Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/Le Loup, le Limaçon, et les Guêpes

III

le loup, le limaçon, et les guêpes



Un jour, le Loup marcha sur le Limaçon. En ce temps-là, les bêtes parlaient[1].

— « Tu es bien méchant, Loup, dit le Limaçon, de fouler ainsi aux pieds le pauvre monde. Si je voulais, je courrais plus que toi. Parions que je t’essouffle, toi et tes compagnons.

— Toi, pauvre Limaçon ?

— Moi, Loup. Sois ici, avec les tiens, demain, au lever du soleil, et nous verrons qui de nous arrivera le premier au bord de la Garonne.

— Nous y serons, pauvre Limaçon. »

Le Loup reprit son chemin. Vingt pas plus loin, il marcha sur un nid de guêpes.

— « Tu es bien méchant, Loup, de fouler ainsi aux pieds le pauvre monde. Nous sommes petites ; mais nous n’avons pas peur de toi. Parions que nous te ferons noyer, toi et tes compagnons.

— Vous, pauvres Guêpes ?

— Nous, Loup. Sois ici, avec les tiens, demain, au lever du soleil, et nous verrons si vous tarderez à être noyés dans la Garonne.

— Nous y serons, pauvres Guêpes. »

Le Loup repartit aussitôt, pour aller avertir son monde. Alors, le Limaçon dit aux Guêpes :

— « Mes amies, mandez tout votre monde. Le mien ne manquera pas à l’appel. Cachez-vous dans les saules, qui sont au bord de la Garonne. Moi et les miens, nous vous amènerons les Loups. Tombez sur eux au bon moment, et piquez-les jusqu’à ce qu’ils se jettent tous à l’eau.

— Limaçon, c’est une affaire convenue. »

Les Guêpes partirent donc, pour faire ce qui leur était commandé. De son côté, le Limaçon espaça les siens de cinq en cinq pas, jusqu’à la Garonne.

Le lendemain, au lever du soleil, les Loups et le Limaçon étaient à l’endroit marqué pour le départ.

— « Y es-tu, Limaçon ?

— J’y suis, Loups. Partons. »

Les Loups partirent au grand galop. Tout en courant, ils criaient :

— « Où es-tu, Limaçon ?

— Je suis ici, Loups, » criaient les Limaçons, espacés de cinq en cinq pas.

Quand ils furent au bord de la Garonne, les Guêpes sortirent des saules comme un nuage, et tombèrent sur les Loups à grands coups d’aiguillon, en criant :

— « Au poil ! Au poil ! »

Les pauvres Loups plongèrent dans l’eau, d’où ils n’osaient sortir que le bout du museau.

— « Au nez ! Au nez ! crièrent les Guêpes, » en tombant sur le nez des Loups à grands coups d’aiguillon.

Tous les Loups furent noyés, et les Limaçons et les Guêpes revinrent chez eux bien contents[2].

  1. Cette formulette revient parfois, dans les contes populaires de la Gascogne.
  2. Dicté par Marie Dupin, veuve Lagarde, femme illettrée, native de Gimbrède, canton de Miradoux (Gers).