Biographies de l’honorable Barthélemi Joliette et de M le Grand vicaire A Manseau/Chapitre II

II.

Ancêtres de B. Joliette.


La famille Joliette est originaire de l’ancienne province de Brie, dans cette partie du département de la Seine, connue aujourd’hui sous le nom d’arrondissement d’Épernay.

Ce fut sous le gouvernement de M. de Montmagny, qu’au nombre de ces émigrants que la mère-patrie versait chaque année, d’une main avare, sur les rives lointaines du Canada, arrivait au pays, Jean Jolliet, qui, le neuf Octobre seize-cent-trente-neuf, épousait à Québec, Marie d’Abrancourt, de St. Varx, près de Soissons.

Le nouveau colon n’était ni de noble extraction, ni favorisé des biens de la fortune ; il était tout simplement le charron de la Compagnie des Cent Associés ; mais, comme tous nos pères, les anciens canadiens, il avait de la foi, de l’intelligence et du cœur.

Dans ces temps de luttes continuelles, où, disséminés de Montréal à Tadoussac, deux cents européens devaient défendre le pays contre des tribus sauvages qui, par milliers, semblaient sortir de terre pour ravager les propriétés et massacrer les habitants de la colonie ; à cette époque de glorieuse mémoire, où, bien des fois, le colon dut arroser du sang de l’ennemi le sillon qu’il traçait, c’était là, les plus beaux titres de noblesse et le plus précieux apanage qu’on pût posséder.

Le 23 Avril 1651, Jean Jolliet mourait à Québec, âgé de 55 ans, laissant aux soins de sa femme, quatre enfants : trois garçons et une fille. Voici leurs noms : Adrien, Louis, Zacharie, Marie.

Ce fut l’un de ces enfants, le jeune Louis, dont les RR. PP. Jésuites découvrirent la haute intelligence, qui fut instruit par leur zèle et leur sollicitude, et que nous retrouvons plus tard, avec la soutane et le titre de clerc minoré, au collège de Québec.

Cependant, cette vie toute spirituelle n’allant pas à son caractère et à l’activité dévorante de son esprit, il se tourna vers un autre avenir, et, laissant là l’étude de la théologie, on le vit faire ses adieux au pays, pour s’en aller à travers les immenses solitudes, faire la traite des pelleteries au sein des tribus indiennes.

Dans cette vie de courses et d’aventures, il se rendit familiers les idiomes des nombreuses tribus nomades qu’il visita. C’est ainsi que, sans s’en douter, il se préparait à l’avance, les ressources nécessaires pour la grande entreprise qui couronna son existence, en attachant à son nom un impérissable souvenir.

L’histoire nous a dit comment, en compagnie du père Marquette, et au prix de quels dangers, Jolliet, après une excursion de deux mois dans les pays de l’Ouest, découvrit le fleuve Mississipi.

Ce fut en récompense de sa découverte et en considération de ses connaissances géographiques, qu’il fut nommé hydrographe du roi et qu’il reçut, à titre de fief, avec pouvoir de haute, basse et moyenne justice, la seigneurie de l’île d’Anticosti.

Plus tard, en l’année 1697, le roi joignit à ses domaines, la seigneurie de Joliette possédée aujourd’hui par quelques-uns de ses descendants.

Voici les détails que nous fournissent à ce sujet, les notes précieuses du savant abbé Ferland : « Québec a le droit de revendiquer Louis Jolliet comme un de ses enfants. Après avoir fini son cours d’études chez les Jésuites, il embrassa l’état ecclésiastique. Le 16 Août 1662, n’ayant pas encore 17 ans accomplis, il reçut la tonsure et les ordres mineurs dans la chapelle de la Congrégation, au Collège des Jésuites. Son père, Jean Jolliet, était mort en 1650 : et en 1651, sa mère avait épousé en seconde noce, Geoffroid Guillot de Beauport. Il avait reçu les ordres mineurs depuis plusieurs années, lorsqu’il termina sa philosophie en 1666.

« Joliet avait encore l’habit ecclésiastique en 1667 et demeurait au Séminaire de Québec. Ayant tourné ses vues d’un autre côté, il fut en 1673 chargé par le comte de Frontenac, d’aller à la découverte de la grande rivière que l’on prétendait se décharger dans le Golfe de Californie, et le père Marquette fut invité à accompagner le jeune explorateur. Ce sont les expressions du Révérend Père qui continue à parler dans les termes suivants de son compagnon de voyage.

« Ils ne se trompèrent pas dans le choix qu’ils firent du sieur Jolliet, car c’était un jeune homme natif de ce pays, qui a pour un tel dessein tous les avantages qu’on peut souhaiter ; il a l’expérience, la connaissance des langues du pays des Outaouacs, où il a passé plusieurs années ; il a la conduite et la sagesse, qui sont les principales parties pour faire réussir un voyage également dangereux et difficile.

« Enfin, il a le courage pour ne rien appréhender, où tout est à craindre. Aussi, a-t-il rempli l’attente qu’on avait de lui, et si, après avoir passé mille dangers, il ne fût venu malheureusement faire naufrage au port, son canot ayant tourné au-dessous du Sault-St-Louis, proche de Montréal, où il a perdu et ses hommes et ses papiers, et d’où il n’a échappé que par une espèce de miracle, il ne laissait rien à désirer au succès de son voyage. »

L’on voit par là que Jolliet avait déjà fait de longs voyages ; il s’était occupé de la traite des pelleteries, mais en tout temps, il avait conservé l’amitié de ses anciens maîtres d’études.

Deux ans après la découverte du Mississipi le 7 Octobre 1675, Louis Jolliet épousa Claire Françoise Bissot, née à Québec et fille de François Bissot, Seigneur de Vincennes, de Normandie, et de Marie Couillard, de Québec.

En 1680, il reçut en récompense de ses services, la seigneurie de l’île d’Anticosti qui était une des plus considérables du pays à cause de la traite des pelleteries qui s’y faisait sur une grande échelle, et à cause de sa position avantageuse à l’entrée du fleuve.

Louis Jolliet commença alors à signer : « Louis Jolliet d’Anticosti. » Il fut aussi nommé hydrographe du roi, et en 1697, il obtint la seigneurie de Jolliet.

Le recensement de 1681 donne les détails suivants sur sa famille demeurant à l’île d’Anticosti. « Louis Jolliet, 42 ans, Claire Bissot, sa femme, 23 ans. Leurs enfants : Louis, âgé de cinq ans ; Jean, 3 ans ; Anne, 2 ans ; Claire, un an ; six serviteurs ; 6 fusils ; deux bêtes à cornes, 2 arpents de défriché.

Nous ne connaissons pas la date précise de la mort de Louis Jolliet qui est arrivée entre Mai et Octobre de l’année 1700.

Louis Jolliet laissa plusieurs enfants dont les descendants sont nombreux dans le district de Québec et dans celui des Trois-Rivières. Les fils de Louis Jolliet paraissent avoir été engagés dans la traite des pelleteries et avoir principalement résidé soit dans l’île d’Anticosti, soit sur la côte voisine, au Nord.

L’un d’eux, Jean Jolliet, prit le surnom de Mingan ; il maria sa fille Anne Jolliet de Mingan en 1742 au sieur Jean Taché de Ganganville, diocèse de Montauban, fils d’Étienne Taché, commissaire des vivres à St. Malo. La famille Taché, à laquelle appartiennent Sa Grâce Monseigneur l’archevêque de St. Boniface, l’honorable receveur-général et le représentant du comté de Rimouski, est descendue de ce mariage.

Claire, fille de Louis Jolliet, épousa le 11 Mai 1702, Joseph Fleury Deschambeault ; de deux filles nées de ce mariage, l’une Marie-Claire, épousa Thomas Jacques Taschereau, trésorier de la marine en ce pays, natif de Tours et tige de la nombreuse et respectable famille de ce nom (qui a aujourd’hui l’insigne honneur de compter dans son sein le pieux et savant Archevêque de Québec.)

L’autre, Louise, se maria avec Pierre François Rigaud de Vaudreuil, né à Québec et fils de Philippe Rigaud de Vaudreuil et de Louise Elizabeth Joybert de Soulanges.

Après la prise de Montréal, Pierre Vaudreuil passa en France avec sa femme et ses enfants.

Alliée à plusieurs de nos nobles familles canadiennes, celle de Jolliet n’a terni l’illustration d’aucune d’elles. Ce nom de Jolliet s’unit à celui des Taché, des Taschereau, des Fleury Deschambault, des Pierre de Vaudreuil dont le père gouverna longtemps ce pays, et dont le fils eut l’honneur d’être nommé gouverneur à l’époque de la lutte suprême de nos pères, en dix-sept-cent cinquante-cinq.

En descendant l’arbre généalogique de la famille de Louis Jolliet, découvreur du Mississipi, l’on trouve à la cinquième génération, Barthélemi, fondateur de la riante petite ville dont la reconnaissance des habitants a changé le nom primitif d’Industrie en celui de Joliette.

Antoine Jolliet, père de Barthélemi, exerçait la profession de notaire. Nous voyons, par les régistres ecclésiastiques, qu’il s’était marié à Berthier, en 1785, à Demoiselle Catherine Faribeault, dont le père devint plus tard membre de notre conseil législatif. Antoine Jolliet était allé se fixer à St. Thomas de Montmagny où il mourut en 1789. (*)

Orphelin dès sa naissance, Barthélemi fut élevé en compagnie d’Antoine, son frère ainé, sous les soins affectueux de sa mère, femme d’un mérite supérieur, dont la piété égalait l’intelligence et la persévérante énergie.

À l’instar de la plupart des anciennes femmes canadiennes, elle était douée d’une robuste constitution ; sans cesse sur pied, on la voyait travailler le jour et une partie des nuits, faire elle-même sans le secours d’autrui, le service de sa maison toute reluisante de propreté.

Elle décéda à l’Industrie, aujourd’hui Joliette, en 1854, à l’âge avancé de 92 ans.

Jusqu’au dernier moment, elle conserva cette lucidité d’esprit, cette heureuse mémoire, cette foi et cette aimable piété qui la distinguèrent toute sa vie.