Bug-Jargal/éd. 1910/LV

Œuvres complètes de Victor Hugo, Texte établi par Gustave SimonImprimerie Nationale ; OllendorffRoman, tome I (p. 524).
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LV


Cette scène effrayante, cette lutte forcenée, son dénoûment terrible, m’avaient accablé. J’étais presque sans force et sans connaissance. La voix de Bug-Jargal me ranima.

— Frère ! me criait-il, hâte-toi de sortir d’ici ! Le soleil sera couché dans une demi-heure. Je vais t’attendre là-bas. Suis Rask.

Cette parole amie me rendit tout à la fois espérance, vigueur et courage. Je me relevai. Le dogue s’enfonça rapidement dans l’avenue souterraine ; je le suivis ; son jappement me guidait dans l’ombre. Après quelques instants je revis le jour devant moi ; enfin nous atteignîmes l’issue, et je respirai librement. En sortant de dessous la voûte humide et noire je me rappelai la prédiction du nain, au moment où nous y étions entrés :

« L’un de nous deux seulement repassera par ce chemin. »

Son attente avait été trompée, mais sa prophétie s’était réalisée.