Bulletins d’arboriculture, de floriculture et de culture potagère/Prune Victoria

Prune Victoria
Bulletins d’arboriculture, de floriculture et de culture potagère (p. 16-17).

La Prune Victoria.

La variété de prune figurée dans ce Bulletin n’a pas le mérite de la nouveauté, mais, comme nous le disions naguère de la poire Clapp’s Favourite[1], elle a eu le temps de faire preuve de ses diverses qualités ; il ne s’agit donc plus autant de la faire connaître que d’en vulgariser la culture.

Quoique la Prune Victoria ne soit pas très ancienne et qu’elle soit surtout caractéristique à tel point que la confusion avec ses congénères est au moins difficile, elle a déjà, reçu plusieurs nouveaux baptêmes : les prunes Aderston, Denyer’s Victoria et Sharp’s Emperor se rapportent toutes trois à cette variété.

Tel est l’avis qu’expriment deux éminents pomologues : M. Robert Hogg, dans son Fruit manual, et M. Mas, dans le Verger. La prune Victoria ou Queen Victoria se trouve décrite dans The fruits and fruittrees of America de Downing et dans The American fruit culturist de Thomas, sous le nom de Sharp’s Emperor.

A. Royer, dans lAlbum de pomologie belge, conteste la synonymie de Reine Victoria et de Sharp’s Emperor conformément à l’opinion émise par Liegel dans sa Systematische Anleitung zur Kentniss der Pflaüme.

M. Mas, l’éminent auteur du bel ouvrage pomologique illustré « le Verger, » fait des observations très judicieuses sur les influences culturales qui ont pu contribuer à faire croire à l’existence de deux variétés, alors qu’il n’y en a en réalité qu’une seule.

Les fruits d’espalier, dit M. Mas, prennent non seulement un teint plus chaud, mais tout fruit porté par une branche attachée s’allonge plus dans toutes ses parties et le pédoncule devient plus mince.

La prune Victoria est un fruit d’un volume au dessus de la moyenne, rond, ovale, avec un sillon peu marqué. Il est très rouge d’un côté, se fondant en rouge pâle à transparence verte du côté de l’ombre, le tout recouvert d’une légère pruine.

La chair est jaune, juteuse, assez agréablement parfumée, se détachant bien du noyau. Maturité en septembre.

L’arbre est peu vigoureux. Les rameaux minces et flexibles, coudés aux articulations, sont pendants.

Les feuilles des jeunes sujets sont grandes, et très petites sur les arbres adultes et fructifères. Quelques arboriculteurs ont eu le grand tort d’attribuer à cette variété des qualités qu’elle n’a pas, et ils ont causé quelque désappointement à certains amateurs. Ainsi la prune Victoria est un fruit de dessert, mais avant tout il convient pour compote, pruneaux et autres usages culinaires. C’est une variété des plus rustiques, des plus belles, des plus fertiles et des plus utiles, se cultivant en espalier, en contr’espalier, en buisson et en haute tige. L’arbre fructifie sans interruption jusqu’à épuisement complet, si des circonstances éventuelles ou une taille très courte ne font surgir une alternance. La forme en haute tige convient plutôt au jardin qu’au verger, par l’extension relativement restreinte que prend la cime de l’arbre. Dans nos climats humides où l’automne est généralement très pluvieux, cette variété offre la particularité de ne jamais crevasser.

Voilà, croyons-nous, assez de bonnes qualités pour faire de la prune Victoria un fruit à répandre partout. Pas n’était donc besoin de la classer à côté de notre Reine Claude pour la saveur et la consistance de sa chair, ni de la comparer aux prunes Jefferson, Washington ou Coë’s goldendrop pour la vigueur.

Si on louait la poire Catillac comme fruit à couteau, on ne ferait que des mécontents ; donnée pour ce qu’elle est, elle a sa place marquée dans toutes les collections. « Tel brille au second rang qui s’éclipse au premier ! »


  1. Nous reviendrons prochainement sur ce fruit pour en compléter la description par quelques notes empruntées à ce qu’en a dit notre ami l’excellent pomologue M. Ch. Baltet, de Troyes, dans le Revue horticole de 1867.