Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/Le Curé et les Paroissiens
IV
le curé et les paroissiens
l y avait, une fois, une petite paroisse, où le peuple faisait la guerre à son curé.
Mais le brave homme n’était pas plus
bête qu’un autre ; et il s’était arrangé de façon
à se garer contre les dénonciations à l’archevêque d’Auch.
Chaque dimanche matin, ce curé, montait en chaire, et disait :
— « Messe, vêpres, et catéchisme quelquefois. »
Cela dit, il finissait sa messe, quittait l’église, et passait le reste de la semaine à se divertir.
À la fin, les paroissiens perdirent patience.
— « Ceci ne peut plus durer. Allons nous plaindre à l’archevêque d’Auch. Aussi sûr qu’il y a un Dieu, il nous changera de curé. »
Le lendemain, le maire, l’adjoint, le régent, et les marguilliers, partaient donc pour la ville d’Auch, montés sur tous les chevaux et juments poulinières de la commune.
— « Bonjour, Monseigneur. Nous avons un triste curé. Quand il a dit : « Messe, vêpres, et catéchisme quelquefois, » il passe le reste de la semaine à se divertir.
— Mes amis, votre dire vous condamne. « Messe, vêpres, catéchisme quelquefois, » c’est bien assez, pour une petite paroisse comme la vôtre. »
Le maire, l’adjoint, le régent, et les marguilliers, s’en retournèrent tout confus. Chemin faisant, ils se disaient :
— « Ah ! l’archevêque d’Auch nous a donné tort. Patience ! Nous nous vengerons de lui. »
Quelques mois après, l’archevêque d’Auch faisait la tournée de confirmation dans son diocèse. Quand il arriva dans la petite paroisse, les maisons étaient enguirlandées ; le peuple attendait à la porte du village, en habits de fêtes. Mais le maire, l’adjoint, le régent, et les marguilliers, avaient mis à sec le bénitier, et s’étaient arrangés de façon à y verser, au bon moment, un grand chaudron d’eau bouillante, pour échauder la main de l’archevêque d’Auch, quand il voudrait prendre de l’eau bénite.
Mitre en tête, et crosse en main, l’archevêque d’Auch entra dans l’église. Sans se méfier de rien, il approcha sa main du bénitier. Alors, un marguillier le poussa, comme par hasard, et lui enfonça le bras jusqu’au coude dans l’eau bouillante.
— « Aie ! aie ! »
Le curé ne perdit pas cette bonne occasion.
— « Vous le voyez, Monseigneur, voici les gens avec qui je dois vivre, pour vous obéir.
— Mon ami, ton martyre va finir. Je te fais curé de l’Isle-Jourdain[1]. Et vous, méchants paroissiens, vous n’aurez pas de si tôt un autre curé[2]. »