Biographies de l’honorable Barthélemi Joliette et de M le Grand vicaire A Manseau/Chapitre XXXI


XXXI.

Don de trois cloches à l’Église, par la famille de Lanaudière.


Cérémonie de la bénédiction, le 6 Sept. 1843.


Quelque chose manquait encore au temple splendide, — témoin vivant de la foi de son fondateur. Ce brillant et gracieux clocher, qui dominait majestueusement les habitations du village, ne disait pas au cœur ce qu’on pouvait en espérer ; il était resté sans voix. Cette voix, dont les accents mystérieux se mêleront bientôt à ceux de la cité et de la famille, « pour en consacrer les joies, en pleurer les douleurs, en rappeler les devoirs, » ce sera celle de la cloche catholique, objet d’amour et d’espérance pour toutes les âmes chrétiennes.

Quel langage, en effet, plus éloquent et plus doux, plus fort et plus tendre, plus mélancolique et plus suave que celui des cloches de nos Églises. « On dirait la voix de l’ange tutélaire que la foi nous montre à côté de chaque homme, guidant ses pas, inspirant son cœur, souriant à ses innocents plaisirs, sympathisant avec ses souffrances, gémissant sur ses erreurs.

« C’est elle, qui à notre entrée dans la vie, nous salue d’une voix maternelle, et annonce par ses joyeux carillons, un nouveau-né à la famille, un citoyen à la patrie, un élu pour le ciel. Du haut de sa flèche aérienne, elle est comme une sentinelle dont le regard protège les champs et les cités. Si les orages et les tempêtes dévastent les campagnes, si des toits de nos maisons jaillit la flamme de l’incendie, c’est elle qui réunira la population et sauvera les vies et les propriétés en péril.

« C’est par la cloche que la terre chrétienne fait monter vers le ciel, ou ses gémissements ou sa reconnaissance.

« Ainsi, elle symbolisera la communauté de biens spirituels ; sa voix imposante proclamera dans les airs, la majestueuse union de foi, d’espérance et de charité que l’Église seule a reçu mission de réaliser parmi les hommes. »

Le bienfaiteur de l’Église de St. Charles avait deux raisons de soupirer ardemment après le beau jour où le temple qu’il venait d’élever à Dieu, chanterait à sa manière, la gloire de l’Éternel, transportant jusqu’au ciel, sur les notes de l’airain sonore, l’hymne pieux de sa foi et de sa reconnaissance.

Voix imposantes et harmonieuses des cloches, lorsque vous éclaterez pour la première fois, vous redirez encore d’autres louanges ; car vous publierez en même temps, et la gloire du fondateur de l’Industrie, et la générosité de la famille qui vous aura installées dans votre demeure aérienne !…

C’était la noble famille de Lanaudière qui s’était réservé l’honneur de fournir au prix de six mille-cinq-cents francs, le joyeux carillon, qui fut importé d’Angleterre. Ajoutons que ce ne fut pas le seul sacrifice qu’elle s’imposa pour seconder la bienfaisance de l’Honorable Joliette et de sa dame.

Combien l’âme de ces personnes généreuses dût tressaillir de bonheur en la fête joyeuse de la bénédiction de ces trois belles cloches auxquelles la reconnaissance donna le nom de leurs donateurs et donatrices !

Chaque vibration de l’airain consacré, retentissant sous les voûtes pavoisées du temple, devait faire palpiter leur cœur sous l’effet de mille souvenirs attendrissants.

Aussi, le Père Boué, prédicateur de la circonstance, ne manqua pas de faire là-dessus de touchantes et spirituelles allusions auxquelles tout l’auditoire, plein d’émotion, applaudissait de cœur, d’âme et de regard.