Biographies de l’honorable Barthélemi Joliette et de M le Grand vicaire A Manseau/Chapitre XXV

XXV.

Perte de vingt mille billots.


Ce ne fut pas le seul échec qu’éprouvèrent les affaires de M. Joliette, en cette année de 1837.

Au moment où tous les billots de ses chantiers d’hiver couvraient la rivière, aux alentours des moulins, une crue extraordinaire des eaux, refoulée par un vent violent, rompit les chaînes qui retenaient les booms. Alors une débâcle effroyable eut lieu. Vingt mille billots s’ébranlèrent, et se précipitant les uns sur les autres, culbutèrent de la chaussée dans les rapides.

Une digue s’était formée au pont des dalles ; un instant, on avait conservé l’espoir de voir s’arrêter ce torrent débordé. Mais à peine un quart d’heure s’était-il écoulé, que le pont, cédant à l’énorme pression des eaux envahissantes, se disloqua avec un craquement épouvantable, laissant un libre passage aux billots qui, bondissant sur les rochers, reprirent leur course effrénée.

Dès lors, tout fut perdu, et, de cette immense quantité de bois, une partie s’égara sur les rives de l’Assomption, tandis que l’autre, suivant le cours des flots, fut entraîné dans le fleuve St. Laurent.

Un si grand malheur n’altéra en rien la sérénité d’âme de M. Joliette. Lorsqu’on vint lui annoncer cette triste nouvelle, il répondit au messager : Eh bien ! c’est le bon Dieu qui l’a voulu ! tâchons de nous résigner à sa volonté !