Blason du Laid Tétin

Œuvres de Clément Marot
Texte établi par Charles d’Héricault,  (p. 273-274).


IV.

DU LAID TÉTIN.


Tétin qui n’as rien que la peau,
Tétin flac, tétin de drappeau,[1]
Grand tétine, longue tétasse,
Tétin, doy-je dire bézasse ?
Tétin au grand vilain bout noir
Comme celluy d’un entonnoir,
Tétin qui brinballe à tous coups
Sans estre esbranlé, ne secoux,
Bien se peult vanter qui te taste
D’avoir mis la main à la paste !
Tétin grillé,[2] tétin pendant,
Tétin flestry, tétin rendant
Villaine bourbe en lieu de laict.
Le diable te feit bien si laid ![3]
Tétin pour trippe réputé,
Tétin, ce cuidé-je,[4] emprunté,
Ou desrobé, en quelcque sorte,
De quelque vieille chèvre morte ;

Tétin propre pour en enfer
Nourrir l’enfant de Lucifer,
Tétin, boyau long d’une gaule,
Tétasse à jecter sur l’espaule,[5]
Quand on te voit, il vient à mainctz
Une envie dedans les mains
De te prendre avec les gans doubles
Pour en donner cinq ou six couples
De soufflez sur le nez de celle
Qui te cache soubz son esselle !
Va, grand vilain tétin puant,
Tu fournirois bien, en suant,
De civettes et de parfuns
Pour faire cent mille deffunctz !
Tétin de laydeur despiteuse,[6]
Tétin dont nature est honteuse,
Tétin des villains le plus brave,
Tétin dont le bout tousjours bave,
Tétin faict de poix et de glux !
Bren, ma plume, n’en parlez plus.
Laissez-le là, ventre sainct George,
Vous me fairiez rendre ma gorge.

  1. Guenilles.
  2. Raccorni, ratatiné. Grillé avoit parfois le sens de ridé.
  3. C’est le diable qui t’a fait.
  4. À ce que je pense.
  5. Dans quelques éditions postérieures, on trouve ici les deux vers suivants :
    Pour faire, tout bien compassé,
    Un chapperon du temps passé.
  6. Offensante.