Collection des Orties blanches (Jean Fort) (p. 285-297).

LETTRE IV

Cette lettre émane de l’auteur des lettres XII et XIII parues dans Paulette trahie que nos lecteurs se rappellent pour les avoir lues avec intérêt. Celle-ci est encore plus complète que les précédentes, de la même plume, et contient des faits curieux. Notre aimable correspondant suédois voudra bien trouver ici nos vifs remerciements, nos sincères compliments — ainsi qu’une pressante invitation à nous écrire encore, autant pour notre instruction que pour notre agrément.

V., Suède, 22 mars.
Cher Monsieur,

Je vous remercie de bon cœur pour votre seconde lettre et je me réjouis beaucoup parce que vous avez trouvé ma lettre concernant les bains de verges, etc. digne d’être publiée dans un ouvrage de votre main. Ayant enfin trouvé le loisir nécessaire, je veux maintenant accomplir ma promesse en vous donnant quelques nouveaux renseignements sur l’usage des corrections corporelles dans l’éducation suédoise.

Pour commencer avec quelques remarques générales, je peux vous assurer que la fessée est une punition très commune dans les familles. La plupart des enfants suédois l’ont, sans doute, subie, étant petits. Mais dans la plupart des maisons, ils ne sont guère punis en cette manière après leur dixième ou douzième anniversaire. Cela n’empêche pas que les parents, qui fouettent leur progéniture à treize, quatorze et quinze ans, sont nombreux.

Quand il s’agit de petits garçons ou de petites filles, c’est en général la maman qui joue le rôle de fouetteuse, le père étant occupé à son travail. Mais dans beaucoup de familles, la mère est trop faible pour cette tâche et le papa est obligé de fesser garçons et filles quand ils ont mérité cette punition.

Les grands fils sont presque toujours fouettés par le père. Je me souviens d’une mère qui fouettait rudement son fils, alors âgé de seize ans, chaque fois qu’il rentrait tard, le soir ; mais cette mère sévère était veuve.

Dans la plupart des familles, où l’on fouette des fillettes au-dessus de douze ans et des jeunes filles, c’est la mère qui leur donne la fessée, surtout quand la demoiselle doit l’avoir avec une verge de bouleau, c’est à dire à nu. Certaines gens sont de l’avis qu’il est choquant et trop humiliant pour une grande jeune fille d’être fouettée sur les fesses nues par un homme, même quand cet homme est son père. Si la mère n’a pas la force nécessaire pour fustiger sa fille, coupable de quelque défaut grave, on se tire quelquefois d’embarras en agissant de la manière suivante :

Le père fouette la jeune écervelée avec un rotin. Auparavant, les jupes de la demoiselle ont été dégrafées ou troussées ; mais il lui est permis de garder son pantalon toujours fermé, qui sert à mitiger quelque peu la douleur produite ainsi. Et surtout à sauvegarder la pudeur de la jeune fille.

Mais, un grand nombre de pères, surtout dans le peuple, ne se font aucun scrupule de fesser ces demoiselles à nu.

En voici deux exemples :

Une jeune fille me raconta comment son père, un ouvrier, l’avait couchée en travers sur ses genoux et fessée avec une verge de bouleau, à l’âge de quatorze ans, et déjà en apprentissage.

Une autre, à quinze ans, particulièrement grande et forte, recevait le même punition.

La fille d’un instituteur m’a dit que son père la fouetta avec une verge, à l’âge de quatorze ou quinze ans. Il s’enferma avec elle dans une chambre, ne désirant pas la corriger devant témoins. « Et je ne criai pas, me dit-elle avec une certaine fierté. Maintenant, à dix-sept ans, mon père, j’en suis sûre, me punirait encore de la même façon, si je le méritais. »

Enfin, il y a des familles où la femme prête son concours à son mari, quand il s’agit de la fessée d’une grande fille. La mère la tient, le père la claque ; ou inversement.

Dans le premier cas, qui est vraisemblablement le plus commun, l’épouse tient la jeune personne étendue sur un sopha ou courbée sur le siège d’une chaise, tandis que le père mortifie le derrière filial. Une femme que j’ai rencontrée, il y a une dizaine d’années, avait été fouettée de cette manière à dix-neuf ans et il lui était donné d’assister fréquemment à de semblables corrections à une jeune sœur qui en avait seize.

Voici un exemple de fille de quinze ans fessée en quelque sorte régulièrement, que je puis certifier. C’est la fille d’un fonctionnaire demeurant ici.

À la date où je vous écris, elle a exactement quinze ans et quatre mois. Élancée et svelte, blonde, elle est douée d’un visage agréable. Pendant ces trois dernières années, elle a reçu bon nombre de fessées et les voisins ne le pouvaient ignorer, n’étant pas sans entendre cris et claquements.

Cet usage est-il en décroissance ou non ? D’après ce que j’en puis savoir personnellement, il est plus répandu qu’il y a vingt ans. Mais, je ne veux pas me borner à énoncer ma seule opinion, quelque étayée qu’elle soit de renseignements certains et je tiens à vous en donner d’autres preuves objectives.

En 1922, dans le journal « Brokiga Blad », on agita la question des châtiments corporels, à cause d’un fait récent dont le scandale avant ému l’opinion publique.

Voici une lettre reçue par le journal :

« J’ai entendu des personnes expérimentées dire que la fessée est, dans certains cas, bonne, utile et efficace. J’ai même entendu une femme raconter qu’elle en avait reçu, étant adulte, et que cela avait été bon pour elle. »

La lettre était signée.

Quant à la fessée dans les écoles, je vous en ai parlé dans ma première lettre anglaise que vous avez si exactement traduite. Je me bornerai donc à affirmer que ce châtiment est permis par la loi dans les écoles populaires et dans beaucoup d’autres établissements d’instruction. Les professeurs et les instituteurs n’ont donc nullement besoin de l’autorisation des parents pour infliger des châtiments corporels à leurs élèves. Je vous en citerai donc un seul exemple, parce que celui-là est tout récent et je suis placé on ne peut mieux pour en garantir l’authenticité.

Vers la fin d’octobre dernier, le principal journal bolcheviste suédois « la Politique, journal du peuple (Folhet Dagblad Politiken) » ouvrit, avec l’appui de plusieurs parents, une campagne contre un instituteur de l’école populaire de Kungsholmen (un faubourg de Stockholm), nommé Bergmann, qui avait dirigé pendant l’été la colonie de vacances, de Myntarbyholm, près de Kapellshar, dans l’archipel, au nord-est de Stockholm.

Ce pédagogue avait employé des châtiments corporels, très souvent. La plupart des enfants avaient reçu des fessées. C’était tantôt avec le rotin, avec des verges ; ce l’était tantôt à nu, tantôt sur le pantalon. Les fillettes, elles privilégiées, l’étaient toujours avec la verge et après que leur pantalon fut abaissé. Le nombre de coups était, à la vérité des plus minimes et inférieur à vingt. Mais, une des fillettes, de onze ans, reçut une fessée tellement sévère que les marques en restaient visibles, trois semaines après.

Les articles étaient accompagnés de dessins. L’un de ces dessins que publiait « Politiken » représentait un instituteur à six bras, comme le Shivâ hindou, fustigeant un garçon, étendu à plat sur un banc. Un autre dessin mettait en scène un garçon et une fillette causant ensemble. Le garçon disait : « Moi, je suis revenu de l’île singulièrement hâlé partout. Les coups de soleil m’avaient rôti. Je ne pouvais rester couché. » La fillette répondait : « Ah ! moi, quand je revins de Mintarbyholm je n’étais pas hâlée partout. L’état de ma peau, en un seul endroit, n’empêche de m’asseoir. »

Presque tous les grands hommes prirent le parti de M. Bergmann et l’affaire en resta là ; les attaques contre lui n’aboutirent à rien.

Quant à la fessée passionnelle, je ne la crois pas très répandue en Suède. Certes, il est des hommes aimant à fouetter des femmes, et il en est d’autres qui aiment à être fouettées par elles. D’autres encore aiment les deux rôles, actif et passif. Mais, je ne crois très nombreuses aucune de ces trois classes.

Je ne connais, pour ma part, aucun exemple de cette passion entre hommes. Cela ne veut pas dire que la chose n’existe pas.

Il y a certainement des femmes aimant à fesser des adolescents ou des garçonnets. Je me souviens d’une dame d’environ vingt-cinq ans, qui me disait que rien ne lui était plus agréable que d’administrer, à l’occasion, une bonne fessée à un garçon récalcitrant. Surtout quand cette fessée elle l’infligeait avec une verge de bouleau dont elle le cinglait bien. À nu, bien entendu ; car elle goûtait puissamment la joie de le déculotter.

Mais, il en est aussi et surtout, je crois, parmi les femmes aimant fouetter, qui préfèrent fesser des fillettes et des jeunes filles. Je ne les crois pas quand même extrêmement nombreuses, de même que les femmes aimant à être fortement fessées.

Pour moi, le nombre considérable de femmes se soumettant à la fessée, que je qualifie de « bonne fessée » c’est à dire constituant une rude claquée, de la main de leurs maris ou de leurs amants, le font uniquement par amour de l’homme, plutôt que par amour de la fessée en elle-même.

Pourtant, j’ai entendu parler d’une jeune fille qui lorsque son père la fouettait trouvait les corrections trop courtes et qui était véritablement éprise de la flagellation.

On trouve des enfants aimant à fesser d’autres enfants. Je me souviens d’une fillette d’une douzaine d’années qui se plaisait aux fessées, en quelque sorte continuelles, qu’elle infligeait à son frère, de quatre ans plus jeune.

Quant à la fessée passionnelle entre femmes, je ne puis dire avec certitude si l’usage s’en développe.

Maintenant, d’une manière générale, la fessée est donnée fortement ici. Le nombre de coups est restreint, mais chaque coup est donné avec une force admirable. Telle est la règle ici ; quoique des exceptions soient à remarquer et je compte vous en parler.

Les pensionnats de jeunes filles sont assez rares chez nous. Dans toute la Suède, il n’en existe qu’une vingtaine. Dans les plus grands, pas de châtiments corporels. Dans les petits pensionnats, il est extrêmement difficile d’obtenir les renseignements. Il y a quelques années ; des lettres d’anciennes élèves de l’un de ces établissements furent publiées dans un journal suédois.

Voici un bref résumé du contenu de ces deux lettres :

La fessée administrée avec des verges de bouleau était la seule punition en usage dans cette pension que le journal appelait « école du moyen âge ». Toutes les élèves dont l’âge variait entre dix et dix-sept ans la reçurent au moins deux fois. Pendant l’hiver on plaçait les verges dans des pots d’eau, pour les tenir en bon état de souplesse. Les petites étaient fouettées par une sous-maîtresse ; mais les plus grandes jouissaient du privilège de l’être par la directrice et dans une chambre particulière. La jeune fille déboutonnait elle-même son pantalon, s’étendait sur un banc auquel la fixait une courroie à la taille et une autre aux jambes. Grâce à ces courroies, elle pouvait ainsi tordre légèrement la partie intéressée sur laquelle s’abattaient les cinglures.

Les deux dames qui avaient écrit ces lettres dépeignaient les fessées, comme très douloureuses ; mais elles étaient d’accord aussi pour en reconnaître l’effet moral nettement profitable et il ressortait de leur témoignage qu’elles la recommandaient plutôt qu’elles le condamnaient à l’égard des jeunes filles.

D’après le journal « Fâdernes ladet », du 26 juillet 1924, il semble que la fessée ne soit pas moins en usage dans un autre pensionnat qu’il cite. Je me bornerai à citer une tête de colonne de ce quotidien :

« Une surveillante qui fouette des jeunes filles de quinze et de dix-sept ans avec des verges et qui les embrasse sur la bouche ensuite. »

Il s’agit d’un établissement nommé : « Almska Stiftelsen », à Ulrikstad, près de Stockholm. Naturellement, je ne puis certifier la véracité du journal : tout ce que je sais, c’est que rien ne l’a démentie.

Les garçons sont-ils plus ou moins fouettés que les filles, ici ? Je suis convaincu que les petites garçons jusqu’à douze ou treize ans, sont fouettés plus souvent que leurs sœurs et cela, simplement, parce qu’ils sont plus turbulents et, aussi, plus méchants. Mais, au-dessus de treize ans, je crois qu’alors apparaît l’inverse. Je crois fermement qu’on fesse alors plus de grandes filles que de grands garçons.

Les raisons d’ordre esthétique contribuent sans doute à cela. Mais il y aussi d’autres causes. Une grande fillette ou une jeune fille n’opposerait guère une résistance sérieuse à sa mère si celle-ci lui ordonne de se préparer pour une fessée. Je pourrais vous citer plusieurs exemples de la docilité étonnante de jeunes demoiselles devant un tel ordre. Un garçon du même âge ne se soumettrait guère sans résistance et la mère se contentera souvent de quelques soufflets ou quelques coups de rotin se distribuant au hasard. Dans la classe ouvrière, la fille reste à la maison, pour aider sa mère et son frère travaille au-dehors : cela est aussi une raison pour que sa sœur plus que lui reste plus longtemps soumise à l’ordinaire punition enfantine.

La fessée est plus répandue, cela est certain, dans l’aristocratie, la grande bourgeoisie, le clergé et les classes rurales que dans la petite bourgeoisie et parmi les ouvriers urbains. Je vous citerai un exemple de la sévérité avec laquelle les filles de la noblesse sont parfois traitées. Je tiens le récit d’un témoin oculaire : vous devinerez aisément que ce témoin n’est autre que la gouvernante dont il s’agit dans l’historiette.

Dans la maison où elle était gouvernante, la fille des maîtres, (baron et baronne authentiques) lui manqua de respect. Elle en avertit la baronne. Celle-ci, indignée, résolut de punir sa fille sévèrement, et pour rendre le châtiment plus vexant et par cela même plus efficace, fit venir pour y assister les domestiques femmes.

La scène sa passa comme elle se passe d’ordinaire dans les milieux modestes. Assise sur une chaise, la mère étendit la grande jeune fille de quinze ans sur ses genoux, lui leva la robe et lui administra une fessée des plus claquantes, à nu, telle que l’aurait infligée à sa gamine une mégère appartenant à la classe ouvrière ou à la petite bourgeoisie.

Contrairement aux prédications luthériennes des États-Unis qui, pendant la guerre reprochaient aux mamans de la région lyonnaise de fouetter leurs enfants, ainsi que vous le rapportez dans votre aimable lettre, le clergé de la Suède, lui, n’a pas cette vaine pudibonderie hypocrite et il seconde hautement l’usage de l’antique fessée dont il continue à proclamer les mérites, prêchant même d’exemple. Car je connais un pasteur qui punissait très souvent un fils, de quatorze ans, de cette même manière.

Je puis même vous donner une preuve toute fraîche de la prédilection pour la verge chez notre clergé :

Le journal « Svenska Morgenbladet » du 21 février 1925 relatait que le pasteur Ernest A. à Gnarp, en Helsingland, une province au nord de Stockholm, avait donné la fessée avec une verge de bouleau aux vingt élèves, garçons et filles, de l’école de Masugn. Sur les fesses mises à nu, précisait le journal.

Pour prouver que les ministres de l’église Suédoise n’ont aucune aversion contre la fessée en public, je voudrais alléguer une histoire, datant d’une vingtaine d’années. Dans la province d’Elghult, en Smaland, un pasteur corrigea une fillette de douze ans, à la mairie du pays. Je décrirai la scène d’après un dessin publié dans un périodique. La fillette était couchée à plat sur une table, sur laquelle son torse reposait, tandis que ses jambes pouvaient se mouvoir dans le vide. C’est ce dont elles ne se privaient pas dans le dessin. Son pantalon défait avait été rabattu, sa chemise levée et l’on voyait à nu ses fesses s’offrant sans voiles à la verge que brandissait le pasteur.

À la campagne, des fessées de ce genre ne sont pas rares et les fillettes sont toujours complètement déculottées de pareille façon, quand le pasteur les corrige.

Dans la littérature suédoise contemporaine, on trouve souvent des allusions au fouet et même des descriptions plus ou moins réalistes sont données de fessées qui ne diffèrent pas de celles que vous connaissez dans d’autres pays.

La littérature spécialement consacrée à la Flagellation n’est pas très développée chez nous. Je me souviens de quelques courtes nouvelles imprimées dans la revue « Gazetten », en 1923. Mais il faut faire mention du livre excellent « Aga-Boken », (livre des Corrections corporelles), une collection de soixante-sept lettres en 1921, avec préface et notes de M. C. S. Dahlin, qui les avait au préalable, publiées dans le journal « Fadermeslandet » (La Patrie). Le livre contient un choix restreint de riches matériaux, car dans ma collection se trouvent quatre cents lettres sur cette question, découpées dans dix journaux de revues différentes.

La bonne foi et la sincérité des lettres publiées sont incontestables, en ce qui en concerne la majeure partie. On y trouve des lettres de pères, de mères, de tuteurs et curatrices, de patrons, de patronnes, de frères aînés, etc. Il y a aussi des lettres de jeunes femmes, témoignant de corrections subies par elles dans leur enfance ou leur adolescence. Des pédagogues érudits, des médecins traitent la question. Enfin, la question est présentée aussi sous une autre face et des protestations s’élèvent sous la plume de correspondants non moins convaincus, mais d’opinion contraire.

J’aurais voulu vous parler aussi des instruments de correction usités ici et qui diffèrent quelque peu de ceux que vous employez en France. J’aurais désiré également vous entretenir de la persistance de quelques pratiques bien curieuses se rapportant en Suède, à la fessée et probablement inconnues à l’étranger. Mais ma lettre est, déjà bien longue et je suis effrayé de l’étendue que je suis arrivé à lui donner.

Je le suis non moins à la pensée que je vais vous donner bien de la peine pour remettre en français véritable le mien qui doit laisser tant à désirer ! Je m’en excuse et vous remercie d’avance si vous jugez que quelques passages méritent d’être reproduits.

signé : Un Citoyen Suédois.
E. J. L.