Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/VERBIEST (Le P. Ferdinand)

Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 43 page 134

VERBIEST (Le P. Ferdinand)


VERBIEST (Le P. Ferdinand), célèbre missionnaire et astronome, était ne vers 1630, à Bruges, suivant Lalande (Bibliog. astronom., p. 318), ou, selon d’autres auteurs, près de Courtray. Ayant embrassé la règle de St-Ignace, il fut destiné par ses supérieurs aux missions de la Chine, où il se rendit en 1659, avec le P. Couplet (voy. ce nom). Il s’y consacra d’abord à la prédication de l’Évangile dans la province de Chen-si ; mais le P. Adam Schall, instruit de ses talents, le fit venir à Péking, et ne tarda pas à l’associer à ses travaux astronomiques. Pendant la minorité de l’empereur Khang-hi, une violente persécution s’étant élevée contre les chrétiens, le P. Verbiest partagea le sort de ses confrères et fut jeté dans une obscure prison. Le P. Schall, président du tribunal des mathématiques, fut remplacé par un mandarin dont le seul titre à cette marque de confiance était sa haine contre les jésuites. Le calendrier impérial se trouva bientôt dans un tel désordre que Khang hi enjoignit à ses ministres de consulter les missionnaires sur le moyen d’en corriger les erreurs. Le P. Verbiest, amené devant ce prince. n’eut pas de peine à montrer que l’astronome chinois n’était qu’un ignorant ; et l’empereur l’établit dans la place dont le P. Schall avait été si injustement dépouillé. Les missionnaires se sont étendus avec complaisance sur le récit des épreuves qu’avait subies le P. Verbiest, parce que la manière dont il s’en était tiré avait eu momentanément pour eux les plus heureuses conséquences. Toutefois ces épreuves, qui consistaient à annoncer la longueur de l’ombre d’un gnomon, ou le lieu précis du soleil pour un jour et aux heures données, ne supposaient rien de plus qu’une connaissance assez exacte des premiers éléments de l’astronomie. Dès qu’il fut installé dans son nouvel office, le P. Verbiest s’occupa de fournir l’observatoire de nouveaux instruments astronomiques, qui furent exécutés sous sa direction ; mais ayant quitté l’Europe avant l’époque où les Cassini, les Halley, les Picard firent faire tant de progrès à la science, il ne put pas leur donner toute la perfection désirable[1]. L’empereur voulut recevoir du P. Verbiest des leçons de mathématiques ; et ce prince, charmé de plus en plus des talents du missionnaire, lui fit apprendre la langue tartare, afin de pouvoir l’entretenir plus facilement et sans le secours d’un interprète. Le jésuite se rendit bientôt fort habile dans cette langue ; et si l’on en croit le P. Duhalde, il en composa même une grammaire[2]. En 1681, il fut chargé par l’empereur de diriger la fabrication de canons de fonte, pour remplacer les anciennes pièces qui se trouvaient hors de service. l’opération réussit, malgré le défaut d’intelligence ou la mauvaise volonté des ouvriers qui travaillaient sous ses ordres, et il eut le bonheur de pouvoir offrir à l’empereur un parc de trois cents pièces, la plupart de campagne. L’empereur, après avoir vu l’effet de cette nouvelle artillerie, se dépouilla d’une veste fourrée de martre, d’un grand prix, et de sa robe de dessous, et les donna au P. Verbiest, comme une marque de sa satisfaction ; et quelques mois après, sur la présentation du tribunal des Grâces, il le revêtit d’un titre d’honneur. Le pieux missionnaire n’employait son crédit que pour procurer de nouveaux avantages à la religion ; et il ne désespérait pas de la voir s’établir jusque dans les provinces les plus reculées de l’empire. Aussi reçut-il du pape Innocent XI un bref dans lequel le souverain pontife approuvait sa conduite à la Chine, blâmée par les missionnaires dominicains (voy. SCHALL). Il offrit, en 1683, à l’empereur, le Calcul des éclipses de soleil et de lune pour deux mille ans, formant 32 volumes de cartes, avec leur explication. Ce beau travail lui valut de nouvelles faveurs de la part de Khang-hi. Le P. Verbiest facilita l’admission à la Chine du P. Lecomte et de ses compagnons. et leur procura l’autorisation de se rendre à Péking ; mais il ne goûta pas la satisfaction de les y recevoir. Une courte maladie l’enleva, le 28 janvier 1688, le lendemain de la mort de l’impératrice mère. Ses funérailles, retardées. par ordre de l’empereur, jusqu’au 8 mars suivant, furent célébrées avec une pompe extraordinaire. Le P. Lecomte en a consigné la relation détaillée dans ses Nouveaux Mémoires sur la Chine, t. l, lettre 2. Le P. Verbiest avait adopté le nom chinois de Nan-hoaï-jin, et le surnom de Thun-pe. Ce sont les noms qu’on lit à la tête des ouvrages qu’il a composés en langue chinoise. Th. Sig. Bayer en a donné une liste détaillée (Miscellania Berolinensia, t. 6, p. 180 et suiv.), laquelle a été réimprimée avec quelques additions dans le Diction. de Moréri, édition de 1759. Mais le catalogue le plus digne de confiance est celui qu’on trouve dans le Ching-kiao-sin-teng, ouvrage chinois qui a servi de base au Catalogus Patrum soc. Jesu, du P. Phil. Couplet. Les livres composés par le P. Verbiest se trouvent presque tous au cabinet des manuscrits de la bibliothèque de Paris ; ils sont de deux sortes. Les uns sont relatifs à la théologie ; et l’auteur, remplissant les fonctions auxquelles il s’était primitivement dévoué, y traite, pour l’instruction des Chinois néophytes, de l’eucharistie, de la pénitence, de la rémunération du bien et du mal. Les autres livres, en bien plus grand nombre, roulent sur des sujets de physique et d’astronomie. Dans ce nombre, on distingue : 1o I i siang tchi (Des figures et des instruments d’astronomie), 14 livres, avec deux livres de planches, sous le titre de Yi-sing-thou ; 2o Nian khi choue, ou notice sur le baromètre (et non sur le thermomètre, comme l’a écrit le P. Couplet) ; 3o une mappemonde ou planisphère terrestre, dont il existe plusieurs éditions en formats différents l’un de 66 p° sur 58 p°, et auquel se doivent joindre deux livres d'explications ; 4o plusieurs planisphères : ces planisphères ont servi de base à ceux du P. Grimaldi, et par conséquent à tout ce que nous savons sur l’uranographie des Chinois ; 5o astronomie perpétuelle, ou tables pour les éclipses et les autres phénomènes célestes, offertes à l’empereur Khang-hi, et formant 32 livres ; 6o deux livres d’observations célestes, et un troisième contenant la défense de la doctrine astronomique des Européens, contre les attaques des prétendus astronomes du tribunal des mathématiques ; 7o Liber organicus astronomie europeœ apud Sirius restituta, sub imperamrc sino tartarico Cam-hy appellato, 1668, petit in-fol. Ce n’est autre chose que le recueil des planches du l’Yi-siang-tchi, ci-dessus n° 1), qu’on a fait précéder d’un discours latin de 9 feuillets, gravés et imprimés à la manière chinoise. ljabrégé du même ouvrage parut sous ce titre : Compendium latinum proponeus XII posteriores figuras Libri obscréationum nec mmprio · rr : v|| /iguras Libri organici. On possède l’ouvrage et l’abrégé à la bibliothèque de Paris, et il s’en trouve aussi des exemplaires dans les cabinets de quelques curieux. Le texte amplifié et commenté a été publié de nouveau en Europe, par les soins du P. Couplet, sous ce titre : Astrononia europa sub imperatore tartaro-sinico Cam-hy appellato ex umbra in lucem revocata, à R. P. F. Verbiest, etc., Dilingen, 1681, petit in-4o. Ce volume, assez rare, contient une des planches du Liber orgaicus, celle qui représente l’observatoire de Péking ; et il est terminé par le Catalogus Patrum soc. Jesu, dont on a parlé précédemment. C’est dans ce livre qu’on peut chercher non des notions sur l’état de l’astronomie à la Chine avant les jésuites, mais une histoire compléte et détaillée de la révolution opérée dans la science par les opérations du P. Verbiest. Les Relations de deux voyages que le P. Verbiest tit dans la Tartarie à la suite de l’empereur, en 1682 et 1683, ont été recueillies par le P. Duhalde, dans la Description de la Chine, t. 4, p. 74-87. Elles avaient été imprimées séparément, Paris. 1685, in-t2. et ensuite dans le Recueil des voyages au Nord. Duhalde cite du P. Verbiest un Traité de la fonte des canons, en chinois, accompagné de 44 planches (ibid., t. 2, p. 49) ; une traduction des Tables astronomiques, et une autre du Missel romain, adressées toutes les deux au pape Innocent XI, et qui doivent être conservées à la bibliothèque du Vatican. On a un portrait du P. Verbiest, représenté dans son habit de président du Tribunal, ou, pour mieux dire, du bureau des mathématiques, dans Duhalde, t. 3, p. 87. M. Ch. Carton a publié à Bruges, en 1839, une notice biographique sur le P. Verbiest. A. R—T et W—s.


  1. Voyez la Description de l’observatoire de Péking, par le P. Lecomte, dans les Nouveaux mémoires de la Chine, lettre 3, voyez aussi Duhalde, édit. in-4o, I, 3, p.311.
  2. Duhalde ajoute que cette Grammaire tartare du P. Verbiest fut imprimée à Paris. Voy. Description de la Chine, t. 3, p. 94, mais on ne la trouve citée dans aucun catalogue. Il se pourrait que cette grammaire fût celle qui a été imprimée dans la Collection de Thévenot sous le titre Elementa linguæ tartaricæ, et dont quelques personnes doutent que le P. Gerbillon soit l’auteur.