Bisson (O. C. Élisa Mercœur)

Œuvres complètes d’Élisa Mercœur, Texte établi par Adélaïde AumandMadame Veuve Mercœur (p. 243-245).


BISSON.

 

La palme de martyr qu’emporte l’héroïsme
          Est un diadème immortel.

Élisa Mercœur.
 

Salut, enfant des mers, qui d’un parfum de gloire
Embaumes l’air natal et ton vaste cercueil,
L’orgueilleuse patrie, en revêtant son deuil,
Revendique sa part dans ta noble mémoire.

          Tu l’avais juré ! libre ou mort.
Les fers sont là… leur poids étouffe l’espérance.
Il s’ouvre l’océan ! son abîme est le port…
Un sublime naufrage est ta seule vengeance
          De l’infidélité du sort.


          Si la gloire a son fanatisme,
La victime est un Dieu lorsqu’elle est sur l’autel :
La palme de martyr qu’emporte l’héroïsme
          Est un diadème immortel.

Fils du ciel, un seul jour adopté par la terre,
Laisse-la te blâmer cette raison vulgaire
Dont le regard craindrait de voir plus haut que soi.
L’oubli, ce fils du temps qui dévore son père,
En impuissant rival lutte en vain contre toi.

Qu’il lutte ! il cédera, quand vingt siècles de gloire
Auront, sans la vieillir, consacrant ta mémoire,
Fait un brillant passé de ce long avenir :
Au cœur de la patrie où vivra ton image,
      Toujours jeune, alors d’âge en âge
      Aura grandi ton souvenir.

Le marbre ne tient pas ton ombre prisonnière ;
Qu’importe ! avais-tu donc besoin que ta poussière
Portât d’un monument l’inutile fardeau ?
Ici, ton chant de mort ne s’est pas fait entendre :
Fières de toi, les mers avaient droit à ta cendre,
Et dans leurs flots jaloux te gardaient un tombeau.

Ah ! que ses flots sacrés te portent au rivage
Où régna la puissance, où gémit l’esclavage,

Où l’on appelle en vain la liberté qui dort.
Liberté ! pour son nom point d’écho sur ce bord.
Veuve de son pouvoir, reine découronnée,
L’Hellénie offre au joug une tête inclinée :
Qu’elle ose ! qu’elle tente un immortel effort,
          Que son noble front se soulève !

Pour trône, fallût-il une tombe au vainqueur ;
Fallût-il tout son sang pour dérouiller son glaive ;
Qu’il coule ! qu’il se mêle au sang de l’oppresseur.
Que son laurier flétri reverdisse et s’élève
          Sur l’antique sol de l’honneur.

Et pour toi !… point de vœux !… ton nom comme héritage
Est légué, par la gloire, à la postérité.
Point de vœux !… à l’appel de ton mâle courage
Ont répondu l’honneur et l’immortalité.


(Septembre 1828.)