Bourses de voyage (1904)/Première partie/Chapitre IV

Hetzel (Tome Ip. 67-85).

IV

la taverne du « blue-fox ».

Cork s’est d’abord appelé Coves, nom qui provient d’un terrain marécageux, — le Corroch en langue gaélique. Après avoir modestement débuté comme village, Cork est devenu bourgade, et, actuellement, capitale du Munster, cette cité tient le troisième rang en Irlande.

Ville industrielle d’une certaine importance, peut-être sa valeur maritime l’emporte-t-elle, grâce au port de Queenstown, — l’ancien Coves, — en aval de la rivière de Lee. Là sont établis les chantiers, les magasins, les usines. Un port de ravitaillement et de relâche reçoit les navires, principalement ces voiliers auxquels la Lee n’offre pas une profondeur suffisante.

En arrivant tard à Cork, le mentor et les boursiers n’auraient point le temps de le visiter, ni de parcourir cette charmante île qui communique par deux ponts avec les deux rives de la Lee, ni de se promener à travers les délicieux jardins des îles voisines, ni d’explorer ses annexes. Tout cet ensemble municipal ne comprend pas moins de quatre-vingt-neuf mille habitants, — soixante-dix-neuf mille pour Cork et dix mille pour Queenstown.

Mais, de ces excursions qui font passer agréablement quelques heures, ne se préoccupaient guère trois individus attablés, dans la soirée du 29 juin, au fond de l’une des salles de la taverne de Blue-Fox. À demi-perdus en ce coin sombre, ils s’entretenaient à voix basse devant des gobelets souvent remplis et vidés. Rien qu’à leur mine farouche, à leur attitude inquiète, un observateur eût reconnu des gens de la pire espèce, des coquins probablement traqués par la police. Aussi, que de regards défiants et soupçonneux ils jetaient sur quiconque entrait dans cette auberge louche, ce tap mal fréquenté de Blue-Fox !

Du reste, les tavernes ne manquent point en ce quartier maritime, et ces individus à la recherche d’un refuge n’auraient eu que l’embarras du choix.

Si Cork est une ville élégante, il n’en va pas ainsi de Queenstown, très fréquentée, et l’un des ports les plus importants de l’Irlande. Avec un mouvement maritime annuel de quatre mille cinq cents navires jaugeant douze cent mille tonnes, on imaginera sans peine quelle population flottante s’y déverse chaque jour. De là ces nombreuses auberges, où pullulent les habitués les moins exigeants au point de vue de la tranquillité, de la propreté, du confort. Les matelots étrangers y coudoient les indigènes. Et ce contact n’est pas sans amener de fréquentes et brutales rixes qui nécessitent l’intervention des policemen.

Si, ce jour-là, la police eût pénétré dans la salle basse de Blue-Fox, elle aurait pu s’emparer d’une certaine bande de malfaiteurs recherchés depuis quelques heures et qui s’étaient échappés de la prison de Queenstown.

Voici dans quelles circonstances :

Huit jours auparavant, un bâtiment de guerre de la marine britannique ramenait à Queenstown l’équipage du trois-mâts anglais Halifax, récemment poursuivi et capturé dans les mers du Pacifique. Durant six mois, ce navire avait écumé les parages de l’ouest entre les Salomon, les Nouvelles-Hébrides et les archipels de la Nouvelle-Bretagne. Cette capture allait mettre fin à une série de pirateries et de brigandages dont les nationaux anglais étaient particulièrement victimes.

À la suite des crimes que leur reprochait la justice, — crimes établis autant par les faits que par les témoignages, — un châtiment exemplaire serait prononcé contre eux. C’était la condamnation à mort, la potence, du moins pour les chefs les plus compromis, le capitaine et le maître d’équipage de l’Halifax.

Cette bande comprenait dix individus, pris à bord du navire. Les sept autres, complétant son personnel, après s’être sauvés dans une embarcation, s’étaient réfugiés en quelque île où il serait difficile de les atteindre. Mais enfin les plus redoutables se trouvaient entre les mains de la police anglaise à leur arrivée et, en attendant le jugement, on les avait enfermés dans la prison maritime de Queenstown.

Imaginer l’audace du capitaine Harry Markel, de son bras droit, le maître d’équipage John Carpenter, cela eût été impossible. Aussi, profitant de certaines circonstances, avaient-ils réussi à s’échapper la veille même du jour où ils s’étaient cachés dans cette taverne du Blue-Fox, l’une des plus mal famées du port. Immédiatement les escouades de policemen furent mises en campagne. Ces malfaiteurs, capables de tous les crimes, ne pouvaient avoir quitté Cork ou Queenstown, et des recherches furent opérées dans les divers quartiers de ces deux villes.

Cependant, par précaution, un certain nombre d’agents gardaient les environs du littoral sur plusieurs milles autour de la baie de Cork. En même temps, des perquisitions commençaient, qui devaient s’étendre à tous les « taps » du quartier maritime.

Ce sont là de vrais lieux de refuge où les bandits parviennent trop souvent à se soustraire aux poursuites. Pourvu qu’on leur montre quelque argent, les tenanciers reçoivent quiconque leur demande asile, sans s’inquiéter de ce que sont les gens ni d’où ils viennent.

D’ailleurs, il faut l’observer, ces matelots de l’Halifax étaient originaires des divers ports de l’Angleterre et de l’Écosse. Aucun d’eux n’avait habité l’Irlande. Personne ne les eût reconnus ni à Cork ni à Queenstown, — ce qui rendait leur capture improbable. Toutefois, comme la police possédait le signalement de chacun, ils se sentaient très menacés. Bien entendu, leur intention n’était pas de prolonger un séjour si périlleux dans la ville. Ils profiteraient de la première occasion qui s’offrirait de s’enfuir, soit en gagnant la campagne, soit en reprenant la mer.

Or, peut-être cette occasion allait-elle se présenter, et dans des conditions favorables. On en jugera par la conversation des trois attablés, qui occupaient le plus sombre coin de Blue-Fox, où ils pouvaient causer à l’abri de toute oreille indiscrète.

Harry Markel était bien le digne chef de cette bande, qui n’avait pas hésité à lui prêter son concours, lorsqu’il avait fait du trois-mâts Halifax, qu’il commandait pour le compte d’une maison de Liverpool, un bâtiment de pirates dans les extrêmes mers du Pacifique.

Âgé de quarante-cinq ans, taille moyenne, corps robuste, santé à toute épreuve, physionomie farouche, il ne reculait devant aucune cruauté. De beaucoup plus instruit que ses compagnons, bien que sorti du rang des matelots, il s’était graduellement élevé à la situation de capitaine de la marine marchande. Connaissant à fond son métier, il aurait pu se faire une carrière honorable, si des passions terribles, un féroce appétit de l’argent, la volonté d’être son seul maître ne l’eussent jeté dans la voie du crime. Du reste, habile à dissimuler ses vices sous la rudesse d’un homme de mer, et servi par une chance assez persistante, il n’avait jamais inspiré aucune défiance aux armateurs pour lesquels il commandait.

Le maître d’équipage, John Carpenter, quarante ans, plus petit de taille, d’une remarquable vigueur, contrastait avec Harry Markel par son apparence sournoise, ses manières hypocrites, son habitude de flatter les gens, une fourberie instinctive, une remarquable puissance de dissimulation, qui le rendait plus dangereux encore. À tout prendre, non moins cupide, non moins cruel que son chef, il exerçait sur lui une détestable influence, que Harry Markel subissait volontiers.

Quant au troisième individu assis à la même table, c’était le cuisinier de l’Halifax, Ranyah Cogh, d’origine indo-saxonne. Entièrement dévoué au capitaine, ainsi que tous ses compagnons d’ailleurs, il eût, comme eux, mérité cent fois la corde pour les crimes auxquels ils avaient pris part pendant les trois dernières années passées dans le Pacifique.

Ces trois hommes s’entretenaient à voix basse, tout en buvant, et voici ce que disait John Carpenter :

« Nous ne pouvons rester ici !… Il faut avoir quitté la taverne et la ville cette nuit même… La police est à nos trousses… et, au jour, nous serions repris ! »

Harry Markel ne répondait pas ; mais son opinion était bien que ses compagnons et lui devraient s’être enfuis de Queenstown avant le lever du soleil.

« Will Corty tarde bien !… fît observer Ranyah Cogh.

— Eh ! laisse-lui le temps d’arriver !… répondit le maître d’équipage. Il sait que nous l’attendons au Blue-Fox et il nous y trouvera…

— Si nous y sommes encore, répliqua le cuisinier, en jetant un regard inquiet vers la porte de la salle, et si les constables ne nous ont pas obligés à déguerpir !…

— N’importe, déclara Harry Markel, il est prudent de rester ici !… Si la police vient fouiller cette taverne comme toutes les autres du quartier, nous ne nous laisserons ni surprendre ni prendre. Il y a une issue par derrière, et nous décamperons à la moindre alerte ! »

Pendant quelques instants le capitaine et ses deux compagnons se contentèrent de vider leurs verres remplis de grog au wisky. Ils étaient à peu près invisibles en cette partie de la salle, éclairée seulement de trois becs de gaz. De toutes parts s’élevait un brouhaha de voix, un bruit de bancs remués, que dominait parfois quelque rude interpellation au tenancier et à son aide, qui s’empressaient pourtant de servir leur grossière clientèle. Puis, çà et là, éclataient des disputes violentes suivies d’un échange de coups. C’était ce que Harry Markel redoutait le plus. Ce tapage eût attiré les policemen de garde dans le quartier, et ces malfaiteurs auraient alors couru le sérieux risque d’être reconnus.

La conversation reprenant entre ces trois hommes, John Carpenter dit :

« Pourvu que Corty ait pu trouver un canot et s’en emparer !

— Ce doit être fait à cette heure, répondit le capitaine. Dans un port il y a toujours quelque embarcation qui traîne au bout de son amarre… Il n’est pas difficile de sauter dedans… et Corty doit l’avoir conduite en un endroit sûr…

— Les sept autres ?… demanda Ranyah Cogh, auront-ils pu le rejoindre !…

— Certainement, répliqua Harry Markel, puisque c’était convenu, et ils resteront à surveiller le canot jusqu’au moment de nous y embarquer…

— Ce qui m’inquiète, fit observer le cuisinier, c’est que nous sommes ici depuis une heure, et que Corty n’est pas encore là !… L’aurait-on arrêté ?…

— Et ce qui m’inquiète bien davantage, déclara John Carpenter, c’est de savoir si le navire est à son mouillage toujours…

— Il doit y être, répondit Harry Markel, prêt à lever l’ancre ! »

Nul doute que le projet du capitaine et de ses compagnons ne fût de quitter le Royaume-Uni, où ils couraient tant de dangers, et même l’Europe, pour chercher asile de l’autre côté de l’Océan. Mais dans quelles conditions espéraient-ils mettre ce projet à exécution et comment parviendraient-ils à s’introduire sur un bâtiment en partance ?… Il semblait bien, d’après ce que venait de dire Harry Markel, qu’ils comptaient rejoindre ce bâtiment avec l’embarcation préparée par leur camarade Corty. Avaient-ils donc l’intention de se cacher à bord ?…

C’était là une grosse difficulté. Ce qui est peut-être possible à un ou deux hommes ne l’est plus à dix. Se fussent-ils glissés dans la cale, en admettant qu’ils l’eussent fait sans être aperçus, on n’aurait pas tardé à les découvrir et leur présence serait immédiatement signalée à Queenstown.

Aussi Harry Markel devait-il avoir en vue une autre manière de procéder plus pratique et plus sûre. Laquelle ?… Avait-il pu s’assurer la complicité de quelques matelots de ce navire à la veille de prendre la mer ?… Ses compagnons et lui étaient-ils certains d’avance d’y trouver refuge ?

Du reste, dans la conversation qui se tenait entre ces trois hommes, pas un mot n’avait été prononcé qui eût permis de connaître leur projet.

Comme ils se taisaient dès qu’un des clients du Blue-Fox s’approchait de leur table, ils ne se fussent pas laissé surprendre.

Cependant, après avoir répondu ainsi qu’il a été dit au maître d’équipage, Harry Markel était redevenu taciturne. Il réfléchissait à leur situation si dangereuse, dont le dénouement approchait, quel qu’il fût. Sûr des renseignements qui lui étaient parvenus, il reprit :

« Non… le bâtiment ne peut pas être parti… Il ne doit appareiller que demain… En voilà la preuve… »

Harry Markel tira de sa poche un morceau de journal, et, à la rubrique des nouvelles maritimes, il lut ce qui suit :

« L’Alert est toujours à son mouillage de la baie de Cork, dans l’anse Farmar, prêt à appareiller. Le capitaine Paxton n’attend plus que l’arrivée de ses passagers pour les Antilles. Le voyage, d’ailleurs, ne subira aucun retard, puisque le départ n’aura pas lieu avant le 30 courant. Les lauréats d’Antilian School embarqueront à cette date et l’Alert mettra immédiatement à la voile, si le temps le permet. »

Ainsi donc c’était du navire frété par les soins et au compte de Mrs Kethlen Seymour qu’il s’agissait ! C’était à bord de l’Alert que Harry Markel et ses compagnons avaient résolu de s’enfuir ! C’était avec lui qu’ils comptaient prendre la mer, dès cette nuit, pour échapper aux recherches des constables !… Mais les circonstances se prêtaient-elles à l’exécution de leur projet ?… Des complices, ils ne pouvaient en compter parmi les hommes du capitaine Paxton !… Tenteraient-ils donc de s’emparer du navire par surprise, puis de se débarrasser de son équipage par force ?…

À coup sûr, on devait tout attendre de malfaiteurs si déterminés, et pour lesquels il y allait de la vie. Ils étaient dix, et l’Alert ne comptait sans doute pas un plus grand nombre de matelots. En ces conditions, l’avantage serait pour eux.

Après avoir achevé sa lecture, Harry Markel remit dans sa poche le fragment de ce journal, tombé entre ses mains à la prison de Queenstown, et il ajouta :

« Nous sommes aujourd’hui le 29… C’est demain seulement que l’Alert doit lever l’ancre, et, cette nuit, il sera encore à son mouillage de l’anse Farmar, même si les passagers sont déjà arrivés… ce qui n’est pas probable, et nous n’aurons affaire qu’à l’équipage. »

Il convient d’observer que, même en cas que les pensionnaires d’Antilian School fussent déjà à bord, ces bandits n’auraient pas renoncé à s’emparer du navire. Il y aurait plus de sang répandu, voilà tout, et ils n’en étaient pas à quelques gouttes près, au lendemain de leurs campagnes de pirates.

Le temps s’écoulait, et Corty, si impatiemment attendu, ne paraissait pas. En vain le trio dévisageait-il les gens devant lesquels s’ouvrait la porte de Blue-Fox.

« Pourvu qu’il ne soit pas tombé dans les mains des policemen !… dit Ranyah Cogh.

— S’il était arrêté, nous ne tarderions pas à l’être… répondit John Carpenter.

— Peut-être, déclara Harry Markel, non point pourtant parce que Corty nous aurait livrés !… La tête dans le nœud coulant, il ne nous trahirait pas…

— Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, répliqua John Carpenter. Mais il pourrait se faire qu’il eût été reconnu par les constables, et suivi lorsqu’il se dirigeait vers la taverne !… Dans ce cas, toutes les issues seraient gardées, et il deviendrait impossible de fuir ! »

Harry Markel ne répondit pas, et il se fit un silence de quelques minutes.

« Qu’un de nous aille à sa rencontre ?… dit le cuisinier.

— Je me risque, si l’on veut, proposa le maître d’équipage.



— Va, dit Harry Markel, et ne t’éloigne pas… Corty peut arriver d’un moment à l’autre… Si tu aperçois les policemen à temps, rentre aussitôt, et nous filerons par derrière, avant qu’ils n’aient pénétré dans la salle…

— Mais alors, fit observer Ranyah Cogh, Corty ne nous trouvera plus ici…

— Il n’y a pas autre chose à faire », déclara le capitaine.

La situation était des plus embarrassantes. Somme toute, l’important était de ne pas se laisser prendre. Si le coup de l’Alert venait à manquer, si Harry Markel, John Carpenter, Ranyah Cogh, ne parvenaient pas à rejoindre leurs camarades pendant la nuit, ils aviseraient. Peut-être une autre occasion se présenterait-elle ?… Au total, ils ne se croiraient en sûreté qu’après avoir quitté Queenstown.

Le maître d’équipage vida une dernière fois son verre, jeta un rapide regard à travers la salle, et, se faufilant entre les groupes, gagna la porte, qui se referma derrière lui.

À huit heures et demie, il ne faisait pas encore nuit. Le solstice approchait, et c’est à cette époque que s’écoulent les plus longs jours de l’année.

Cependant le ciel était assez couvert. De gros nuages lourds, presque immobiles, s’accumulaient à l’horizon, de ces nuages qui, par les fortes chaleurs, peuvent amener quelque violent orage. La nuit serait sombre, le croissant de la lune ayant déjà disparu vers l’ouest.

John Carpenter n’était pas parti depuis cinq minutes, que la porte de Blue-Fox se rouvrit, et il reparut.

Un homme l’accompagnait, celui qu’on attendait, un matelot de petite taille, vigoureux et trapu, son béret enfoncé presque sur les yeux. Le maître d’équipage l’avait rencontré à cinquante pas de là, comme il se dirigeait vers la taverne, et tous deux étaient immédiatement venus rejoindre Harry Markel.

Corty paraissait avoir fait une longue course à pas précipités. La sueur perlait sur ses joues. Avait-il donc été poursuivi par les agents, et était-il parvenu à les dépister ?

John Carpenter, d’un signe, lui indiqua le coin où se trouvaient Harry Markel et Ranyah Cogh. Il vint aussitôt s’asseoir à la table, et d’un trait avala un verre de wisky.

Évidemment, Corty aurait eu quelque peine à répondre aux questions du capitaine, et il fallait lui permettre de souffler. D’ailleurs, il ne semblait point rassuré, et ses regards ne quittaient pas la porte de la rue, comme s’il se fût attendu à voir paraître une escouade de policemen.

Enfin, lorsqu’il eut repris haleine, Harry Markel lui dit à voix basse :

« Est-ce que tu as été suivi ?…

— Je ne crois pas, répondit-il.

— Y a-t-il des constables dans la rue ?…

— Oui… une douzaine !… Ils fouillent les auberges et ne tarderont pas à visiter Blue-Fox

— En route », dit le cuisinier.

Harry Markel le força de se rasseoir et dit à Corty :

« Tout est prêt ?…

— Tout.

— Le navire est toujours au mouillage ?…

— Toujours, Harry ; et, en traversant le quai, j’ai entendu dire que les passagers de l’Alert étaient arrivés à Queenstown…

— Eh bien, répondit Harry Markel, il faut que nous soyons à bord avant eux…

— Comment ?… demanda Ranyah Cogh.

— Les autres et moi, répliqua Corty, nous avons pu nous emparer d’un canot…

— Où est-il ?… dit Harry Markel.

— À cinq cents pas de la taverne, le long du quai, au bas d’un appontement.

— Et nos compagnons ?…

— Ils nous attendent… Pas un instant à perdre.

— Partons », répondit Harry Markel.

La dépense étant réglée déjà, il n’y avait point à faire venir le patron de l’auberge. Les quatre malfaiteurs pourraient même quitter la salle sans être autrement remarqués, au milieu de l’infernal tumulte.

À ce moment, un grand bruit éclata au dehors, le bruit de gens qui crient et se bousculent.

En homme prudent, qui ne veut point exposer sa clientèle à de fâcheuses surprises, le tavernier entrouvrit la porte et dit :

« Gare… les constables ! »

Sans doute, plusieurs des habitués du Blue-Fox ne désiraient point se trouver en contact avec la police, car il se fit un violent remue-ménage. Trois ou quatre se dirigèrent vers l’issue de derrière.

Un instant après, une douzaine d’agents pénétraient dans la taverne et en refermaient la porte sur eux.

Quant à Harry Markel et à ses trois compagnons, avant d’avoir été aperçus, ils avaient pu quitter la salle.