Boileau - Œuvres poétiques/Chapelain décoiffé/La Métamorphose de la perruque de Chapelain en comète

Chapelain décoifféImprimerie généraleVolumes 1 et 2 (p. 477-478).

LA MÉTAMORPHOSE

DE LA PERRUQUE DE CHAPELAIN EN COMÈTE.




La plaisanterie que l’on va voir est une suite de la parodie précédente. Elle fut imaginée par les mêmes auteurs, à l’occasion de la comète qui parut à la fin de l’année 1664. Ils étoient à table chez M. Hessein, frère de l’illustre Mme de La Sablière.

On feignoit que Chapelain, ayant été décoiffé par La Serre, avoit laissé sa perruque à calotte dans le ruisseau, où La Serre l’avoit jetée.

Dans un ruisseau bourbeux la calotte enfoncée,
Parmi de vieux chiffons alloit être entassée,
Quand Phébus l’aperçut, et du plus haut des airs
Jetant sur les railleurs un regard de travers :
Quoi ! dit-il, je verrai cette antique calotte,
D’un sale chiffonnier remplir l’indigne hotte !

Ici devoit être la description de cette fameuse perruque :

Qui de tous ses travaux la compagne fidèle,
A vu naître Guzman et mourir la Pucelle ;
Et qui de front en front passant à ses neveux
Devoit avoir plus d’ans qu’elle n’eut de cheveux.

Enfin Apollon changeoit cette perruque en comète, Je veux, disoit ce dieu, que tous ceux qui naîtront sons ce nouvel astre, soient poètes,

Et qu’ils fassent des vers, même en dépit de moi.

Furetière, l’un des auteurs de la pièce, remarqua pourtant que cette métamorphose manquoit de justesse en un point : c’est, dit-il, que les comètes ont des cheveux ; et que la perruque de Chapelain est si usée qu’elle n’en a plus. Cette badinerie n’a jamais été achevée.

Chapelain souffrit, dit-on, avec beaucoup de patience les satires que l’on fit contre sa perruque On lui a attribué l’épigramme suivante, qui n’est pas de lui :

Railleurs, en vain vous m’insultez,
Et la pièce vous emportez ;
En vain vous découvrez ma nuque ;
J’aime mieux la condition
D’être défroqué de perruque,
Que défroqué de pension.