Calligrammes/Simultanéités

Calligrammes
Poèmes de la paix et de la guerre (1913-1916)
Mercure de France (p. 165-166).
SIMULTANÉITÉS


Les canons tonnent dans la nuit
On dirait des vagues tempête
Des cœurs où pointe un grand ennui
Ennui qui toujours se répète

Il regarde venir là-bas
Les prisonniers L’heure est si douce
Dans ce grand bruit ouaté très bas
Très bas qui grandit sans secousse

Il tient son casque dans ses mains
Pour saluer la souvenance
Des lys des roses des jasmins
Éclos dans les jardins de France

Et sous la cagoule masqué
Il pense à des cheveux si sombres
Mais qui donc l’attend sur le quai
Ô vaste mer aux mauves ombres


Belles noix du vivant noyer
La grand folie en vain vous gaule
Brunette écoute gazouiller
La mésange sur ton épaule

Notre amour est une lueur
Qu’un projecteur du cœur dirige
Vers l’ardeur égale du cœur
Qui sur le haut Phare s’érige

Ô phare-fleur mes souvenirs
Les cheveux noirs de Madeleine
Les atroces lueurs des tirs
Ajoutent leur clarté soudaine
À tes beaux yeux ô Madeleine