Calligrammes/Le Palais du tonnerre
Par l’issue ouverte sur le boyau dans la craie
En regardant le paroi adverse qui semble en nougat
On voit à gauche et à droite fuir l’humide couloir désert
Un rat y recule en hâte tandis que j’avance en hâte
Et le boyau s’en va couronné de craie semée de branches
Le plafond est fait de traverses de chemin de fer
Et de temps en temps des débris de craie tombent
comme des morceaux de vieillesse
Comme on fait à la mémoire
Morceaux du ciel tissus des souvenirs les plus purs
Et il flotte parfois en l’air de vagues nuages de craie
Noirs blancs rouges
Ornée de six lits placés en fer à cheval
Six lits couverts de riches manteaux bleus
Sur le palais il y a un haut tumulus de craie
Et des plaques de tôle ondulée
Fleuve figé de ce domaine idéal
Le parc aux fleurs de fulminate jaillit des trous penchés
Tas de cloches aux doux sons des douilles rutilantes
Sapins élégants et petits comme en un paysage japonais
Petit palais où tout s’assourdit
Petit palais où tout est neuf rien rien d’ancien
Une selle est dans un coin à cheval sur une caisse
Un journal du jour traîne par terre
Et cependant tout paraît vieux dans cette neuve demeure
Si bien qu’on comprend que l’amour de l’antique
Le goût de l’anticaille
Soit venu aux hommes dès le temps des cavernes
Tout y était si précieux et si neuf
Tout y est si précieux et si neuf
Plus précieuse
Que ce qu’on a sous la main
Et deux marches neuves
Elles n’ont pas deux semaines
Le plus près de ce que l’on appelle la beauté antique
Et ce qui est surchargé d’ornements
Et qui est la noblesse la force l’ardeur l’âme l’usure
De-ce qui est neuf et qui sert
Surtout si cela est simple simple
Aussi simple que le petit palais du tonnerre