Brest (Honoré Dumont)/Texte entier

Impr. de P.-L. Tanquerey.

BREST,
POÈME
En Seize Chants,
PAR
HONORÉ DUMONT.

PRIX : 2 FRANCS.

COUTANCES,
Imprimerie de P. L. TANQUEREY.

1er MAI 1833.

BREST,

POÈME.

BREST,
POÈME
En Seize Chants,
PAR
HONORÉ DUMONT.
COUTANCES,
Imprimerie de P. L. TANQUEREY.

MARS 1833.

À LA PATRIE.

Mère d’un grand Peuple,

Toi, qui vois en moi un de tes enfans les moins favorisés des biens de la fortune ; mais un des plus riches en nobles sentimens, en pensées généreuses, en zèle pour ta gloire et ta prospérité ; ô Patrie ! entends ma voix ! L’influence que tu dois exercer sur la balance politique, la vaste étendue de tes côtes, ton immense population, les intérêts de tes citoyens, les besoins de ton commerce, ta position sur le globe : tout fait de toi une des premières puissances maritimes du monde.

Le sort m’a placé sur un des Départemens les plus importans de ton territoire, sur le principal point qui te sert de rempart contre les attaques de l’Océan et contre les efforts des ennemis, quand ils viennent, au sein des flots, déployer contre toi l’étendard de Bellone.

Une idée patriotique m’a porté à célébrer ce théâtre majeur de tes forces maritimes.

Le soleil était dans le signe des Gémeaux, quand je pris ma lyre, dont les accords devaient chanter ce lieu imposant qui fait l’orgueil de l’Armorique, et qui fixe les regards de la France entière.

Depuis ce temps, cet astre superbe n’est pas encore, pour la deuxième fois, de retour dans la Constellation sous laquelle fut inspiré mon noble projet. Tout imparfait que puisse être mon ouvrage, il est mis en ce moment au jour, pour céder à l’intention bienveillante des personnes qui ont paru désirer d’encourager mes travaux.

Je pense, ô Patrie ! que je ne puis donner ici une plus haute idée de l’importance de tes forces navales qu’en citant quelques lignes d’un discours de l’un de tes citoyens les plus éloquens, les plus fidèles et les plus affectionnés. Voici les paroles de cet immortel orateur. « Les Français marchent aujourd’hui à la tête de la civilisation européenne, et sont intéressés à poursuivre tout ce qui appartient aux progrès des arts et des lumières. Tout les appelle sur les mers, où, malgré nos malheurs passés, nous sommes encore les premiers, après ceux qui en ont la domination ; et à ceux-là mêmes notre armée navale est encore redoutable, parce qu’elle sert de tête de colonne aux armées navales des deux hémisphères.  »[1]

D’après de si grands intérêts, noble Patrie, quels sacrifices ne dois-tu pas être disposée à faire pour ta Marine, afin qu’elle puisse voir l’accomplissement de sa haute destinée !

DUMONT.
Mars 1833.


AVERTISSEMENT.




Je ne songeais pas à composer un ouvrage de longue haleine sur Brest. Comme j’avais connaissance que M. de Malesherbes avait fait un voyage en Bretagne, pour venir visiter, à Brest, M. le Comte de Montboissier, son neveu, qui commandait le camp établi devant cette place, j’eus, en 1831, l’intention de faire de cette anecdote un épisode qui aurait formé un chant dans le grand poème que je destine à célébrer la mémoire de l’illustre magistrat pour lequel j’ai une vénération si profonde. Mais, ô pouvoir de l’enthousiasme ! fort peu de temps après avoir mis la main à l’œuvre, j’entrepris un ouvrage entier relatif à Brest, et l’imagination m’a secondé assez vivement pour que j’aie pu donner à ma production le degré d’étendue et d’intérêt qu’elle présente.

J’ai aussi sur le chantier un ouvrage qui me semble fait pour piquer la curiosité du lecteur, et dans lequel je m’efforce de peindre l’aspect imposant que le département du Finistère offre sur plusieurs points. Cette contrée me paraît très-propre à enflammer la Muse d’un poète dont l’âme respire des sentimens énergiques.

Il me serait assez difficile d’expliquer pourquoi je suspends la composition de mon poème sur M. de Malesherbes, pour m’occuper d’ouvrages commencés depuis bien moins de temps que la production qui est consacrée à la louange de cet auguste personnage. Tout ce que je puis dire, c’est que mon admiration pour l’immortel ami du meilleur des Rois ne peut s’affaiblir, et qu’avec la protection du Ciel, je lui paierai, tôt ou tard, le juste tribut que je lui ai voué.

Ai-je besoin de réclamer l’indulgence du public, pour la production que je mets en ce moment au jour, en exprimant ici que je n’ai point fait mes études ; que même je n’ai jamais eu de maître de grammaire  ; que le goût de la poésie ne s’est révélé en moi qu’à l’âge de 37 ans ; que cet ouvrage a, pour la majeure partie, été composé pendant les loisirs que me laissait un emploi subalterne dans une administration de finances ; que ce poème a été créé au milieu des embarras d’une famille nombreuse, et parmi les soucis d’une position gênée ?





BREST.


CHANT PREMIER.

Muse ! allons visiter le plus beau port de France :
Combien là de l’État éclate la puissance !
Vingt ans sont écoulés, depuis que le désir
De contempler ce port à mon cœur vint s’offrir ;
Mais je ne suivis pas le vœu de ma pensée.
Puisque si vivement mon âme est empressée
À voir tout ce qui peut accroître son ardeur,
Je ne résiste plus à ce penchant flatteur,
Et mon goût, d’autant mieux, pourra se satisfaire
Que j’habite aujourd’hui le sol du Finistère.

Je veux chanter ce port, qui, semble m’appeler
À vanter son éclat, si doux à signaler.
Sur le plus noble ton, Muse, monte ta lyre :
À tes accens nouveaux Apollon va sourire ;
Et Neptune, charmé de tes touchans accords,
Va se féliciter de te voir sur ces bords.
Pour entendre ma voix, de vos grottes humides
Vous allez accourir, belles Océanides !

Brest, à l’œil étonné, présente un grand tableau ;
Pour le tracer, il veut un vigoureux pinceau :

Il faut, pour célébrer un lieu si poétique,
Se sentir embrasé par le feu pyndarique :
Un noble enthousiasme électrise l’esprit,
Et le génie alors s’enflamme, s’agrandit.

Muse, voyons du port la magnifique enceinte,
Où l’ennemi jamais ne put porter atteinte.
La nature a formé cette admirable port,
Où la Marine prend le plus brillant essor,
Et l’art industrieux l’a rendu formidable :
Il est pour la patrie un point inexpugnable.

Combien Brest a-t-il vu s’élancer de son sein
De flottes, qu’animait un généreux dessein !
Combien le globe a vu d’actions libérales
Qui sont le digne fruit de nos forces navales !
Combien leur dévouement brilla dans l’univers,
Pour l’affranchissement de l’empire des mers !
Combien le Monde encor place son espérance.
Dans ce qu’entreprendra la marine de France !

Ô quel rare spectacle est offert à mes yeux !
Comme il frappe mon âme, et qu’il est glorieux !
Combien, en contemplant nos forces maritimes
Le cœur d’un français s’ouvre aux sentimens sublimes !
Salut ! nobles vaisseaux, dont l’immense Océan
A toujours applaudi le belliqueux élan,
Et qui, souvent trahis par l’aveugle Fortune,
Vous vîtes protégés par la main de Neptune :
Honneur à vos travaux, à votre pavillon,
Qui se fait admirer de chaque nation,

Et sait braver toujours les vents, la foudre et l’onde,
Quand son destin l’appelle à secourir le monde !

Que le génie est grand dans ses conceptions !
Il étonne nos yeux par ses créations.
L’art des Bouguer a fait des progrès admirables.
Comment en vous voyant, ô masses formidables !
Ne pourrait-on penser au superbe talent
Qui traça vos contours aussi parfaitement,
Et mit dans votre ensemble une force puissante,
Qui sût braver les coups d’une mer écumante.
Qu’à nos yeux un vaisseau montre de majesté !
Qu’une frégate brille encore à son côté !
Mais de ces vastes corps que la démarche est fière,
Quand Éole prend soin de leur allure altière !

Je vois avec respect ces vaisseaux mutilés,
Que dans bien des combats la gloire a signalés.
O vous, qui ne m’offrez qu’une masse immobile,
Vous ne dompterez plus une mer indocile,
Et l’Océan, par vous sillonné tant de fois,
Ne sera plus témoin de vos nobles exploits !
Vous êtes maintenant à l’abri des orages,
Et vous aurez de moi les plus justes hommages.
Puisse vous oublier, colosses vénérés,
Qui de grands souvenirs me semblez entourés,
Et qui même aujourd’hui, sans ailes, sans tonnerre,
Par votre gloire encore intéressez la terre ?
Si vous ne montrez plus un abord belliqueux,
Les palmes de vos fronts viennent frapper mes yeux,

Et je bénis ce port de l’asile honorable
Qu’obtient chacun de vous, dans son sein favorable
Aux plus nobles projets enfantés par l’État,
Pour donner à la France un véritable éclat.

Que j’aime à voir ici le vaisseau le Tourville,
Qui sut dans ses vieux ans se rendre encore utile,
En formant dans son sein tant d’habiles marins,
Dont plusieurs ont rempli de glorieux destins !
Le nom de ce vaisseau me rappelle un grand homme,
Que dans notre patrie avec amour on nomme,
Et dont le sort, un jour, a trahi les desseins,
En venant arracher la victoire à ses mains.
La France à sa mémoire a décerné l’hommage
Que méritait d’avoir son âme grande et sage :
Le ciseau du génie a reproduit les traits
Du mortel dont ma muse admire les hauts faits.
Ta brillante statue, ô noble capitaine !
Voit couler à ses pieds les ondes de la Seine :
Elle s’élève auprès du palais de nos Rois,
Et la France, avec eux, a reconnu tes droits
A la distinction touchante et révérée
Qu’à tes hautes vertus l’honneur à consacrée.
Tourville ! un des héros de mon pays natal,
De nos plus grands guerriers tu dois marcher l’égal.

A vous admirer tous mon âme est excitée,
Vastes corps, sur lesquels ma vue est arrêtée.
Que vos noms sont fameux, ô colosses des mers !
Ils vont, par leur éclat, retentir dans mes vers.

Soldats du continent, et soldats maritimes ;
Je vais vous rappeler vos actions sublimes,
En signalant des noms que l’immortalité
Transmettra, d’âge en âge, à la postérité.
La plupart de ces noms, dont la beauté m’enflamme,
Ô généreux français ! sont bien chers à votre âme.

Je veux vous citer tous, bâtimens de haut-bord,
Que maintenant je vois dans cet illustre port :
Frégates et vaisseaux, qu’un si beau lieu rassemble,
Ma Muse veut ici vous marier ensemble.

Diadème et Junon, Clorinde et Duguesclin,
Magicienne et Jean Bart, Terpsicore et Suffren,
Avec orgueil l’État vous orne, vous admire :
A vos nobles destins l’univers vient sourire.

Amazone et Wagram, Aréthuse, Océan,
Neptune et Némésis, Guerrière et Vétéran,
Je vois encore en vous un groupe en qui la France
Place au plus haut degré sa noble confiance.

Astrée et Saint-Louis, Constance et Glorieux,
Magnifique et Vénus, Médée et Courageux,
Vous êtes des soutiens qu’applaudit la patrie,
Et j’aime à célébrer votre union chérie.

Ma Muse ne peut point, au gré de son désir,
Assortir tous vos noms, qu’elle voit resplendir ;
Mais je vais allier Duquesne et Surveillante,
Commerce de Paris avec Persévérante.


Vous viendrez vous placer auprès du Foudroyant,
Austerlitz et Iéna, d’un renom si brillant.
Et vous, Santi-Pétri, vous, Atlas, vous, Achille,
Venez tous vous ranger auprès du vieux Tourville,
Sous nos yeux restauré, qui flotte rajeuni,
Tout prêt à s’élancer sur l’abîme infini.

Je tressaille, en voyant ce superbe cortège,
Qui décore l’État, le venge, le protège.

Vous êtes à l’étroit dans ce vaste bassin ;
Vaisseaux, qui possédez un gigantesque sein :
Vous ne déployez bien votre magnificence
Qu’alors que vous voguez sur une mer immense.
Que vous la sillonnez majestueusement !
Que vous êtes pour elle un auguste ornement !
Si l’Océan toujours offre un aspect sublime,
La navigation l’embellit et l’anime.
Malgré son grand éclat à nos regards offert,
La mer, sans bâtimens, n’est qu’un triste désert.
J’aime à voir sur son sein des voiles différentes,
Qui sont de tous les biens des sources abondantes.
Ô Paix ! je crois en toi voir la sœur de Thétis :
Combien tous vos penchans semblent être assortis !.
Vous désirez toujours le bonheur de la terre
Et vous semblez unir l’un et l’autre hémisphère :
Tous les peuples par vous échangent leurs bienfaits ;
Tous les peuples par vous bénissent les Français.

Fin du premier Chant.

BREST.


CHANT SECOND.

Richelieu, créateur de ce port magnifique ;
Je bénis ton amour pour la chose publique :
Le pavillon français, par tes vastes desseins,
Eut à s’enorgueillir de ses nobles destins.
Qu’était notre Marine avant ton ministère ?
Combien par ton génie elle agrandit sa sphère !
Et Louis et Colbert, secondant ton ardeur,
De la patrie encore accrurent la splendeur,
En redoublant l’éclat de nos forces navales,
Si dignes d’occuper les volontés royales.

Ce fut vous, que Louis envoya dans ce port,
Installer la marine, amiral de Beaufort ;
Et soixante vaisseaux, destinés à la guerre,
Par vous furent conduits au sein du Finistère.
Combien Brest eut de joie à ce noble appareil,
N’ayant point encor vu de spectacle pareil !

Brest à notre marine offre une rade immense,
Où toujours nos vaisseaux mouillent en assurance.
Ah ! comme, en la voyant, elle enflamme le cœur
De quiconque est sensible à la noble grandeur.
Nulle rade n’est point plus vaste sur la terre :
Elle peut contenir cinq cents vaisseaux de guerre.
De majestueux forts viennent l’environner :
Pour elle constamment ils sont prêts à tonner.
Sa bouche offre un rocher, qui la rend dangereuse :
Mais l’art sait éviter ta cime périlleuse,
Ô terrible Mingan ! dont les aspérités
Pourraient anéantir nos vaisseaux redoutés.
Plusieurs ont succombé, quand Éole implacable
Contre toi repoussait leur masse formidable.
Inflexible géant ! que fais-tu sur ces bords ?
Prétends-tu t’opposer aux généreux efforts
Qu’en cette enceinte peut déployer la patrie,
Ou veux-tu protéger cette mère chérie,
Si l’on entreprenait quelque jour d’envahir
Cette rade, ce port, que tout vient garantir ?
Sentinelle immuable, et que Thétis seconde,
Tu gardes jour et nuit cette porte du monde,
Ce Goulet, dont le nom n’est pas harmonieux,
Mais qui reçoit souvent des saluts glorieux.

Ô terre ! c’est ici ta limite éternelle ;
Ici je vois écrit sur le front de Cybèle :
On ne va pas plus loin. Mais Éole et Thétis
Appellent par-delà leurs nombreux favoris,

 
Et les font s’élancer au sein d’une carrière
Qui semble ne finir qu’où cesse la lumière.

Que Brest est favorable à ces vastes projets
Qu’on fait exécuter pour les plus grands objets !
A-t-il pu se trouver un monarque de Fiance
Qui n’ait pas visité ce lieu plein d’importance !
Tous auraient dû venir contempler sa grandeur,
Tous auraient dû de Brest accroître la splendeur.
Ils auraient, en voyant cette enceinte admirable,
Su combien leur pouvoir était beau, formidable.
Leur passage eût été marqué par des bienfaits ;
Ils eussent transformé les landes en guérets.
Ce n’est pas seulement leurs fertiles province
Que doivent parcourir les ministres, les princes :
Qu’ils visitent surtout les points de leurs États
Où la patrie attend des secours et des bras.

Brest a vu récemment d’augustes personnages.
Arriver, ou partir, pour d’importans voyages.
Fille du prince Eugène, à touchante beauté !
En qui se trouve unie la grâce et la bonté,
C’est dans ce noble port que votre âme attendrie
Fit ses derniers adieux à sa. chère patrie,
Pour aller embellir, sous l’ardent Équateur,
Une cour bien sensible au véritable honneur.
Ensuite Brest a vu votre généreux frère,
Qui reportait ses pas au sein de la Bavière,
Après avoir conduit sur des bords si lointains
Celle qu’ils appelaient aux plus brillans destins.

 

Vous, Dona Maria, reine sans diadème,
Invitée à régner par le vœu du ciel même,
Et par l’attachement des Lusitaniens,
Vous avez vu de Brest encor les citoyens
Bénir votre présence et vous offrir l’hommage
Que l’on doit aux vertus qui sont votre partage.
Votre âme fut touchée, en voyant éclater
L’intérêt que pour vous on vint manifester.

Sous des rapports divers, Brest est une merveille
Nulle position n’est, peut-être, pareille
À celle qu’il présente aux regards enchantés
Des mortels, dont les yeux admirent ses beautés.
Plus nous observons Brest, et plus il nous étonne s
Il surprend par son port, par ce qui l’environne.
Combien la providence a donc servi l’État,
En lui donnant un port d’un aussi rare éclat !
Ô Finistère ! il est ton plus noble partage,
Et toute la Bretagne éprouve l’avantage
De ce qu’en tous les temps on vient la parcourir
Pour arriver au port qui la fait resplendir.

Ô Brest ! en te peignant, je n’ai pas l’assurance
Que l’on rendra justice à ma persévérance ;
Les meilleurs sentimens sont mal interprétés,
Les faits les plus certains sont souvent contestés, ,
On semble dédaigner la noble poésie :
Pourtant à ses accens toujours elle associe
Les plus hautes leçons qu’offre le genre humain.
Que d’agréables fleurs éclosent sous sa main

Elle aime à célébrer les héros et les sages ;
Elle aime à décerner les plus touchans hommages
À ceux que la vertu porte à des actions
Oui sont faites pour plaire aux yeux des nations.

Je vais remplir ma tâche, elle n’a rien d’austère :
Elle entre dans mon goût et dans mon caractère ;
Et je crois qu’un destin favorable à mes vœux
A voulu que ma Muse arrivât en ces lieux,
Pour peindre ce qui doit intéresser la France,
En faisant un tableau d’une grande importance.
Vous encouragerez mes fidèles crayons,
Ô valeureux marins, et vous loyaux Bretons !

Fin du second chant.

BREST.


CHANT TROISIÈME.

Napoléon, pourquoi ton regard glorieux
Ne connut-il jamais ce port majestueux ?
Ton génie, étonné de cette enceinte unique,
Eût mis dans ta pensée un vœu patriotique ;
Pour l’accomplissement d’admirables projets,
Dont il fût résulté les plus heureux effets.
Ton œil d’aigle eût plané sur une rade immense,
Qui se fût animée à ta noble présence,
Et qui t’aurait offert le spectacle frappant
De ce que la marine a de plus imposant.
À ta voix, qui pour nous fut souvent salutaire,
Le port de Brest encore eût agrandi sa sphère :
Ta, pénétrante vue aurait su découvrir
Ce qu’il était possible ici d’approfondir ;
Pour donner plus d’éclat et de magnificence
À ce lieu, dont je viens célébrer l’influence.

Mon cœur, Napoléon, ne peut point se cacher
Permets donc que ma Muse ose te reprocher

D’avoir trop négligé ta puissance navale.
Celle qu’ont les Anglais ne voit rien qui l’égale.
Nous savons cependant que ton constant désir
Était que la Marine en France vint fleurir :
Cherbourg, Flessingue, Anvers, avec reconnaissance ;
Ont reçu des travaux d’une grande importance,
Qu’a fait exécuter ton zèle pour l’État ;
Ils donnent à ces ports le plus superbe éclat.
Mais nos meilleurs marins, appelés par ta gloire,
Abandonnaient les mers, couraient à la victoire ;
Ils surent déployer une intrépidité
Qui rehaussait le prix de leur habileté :
Vingt fleuves étrangers ont admiré le zèle
De ces fils de Thétis, pleins d’une ardeur nouvelle.
Berlin, Vienne, Dantzick, Friedland, Eylau, Iéna,
Varsovie, Austerlitz, Wagram, Bautzen, Vilna,
Votre sol fut témoin que les marins de France
Ont, comme nos soldats, une rare vaillance :
Que ceux qui, de Neptune affrontent les hasards,
Bravent avec sang-froid tous les dangers de Mars.

Ô monarque fameux ! qui fis trembler le Mondes,
Ta gloire aurait brillé d’un beau, lustre sur ronde,
Si la Fortune avait secondé tes desseins,
Qui voulaient que la France eût les plus grands destins.
La Marine reçut encor, sous ton Empire,
Une augmentation qu’ici je vais redire :
Sous ton règne, on vit plus de quatre-vingts vaisseaux
Sortir de nos chantiers, s’avancer sur les eaux.

Frégates, vous avez, au nombre de soixante,
Accru de ces vaisseaux la quantité frappante ;
La plupart d’entre vous, perdus pour les Français,
N’ont jamais signalé leur nom par des succès :
Beaucoup sont dans les mains des puissans insulaires
Qui furent bien long-temps pour nous des adversaires.
Si jamais contre nous vous êtes dirigés,
Bâtimens, puissiez-vous être tous submergés,
Plutôt que d’obtenir un cruel avantage,
Qui devrait vous paraître un criminel outrage !

Il est presque impossible à notre nation
Que sa marine prenne assez d’extension
Pour se mettre au niveau de celle d’Angleterre ;
Qui semble maintenant commander à la terre.
Quoi ! l’empire des flots doit-il appartenir
À celui qui les veut sous son joug asservir ?
La France est maritime, elle est continentale :
Ses vaisseaux ne sont point sa force principale ;
Mais ils sont les soutiens de ces relations.
Qu’elle entretient avec diverses nations.
Nos vaisseaux puissamment servent nos colonies ;
Mais la plupart, hélas ! nous ont été ravies !
Cependant un État tel que se vient offrir
La France, que Neptune aime à faire fleurir ;
Veut des possessions en diverses contrées,
Qui soient par sa marine à jamais assurées.
Un peuple très-nombreux, actif, entreprenant,
Dont l’agitation est un goût persistant,

Ne peut pas tout entier rester dans sa patrie :
Beaucoup semblent entendre une voix qui leur crie
D’aller chercher ailleurs un sort plus fortuné ;
Et l’homme à s’éloigner alors est entraîné.
Mais le Français est fier du sol qui l’a vu naître ;
Il aime à concourir toujours à son bien-être,
Et veut rester soumis aux usages, aux lois,
D’un pays ou chacun jouit de tous ses droits :
Il désire habiter au sein d’un territoire
Qui se montre sensible au bonheur, à la gloire,
De cette France chère à tout homme d’honneur.
Ainsi, pour satisfaire au penchant de son cœur,
Il faut que le Français fixe sa résidence
En des lieux non soumis à toute autre influence
Que celle du pays qui lui donna le jour,
Et pour lequel il a le plus constant amour.
À la France il faut donc diverses colonies,
Qui du joug étranger se trouvent garanties,
Par notre pavillon, toujours si plein d’ardeur
Pour ce qui de l’État augmente la splendeur :
Elles doivent fournir à la mère-patrie
Tout ce dont a besoin son immense industrie.
Son commerce, ses arts, devenus si brillans,
Réclament, d’outre-mer, des produits importans,
Qu’il faut qu’aillent chercher les navires de France,
Aux plages où nos lois, exercent leur puissance.

L’Angleterre en ses mains tient le trident des mers :
Le bronze ainsi la montre aux yeux de l’univers.

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Vienne emboucher pour toi le clairon belliqueux,
Ni vanter ce qu’offrait ton Empire d’heureux.
Combien de beaux écrits et d’histoires sublimes
Ont peint tes actions, tes sentimens intimes,
Et de la Renommée ont secondé la voix,
Pour te faire admirer des peuples et des rois,
Dans l’Univers entier, où ton rare courage,
Tes talens, recevront un éternel hommage !

Fin du troisième chant.

BREST.


CHANT QUATRIÈME.

Combien, depuis trente ans, Brest a changé de face !
On le voit, chaque jour, embellir sa surface,
Et maintenant le goût préside à ces travaux,
Qui viennent élever des bâtimens nouveaux.
On aime à contempler ces vastes édifices,
Ces beaux hôtels publics, ces imposans hospices,
Créés d’après les plans de la sagacité,
Conçus avec génie, avec humanité.

Brest a droit d’espérer que le cours des années
Ne fera qu’augmenter ses hautes destinées.
Brest est du plus grand prix pour notre nation :
Ce lieu doit attirer toute l’attention
D’un gouvernement sage et plein de vigilance,
Qui veut sincèrement la gloire de la France.
Si Brest est loin du centre où tout vient aboutir,
Tout d’un fatal oubli devrait le garantir :
Tout devrait lui promettre un intérêt suprême,
Puisque du monde il est le point le plus extrême,

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Ils n’avaient pas été créés pour cet usage ;
Ils ne présentaient point alors tout l’avantage
Que l’on devait attendre, en toute occasion,
D’édifices formés par la compassion.
Des tentes suppléaient au local des hospices :
Pouvait-on aux blessés les rendre bien propices ?
Combien n’a-t-on pas vu de braves matelots
Expirer, en ce temps, sur de durs charriots,
Lorsqu’on les transportait dans une résidence
Dont la distance encore accroissait leur souffrance !
Les douleurs arrachaient de lamentables cris
À ces guerriers mourans pour servir leur pays.
Un homme généreux, plein de philanthropie,
Un véritable ami de sa noble patrie,
Un Français éclairé, sensible, plein d’honneur,
Nous dit que ce spectacle a déchiré son cœur,
Bien souvent, lorsqu’à Brest il montra sa présence ;
Et dans ses sentimens, remplis de bienfaisance,
Qui voulaient des humains qu’on soulageât les maux,
Il demande qu’on crée ici des hôpitaux.
Tes voeux sont exaucés, mortel recommandable :
À Brest on fait construire un hospice admirable.
Ô Cambry ! de ton nom je veux orner mes vers.
Puisque ton cœur avait des sentimens si chers,
Et que tous les travaux de ton âme épurée
Hélas ! ont amené ta fin prématurée[2].

 
Brest, alors que je peins ce qui fait ta splendeur,
Que d’objets différens s’offrent à mon ardeur !
Rien ne m’est étranger dans ce qui t’intéresse,
Et toute noble vue à mon esprit s’empresse
De s’offrir, à l’effet d’enrichir mon pinceau
De ce qui peut former un utile tableau :
Tout aime à se grouper dans mon cadre héroïque ;
L’Humanité sourit à mon feu poétique.

Les soldats de Neptune et les soldats de Mars
Bravent également de périlleux hasards :
Ils sont tous les soutiens de la chose publique,
Ils sont tous animés du feu patriotique ;

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Que votre adresse, hélas ! pour l’homme est désastreuse !
À combien vous causez une douleur affreuse !
Lorsqu’un être par vous est mis dans le cercueil,
Combien d’autres mortels sont plongés dans le deuil !
Votre succès fatal, qu’on doit nommer un crime,
Semble immoler, d’un coup, bien plus d’une victime :
Combien d’êtres par vous sont dans le désespoir !
La loi, de vous punir, se fait un saint devoir ;
Mais elle ne peut point, par toute sa puissance,
D’un père, d’une mère, adoucir la souffrance.
Que de jeunes mortels votre barbare main
N’a-t-elle pas ravis à l’autel de l’Hymen !
Quand vous percez le cœur de votre antagoniste,
Vous avez à gémir d’un succès aussi triste.

Fin du quatrième Chant.

BREST.


CHANT CINQUIÈME.

La France est de tout temps le boulevard du Monde,
Par sa position sur la terre et sur l’onde.
Sentinelle avancée au bout de l’univers,
Elle conservera la liberté des Mers.
Commandant aux destins d’un peuple fort et libre,
Elle sait, des États, rétablir l’équilibre.
Des lumières, des arts, elle est le vrai foyer :
Elle en montre les feux aux yeux du globe entier.
La Terre voit déjà combien notre influence
Facilite aux États une heureuse existence,
Et veut leur garantir une félicité
Qui seconde les vœux que fait l’humanité.

Ô mer ! qu’est devenu le noble La Pérouse ?
De sa grande entreprise étais-tu donc jalouse ?
Qu’as-tu fait de cet homme et de ses compagnons,
Dont je voudrais pouvoir célébrer tous les noms ?
A-t-il, en débarquant sur de lointaines plages,
Succombé sous les coups de leurs hordes sauvages ?

 
Le Ciel a-t-il permis que l’abîme des eaux
Engloutît les auteurs des projets les plus beaux ?
Ô Boussole ! rends-nous ton sage capitaine.
Notre attente si longue, hélas ! elle est donc vaine !
Astrolabe, rends-nous ton chef, son digne ami.
Mais, hélas ! tu réponds que De Langle a péri
Par le forfait affreux d’une horde féroce,
Dont les dehors trompeurs cachaient une âme atroce,
Et qui vint lâchement massacrer, dans les flots,
Ce brave, qui voulait rejoindre ses vaisseaux.

La Pérouse, et vous tous, compagnons de son zèle,
Vous n’avez pu fléchir une mer infidèle ;
Elle est sourde à nos vœux, qui viennent l’implorer,
Et, depuis si long-temps, elle laisse ignorer
Où tant d’hommes, guidés par l’ardeur la plus pure ;
Ont cessé de jouir des biens de la nature.
Que vos mânes sacrés, ô généreux mortels !
Trouvent dans tous les cœurs des regrets éternels !

Combien votre entreprise était intéressante !
Que pour l’espèce humaine elle était importante !
Cette expédition promettait un succès
Qui devait augmenter l’amour du nom français.
Tout se réunissait pour la rendre prospère,
Tout semblait concourir à son but salutaire.
Le Roi, le plus humain qui soit né sous les cieux ;
Avait lui-même écrit ses plans judicieux,

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BREST.


CHANT SIXIÈME.

Deux fois de Brest encore une brillante élite
S’élance avec ardeur sur le sein d’Amphitrile,
Et va redemander aux différentes mers
Ce La Pérouse, objet de sentimens si chers.
Mais tout de ce mortel cache la destinée ;
Tout semble présager sa fin infortunée.

Ô vous, d’Entrecasteaux et Dupetit-Thouars,
Vous vintes affronter de périlleux hasards,
Afin d’interroger les abîmes de l’onde,
Sur l’Expédition que bénissait le Monde,
Et qu’avait ordonnée un prince vertueux,
À qui l’Humanité fit entendre ses vœux !
Mais, hélas ! les efforts d’un zèle si louable
Furent loin d’obtenir un accueil favorable
À l’intérêt touchant qui vous faisait agir,
Et que l’homme de bien doit toujours applaudir :
La Terre à vos vaisseaux n’offrit que des disgrâces
Vous ne parvîntes point à découvrir les traces

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BREST.


CHANT SEPTIÈME.

Le Commerce de Brest a de l’accroissement :
Il n’avait dans son sein nul établissement ;
Le port de Brest était seulement militaire ;
Mais on a reconnu qu’il était nécessaire
Qu’un point si populeux, si fort intéressant,
Devint, de plus en plus, un lieu très-commerçant,
Et Brest a, de nos jours, senti tout l’avantage
D’amener dans ses murs son propre cabotage.
Cette ville reçoit ainsi, directement,
Ce qui de son commerce est le riche aliment ;
Mais l’arrivée ici de toutes, les denrées,
Qu’on y fait parvenir de diverses contrées,
Demanderait un quai, sans réserve affecté
Aux bâtimens marchands que voit cette cité.
Brest, il faut t’accorder ce que ton vœu désire,
Puisqu’au bien de l’État ce bienfait ne peut nuire,
Et qu’il est très-urgent, pour ta félicité,
De redoubler encor ta grande activité.
Ta population, qui s’est fort augmentée,
À plus de monde encore un jour sera portée.

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BREST.


CHANT HUITIÈME.

Ah quel sinistre bruit ici vient se répandre !
Un terrible incendie a donc réduit en cendre
Cet immense dépôt d’attributs précieux
Que la Marine avait dans ce port glorieux,
Qui, depuis quelque temps, occupe ma pensée (1).
Sous un cruel chagrin mon âme est oppressée.

Muse, prends tes pinceaux de tristesse et de deuil :
Ta douleur doit partout avoir un noble accueil ;
Tes pleurs attendriront chaque âme généreuse :
Tâchons de retracer cette nuit désastreuse,
Où les sons alarmans du tambour, du tocsin,
Ô Brest ! ont répandu tant d’effroi dans ton sein.

La nuit déjà régnait, alors que l’épouvante
Dans la ville a semé la nouvelle effrayante
Que sur le port éclate un grand embrasement.
Chacun est consterné d’un tel événement.
L’Arsenal est en feu ! dit la foule éperdue.
La population sur le port s’est rendue :

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NOTES DU CHANT HUITIÈME.


(1) L’incendie a éclaté le 25 janvier 1832, à huit heures et demie du soir. Ce n’est qu’à onze heures et demie qu’on est parvenu à se rendre maître du feu.

(2) Les 1er et 3e noms, placés dans ce passage, sont ceux de capitaines de vaisseau ; les 2e, 5e et 7e concernent des capitaines de frégate ; les 4e, 6e, 8e, 9e, 10e, 12e, 13e et 14e sont relatifs à des lieutenans de vaisseau ; le 11e est celui d’un capitaine d’artillerie de la marine ; les 15e et 16e sont ceux de lieutenans en 1er du même corps. — M. Delmotte a été blessé à la main. M. Collet a en une partie de ses vêtemens brûlés.

(3) Capitaine des pompiers.

(4) Calfat au port.

(5) Débitant à Recouvrance.

(6) Matelot de la 3e compagnie.

(7) Menuisier aux travaux maritimes.

(8) Bertold-Francisco Gomès, officier portugais, réfugié.

(9) Chirurgien de première classe.

(10) Officier d’artillerie.


Observation. Tous ces renseignemens sont tirés du

Journal Le Finistère, des 26, 28 et 51 Janvier 1832. Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/74 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/75 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/76 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/77 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/78 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/79 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/80 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/81 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/82 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/83 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/84 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/85 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/86 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/87 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/88 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/89 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/90 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/91 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/92 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/93 Page:Dumont - Brest, 1833.djvu/94


Les plantes, comme nous, se livrent au sommeil,’
Et quelques-unes ont un paresseux réveil :
La plupart, cependant, au lever de l’aurore
Etalent la beauté dont leur front se décore.

Des fleurs, à tel instant, présentent une odeur
Qui blesse le cerveau, qui soulève le cœur ;
Quelques heures après, un doux parfum s’exhale
De ces étranges fleurs que ma Muse signale.

Il est des fleurs qui sont amantes de la nuit,
Et qui cachent leurs traits lorsque le soleil luit ;
Il en est que l’on voit ne montrer leur figure
Qu’alors que ce bel astre éclaire la nature.
D’autres servent pour nous à mesurer le temps,
Et ne viennent s’offrir qu’à différens instans.

Des plantes, d’où provient le sommeil admirable ?
La cause en est pour nous encore impénétrable :
Elle sera toujours cachée à nos regards,
Malgré tous les progrès des sciences, des arts.

Il est des fleurs qui n’ont qu’une nuit d’existence ;
D’autres ne nous font voir qu’un seul jour leur présence.
Hélas ! d’autres encore ont un plus court destin,
Et vivent seulement l’espace d’un matin !

L’Héliotrope est chère au Dieu de la lumière,
Et suit, de ses regards, son immense carrière :

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La prévoyance veut que dans cette détresse
A borner ses besoins chaque mortel s’empresse ;
D’Esclieux, le premier souscrit à la rigueur
Qui de sa soif cruelle augmente encor l’ardeur.
La longueur d’un voyage extrêmement pénible,
À ces deux arbrisseaux est pleinement nuisible :
Hélas ! l’un d’eux a vu ses rameaux se flétrir,
Et d’Esclieux n’a pu l’empêcher de mourir.
Ô d’Esclieux ! combien tu ressens de tristesse,
En perdant cet objet si cher à ta tendresse !
L’autre encore languit, et l’on craint vivement
Que le plus cruel sort l’atteigne également.
Avec quel intérêt d’Esclieux envisage
Ce faible rejeton, espoir de son voyage,
Et qui devient pour lui doublement précieux !
Sur cet arbuste il porte à chaque instant les yeux :
Rempli d’inquiétude, il contemple, il observe
L’objet si délicat, pour lequel il réserve
Cette inestimable eau qui pourrait adoucir
La soif qui constamment vient le faire souffrir.
L’arbuste est ranimé par l’onde salutaire,
Qu’avec précaution lui verse une main chère :
Ah ! quel touchant plaisir éprouve d’Esclieux,
En voyant que le ciel est sensible à ses voeux !

Enfin est terminé ce pénible voyage.
Le sol soudain reçoit l’inestimable gage
Qui va lui procurer tant de prospérité.
Ô Cafier ! lu parviens avec rapidité

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Mon poème n’est pas ce qu’il doit devenir :
De faits intéressans je saurai l’enrichir,
Alors que je pourrai consulter nos annales,
Sur ces vailîans soutiens de nos forces navales
A qui j’ai réservé d’énergiques accords.
Leur gloire applaudira mes louables efforts.
Ma Muse, qui pour eux possède tant de zèle,
A déjà, de plusieurs, fait un portrait fidèle :
Elle ne veut offrir leurs éclatans exploits
Qu’alors qu’elle pourra les montrer à la fois.
Pour peindre des héros si dignes de mémoire,
Il faut interroger les fastes de l’histoire :
Il faut que le récit de nos combats fameux
Fasse jaillir soudain des accens généreux.
 
Ô port ! dont la splendeur par ma Muse est dépeinte,
Quel heureux avenir s’attache à ton enceinte !
L’espoir le mieux fondé prédit que tes destins
Accompliront toujours de glorieux desseins.

Fin du Chant seizième et dernier.

ERRATA.

Dans tous les endroits de ce poème où il y a Thétis, lisez Téthys.

Page 25, vers 4, au lieu de pour, lisez par.

Page 100, vers 4, au lieu de encore, lisez encor.


  1. Le Général FOY. Discussion sur le Budget de la Marine, en Juin 1821.
  2. « M. de Cambry (auteur du Voyage dans le Finistère en 1794 et 1795) était un des hommes les plus distingués par des connaissances très-variées, par l’amour des beaux-arts, et par des qualités aimables. Il employait une fortune considérable à cultiver les lettres et à encourager les jeunes talens qui s’adressaient à lui. S’il ne connaissait pas mieux que personne les origines françaises, du moins les avait-il étudiées avec un soin et une constance soutenus. Ses recherches en ce genre, ses travaux, ses ouvrages l’avaient porté à la présidence de l’Académie Celtique : il était persuadé que cette Société rendrait un jour de grands services à l’histoire, si elle continuait de donner à ses travaux une sage et utile direction.

    Une attaque d’apoplexie l’a enlevé aux lettres à l’âge de 42 ans ; il était de Quimper, et avait épousé la veuve de M. Dodun, ancien Directeur de la Compagnie des Indes, femme aimable et qui partageait avec son époux le même goût des arts et les mêmes sentimens de délicatesse et de bienfaisance. »

    (Note des Auteurs de la Statistique du Finistère, MM. Peuchet et Chanlaire.)