Bulletins d’arboriculture, de floriculture et de culture potagère/Poire Beurré Degallait

Poire Beurré Degallait
Bulletins d’arboriculture, de floriculture et de culture potagère (p. 273-275).

Beurré Degallait

Bien que cette poire ait un quart de siècle d’existence, elle est encore — au delà des limites du Tournaisis — inconnue de nos amateurs d’arboriculture fruitière. Et cependant, peu de variétés réunissent les qualités qu’elle possède pour la culture en plein vent dans les vergers, ainsi que nous le démontrerons après en avoir donné l’historique, suivant les renseignements que nous avons recueillis.

M.  Charles Degallait, pépiniériste et bourgmestre, à Wez-Velvain, près de Tournai, fit en 1836, un semis assez considérable de pépins à l’effet d’obtenir des sujets propres à être greffés. Mais le caractère particulier de certains égrains lui paraissant de nature à produire de bons fruits, il les retira soigneusement de son semis et en fit un massif au milieu de sa pépinière, avec l’intention de les laisser fructifier. La plupart ne produisirent que des fruits médiocres, mais en 1846, le succès couronna ses efforts : il récolta un fruit qui lui donna toute satisfaction. Ce pied fructifia de nouveau les années suivantes, et en 1849, M.  Degallait soumit son gain à l’appréciation de la Société d’horticulture de Tournai.

Le jury permanent de Pomologie chargé de la dégustation de ce nouveau fruit, lui accorda la médaille d’argent, après avoir décidé, conformément à ses statuts, qu’une commission spéciale se rendrait à Wez-Velvain, afin de s’assurer de l’identité du pied mère.

Suivant le désir manifesté par l’obtenteur, cette poire fut dénommée Beurré Degallait.

Étouffé dès sa jeunesse au milieu d’un massif trop compacte, le pied mère que nous avons vu occupant encore la place où il fructifia la première fois, n’a pu acquérir qu’un très faible développement. Ce pied contraste étrangement avec les nombreux exemplaires de cette variété que M.  Degallait nous montra, tant dans son verger, que dans plusieurs jardins de cette localité.

Partout nous avons trouvé cet arbre vigoureux, prenant naturellement un port régulier, pyramidal, les branches bien agencées et ne formant pas diffusion, ainsi que les amateurs peuvent le constater par les magnifiques exemplaires de cette variété, qui se trouvent dans le jardin de l’École d’arboriculture de Tournai, et dont la fertilité excessive attire chaque année les regards de tous les visiteurs.

Le Beurré Degallait présente une particularité qui en fait un fruit de plein vent par excellence : c’est que, aussi violentes que soient les tempêtes de l’équinoxe d’automne, les fruits résistent et ne tombent jamais, ce qui est d’un mérite incalculable pour les régions exposées aux coups de vent : le littoral, les gorges de montagnes, etc. Le jardinier marchand ne cultive pas des arbres à haute tige pour lui-même et pour sa propre jouissance, il les élève pour la vente afin d’en retirer un bénéfice rémunérateur ; il a beau cultiver une excellente poire, si elle tombe aux premiers coups de vent, il n’a rien à vendre et le produit est perdu. Au contraire, l’adhérence du fruit dans le Beurré Degallait est telle que les vents ne parviennent pas à le détacher, et le cultivateur est certain d’avoir une récolte à vendre.

Nous citerons pour exemple l’ouragan qui a exercé ses affreux ravages lors de l’Exposition jubilaire de Tournai en 1869. Plusieurs membres du jury ayant témoigné le désir de connaître la culture des vergers à Tournai, nous les conduisîmes chez M.  Delacenserie dont l’établissement arboricole comprend près de trois hectares. Les ravages occasionnés par la tempête étaient désastreux, la terre était littéralement jonchée de fruits, rien ne restait sur les arbres. Mais quel ne fut pas leur étonnement de voir qu’une seule variété, le Beurré Degallait, avait résisté à la bourrasque, qu’aucune poire n’était tombée par le typhon ! Pareil fait a eu lieu l’an dernier à l’École d’arboriculture ; tandis que la tempête avait emporté tous les fruits des arbres de plein vent, les deux pieds de Beurré Degallait conservaient toute leur récolte. Ces résultats sont merveilleux, et ils prouvent combien il est à désirer que cette variété se propage dans les pays exposés aux coups de vent.

Le Beurré Degallait est une des bonnes poires d’octobre. Sans être un de ces fruits transcendants qui priment tous les autres, c’est certainement une bonne poire de cette époque. « Sa chair, dit l’honorable auteur de la Pomone Tournaisienne, est fine, beurrée, très juteuse, sucrée, très bonne. »

« Le fruit est moyen, turbiné, atténué supérieurement, tronqué et ombiliqué au sommet et à la base. »

« Le pédoncule est moyen, fort, ombiliqué. »

« Le calice caduc, ouvert, rentrant. La peau jaune verdâtre, jaune à la queue. »

Ajoutons que la peau est extrêmement ferme et que le fruit résiste au choc, ce qui est précieux et presque indispensable pour les poires destinées à l’exportation.

Le Beurré Degallait fait, depuis plusieurs années, l’objet de notre étude et de nos observations spéciales ; c’est donc avec certitude absolue que nous le recommandons à toutes les personnes qui cultivent des vergers, et spécialement à celles qui habitent notre littoral si exposé aux tempêtes de l’équinoxe. Par là elles s’assureront une abondante récolte, qui leur échappe trop souvent par les tempêtes régnant dans ces contrées, avant la cueillette des fruits.