Bulletin bibliographique 1831-3/01

Essai de Psychologie physiologique, par M. Chardel. À Paris, au bureau de l’Encyclopédie portative, rue du Jardinet, no 8.

L’honorable M. Chardel a su trouver, au milieu d’importantes occupations, le temps nécessaire pour mettre la dernière main à son esquisse sur la nature humaine, qu’il vient de publier sous le titre modeste d’Essai sur la Psychologie physiologique. C’est moins la critique de ce qu’ont écrit jusqu’à ce jour les philosophes et les théologiens sur l’union de l’âme et du corps, que celle de la marche qu’ils ont suivie dans leurs recherches. Il faut savoir gré à l’auteur d’avoir eu le courage d’essayer une nouvelle route dans une science où ce qui restait à découvrir ne semblait pas le partage d’une intelligence humaine. Rien ne nous est plus évident que la vie, et cependant rien ne nous est moins connu en cherchant à se connaître, les philosophes n’ont étudié que des effets, ce qui a suffi, selon M. Chardel, pour rendre la science stationnaire. Après avoir démontré qu’il fallait partir de la cause pour bien juger l’effet, et non de l’effet pour arriver à la cause, il analyse la vie dans ses divers états ; il commence par examiner isolément l’homme intellectuel et l’homme organique, et ce n’est qu’alors qu’il explique la soumission du dernier à la volonté du premier. L’erreur commise jusqu’à présent avait été de considérer l’homme organique comme une pure matière ; et comme la matière est ce que personne n’a connu et ce qui ne spécifie rien, il était devenu téméraire de prétendre saisir le point par lequel l’âme agit sur le corps. Les considérations de M. Chardel sur la sensibilité physique et sur la sensibilité morale, sur le sommeil, les rêves et la lucidité dans l’état de magnétisme, sont neuves et reposent sur des faits ; après les avoir lues, on est content de soi et de l’auteur qui nous a appris à nous connaître, et on est forcé de convenir que, quoique l’entreprise fût hardie, l’auteur n’est pas resté au dessous de sa tâche.

Histoire des Conquêtes des Normands en Italie, accompagnée d’un Atlas, par E. Gauttier d’Arc ; à Paris, chez Debure, rue de Bussy, n. 30.

Dans les annales de ce moyen âge si pittoresque, si dramatique, il existe encore des époques peu connues et dignes de tout notre intérêt. Parmi celles-ci nous mettrons toujours au premier rang celle qui vit jaillir les premières étincelles de cette civilisation que le temps a perfectionnée, et dont nous jouissons aujourd’hui. C’est à cette époque qu’une poignée de chevaliers, quittant une de nos plus riches provinces, furent fonder une petite ville en Italie, et soumirent bientôt après à leurs armes la Pouille, les Calabres, la Sicile, etc. Le récit de ces faits semble tenir aux temps héroïques de la Grèce ; les exploits des chevaliers normands paraissent fabuleux ; tant de grandes choses ont été faites avec un petit nombre d’hommes ! On est émerveillé quand on pense que ce sont quelques chevaliers dont l’exemple et le mâle courage rendirent l’énergie à un peuple d’esclaves amollis, leur firent affronter et vaincre les phalanges de l’empire d’Orient, qui pesaient de tout leur poids depuis le Vésuve jusqu’à l’extrémité des Calabres et des belles vallées de la Sicile ; et en prenant seulement pour auxiliaire ce mot magique de liberté qui fait faire tant de prodiges.

Certes, c’est un brillant tableau que M. Gauttier d’Arc nous a présenté en nous retraçant l’Italie méridionale au xie siècle ; mais il a senti qu’après les campagnes de Napoléon, rien dans l’histoire du passé ne pouvait plus nous étonner : aussi avec l’esprit judicieux qui le caractérise, il a fait ressortir de ce beau morceau d’histoire une vérité consolante, c’est que les brillantes prouesses de nos ancêtres ne furent pas inutiles à l’humanité, puisqu’elles repoussèrent la barbarie, et affranchirent les Deux-Siciles de la domination étrangère. Les membres épars de ces petits États, trop faibles pour résister aux invasions, se réunirent en un seul corps, et adoptèrent un système d’unité aristocratique, premier pas des peuples vers les gouvernemens pondérés, premier anneau de la chaîne qui attache aujourd’hui toutes les sociétés modernes.

Cette heureuse époque de conquête utile donna le signal à l’Europe engourdie ; Guillaume conquit Albion, et parvint à en faire un royaume compact ; les Croisades suivirent, et l’Europe en rapporta des mœurs plus douces, le goût des sciences et des arts, et une disposition à modifier le système féodal qui divergeait trop les forces matérielles des États.

On ne peut oublier non plus que la civilisation fut redevable à cette première commotion de la fondation de l’École de Salerne, de l’adoption de l’architecture gothique, de l’introduction des manufactures de soie, des premiers essais de notre industrie, etc.

Nous ne saurions trop recommander l’ouvrage de M. Gauttier d’Arc, il intéresse toutes les classes des lecteurs, et particulièrement ceux qui s’occupent de l’étude de l’histoire, source de tant de jouissances réelles !

Œuvres complètes de M. Ballanche, 9 volumes in-8o. Les quatre premiers, contenant Antigone, l’Homme sans nom, élégie, fragmens ; Essai sur les Institutions sociales, le Vieillard et le Jeune Homme ; Essai de Palingénésie sociale, ont paru. Très-belle édition in-8o, à 9 fr. le volume ; rue des Beaux-Arts, no 6, et chez Delaunay, au Palais-Royal.
La Vision d’Hébal, épisode tiré de la Ville des Expiations ; par le même. Prix, 2 fr.
Épître aux Souverains absolus, par madame la princesse Constance de Salm. Brochure in-8o. À Paris, chez Sédillot, rue de l’Odéon, no 30 ; Firmin Didot, rue Jacob, no 24.

Cette Épître de madame la princesse de Salm ne mérite que des éloges, tant par la pensée qui l’a dictée que par les beaux vers qu’on y trouve.

Mémoires de madame la duchesse d’Abrantès. 1re livraison ; 2 vol. in-8o. À Paris, chez Ladvocat, quai Malaquais. Prix, 15 francs.
Antony, drame en cinq actes, par Alexandre Dumas. La seconde édit. est sous presse. Prix, 3 fr. 50 cent.
Manœuvres d’infanterie. Cours de Théorie pratique, par M. F. Bouchez, ancien officier d’infanterie (ex-garde imp.), élève de l’École militaire de Saint-Cyr. — 1re partie. Prix : 2 fr. Chez H. Fournier, imprimeur, rue de Seine, no 14 ; Ferra jeune, libraire, rue des Grands-Augustins, no 29 ; Delaunay, au Palais-Royal.

Si cet ouvrage était une simple refonte de l’ordonnance, nous nous bornerions à féliciter l’auteur d’avoir substitué à la raideur du style officiel une diction pure et agréable. Mais là ne s’est pas bornée sa tâche, et la manière dont il l’a remplie prouve qu’à une connaissance parfaite des manœuvres il joint le talent de la démonstration. Ainsi, afin de mieux faire saisir le mécanisme de chaque mouvement, il a intercalé dans son texte de nombreuses figures qui les font voir à leurs diverses périodes, et déroulé la chaîne des principes et des analogies par des notes et des réflexions sagement distribuées. L’intelligence et la mémoire y trouvent toutes deux leur compte, puisqu’elles s’exercent simultanément.

Sous le rapport typographique rendons hommage à la parfaite exécution des figures, qui, quoique en caractères mobiles, sont d’une précision mathématique.