Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 2, 1886.djvu/Le Lion et Notre-Seigneur

VI

le lion et notre-seigneur



Un jour, le Lion s’en alla trouver Notre-Seigneur.

— « Bonjour, Notre-Seigneur.

— Bonjour, Lion. Qu’y a-t-il pour ton service ?

— Notre-Seigneur, je voudrais bien me battre. Mais je ne trouve plus ni une bête ni un homme capables de me tenir tête.

— Lion, va-t-en voyager un peu du côté du nord. Là tu trouveras ton maître. »

Le Lion salua Notre-Seigneur, partit du côté du nord, et rencontra un pauvre qui s’en allait à l’aumône, une besace sur le dos.

— « Bonjour, pauvre.

— Bonjour, Lion.

— Pauvre, es-tu un homme ?

— Lion, je le crois.

— Eh bien, pauvre, il faut nous battre.

— Lion, je suis trop vieux. Je ne suis plus que la moitié d’un homme. Non, je ne veux pas me battre.

— Eh bien, pauvre, je te laisse. »

Le Lion se remit en route. Un peu plus loin, il trouva un charbonnier qui fendait des bûches.

— « Bonjour, charbonnier.

— Bonjour, Lion.

— Charbonnier, es-tu un homme ?

— Lion, je le crois.

— Eh bien, charbonnier, il faut nous battre.

— Tout-à-l’heure, Lion. Viens d’abord m’aider à fendre ce gros tronc de chêne. Nous nous battrons après.

— Oui, charbonnier. »

Le charbonnier enfonça un coin dans le gros tronc de chêne, et il montra la fente au Lion.

— « Lion, mets ta patte là. »

Le Lion obéit. Alors, le charbonnier retira le coin, et le Lion se trouva pris par la patte. Que fit alors le charbonnier ? Il empoigna une barre, et rossa le Lion jusqu’à ce qu’il lui demandât pardon.

Le Lion se remit en route. Un peu plus loin, il trouva un chasseur.

« Bonjour, chasseur.

— Bonjour, Lion.

— Chasseur, es-tu un homme ?

— Lion, je le crois.

— Eh bien, chasseur, il faut nous battre.

— Lion, pour nous battre, il faut une raison. Va-t-en un peu plus loin. Tu viendras vers moi, tu me chercheras dispute, et alors nous nous battrons.

— Chasseur, tu as raison. »

Le Lion s’en alla un peu plus loin, et le chasseur lui campa un coup de fusil.

— « Chasseur, tes raisons ne sont pas aimables. »

Le Lion s’en revint trouver Notre-Seigneur.

— « Eh bien. Lion, as-tu trouvé ton maître ?

— Oui, Notre-Seigneur, je l’ai trouvé deux fois, sans aller bien loin.

— Lion, que ceci te serve de leçon. Sois plus sage à l’avenir[1]. »

  1. Dicté par Marie Dupin, veuve Lagarde, de Gimbrède, canton de Miradoux (Gers), âgée d’environ soixante ans.