Univers afin de choisir le plan qu’il adoptera pour sa création.

Si variés qu’en soient les thèmes imagés, si précis le détail descriptif, il reste que l’intention trop didactique de ces poèmes, le procédé allégorique trop uniforme nuisent à l’impression poétique. « Vos figures, disait Gottfried Keller à Spitteler, sont de pures marionnettes, des poupées de Nuremberg. » Et Spitteler, peu après, se rendait compte de ce que son effort pour créer des mythes avait de factice et, somme toute, de malheureux. Il avait cru écrire « des poèmes qui ont la vie pour sujet ; » il avait tenté de procéder par mythes platoniciens, d’une vérité assez générale et d’une beauté plastique assez grande pour toucher d’émotion tout lecteur un peu méditatif, pour stimuler en lui la sensibilité, l’imagination, le rêve, et la réflexion même. Mais il avait beau s’autoriser de l’exemple des Anciens qui écrivaient tout naturellement en vers une Théogonie ou un poème De la Nature, il lui restait à apprendre que la vie terrestre, telle qu’elle nous est faite, dégage à elle seule plus d’émotion et de poésie que n’en peuvent exprimer les plus sublimes allégories. Il lui restait, comme le lui écrivait C. F. Meyer, à suivre le conseil de Merck à Goethe : « Ne pas vouloir concrétiser la poésie, mais poétiser la réalité. » Les Extramundana, quelques années plus tard, semblaient à Spitteler « le modèle de ce qu’on ne doit pas écrire. » Il leur doit d’avoir connu « la nécessité de nourrir son talent de réalité et de vie, d’attacher à ses semelles un peu plus de limon terrestre » et de soumettre son talent « extramondial » à une « cure de suralimentation réaliste » qui lui a profité par la suite[21].


Les six années qui suivent les Extramundana, « dernier effort d’un oiseau blessé pour se maintenir en plein vol, » sont des années de travail obscur et de désespoir : le Johannes, six fois repris, est six fois abandonné ; drames, nouvelles, épopées, ouvrages de science et d’esthétique s’amoncellent en vain dans les cartons d’où ils ne sortiront pas ; rien n’aboutit, rien ne perce ; un peu de journalisme ajoute au budget familial (car Spitteler s’est marié en 1883) de maigres ressources. Il faut gagner sa vie, coûte que coûte, et pour cela « retomber au rang des chats, des chiens et des choucas. » En attendant le jour où il pourra « rentrer dans sa patrie » qui est la poésie épique, Spitteler se résigne et s’astreint à diverses écoles dont les recueils de cette époque portent le témoignage : école de la rime dans les Papillons, école du rythme dans les Ballades, école de la prose familière dans Friedli, Gustav, Conrad ; « Toutes les œuvres nées entre 1880 et 1889 ont une valeur d’échantillon et d’étude. Sans doute, je ne les ai pas écrites pour le seul but de m’exercer, ce sont bien réellement des œuvres nées d’un besoin spontané. Mais toutes cachent sous leur visière un regard qui tend vers un but supérieur à venir. »

Les Paraboles littéraires et les Ballades[22]servent une double fin : venger l’auteur de l’injuste oubli où tombent ses œuvres, évoquer en images radieuses l’humanité d’élite qui console des laideurs présentes. Des épigrammes cinglantes châtient tous les aigrefins du monde littéraire : mandrilles et babouins qui prétendent transformer en lion l’un des leurs, butors qui veulent apprendre à danser à l’aigle des cimes, mandarins obtus qui préparent à grands frais une réception au miraculeux ibis bleu, mais ne le reconnaissent pas et lui jettent des pierres quand il se pose tout simplement sur leur toit. Tous les règnes de la nature, toutes les histoires et les légendes servent à ridiculiser les envieux, les imbéciles, les matamores, les pirates et les profiteurs qui composent, selon Spitteler, les coteries littéraires triomphantes. En face, et par manière de réconfort, se dressent les héros : héros démens, héros généreux qu’on reconnaît à leur geste chevaleresque, héros audacieux qui saisissent au vol tous les bonheurs et consentent d’avance à les payer de leur vie ou de leur salut éternel ; héros souffrans, en butte à la mesquinerie humaine ou à l’inimitié des dieux. Ce qui est grand, ce n’est pas de réussir, c’est d’ignorer les prudences vulgaires et de tout risquer dans quelque haute aventure ; c’est de dominer, du front, la tourbe ricanante et grossière ; c’est de mourir, comme Parysatis, plutôt que de consentir un seul faux pas, un seul geste disgracieux.

Les Ballades prolongent et amplifient cette galerie d’images héroïques. Sans doute, le pessimisme demeure ; l’univers n’est qu’un machinisme cruel, un « bureau de poste fantôme » où télégraphes et téléphones, timbres et sonneries, bourdonnent et halettent sans répit ; si parfois un appel résonne, mystérieux : « Le maître va venir, » toutes les machines font halte ; mais au douzième coup de minuit, une voix stridente gouaille : « Le maître ? à quoi bon l’appeler ? Le maître est malade ! » Et tout reprend sa marche monotone que ne traverse jamais un éclair de raison ou de bonté humaine.

Mais dans ce monde triste surgissent les consolations de la beauté : héroïsme actif de l’homme, beauté voluptueuse de la femme, splendeur multiple de la nature. Il existe de bienveillans hasards, des heures fortunées qui prodiguent d’un coup « les félicités tenues en réserve depuis les siècles des siècles. » Surtout il y a, au fond de nous-mêmes, le courage, l’énergie, la grâce et l’amour. De là ces visions fascinantes de l’humanité noble qui sait vivre et qui sait mourir, qui sait se donner ou se reprendre souverainement, sans compter. L’âme inflexible de Prométhée revit dans tous ces héros : Thésée, au jour de ses noces, quitte sa jeune épouse pour aller au secours du fils d’Héraklès opprimé ; Cyrus, vaincu, prisonnier, mais dissimulé dans un groupe de seigneurs perses, se trahit au geste de clémence que lui seul est capable de faire en faveur d’un captif qui l’a insulté ; car « jamais un Roi ne saurait passer pour un sujet : on nous reconnaît, nous autres, au geste clément qui fait grâce. » Qu’ils soient puissans ou qu’ils soient humbles, dieux, rois, héros, chevaliers, ou pages, ou pauvres bateliers, ou lansquenets ambitieux, ils ont en commun la flamme intérieure, le goût du risque, la volonté de conquérir leur rêve ou de mourir en prodiguant une grande âme. Leur énergie est allègre et n’est point solennelle[23], elle est conforme toujours à la définition que donne Spitteler de la « grandeur européenne : » « L’intelligence qui plaisante et la grandeur. qui sourit[24]. »

Toutes les ballades, dont les couleurs sont empruntées à la légende héroïque et divine de bien des pays : Grèce, Judée, Perse, Arabie, Espagne, Serbie, Suisse, Allemagne, sont ainsi faites, de gestes héroïques et d’aventures d’amour, de catastrophes où la destinée humaine se brise contre la force des élémens ou de la société, mais se brise orgueilleusement, en beauté. L’âme s’exalte dans la fragilité de la chair, la volonté fête, jusque dans le désastre, de graves et mélancoliques triomphes.


Sur une mélodie très différente, les Papillons (1889) et les Chants de Cloches (1906), ne cherchent plus à noter, du drame de l’existence, que les brillans reflets, pareils aux ailes des papillons, que les sonorités profondes, émouvantes comme un son de cloche. La poésie de Spitteler, qui a un moment touché terre, remonte dans son élément favori : l’air, l’éther. « Toute mon âme s’envole dans mon regard ; mon guide est la lumière ; la source de mes chants, c’est l’Ether haut et clair[25]. » Mais cette fois, au lieu de poursuivre ses visions « extramondiales, » le poète n’est plus séduit que par les vibrations lumineuses ou sonores qui flottent, impalpables et réelles, dans l’atmosphère des jours d’été. Les Papillons n’ont d’autre ambition que d’être « du lyrisme visuel (Augenlyrik), un hymne de joie à la lumière et aux couleurs[26]. » Telle de ces pièces est toute légère, capricieuse comme un vol de lucioles, comme l’essaim de phalènes pourpre qui environnent la bien-aimée d’un nimbe vivant, comme les beaux papillons dorés posés sur les calices blancs du prunier dont ils semblent la palpitation heureuse. Les papillons indigènes, que Spitteler nomme et décrit exactement, se mêlent à la vie humaine et y ajoutent leur vive touche colorée et le mystère délicat de leur frêle existence. Tous les gestes de l’enfance, toutes les heures de l’amour empruntent à cette-présence ailée une grâce nouvelle, une nuance d’émotion plus fine. Voltigeant autour du clocher, le vulcain, vêtu de velours violet, coupé d’un ruban bleu en sautoir, semble unir d’un fil lumineux toutes les beautés éparses d’un jour d’été. Posé sur la fenêtre à l’instant du premier baiser, le paon de jour rappelle aux amoureux que « le bonheur et l’amour humains sont vifs, mais durent peu. » Et plus profondément encore, la vie des papillons est elle-même pleine d’idylle et de drame, d’héroïsme et de douleur. Le carrousel brillant des sorcières chaussées de velours est amusant, vu du dehors, « mais au fond, c’est un drame triste ; tous ces fous en habits d’arlequin dansent pour une miette de bonheur. » Tous les périls à la fois menacent le papillon : la pluie, le vent, l’orage, l’araignée, l’ichneumon féroce, et le chasseur qui crucifie ses victimes. « La douleur nous est donnée avec la vie ; c’est toute la faveur du Créateur. La nature bienveillante martyrise ses créatures. Mais la pitié, la compassion ne fleurissent que dans le cœur de l’homme. »

La leçon que donne la destinée du papillon est de douleur et de pitié, mais c’est aussi une leçon de vaillance. Rien n’est courageux comme la petite proserpine, la fée des abîmes, qui chevauche l’or age. Rien d’indomptable comme la vanesse rose qui monte droit vers le soleil. Peu importe qu’elles soient perfides, l’une et l’autre, qu’elles entraînent leurs prétendans vers la tempête et vers la mort, lorsque se déroule la tragédie du vol nuptial : toute la passion idéaliste de Prométhée, tout l’héroïsme chevaleresque des Ballades se réfléchissent dans ce miroir minuscule qu’est une âme de papillon : « Vanesse, reine cruelle, séductrice perfide et charmante, ô belle Dame, béni soit ton nom ! Et que vers ton corps merveilleux, ô femme incomparable, montent dès maintenant et à jamais, et l’honneur et l’adoration ! »

Reconnaître dans la vie humaine, comme dans celle des papillons, « une malédiction universelle sur laquelle pleure une bénédiction divine, » rassembler son courage pour « bénir ce qui fleurit, ce qui aime, ce qui crée, » c’est à cette affirmation de l’existence, à cette acceptation de la douleur en rançon de la beauté qu’aboutit le pessimisme viril d’un Spitteler. Dans une même émotion, les Chants de cloches, célèbrent « la douleur humaine embellie par l’esprit. » Une mélodie de cloche accompagne et transfigure toutes les heures du jour et de la vie. Les sons de cloche, comme des écoliers, se bousculent et se poursuivent le long du chemin, jusqu’à l’instant où le génie du clocher les rappelle tous, d’une voix grondeuse. D’autres nouent autour du clocher une ronde aérienne, une souple guirlande de jeunes filles. Et quand vient midi, le Roi de Midi et le duc des Cloches tournent à cheval dans les airs, gravement, sur un tapis sonore déployé en leur honneur. De plus en plus, la teinte de la poésie de Spitteler s’éclaircit et s’avive. De plus en plus, il s’accoutume à noter de préférence les instans lumineux, les joies ingénues. Il a dépassé la solitude tragique de Prométhée et l’amertume des Ballades. Il est vraiment ce poète dont il parle, et qui possède « deux mondes d’amour en trop » qu’il répand en sonorités de cloches sur tous les cœurs meurtris et solitaires. S’il connaît encore le doute et le découragement, il en sait aussi le remède. « Que fait le feu dans la détresse ? Il flamboie. Que fait l’arbre qu’on oublie ? Il fleurit… Lave tes yeux, tais-toi, reste bon. » La bonté, l’affection humaine, telle est la consolation nouvelle que Spitteler, aux jours de sa vieillesse, ajoute à la beauté qu’il a tant célébrée : « La vérité me crie à tue-tête qu’il y a de la tendresse dans l’univers, que l’humble paradis de la femme est riche en miracles, et que l’amour, contre toute attente, fleurit et vient à nous du fond des plus lointains jardins. »


L’œuvre en prose des mêmes années, si l’on en excepte Imago, vaut par des qualités analogues, très différentes de celles du Prométhée. Récits enfantins, contes symboliques, nouvelles villageoises, sont autant de fragmens d’un vaste cycle de récits que Spitteler a projeté et pour une large part rédigé[27]. La plupart de ces nouvelles sont condamnées à ne jamais voir le jour, un petit nombre ont été publiées en volumes, trois ou quatre dans des revues ou des journaux obscurs. Inutile de se lamenter sur leur perte, dit Spitteler, songeant au désastre de son Prométhée : « Quand on a perdu ses enfans, on ne pleure pas ses petits lapins. » Les quelques nouvelles qui nous restent sont d’une extrême variété ; variété voulue : Spitteler déclare avoir tenté « d’échantillonner les principaux genres du récit en prose, » afin de donner une preuve élégante de cette idée favorite que les meilleurs écrivains réalistes sont les poêles idéalistes, alors que les purs réalistes sont impuissans dans le domaine de la haute poésie[28]. Gustav est une idylle villageoise toute printanière, tout ingénue, d’une si lumineuse atmosphère que tous les motifs mélancoliques y sont fondus et réconciliés dans le triomphe final de la jeunesse, de la musique et de l’amour. Le Lieutenant Conrad[29]est le résumé bref d’une destinée tragique : petit drame naturaliste, brutal et violent, qui met aux prises, dans une rixe de cabaret, de rudes natures de paysans, et amène en quelques heures la catastrophe. Les autres nouvelles : Friedli l’Entêté et les Ennemis des petites filles[30]ont pour héros des enfans, — de vrais enfans, turbulens, joyeux, égoïstes, étourdis et parfois rêveurs, — ou des paysans de sens droit et de tête chaude, avec les délicatesses instinctives et l’orgueilleuse susceptibilité des montagnards. Un peu de la bonhomie cordiale de Gottfried Keller a passé dans certains de ces récits, avec son art du paysage et de la lumière[31]. Spitteler prononce, à propos de Friedli, le mot de « réalisme russe. » Et sans doute, les histoires villageoises de Tolstoï, de Gogol ou de Dostoïevski, ont pu influer sur son talent. Mais si estimables, si charmantes que soient plusieurs de ces œuvrettes, elles ne sont dans l’œuvre de Spitteler qu’un épisode et ne lui assureraient qu’une place honorable parmi les conteurs provinciaux de son pays. L’essentiel est ailleurs, dans le Prométhée, dans les Ballades, dans le Printemps olympien. Spitteler ajouterait : dans l’Héraklès qui eût réalisé la grande « idylle héroïque » esquissée par Schiller[32]. Cet Héraklès, qui est un Prométhée transfiguré, nous le verrons apparaître à la fin du Printemps olympien. Avant toutefois d’en venir à cette œuvre capitale, il faut dire un mot du roman d’Imago où Spitteler a tant mis de lui-même, Imago qui relie, par d’audacieuses variations enharmoniques, le Prométhée amer et tragique au radieux Printemps olympien.


G. BIANQUIS.

  1. En décembre 1914, Spitteler prononçait publiquement ces paroles : « Mes amis français, je puis les compter sur mes doigts ; la main gauche y suffit, et même je n’ai pas besoin du pouce ni du petit doigt. Je peux même plier les trois autres doigts. En France, je voyage solitaire, inconnu, entouré d’étrangers défians et méfians. » [Notre point de vue suisse, Zurich, 1915.)
  2. Carl Spitteler, né en 1845, à Liesthal (canton de Bâle-Campagne), a publié les volumes suivans : Prometheus und Epimetheus (1881), Extramundana (1883), Schmelterlinge (1889), Friedli der Kolderi (1891), Gustav (1892), Literarische Gleichnisse (1892), Balladen (1893), Der Gothardt (1897), Conrad der Leutnant (1898), Lachende Wahrheiten (1898 ; 2. édition augmentée, 1905), Die Maedchenfeinde (1903), Imago (1906), Glockenlieder (1906), Meine Beziehungen zu Nietzsche (1908), Olympischer Frühling (1900-1905 ; 2e édition remaniée, 1909), Meine frühesten Erlebnisse (1914), Unser Schweizer Slandpunklt (1915).
  3. Les détails biographiques qui suivent sont empruntés a deux brochures de Carl Meissner (Iéna, 1912) et de Robert Faesi (Zurich, 1915) sur Carl Spitteler.
  4. J. Burckhardt, cité par Meissner, p. 7.
  5. Voir dans les Vérités souriantes (Lachende Wahrbeiten) les chapitres sur l’Épopée défendue, le Critérium du don épique (pp. 44-46, 216-218).
  6. Début de Prométhée et Epiméthée.
  7. Vérités souriantes, p. 154-177.
  8. Prometheus und Epimetheus. Ein Gleichnis.
  9. Monde hylique, monde psychique et monde pneumatique de la Gnose.
  10. Voir le passage de Spitteler cité par Meissner, p. 87 : « Les personnages épiques qui proviennent de mythes oubliés et volatilisés vivent plus longtemps et brillent d’un éclat plus vif que tous les autres… L’épopée homérique ou germanique tire ses héros de la mythologie, mais à l’heure où les mythes sont déjà en décomposition… etc. »
  11. Voir tout l’épisode de Pandore.
  12. Dans son petit Guide du Gothard, Spitteler désigne la région comprise entre Côme et Bellinzona comme étant « le Paradis. »
  13. Mythes de Maïa, de Doxa ; de Pandore, de Laïla, d’Adam et d’Atlas, de Logos et de Sophia, mythes de la Vallée Morte, de la Conscience, de la Baleine invisible, des Jours Royaux, du Char du Soleil, etc.
  14. Spitteler, Meine Beziehungen su Nietzsche. Munich 1908.
  15. Le Globe terrestre.
  16. Les Plans de l’Univers.
  17. Les Algébristes.
  18. Lucilia.
  19. Le Fils Prodigue.
  20. Le Fils Prodigue, Lucilia, Le Globe terrestre, Le Prophète et la Sibylle.
  21. Voir ces diverses citations dans Faesi, p. 50-51, et Meissner, p. 45.
  22. Literarische Gleichnisse, 1892. Balladen, 1898.
  23. Ein feierlicher Kerl ist niemals gross (Un gaillard solennel n’est jamais grand).
  24. Verstand, der scherzt, und Grœsse, welche laechelt.
  25. Paroles d’Apollon (Olympischer Frühling) que Spitteler s’applique à lui- même dans ses Souvenirs (p. 136).
  26. Préface des Schmetterlinge.
  27. Il l’aurait intitulé Heimlinger Geschichten (Récits du terroir.)
  28. Spitteler cite comme exemples Flaubert qui écrit Madame Bovary, Schiller qui écrit Cabale und Liebe.
  29. Gustav. Ein Idyll, 1892. Conrad der Leutnant, 1898.
  30. Fredli der Kolderi, 1891. Die Maedchenfeinde, 1903.
  31. Le village de Gustav ; le voyage des Maedchenfeinde.
  32. « Quand je tâche de me représenter ma personnalité de poète, je ne me considère pas en première ligne comme l’auteur de Prométhée ou du Printemps olympien, mais bien comme l’auteur d’Héraklès. » (Spitteler, cité par Meissner.)