Cœur magnanime/Introduction

Cœur magnanime[s.n.] (p. intro).


J’ai plaisir à présenter au public canadien le gracieux écrivain, qui signe Rose de Provence. Rose de Provence ! ces deux mots ne sont-ils pas, à eux seuls, une recommandation ? Ne rappellent-ils pas à la fois la reine des fleurs et le pays des incomparables conteurs, qui se nomment Mistral et Roumanille ! De la Provence nous peut-il venir autre chose que des effluves de grâce et de jeunesse ? N’est-ce pas en Provence qu’a chanté Magali ! N’est-ce pas là que la poésie naît sous les mas ensoleillés de la campagne aussi bien, sinon mieux que sous le toit des riches habitations citadines ? La Provence n’est-elle pas un de ces pays enchantés dont les fauvettes et les rossignols, comme les poètes, ont fait une de leurs demeures préférées ? C’est du moins ce que nous aimons à nous figurer nous qui n’avons pas eu l’heur de naître sur les bords de la Durance et du Rhône, nous que la Providence a placés à cette extrémité de l’Amérique du Nord où la blancheur éblouissante des neiges est sans doute moins suggestive de poésie que la blancheur printanière des amandiers. Si, comme moi, amis lecteurs, vous avez été dupes de votre imagination, en vous figurant ces belles choses, je crains que vous ne soyez pas désillusionnés en ouvrant le livre de Rose de Provence ; car vous y trouverez précisément ce charme et ce naturel que les Conteurs Provençaux semblent avoir reçu en héritage : vous y trouverez cette fluidité mélodieuse de style, qui prouve que l’auteur est évidemment une favorite des Muses.

Mais je m’égare en m’attardant à faire ressortir des avantages plutôt d’origine étrangère. Ce ne sont pas ceux auxquels l’auteur tient le plus.

Le Canada est sa patrie d’adoption. Son livre est bien nôtre : il est né sur les bords du Saint-Laurent, il est d’inspiration toute canadienne. Bien plus, en l’écrivant notre jeune et délicate romancière a voulu faire un acte de réparation ; elle a voulu faire oublier cet écrivain qui, en retour de notre hospitalité nous paya jadis d’esquisses satiriques et qui, sous prétexte d’écrire un roman vécu, mit au jour un simple pamphlet où les qualités littéraires étaient loin de racheter la malveillance des intentions.

Rose de Provence, elle, nous a compris, elle nous a surtout aimés. L’héroïne et les héros si sympathiques de « Cœur Magnanime » ne sont pas tirés de quelque lointaine contrée, ni de quelque légende du Moyen Age. L’auteur n’a pas cru se tromper en choisissant ses types de magnanimité parmi vous, chères lectrices canadiennes, en faisant son admirable héroïne une de vos sœurs ; elle s’est rendu compte que le sang qui coule dans les veines de notre race, est celui des enfants de cette vieille France auxquels les actes d’héroïsme étaient devenus presque habituels sur les rives Laurentiennes. C’est par ce parfum de terroir que l’ouvrage est attachant.

Ce sera maintenant à vous, lectrices amies, de justifier Rose de Provence ; de lui prouver que, en vous idéalisant sous les formes agréables de la fiction, elle n’a pas trop présumé de votre générosité, qu’elle a bien décrit les sentiments réels de vos cœurs.

Puisse le contact avec les héros, fruits de son imagination, vous porter au dévouement à toutes les nobles causes ! Puisse-t-il vous faire progresser dans le bien, sinon toujours dans la magnanimité ! Je ne crois pas être téméraire en disant que vous répondrez ainsi au but dernier que s’est proposé Rose de Provence, et que vous ne pourriez mieux la récompenser de ses efforts, qui visent moins à la gloire littéraire qu’au progrès moral des âmes.

ALPHONSE LECLAIRE.
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