Bobards et fariboles
BOBARDS ET FARIBOLES
Hypocrisie de la chose imprimée, l’élan épique des journaleux, à distance, prend un ton farce, et, parce que le ridicule fait aisément figure d’inoffensif, les mêmes guignols de la presse permettent aux mêmes sanglants bonshommes politiques de sévir en 1930, comme en 1910. Vingt ans de foutus, mais pas pour tout le monde, puisque nous apprenons, de nos grands organes d’information, qu’un de ces curés-tueurs qui donnaient l’absolution à l’ennemi sous leurs ordres, assassiné, vient d’être promu officier de la Légion d’honneur. Et nos pisse-lignes de louer la charité chrétienne de ce monsieur (aujourd’hui évêque) si prompt à sauter de la mitrailleuse au goupillon.
Dommage que le Monseigneur n’aille pas à Deauville.
Avec sa robe à traîne, la mitre, la crosse et le revolver d’ordonnance, il n’aurait pas mal fait entre l’Agaga-Khan et le sempiternel Chiappe. Joli trio et symbolique de la soumission aux faits. À cette grasse trinité on opposerait le spectre solitaire, famélique de l’anarchie. On se réjouirait de voir le mot d’ordre enfin synonyme de police et, en conclusion, il serait affirmé que chacun doit accepter, sans regimber, sa place dans le grand bordel social, puisque la prose de notre petit père Poincaré (lui-même soumis à l’organisation pourvoyeuse de nos grandes jeunes sœurs latines et américaines) a suivi le chemin de Buenos-Aires.
Que de la bave de notre barbichu lesdites grandes jeunes sœurs américaines et latines se régalent, fassent leurs choux gras, la traite des blanches n’a pas encore épuisé notre réservoir national de putasseries, finasseries, andouillasseries. La création juridique des personnes n’est certes pas un mythe, et pour parer à la crise de la natalité, il y a naissance de jolies petites sœurs, les Entités chères au vaniteux Individualisme de ces temps.
Nous connaissions le visage de la France. Nous savions l’exacte couleur de ses cheveux, bien qu’ils fussent cachés sous le bonnet phrygien. Dame patrie était plus foncée que l’Allemagne (en dépit des brunes juives berlinoises), plus claire que l’Italie (malgré les blondes piémontaises et les rousses vénitiennes). Or, un peu de patience et bientôt l’on va nous dire si l’Europe est mâle ou femelle, albinos ou fauve, grâce à ce vent qui, de la Pologne au Cotentin, de la Finlande à Gibraltar assemble les traits d’un continent.
Pangermanisme, panslavisme ? De la vieillerie, de la gnognotte, depuis que nous avons Paneuropa, dont l’inventeur, le comte Khoudenov Kalergi (moitié Autrichien, moitié Japonais, philosophe paneuropéen de la plante des pieds à la racine des cheveux) dirige une revue paneuropéenne où j’ai eu, jadis, le plaisir de lire entre autres fariboles, une lettre de général français qui, d’avoir découvert, lors de l’occupation, que les Allemands n’étaient pas des bêtes sauvages, avait décidé une alliance avec l’ancien ennemi pour une belle petite guéguerre contre la Russie ou l’Amérique, au choix.
Et quelle jolie carte du monde nous allons avoir grâce à Paneuropa !
L’Europe sera rose et ce rose s’étendra aux meilleurs morceaux d’Asie, d’Afrique. Et si vous vous permettez de faire observer à un paneuropéen que l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et le Congo, c’est peut-être l’Afrique, il vous rira au nez, car si les races se distinguent les unes des autres, et les unes aux autres s’opposent,
Toute classification humaine, et celle surtout qui s’autorise du prisme des peaux, n’a jamais été, jusqu’à ce jour, que prétexte aux plus sinistres abus de confiance, et si le drapeau de la Révolution, déjà claque noir sur ciel exsangue, c’est que bientôt le nègre exaspéré par la loi du lynch et tant d’iniquités, entrera dans la mêlée, sans pitié pour la féodalité colonisatrice et missionnaire des visages pâles, cœurs pâles, et tous incolores qui n’ont quand même pas réussi à dépigmenter le coloré.