Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/Le Renard et le Loup

I

le renard et le loup



Un jour, le Renard et le Loup voyageaient de compagnie. Sur leur chemin, ils trouvèrent un pot de miel.

— « Bonne affaire, Loup, dit le Renard. Si tu veux me croire, nous enterrerons ici ce pot de miel, et nous le partagerons en revenant.

— Renard, je le veux bien. »

Le Renard et le Loup enterrèrent donc le pot ce miel, et repartirent. Cinq cents pas plus loin, le Renard s’arrêta court.

— « Jésus, mon Dieu ! Oublieux que je suis ! Je ne songeais plus qu’on m’attend, pour un baptême. C’est pourtant moi qui suis parrain. Loup, marche devant. Je ne tarderai guère à te rejoindre. »

Tandis que le Loup marchait devant, le Renard courut entamer le pot de miel. Cinq minutes plus tard, il avait rejoint le Loup.

— « Renard, voilà un baptême bientôt fait.

— C’est vrai, Loup.

— Dis-moi, Renard, quel nom as-tu donné à ton filleul ?

— Loup, je lui ai donné
Le nom d’Entamé[1]. »

Cinq cents pas plus loin, le Renard s’arrêta court.

— « Jésus, mon Dieu ! Oublieux que je suis ! Je ne songeais plus qu’on m’attend, pour un autre baptême. C’est pourtant moi qui suis le parrain. Loup, marche devant. Je ne tarderai guère à te rejoindre. »

Tandis que le Loup marchait devant, le Renard courut manger à moitié le pot de miel. Cinq minutes plus tard, il avait rejoint le Loup.

— « Renard, voilà un autre baptême bientôt fait.

— C’est vrai, Loup.

— Dis-moi, Renard, quel nom as-tu donné à ton filleul.

— Loup, je lui ai donné
Le nom d’À-moitié[2]. »

Cinq cents pas plus loin, le Renard s’arrêta court.

— « Jésus, mon Dieu ! oublieux que je suis ! Je ne songeais plus qu’on m’attend encore, pour un autre baptême. C’est pourtant moi qui suis le parrain. Loup, marche devant. Je ne tarderai guère à te rejoindre. »

Tandis que le Loup marchait devant, le Renard courut achever le pot de miel. Cinq minutes plus tard, il avait rejoint le Loup.

— « Renard, voilà un autre baptême bientôt fait.

— C’est vrai, Loup.

— Dis-moi, Renard, quel nom as-tu donné à ton filleul ?

— Loup, je lui ai donné
Le nom d’Achevé[3]. »

Adieu, Loup. J’ai des affaires ailleurs. Quand tu t’en retourneras, ne manque pas au moins de déterrer le pot de miel, et de m’en garder ma part[4]. »

  1. En gascon :

    — « Loup, l’èi baillat
    Lou nom d’Entaumat. »

  2. En gascon :

    — « Loup, l’èi baillat
    Lou nom d’A-mitat. »

  3. En gascon :

    — « Loup, l’èi baillat
    Lou nom d’Acabat. »

  4. Dicté par Pauline Lacaze, de Panassac (Gers). M. Lacroix, receveur de l’enregistrement à Agen, a recueilli un conte identique pour le fond à Boé (Lot-et-Garonne).