Déom Frères, éditeurs (p. 7-8).

DÉDICACE


À toi qui vins vers moi comme un printemps joyeux,
Pomponner de fleurs d’or mon âme blanche et nue,
Je t’offre cette gerbe en sa grâce ingénue,
Éclose de ma plume au soleil de tes yeux :
Hommage d’un cœur humble au souvenir d’hier,
Parfumant à jamais les feuillets de ma vie.
Lorsque sur notre azur la lumière pâlie
Des astres du passé descendra vers la mer,
L’on verra dans la nue un sillage lacté,
Une écharpe de gaze à demi-consumée.
Qu’agite dans l’espace une invisible almée,
Au-dessus d’une étoile, adorable beauté,
Voilant ses fins attraits du tissu transparent.
Plus léger qu’un parfum, plus merveilleux encore.
En sa fragilité que les fils de l’aurore.
L’étoile prisonnière errante au firmament,
Vers les beaux pays bleus dans un rapide essor,
Vole d’un monde à l’autre au-delà des mirages.
Et sans cesse attirée en de nouveaux rivages.
Pousse jusques au ciel un de ses rayons d’or.
Le nuage nacré comme un esquif ailé
Sur la vague des airs bercé la douce étoile ;
Un caressant zéphyr fait frissonner la voile :
C’est le retour heureux du rayon exilé !

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L’étoile prisonnière, ami cher, c’est ton âme ;
Le halo qui te suit, planant autour de toi,
C’est le souffle immortel de l’être qui fut moi,
Un reflet infini de la défunte flamme
Qui brillait en nos yeux aux soirs de nos bonheurs.
Quand nos cœurs las de battre, épuisés d’amertume,
Ainsi qu’une veilleuse où l’huile se consume,
Auront ici versé leurs dernières lueurs,
La mèche ardente encore ira s’alimenter
Aux foyers des soleils où naissent les planètes,
Les constellations, les bizarres comètes,
Que l’on voit, chaque soir, gentiment fleuretter,
Se lutiner dans l’ombre en un mutisme étrange,
Darder de longs regards sous leurs cils abaissés,
Frissonnantes d’extase aux fluidiques baisers
Qu’échangent les esprits délivrés de la fange ;
C’est un dogme sacré que l’amour infaillible
Promulgue ex-cathedra : « La vie est un éclair…
Elle luit un instant, pulvérise la chair.
Seul le trait qui jaillit au moment indicible
Où s’unissent deux cœurs, doit survivre au néant.
Aime, désire et souffre, arrache à la matière
Cette vibration, orgueil de la poussière.
Avant de retomber dans le fossé béant,
Fais flamboyer ton être, illumine la nuit…
Où tu dois remonter. Car les heures sont brèves…
L’hiver flétrit les fleurs aux pétales de rêves……
C’est un champ désolé qu’un cœur où rien ne vit. »

Colombine