Césarine Dietrich (RDDM)
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 89 (p. 393-439).
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CÉSARINE DIETRICH

QUATRIÈME PARTIE[1].


Nous quittâmes enfin Paris le 15 juillet, sans que Césarine eût revu Paul ni Marguerite. Mireval était, par le comfort élégant du château, la beauté des eaux et des ombrages, un lieu de délices, à quelques heures de Paris. M. Dietrich faisait de grands frais pour améliorer l’agriculture : il y dépensait beaucoup plus d’argent qu’il n’en recueillait, et il faisait de bonne grâce et de bonne volonté ces sacrifices pour l’amour de la science et le progrès des habitans. Il était réellement le bienfaiteur du pays, et cependant sans le charme et l’habileté de sa fille il n’eût point été aimé. Son excessive modestie, son désintéressement absolu de toute ambition personnelle, imprimaient k son langage et à ses manières une dignité froide qui pouvait passer aux yeux prévenus pour la raideur de l’orgueil. On l’avait haï d’abord autant par crainte que par jalousie, et puis sa droiture scrupuleuse l’avait fait respecter, son dévoûment aux intérêts communs le faisait maintenant estimer ; mais il manquait d’expansion et n’était point sympathique à la foule. Il ne désirait pas l’être ; ne cherchant aucune récompense, il trouvait la sienne dans le succès de ses efforts pour combattre l’ignorance et le préjugé. C’était vraiment un digne homme, d’un mérite solide et réel. Son manque de popularité en était la meilleure preuve.

Césarine s’affectait pourtant de voir qu’on lui préférait des notabilités médiocres ou intéressées. Elle l’avait beaucoup poussé à la Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/400 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/401 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/402 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/403 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/404 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/405 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/406 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/407 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/408 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/409 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/410 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/411 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/412 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/413 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/414 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/415 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/416 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/417 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/418 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/419 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/420 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/421 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/422 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/423 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/424 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/425 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/426 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/427 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/428 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/429 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/430 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/431 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/432 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/433 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/434 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/435 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/436 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/437 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/438 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/439 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/440 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/441 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/442 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/443 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/444 sous le sabot de son destrier. Et moi, je me souviens pour me dire à toute heure : Ne laisse jamais entamer ta conscience de l’épaisseur d’un cheveu. »

Aujourd’hui, cinq août 1866, Paul est l’heureux père d’une petite fille aussi belle que son frère. M. Dietrich a voulu être son parrain. Césarine n’a pas donné signe de vie, et nous lui en savons gré.

Je dois terminer un récit, que je n’ai pas fait en vue de moi-même, par quelques mots sur moi-même. Je n’ai pas si longtemps vécu de préoccupations pour les autres sans en retirer quelque enseignement. J’ai eu aussi mes torts, et je m’en confesse. Le principal a été de douter trop longtemps du progrès dont Marguerite était susceptible. Peut-être ai-je eu des préventions qui, à mon insu, prenaient leur source dans uu reste de préjugés de naissance ou d’éducation. Grâce à l’admirable caractère de Paul, Marguerite est devenue un être si charmant et si sociable que je n’ai plus à faire d’effort pour l’appeler ma nièce et la traiter comme ma fille. Le soin de leurs enfans est ma plus chère occupation. J’ai remplacé Mme Féron, que nous avons mise à même de vivre dans une aisance relative. Quant à nous, nous nous trouvons très à l’aise pour le peu de besoins que nous avons. Nous mettons en commun nos modestes ressources. Je fais chez moi un petit cours de littérature à quelques jeunes personnes. Les affaires de Paul vont très bien. Peut-être sera-t-il un jour plus riche qu’il ne comptait le devenir. C’est la résultante obligée de son esprit d’ordre, de son intelligence et de son activité ; mais nous ne désirons pas la richesse, et, loin de le pousser k l’acquérir, nous lui imposons des heures de loisir que nous nous efforçons de lui rendre douces.

George Sand.

Nohant, 15 juillet 1870.

  1. Voyez la Revue du 15 août, des 1er et 15 septembre.