Bulletins d’arboriculture, de floriculture et de culture potagère/Poire Crassane Du Mortier

Poire Crassane Du Mortier
Bulletins d’arboriculture, de floriculture et de culture potagère (p. 17-18).

Crassane Du Mortier.

Cette excellente poire, couronnée par la Société royale d’Horticulture de Tournai, dans sa séance du 21 novembre 1868, ne le cède à aucune autre par ses qualités exceptionnelles : la finesse de sa chair, l’abondance de son suc et son parfum tout à fait particulier.

La Pomone Tournaisienne, ailleurs très correcte, ne donne, par la silhouette qui y est figurée, qu’une faible idée de la grosseur de ce fruit ; en voici le motif : Dans la campagne de M.  Barthélemy Du Mortier, se trouve une bande de sable blanc entièrement stérile, qui la traverse obliquement ; par un hasard regrettable, lorsque le pied souche fut transplanté de la pépinière, on le plaça précisément au dessus de cette bande de sable. Aussi longtemps que le poirier étendit ses racines dans la terre meuble, il se développa avec une vigueur remarquable, mais une fois les racines arrivées à la bande de sable, sa végétation s’arrêta presque complétement.

C’est dans cette situation qu’il porta ses premiers fruits en 1862. Naturellement les poires venues dans de si mauvaises conditions étaient de petite dimension, mais cependant délicieuses. En 1868, elles commencèrent à grossir et c’est alors que la variété fut présentée au jury de Pomologie, qui la nomma Crassane Du Mortier, et lui décerna la médaille de vermeil.

Cependant quelques améliorations apportées au sol, et les racines de l’arbre finissant par arriver à l’argile, une révolution complète s’opéra : le poirier donna des pousses de première vigueur et des fruits deux et trois fois plus gros qu’auparavant. C’est ce qui explique la différence de volume du fruit dont nous donnons le dessin, avec celui figuré dans la Pomone.

Le peu de vigueur que présentait, dès l’abord, le pied type fit penser que cette poire devait être greffée exclusivement sur franc ; depuis quelques années, la greffe sur coignassier a été tentée, et nous avons eu la preuve que, sous le rapport de la rusticité, elle ne laisse absolument rien à désirer.

Le fruit a une forme de Crassane des plus caractérisée ; il est vert clair et teinté d’un peu de roux près du pédoncule. Les feuilles sont magnifiques, plates, non ondulées, d’un vert foncé et d’un bel ovale.

La Crassane Du Mortier est évidemment une des meilleures poires de fin novembre, et que l’on me permette une observation subsidiaire qui n’échappera à aucun amateur, c’est que les poires mûrissant à cette époque sont peu nombreuses. On ne perdra pas de vue, en effet, que nos délicieux fruits d’automne tels que les Beurrés Dumont, Durondeau, Dilly, Hardy, P. François, Swperfin et tant d’autres, ont disparu du fruitier, tandis que les Passe Colmar, Beurré d’Hardenpont, Passe Crassane, Beurré Dubuisson, Bergamotte Esperen, Nouvelle Fulvie, Beurré de Naghin, Joséphine de Malines, Beurré rance, etc., ne font encore que très exceptionnellement leur apparition sur nos tables. La Crassane Du Mortier vient donc très heureusement combler une lacune, puisqu’elle relie nos succulentes poires d’automne avec celles de décembre et janvier.

Delrue-Schrevens.