Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/PÉTRARQUE (François)

Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 32 page 612 à 621

PÉTRARQUE (François)


PÉTRARQUE (François), L’un des grands poètes dont s’enorgueillit l’Italie, naquit à Arezzo, le 20 juillet 1304. Les factions environnèrent son berceau. Son père, ami du Dante, et comme lui du parti gibelin, avait été banni de Florence, où il exerçait un modeste emploi que lui avait confié la république. Réfugié à Pise, il abandonna les premières études de son fils, alors dans sa septième année, à un vieux grammairien de cette ville, nommé Convennole da Prato. Deux ans après, la mort de l’empereur Henri VII ayant enlevé toute espérance aux Gibelins, le père de Pétrarque emmena sa famille dans le comtat d’Avignon, où Clément V avait transféré la cour pontificale ; et son fils reprit ses études à Carpentras, sous son premier maître. C’est alors que le jeune élève de Convennole visita pour la première fois la fontaine de Vaucluse ; et les beautés agrestes de ce lieu laissèrent dans son âme une impression ineffaçable. L’étude du droit était à peu près la seule voie qui, dans ce siècle, menât à la fortune. Pétrarque alla passer quatre ans à l’université de Montpellier, où il se hâtait d’oublier la ténébreuse érudition de l’école, pour ses auteurs chéris, Cicéron et Virgile. Il se familiarisait en même temps avec les compositions de nos troubadours ; et, si l’on en croit un écrivain (1) [1], il retouchait le roman de Pierre de Provence et de la belle Maguelone, écrit, en 1178, par le chanoine Bernard de Triviés. Malheureusement il fut troublé dans ces jouissances par l’arrivée de son père, qui, voulant le punir dans les livres qui l’avaient séduit, livra aux flammes sa petite bibliothèque, et rendit à peine à ses cris Cicéron et Virgile à demi brûlés. Envoyé à l’université de Bologne pour recevoir les leçons de Jean d’Andréa, le plus savant canoniste de ce siècle, Pétrarque s’y lia bientôt avec Cino da Pistoia, Florentin comme lui, que Bartole citait comme son maître dans la science du droit, et qui méritait de devenir en poésie celui de Pétrarque et de Boccace (voy. CINO). Si le jeune légiste ne retint pas longtemps les leçons du jurisconsulte, il se souvint de celles du poète ; et plus tard il ne dédaigna pas de consacrer à la mémoire de Laure plusieurs vers empruntés au chantre de Selvaggia. Orphelin à vingt ans, ruiné par des tuteurs infidèles, il revint habiter Avignon, parut avec succès dans les sociétés les plus brillantes, et put s’abandonner librement à des études de son choix. Les mathématiques, encore dans l’enfance, l’histoire et les antiquités, la philosophie et ses systèmes innombrables, surtout les systèmes qui tiennent à la philosophie morale, occupaient tour à tour cet esprit avide de connaître. La langue latine, qui avait eu les premiers vers du Dante, obtint aussi les premiers essais poétiques de Pétrarque ; et bientôt sa muse osa se confier à la langue vulgaire, la seule qui fût entendue des femmes. Il venait de retrouver l’un de ses compagnons d’études, Jacques Colonne, le dernier fils d’Etienne (voy. ce nom). Par l’élévation de son âme et par sa passion pour les lettres, ce jeune Romain était digne de devenir l’ami de Pétrarque : il le fut jusqu’à sa mort. Le cardinal Jean Colonne, son allié, voulut être en tiers dans cette amitié. Pétrarque trouva près d’eux tout ce que la ville pontificale rassemblait d’étrangers illustres : son air noble et ouvert, sa physionomie douce et spirituelle, les grâces de son esprit, le prix qu’il attachait à plaire, lui assuraient, au milieu de ce cercle choisi, un ascendant remarquable. Le vieux Colonne aimait à lui raconter sa vie, à lui développer ses projets ; et Pétrarque puisa dans ces entretiens un nouvel amour pour l’Italie, et une aversion plus forte pour tout ce qui pouvait en prolonger les malheurs ou en obscurcir la gloire. Jacques Colonne fut appelé à l’évêché de Lombez ; son ami le suivit dans ce diocèse, et ils s’arrêtèrent ensemble à Toulouse, où, peu d’années auparavant, en 1334, Arnauld Vidal avait reçu au Capitole l’églantine poétique. Les sept Mainteneurs du gai savoir commençaient à y répandre le goût de la poésie vulgaire, et à mettre en honneur ces petits poèmes inconnus aux anciens, dont quelques-uns sont restés propres à la littérature des troubadours. Amant soumis et malheureux, Pétrarque devait se consoler comme eux, en chantant ses ennuis et sa mie. Le 6 avril 1337, le lundi saint, à six heures du matin, il avait vu, dans une église d’Avignon, la fille d’Audibert de Noves, (voy. NOVES) ; et sa passion pour Laure, dont on ne répétera point ici les développements, remplit le reste de sa vie. Laure était unie à Hugues de Sade, jeune patricien, originaire d’Avignon ; et, fidèle à ses devoirs d’épouse et de mère, elle défendait à Pétrarque jusqu’à l’espérance. Sans cesse poursuivi par ce souvenir, le poète visite en courant le midi de la France : Paris, la Flandre, les Pays-Bas, la forêt des Ardennes, retentissent tour à tour de ses vers et de ses plaintes ; il traverse la Bourgogne, le Lyonnais, le Dauphiné, et revient s’ensevelir à Vaucluse, après un exil de huit mois. Le pape Jean XXII méditait alors une nouvelle croisade, et laissait espérer aux Romains qu’il replacerait la chaire de saint Pierre en Italie. Ce double projet enflamma Pétrarque, et lui inspira sa belle ode à l’évêque de Lombez : O aspettata in ciel, etc. L’année suivante (1335), nous le retrouvons encore exprimant. en beaux vers latins à Benoit XII, son désir de voir le saint-siège rétabli dans la ville éternelle ; et le pape lui répond en le nommant chanoine de Lombez, avec l’expectative d’une prébende. Cette même année fut marquée par un succès unique dans la vie de Pétrarque. Une liaison étroite et récente l’attachait aux intérêts d’Azon de Corrège, un des principaux seigneurs d’Italie, poursuivi devant la justice papale par la famille des Rossi. Le poète voulut bien descendre pour son ami dans la lice du barreau ; et ce fut pour tous les deux un jour de triomphe. Depuis qu’il avait vu Laure, il cherchait des distractions partout sans pouvoir se fixer nulle part. Une inquiétude vague porte ses pas vers Rome, où l’amitié des Colonne ne peut le retenir ; et il revient à Avignon, qu’il ne voulait plus habiter, mais dont il ne pouvait s’éloigner longtemps. C’est alors qu’il s’enferma dans sa retraite de Vaucluse, sans amis, sans domestiques, comme si la solitude avait pu le délivrer d’une passion qui s’augmentait de tous ses efforts pour la détruire. La maison de campagne de l’évêque de Cavaillon touchait à la sienne. C’était Philippe de Cabassole, qu’il appelle lui-même un petit évêque et un grand homme. Pétrarque ne put refuser ses consolations, et, bientôt le nomma son ami. L’amant de Laure sembla un moment dominé par une grande conception littéraire. Il avait commencé d’écrire en latin l’histoire de Rome, depuis sa fondation jusqu’a Titus, En rassemblant les matériaux de cette histoire, il fut frappé de la grandeur des événement : qui ont marqué la fin de la deuxième guerre punique. Soudain il se sent transporté par l’espérance de donner à son siècle une épopée régulière, dont Scipion sera le héros. Son plan est tracé à la hâte ; quelques morceaux sont écrits d’inspiration : avant la fin de l’année. le poète put soumettre à ses amis la plus grande partie de son ouvrage ; et dès lors un ne trouva plus pour le louer que les noms de sublime et de divin. Ses sonnets et ses Canzoni avaient rempli la France et l’Italie du nom de Laure et du sien : le 23 août 1340, à quelques heures d’intervalle, il reçut, à Vaucluse, une lettre du sénat romain, qui l’invitait à venir se faire couronner au Capitole, et une lettre du chancelier de l’université de Paris, qui lui offrait le même triomphe. C’est à tort qu’on a fait honneur de cette démarche à cette corporation savante : les recherches les plus exactes faites dans ses registres n’ont présenté aucune trace de la délibération qui aurait dû précéder cette lettre ; et tout porte à croire que le chancelier Robert de Bardi, Florentin comme Pétrarque, et son ami personnel lui avait écrit sans l’aveu de ses collègues, bien sûr de leur faire partager son admiration, dès que le poète serait à Paris. Le choix de Pétrarque était déjà fait. Il ambitionnait depuis longtemps le laurier poétique ; et il s’en était ouvert à Robert d’Anjou, roi de Naples, dont l’influence avait hâté l’admiration et les suffrages des sénateurs de Rome. Ce prince cultivait les lettres avec enthousiasme, et les protégeait en roi. Pétrarque ne voulut devoir qu’à lui la couronne qui lui était offerte ; il s’embarqua pour Naples, et lui porta son épopée, qu’il avait intitulée l’Afrique. Le roi et le poète eurent des conférences sur la poésie et sur l’histoire celui-ci réclama une épreuve plus rigoureuse ; il offrit de répondre pendant trois jours à toutes les questions qui lui seraient proposées sur l’histoire, la littérature et la philosophie, soutint cet examen avec gloire, et Robert se déclara solennellement digne du triomphe qui lui était promis. A son audience de congé, le roi, se dépouillant de sa robe, l’en revêtit, et le pria de la porter le jour de son couronnement. Enfin, le jour de Pâques, 8 avril 1341, Pétrarque monta au Capitole, au milieu des principaux citoyens, précédé de douze jeunes gens choisis dans les familles les plus illustres, qui déclamaient ses vers. Après une courte harangue, il reçut la couronne des mains du sénateur Orso, comte de l’Anguillara, et récita un sonnet sur les héros de l’ancienne Rome, dont il paraissait tenir la place. Conduit à l’église St-Pierre, par le même cortége, au milieu des acclamations d’une foule avide de voir une solennité si nouvelle, Pétrarque déposa sur l’autel les lauriers qui ceignaient sa tête, et reprit la route d’Avignon par terre, comme pour jouir plus lentement de sa renommée. Il emportait le titre d’aumônier ordinaire du roi de Naples, et des lettres patentes qui lui donnaient, « tant par l’autorité du roi Robert, que par celle du sénat et du peuple romain, la pleine et libre puissance de lire, de disputer, d’expliquer les anciens livres, d’en faire de nouveaux, de composer des poëmes, et de porter dans tous les actes la couronne de laurier, de lierre ou de myrte, à son choix. » Son indigne ami Azon de Corrège venait d’usurper la souveraineté de Parme, sous prétexte de l’affranchir. Il pressait Pétrarque de s’arrêter auprès de lui ; et bientôt, séduit par les agréments de ce séjour, le poète accepte les fonctions d’archidiacre de l’église de Parme, y fait bâtir une maison, et se hâte d’y terminer son poème de l’Afrique. La gloire commençait à le consoler de ses peines, lorsque l’envie, éveillée par un succès sans exemple, vint pour la première fois troubler son repos ; et dans le même temps la mort frappait l’évêque de Lombez, le meilleur de ses amis et le plus chaud de ses admirateurs. L’avènement de Clément VI à la tiare, en 1342, ranima dans l’âme de Pétrarque des espérances déjà deux fois trompées. Chargé par les Romains de porter la parole au nom des députés qu’ils envoyaient solliciter, auprès du pape, l’accomplissement des promesses de Jean XXII, le pontife l’accueillit avec distinction, le nomma prieur de Migliarino (diocèse de Pise), l’admit à son intimité, mais. n’alla point en Italie. Empressé de lui marquer sa confiance, il lui donna, presque en même temps, une mission délicate, celle de faire valoir les droits du saint-siège à la régence de Naples, pendant la minorité de Jeanne, petite-fille du roi Robert. La jeune reine s’entretint plusieurs fois avec Pétrarque, qui reçut des témoignages publics de l’estime qu’elle portait aux lettres ; mais la candeur du poète négociateur le rendait peu propre à fléchir la politique intéressée des conseillers qui dominaient cette princesse. Il s’enfuit avec horreur d’une cour barbare et corrompue, qui se délassait de ses débauches dans des spectacles de gladiateurs. Il franchit les Apennins, s’échappe de Parme et de l’Italie, en proie à toutes les fureurs des partis, se réfugie à Vaucluse pour quelques mois, et quitte brusquement ce séjour pour s’y retirer encore. Là il apprend que Rienzi, maître de Rome, citait des rois à son tribunal, et publiait hautement que ses concitoyens allaient ressaisir, au quatorzième siècle, leur ancienne domination sur l’univers. Toutes les illusions de Pétrarque se réveillent. Défenseur ardent du tribun, au milieu de la cour pontificale, il le félicite, il l’exhorte, et, déjà impatient de le conseiller de plus près, il court s’établir en Italie. La nouvelle du massacre des Colonne vint l’arrêter à Gènes ; il fut consterné, mais il pardonnait encore à Rienzi, pourvu que Rome fût républicaine. Le tribun succomba, et avec lui disparut ce fantôme de liberté qui avait déçu Pétrarque. Il ne s’était pas écoulé une année, et le poète pleurait sur une perte encore plus douloureuse : Laure n’était plus. La peste de 1348, celle que Boccace a décrite avec une vérité si terrible, l’avait enlevée le 6 avril de cette année, le même jour, dans le même mois et à la même heure où son amant l’avait vue pour la première fois. La dernière moitié du Canzoniere est un monument immortel des longs regrets de Pétrarque. Mais, quand ses vers ne nous auraient point appris combien sa douleur fut fidèle à son amie., la note touchante qu’il a consignée sur son exemplaire de Virgile attesterait encore le culte profane qu’il avait voué a sa mémoire (1) [2]. Appelé depuis longtemps par les instances de Louis de Gonzague, seigneur de Mantoue, il essaya de se consoler prés de lui, dans la patrie du plus sensible de tous les poètes. C’est de là qu’il écrivit à l’empereur Charles IV une lettre éloquente pour l’exhorter à rendre la paix à l’Italie. La publication du jubilé de 1350 entraînait alors vers Rome toute l’Europe chrétienne. Pétrarque s’unit à ce pieux mouvement. Il passa par Florence, où il revit Boccace, un des hommes qu’il avait distingués a la cour de Naples, et il compta un ami de plus. A Rome, il trouva le jubilé ouvert, et cette grande et consolante solennité fit sur son âme religieuse une impression profonde : ses habitudes devinrent plus graves, ses mœurs plus austères ; on put remarquer dès lors qu’à l’élévation de ses pensées il se plaisait à mêler en caractère de sévérité dont ses dernières poésies ont fidèlement conservé l’empreinte. Dans ce temps même il recevait partout des honneurs qu’aucun homme privé n’avait connus avant lui. Les principaux citoyens d’Arezzo le conduisirent avec orgueil dans la maison où il était né, en lui déclarant que rien n’y était changé ; et en effet, la ville avait forcé les propriétaires qui s’étaient transmis cette maison à respecter religieusement le lieu consacré par sa naissance. L’amitié des Carrare venait de l’attirer à Padoue, lorsque Boccace vint lui annoncer, au nom du sénat de Florence, qu’il était rétabli dans ses droits de citoyen comme dans le patrimoine de ses pères, et le prier d’accepter la direction de l’université récemment fondée dans la première ville de Toscane. Cet honorable asservissement ne sourit point à l’imagination de Pétrarque. Ses livres l’attendaient depuis quatre ans dans son Parnasse transalpin ; c’était ainsi qu’il appelait Vaucluse : son Parnasse cisalpin était sa maison de Parme. Il refuse les fonctions qui lui sont offertes, et court s’enfermer dans sa retraite première ; Rome, pleine de brigandages et d’assassinats, occupait alors toute la sollicitude pontificale. Clément VI invoqua les conseils de Pétrarque, et Pétrarque répondit en poète. Il parla des anciens droits du peuple romain, de la nécessité d’humilier les nobles, d’exclure les étrangers des charges, de rendre au sénat sa dignité, et déclara qu’il ne voyait de salut que dans l’établissement de la république sur les lois de l’égalité et de la justice. Vers le même temps, Rienzi, tombé entre les mains de l’empereur, et bientôt prisonnier du pape, fut livré à une commission judiciaire, et réclama vainement un jugement plus légal. Les biographes racontent que Pétrarque écrivit au peuple romain pour l’exhorter à intervenir en faveur de son ancien ami, et cette exhortation se trouve en effet dans ses œuvres. Mais rien ne semble indiquer qu’elle ait été envoyée a son adresse, et tout porte à croire, au contraire, que son imagination seule lui a dicté cette lettre, plus pour consoler Rienzi que pour le sauver. Toutefois, par une superstition qui peint à la fois l’ignorance et les lumières d’un siècle à demi barbare, ces juges, si impatients de punir un factieux qu’ils croyaient indigne de l’appui des lois, s’arrêtèrent dés qu’ils surent qu’il était poète, et craignirent d’attenter aux jours d’un homme que Cicéron aurait appelé un homme sacré (1) [3]. Le péril du moderne tribun n’était pas le seul chagrin de Pétrarque. Les médecins dont le pape était entouré, et dont il dénonçait au saint-père l’ignorance et les ridicules, se liguèrent contre lui. Il eut le tort de se croire blessé par des traits qui ne pouvaient l’atteindre, et sa gloire s’abaissa, pour les repousser, jusqu’à emprunter les armes de ses adversaires. De retour à Vaucluse, ce séjour lui inspira une réponse plus digne de lui : c’est son Epître à la postérité, où il rend compte des principaux événements de sa vie, jusqu’à son départ d’Italie, vers le milieu de l’année 1351 (2) [4]. Quelques mois après, Inno-cent VI fut appelé à gouverner l’Eglise ; homme de bonne vie, mais de petit savoir, selon l’expression de Matthieu Villani, et le seul pape dont Pétrarque n’ait reçu aucun témoignage de faveur. Le poète, après avoir deux fois, sous Clément VI, refusé les fonctions de secrétaire apostolique, suspect de magie auprès de son successeur, ne daigna pas dissiper les préventions du nouveau pontife ; il n’en regretta que plus vivement l’Italie, et bientôt il repassa les Alpes, incertain de la retraite qu’il allait se choisir, mais prêt à nommer sa patrie la première ville où il trouverait une vie calme et l’indépendance. Il voulut voir Milan et ne put aller plus loin. Séduit par l’accueil d’un homme puissant qui savait n’être avec lui qu’un homme aimable, admis au conseil de Jean Visconti, il accepta la mission de réconcilier la république de Gènes, qui venait de se donner à ce prince, avec celle de Venise, enorgueillie par des succès récents et qui paraissaient décisifs. Déjà, trois ans auparavant, Pétrarque avait tenté de prévenir une guerre qui présageait de longues et sanglantes divisions à l’Italie. Lié avec le doge André Dandolo, l’un des plus grands hommes de ce siècle dans la politique, dans la guerre et dans les lettres, il en avait appelé à son patriotisme ; son ami avait loué son éloquence, sans toutefois déférer à ses conseils. Sa nouvelle tentative ne fut pas plus heureuse que la première ; mais les événements montrèrent de quel côté était l’imprévoyance. Venise fut réduite à acheter la paix ; Dandolo mourut de douleur, et Visconti lui survécut à peine un mois. Cependant, après un silence de trois années, l’empereur avait répondu a la lettre par laquelle Pétrarque l’appelait à la pacification de son pays : ce dernier lui avait adressé de nouvelles instances. Mais l’avarice de Charles IV le pressait encore davantage de paraître en Lombardie. D’après ses ordres, Pétrarque vint le trouver à Mantoue, plein de confiance dans la sagesse d’un empereur ami du saint-siège pour faire disparaître de l’Italie ces vieux noms de Guelfes et de Gibelins qui avaient fait couler tant de sang, et qui fomentaient encore tant de haines. Il ne vit qu’un prince faible et avide, qui prenait la mauvaise foi pour de l’habileté, et qui donnait pour la première fois l’étrange spectacle d’un empereur d’Allemagne à la solde des Vénitiens. Le poète lui présenta des médailles précieuses d’Auguste, de Trajan et des Antonins : « Voila, lui dit-il, les grands hommes dont vous tenez la place, et qui doivent être vos modèles. » Admis pendant huit jours à toute la familiarité de ses entretiens, il désespéra bientôt de cette âme flétrie, et refusa d’entrer dans Rome à sa suite pour être témoin de son couronnement. Il s’attacha davantage aux neveux de Jean Visconti, que l’empereur avait hautement menacés, pour les confirmer ensuite à plus haut prix dans toutes lus usurpations de leur oncle. La haine publique les accusait alors d un fratricide. Pétrarque, affligé d’un bruit qu’il ne pouvait croire, n’hésita pas à s’établir à Pavie, auprès de Galéas, et fut chargé par ce prince, ami des lettres, de dissuader Charles IV d’une nouvelle expédition au delà des Alpes. Cette ambassade fut plus heureuse que les précédentes : le soin de répondre aux mécontents d’Allemagne suffisait à la politique versatile de l’empereur. De retour à Milan, l’ambassadeur reçut de sa part le diplôme de comte palatin dans une botte d’or d’un poids considérable. Pétrarque accepta ce nouvel honneur, et renvoya la botte au chancelier de l’empire. Fatigué de l’agitation des cours, il se choisit une nouvelle retraite à Garignano, sur le bord de l’Adda, dans une jolie maison de campagne qu’il appelait Linterno, en mémoire de Scipion, son héros. Des projets et des recherches littéraires, des exercices religieux et des visites fréquentes à la chartreuse de Milan, partageaient ses nouveaux loisirs. Tous les grands seigneurs d’Italie avaient disputé aux papes et aux rois l’avantage de le fixer auprès d’eux. Un orfèvre de Bergame, nommé Capra, sollicita et obtint une sorte de préférence. Quand Pétrarque vint le voir, Bergame sortit à sa rencontre : Capra le reçut avec une magnificence presque royale, jouit de sa conversation avec transport, et prouva, par son enthousiasme comme par le nombre et le choix de ses livres, qu’il était digne de son hôte. Une nouvelle mission diplomatique ramena Pétrarque en France en 1360 : il allait complimenter le roi Jean sur sa délivrance, et ce prince, qui avait fait de vains efforts pour empêcher son retour en Italie, renouvela ses instances pour le retenir. Mais l’envoyé de Galéas revint à Milan sans se laisser ébranler ni par les présents du monarque ni par les prières du Dauphin : celles de l’empereur, appuyées par l’envoi d’une coupe d’or d’un merveilleux travail, ne le trouvèrent pas moins inflexible. Jamais toutefois le séjour de l’Italie ne lui avait offert moins d’attraits. Les compagnies étrangères qui infestaient cette terre de discorde le forcèrent de chercher à Padoue un asile, d’où il fut bientôt banni par la peste. Réfugié à Venise avec ses livres, qui le suivaient partout et qui l’obligeaient à l’entretien d’un grand nombre de chevaux, il fit don de sa bibliothèque à cette république hospitalière, par une cédule de l’an 1362, à condition qu’une si rare collection ne serait ni divisée ni vendue. Un décret du sénat assigna un palais pour le logement de Pétrarque et de ses livres, et c’est là sans doute ce qui l’a fait regarder comme le premier fondateur de la célèbre bibliothèque de St-Marc (1) [5]. L’abbé de Sade était dans l’erreur lorsqu’il a dit que tous ces manuscrits avaient péri. Tomasini, qui en fit la recherche en 1635, les reconnut dans la chambre étroite et obscure où ils avaient été logés d’abord, espèce d’archive située près des quatre chevaux de bronze (1) [6], et ils y demeurèrent jusqu’en 1739, époque où le public eut enfin la permission de les consulter (2) [7]. Ce séjour à Venise est doublement mémorable dans la vie de Pétrarque. Exilé de Florence par la contagion, Boccace vint partager son asile, et lui présenta Léonce Pilate, de Thessalonique, qui lui enseignait le grec. L’amant de Laure avait autrefois étudié cette langue avec l’aide du moine Barlaam, ambassadeur de l’empereur Andronic auprès du pape Benoit XII, et il l’avait étudiée dans les dialogues de Platon ; mais le court séjour du moine à la cour d’Avignon permet de croire avec l’auteur de l’Histoire littéraire d’Italie, qu’il apprit à cette école plus de platonisme que de grec. Il saisit l’occasion qui lui était offerte de reprendre cette étude, et déjà sexagénaire, il trouva dans les difficultés mêmes qu’elle opposait à sa persévérance des jouissances assez vives pour adoucir les pertes qui l’accablaient de toutes parts. Il était dans la destinée de Pétrarque de survivre à tous ceux qu’il aimait. Depuis quinze ans, la mort l’avait séparé du cardinal Jean Colonne, de Jacques de Carrare. seigneur de Padoue, et de plusieurs autres amis qui ne lui étaient pas moins chers, mais qui sont aujourd’hui moins connus. Cette seconde peste lui ravit presque tous ceux qui lui restaient, entre autres Azon de Corrége et deux gentilshommes qui avaient partagé avec lui l’intimité de l’évêque de Lombez, les mêmes qui reviennent si souvent dans ses lettres sous les noms de Lælius et de Socrate. Sa douleur le rendit plus sensible encore aux critiques dont toute sa renommée ne put sauver ses églogues latines et plusieurs fragments de son poème de l’Afrique. C’est alors surtout que le poète pleura sur ses lauriers et il lui échappa de dire que ce couronnement avait été pour lui le couronnement d’épines. Il aurait pu se consoler par les hommages qui l’environnaient à Venise. Une nouvelle révolte de l’île de Candie avait alarmé sérieusement la métropole : le sénat, se fiant à la réputation et à l’expérience militaire de Luchino del Verme, général milanais ami de Pétrarque, l’avait appelé au commandement de l’expédition dirigée contre les rebelles. Le poète consentit à joindre ses prières à celles du doge pour obtenir ses services. Luchino pacifia Candie, et Pétrarque prit place à la droite du doge aux jeux équestres qui furent donnés, à la manière des anciens, pour célébrer cette victoire. Un pape vertueux et éclairé, Urbain V, essaya de le rappeler à sa cour en lui conférant un canonicat à Carpentras. Cette légère faveur suffit à Pétrarque pour presser le saint-père dans une lettre longue et véhémente de faire cesser le veuvage de l’Eglise romaine, et, avant la fin de l’année suivante, il put le féliciter d’avoir enfin comblé ses vœux. Cependant le cri de haine qui s’élevait partout contre les Visconti avait armé contre eux le nouveau pontife et avec lui la moitié de l’Italie menacée par leur ambition. Bien moins frappé de ce danger que de la guerre qui allait livrer sa patrie aux ravages d’une soldatesque étrangère, Pétrarque fut chargé par Galéas de conjurer l’orage, et ce fut la dernière, comme la plus infructueuse de ses ambassades. La chaleur avec laquelle il défendait cette famille n’ôta rien à la faveur dont il jouissait à Rome. Urbain voulut le voir, et Pétrarque s’empressait de répondre à une invitation conçue dans les termes les plus pressants et les plus flatteurs, lorsqu’une maladie terrible vint le surprendre à Ferrare. Sauvé par les soins des seigneurs d’Este, qui régnaient sur ce pays, il ne put reprendre assez de forces pour continuer sa route ; il revint à Padoue couché dans un bateau et s’établit à quatre lieues de cette ville, au village d’Arqua, situé dans les monts Euganéens, célèbres chez les Romains par la salubrité de l’air, l’abondance des pâturages et la beauté des vergers. Bientôt le poète y reprit avec ses travaux toute l’imprudence de son régime de vie. Occupant à la fois jusqu’à cinq secrétaires, il s’épuisait d’austérités, se bornait à un seul repas composé de fruits ou de légumes, s’abstenait de vin, jeûnait souvent, et, les jours de jeûne, ne se permettait que le pain et l’eau. Une nouvelle imprévue troubla encore sa convalescence : Urbain V avait préféré le paisible séjour d’Avignon aux tumultueuses agitations de Borne, et il était revenu mourir en France. Grégoire XI, son successeur, qui n’aimait pas moins Pétrarque, choisit pour son légat en Italie Philippe de Cabassole, devenu archevêque de Jérusalem et cardinal. Mais ce prélat mourut presque en arrivant à Pérouse, et Pétrarque ne put revoir le plus ancien de ses amis. Le poète parut se ranimer en recevant un libelle publié par un moine français contre sa lettre de félicitation au pape Urbain et s’abaissa encore une fois à réfuter une invective par des injures. François de Carrare, abandonné par ses auxiliaires, venait de conclure une paix humiliante avec Venise. Forcé d’envoyer son fils demander pardon et jurer fidélité à la république, il pria Pétrarque de l’accompagner et de porter pour lui la parole devant le sénat. Pétrarque, malade et septuagénaire, ne se souvint que de sa vieille amitié pour les seigneurs de Padoue et se rendit avec le jeune Carrare à Venise. Le lendemain, ils eurent audience ; mais le vieillard, fatigué sans doute et peut-être troublé par la majesté de l’assemblée, ne put prononcer son discours. Le jour suivant, il s’enhardit, et sa harangue fut vivement applaudie. Ce dernier succès fut pour lui le chant du cygne. Il revint à Arqua plus faible et toujours indocile aux conseils des médecins. Boccace, qui semblait lui tenir lieu de tous les amis qu’il avait perdus, lui envoya son Décaméron, et Pétrarque le lut, dit-on, avec enthousiasme. Il apprit par cœur la nouvelle de Grisélidis, la traduisit en latin, et la lettre par laquelle il annonce à Boccace l’envoi de cette traduction parait avoir été la dernière qu’il ait écrite. Le 18 juillet 1374, il fut trouvé mort dans sa bibliothèque, la tête courbée sur un livre ouvert : une attaque d’apoplexie l’avait frappé dans cette attitude. Padoue tout entière vint assister à ses obsèques. François de Carrare conduisait la pompe funèbre, suivi de sa noblesse et d’une population consternée. La famille du poète lui fit élever un mausolée de marbre devant la porte de l’église d’Arqua. Son testament, dans lequel on a relevé comme des singularités quelques saillies innocentes sur les goûts de quelques-uns de ses légataires, n’a de remarquable qu’une disposition en faveur de Boccace ; il lui lègue cinquante florins d’or pour acheter une robe d’hiver nécessaire à ses études et à ses veilles, et il a honte d’offrir si peu de chose à un si grand homme : Verecunde admodum tanto viro tam modicum. Le nom de Pétrarque est lié à tous les noms célèbres du 14e siècle ; il se trouve mêlé à presque tous les événements qui ont signalé cet âge mémorable, et dans celle vie si pleine et si diversement agitée, les seuls reproches qu’il ait mérités sont le plus bel éloge de son caractère. Il était né poète, et il le fut partout, dans ses études, dans ses missions politiques, dans son amour, dans ses entretiens, dans ses lettres. L’amour même de la patrie ne fut guère en lui qu’un rêve poétique ; mais ce fut le rêve de toute sa vie. Dans l’enivrement de la gloire comme au milieu des pertes les plus cruelles, l’ancienne Italie fut toujours présente à sa pensée. Excusable sans doute en ces temps de triste mémoire d’avoir cherché dans le souvenir du passé un asile contre les désordres de son siècle, il puisait sans cesse dans son culte peur l’antiquité des inspirations généreuses et des illusions jusqu’alors innocentes. Ces illusions l’égarèrent plus d’une fois dans le choix de ses amis : sa candeur le livrait sans défense aux calculs d’une politique astucieuse qui s’armait contre lui de ce beau nom d’Italie, ou des bienfaits intéressés qu’elle accordait aux lettres ; mais il traversa les cours de tous ces petits tyrans italiens sans que personne ait accusé son caractère soupçonné sa mémoire. Ses mœurs n’ont pas été entièrement pures ; mais elles ne furent jamais corrompues. Il avait eu dans sa jeunesse une fille naturelle, prés de laquelle il mourut après l’avoir mariée, et son fils, auquel il survécut, ajouta longtemps aux regrets qu’avait laissés dans l’âme de Pétrarque le souvenir de ses faiblesses (voy. PASTRENGO). L’amant de Laure était profondément religieux, et parmi les habitudes d’une vie simple et studieuse, on raconte qu’il se levait régulièrement à minuit pour puer. Bien supérieur au pédantisme qui s’attacha longtemps encore à la science, ce grand homme fut aussi un homme aimable. Sa conversation était confiante et animée, ses manières franches et polies. Son âme ardente, mais ouverte à toutes les affections douces, appelait l’amitié comme un besoin : Pétrarque eut beaucoup d’amis, et tous paraissent lui avoir été fidèles. Tous durent beaucoup à la double autorité de ses conseils et de ses exemples. Boccace, dont il fut le bienfaiteur (voy. Boccace) et qui n’avait presque été jusque-là qu’un homme de plaisir, devint irréprochable pour la gravité de ses mœurs. Acciaiuoli, grand sénéchal de Naples, était brouillé avec un autre ami de Pétrarque : il leur écrit à tous les deux ensemble une lettre qui ne devait être ouverte et lue qu’en commun : ils s’embrassent et se quittent réconciliés. C’est par ses amis que Pétrarque exerçait une sorte de dictature littéraire en France, en Espagne, en Angleterre, en Italie ; c’est par ses amis qu’il put entretenir cette correspondance européenne qui réchauffait partout l’élude et l’admiration des anciens. Ce long triomphe, à peine troublé par quelques clameurs, qui dura depuis son couronnement jusqu’à sa mort, les honneurs rendus par toute l’Italie à sa mémoire imprimèrent un mouvement général aux esprits. Il représentait à lui seul toute la république des lettres, et sa vie est une grande époque dans leur histoire. L’élévation de son caractère les fit respecter des grands ; ses écrits contribuèrent puissamment à les purifier du bizarre alliage dont l’ignorance les avait souillées. Il poursuivit avec persévérance l’alchimie, l’astrologie, la scolastique, et cet Aristote devant lequel la philosophie se taisait, et son interprète Averroès, qui régnait encore plus qu’Aristote. Dans le temps même où, par ses conseils, Galéas Visconti fondait l’université de Pavie, il dirigeait lui-même les études et assurait l’avenir de Malpighino, célèbre depuis parmi les restaurateurs des lettres sous le nom de Jean de Ravenne. Ses lettres De scriptis veterum indagendis et De libris Ciceronis attestent les recherches auxquelles il se livrait pour recouvrer les manuscrits des anciens, qu’il copiait ensuite de sa propre main, n’osant les confier à l’ignorance des scribes vulgaires. C’est ainsi qu’il rendit au monde littéraire les Institutions littéraires de Quintilien, mais incomplètes et mutilées, et les lettres de Cicéron dont le manuscrit est conservé dans la bibliothèque Laurentienne à Florence avec la copie qu’il en avait faite. Il a également sauvé quelques-unes de ses oraisons qui s’étaient perdues, et l’on sait qu’il avait conservé le fameux traité De gloria ; mais l’ayant prêté à son maître Convennole, ce vieillard le vendit pour vivre, et Pétrarque fit de vaines investigations pour le retrouver (voy. CONVENNOLE), ainsi que les Antiquités de Varron, qu’il avait vues dans sa jeunesse avec un livre de lettres et d’épigrammes attribuées à Auguste. Ce fut encore lui qui fit connaître Sophocle en Italie, et son avidité pour les manuscrits était si généralement publique, qu’il reçut de Constantinople une copie complète des poèmes d’Homère, sans l’avoir demandée. Après le don qu’il avait fait à Venise, il n’avait pas tardé à se composer une seconde bibliothèque. Dans un siècle où la chronologie et la géographie étaient encore à naître, il y avait rassemblé une collection chronologique des médailles impériales et un assez grand nombre de cartes géographiques. Il était lui-même l’auteur d’une carte d’Italie que l’on consultait encore un siècle après, et tous ses biographes ont raconté ses recherches sur l’île de Thulé. Son nom, inséparable de ceux de Dante et de Boccace, suffirait seul pour réfuter l’assertion trop souvent répétée que la renaissance des lettres n’est due qu’à la prise de Constantinople en 1453. Il est vrai que le reste de l’Europe n’offrait point d’hommes qui pussent atteindre à cet éclat de renommée. La France, qui avait eu par ses troubadours la plus ancienne des littératures modernes, citait à peine quelques érudits, comme Nicolas Oresme, qui s’honorait de l’estime de Pétrarque, mais qui est plus connu par ses traductions et par un discours où il dénonçait au pape lui-même les scandales de la cour pontificale et Pierre Berchoire, auteur d’une espèce d’encyclopédie rédigée dans l’esprit et dans le style de l’école et qu’il parait avoir composée à Avignon. Le roi Jean et surtout après lui Charles V rassemblaient les premiers volumes de la bibliothèque royale, et Froissart, qui devait faire plus d’honneur à notre littérature par son histoire simple et naïve, commençait sous ce prince la chaîne des poëtes français qui ne devait plus être interrompue. Les louanges de Laure répandirent parmi nos dames le goût de la poésie italienne. Une entre autres, dont le nom illustre s’est encore distingué de nos jours dans les lettres, Justine de Lévis, adressa un sonnet à Pétrarque, et le poète encouragea ses essais. Chaucer, qui allait fonder une littérature en Angleterre, le vit en Italie et lui dut peut-être la connaissance de Boccace, qu’il a tant imité dans ses ouvrages. Un autre Anglais, Richard de Bury, l’un des correspondants de Pétrarque, créait la bibliothèque d’Oxford et répandait le goût des livres dans sa patrie. L’Espagne n’avait encore que ses premières romances historiques et quelques théologiens. Deus siècles après, le chantre de Laure devait avoir un imitateur à la cour de Castille (voy. BOSCAN) dans le même temps où Bembo, Tarsia, Molza et tant d’autres ouvraient en Italie la dangereuse école des Pétrarquistes. Les Lettres de Pétrarque sont aujourd’hui la partie la plus curieuse de ses œuvres latines : elles ont été imprimées pour la première fois en 1484, sans nom de lieu. Ces lettres, qu’il n’écrivait pas exclusivement pour ses amis, offrent de précieux détails sur sa vie, comme sur les mœurs et sur l’histoire littéraire et politique du 14e siècle. La cour d’Avignon n’y est point ménagée, et l’auteur était trop bon Italien pour n’être pas tenté de charger un peu ses portraits. Son expression a du feu, mais elle n’est pas toujours naturelle, et sa prose trahit souvent le poète. Ses livres de philosophie morale ne ressemblent pas mal à ces lieux communs traités par les rhéteurs grecs du moyen âge. Celui qu’il a intitulé Remèdes contre l’une et l’autre fortune, composé à Garigniano pour consoler Azon de Corrége, démontre longuement que tous les biens terrestres sont périssables et qu’il n’est point de maux sans remèdes (1) [8]. Le traité De otio religiosorum fut un tribut de complaisance pour les chartreux de Montrieu, dont son frère avait pris l’habit (2) [9], et ce fut encore pour céder aux importunités de François de Carrare qu’il rassembla dans un cadre étroit les principales maximes de Platon et de Cicéron sur la politique, sous un titre qui aurait pu convenir à une composition plus étendue : De republica optime administranda. Il a été imprimé séparément avec son traité De officio et virtutibus imperatoria, Berne, 1602, in-12. Ces deux opuscules, effacés depuis par tant d’autres productions supérieures, sont l’ouvrage d’un esprit judicieux, qui ne flattait pas les puissances et qui estimait les hommes. Il écrivait aussi dans sa retraite d’Arqua un ouvrage vraiment philosophique contre les disciples d’Aristote, sous cette dénomination piquante : De ignorantia sui ipsius et multorum. Ses essais historiques, dont il nous a conservé des fragments (Rerum memorandarum libri 4), offrent, à côté des faits qu’il emprunte aux historiens, quelques particularités qui appartenaient à l’histoire contemporaine et qu’on ne retrouve pas ailleurs. La lecture des Confessions de St-Augustin lui inspira une composition singulière : ce sont les trois dialogues De contemptu mundi, les mêmes qu’il appelait son secret. L’auteur s’entretient avec St-Augustin sur son caractère, sur ses goûts, sur ses faiblesses : il s’accuse avec la naïveté d’un enfant, et St-Augustin le prêche avec une autorité pleine de douceur. Les harangues de Pétrarque ne sont pas toujours exemptes de déclamation ; ses poésies latines méritent davantage l’attention des gens de lettres. On a comparé son poème de l’Afrique à ces tableaux et à ces statues, productions de l’enfance de l’art, Oui n’en augmentent pas la gloire, mais que l’on n’examine pas sans fruit quand on veut en étudier les progrès. C’est un récit détaillé, mais presque toujours froid et sans couleur, de la deuxième guerre punique (1) [10]. Il ne parait pas qu’il ait été achevé. Le poète manque surtout d’invention, et l’on s’étonne qu’il n’ait pas été mieux inspiré par la poésie de Virgile. Ses douze églogues sont, comme celles de Boccace, des allégories presque toujours satiriques qui correspondent à des événements contemporains. La dixième est consacrée à la mémoire de Laure. On trouve quelques détails heureux dans ses trois livres d’Epîtres, versifiées avec plus de facilité qu’on ne devait en attendre de ce siècle de fer. La diction latine de Pétrarque, généralement très-supérieure au latin plat et informe de ses contemporains, est encore loin toutefois de celle de ses modèles. Son style est habituellement ferme sans être dur, et il ne manque quelquefois ni d’élégance ni d’énergie ; mais il rappelle plus souvent St-Angustin que Cicéron. C’était toutefois sur ses œuvres latines que Pétrarque fondait ses droits à la renommée. Cette erreur fut aussi celle de Boccace, et l’on a peine à expliquer ces méprises du génie, qui méconnaît lui-même sa gloire. - Le plus beau titre de Pétrarque est sans contredit son Canzoniere. C’est là que cette âme poétique se montre véritablement inspirée ; c’est là qu’elle répand avec profusion toutes les richesses d’un talent original. Les anciens poètes érotiques avaient été les chantres du plaisir plus que les chantres de l’amour. Ce respect pour les femmes, si ancien, si exalté chez tous les peuples du Nord ; ce culte de la beauté, encore ennobli par les souvenirs alors récents de la chevalerie ; ces fêtes de la valeur, qui étaient des jours de triomphe pour les dames, tout cela manquait aux sociétés païennes. Pétrarque ne ressemble qu’à lui-même, parce que sa passion ne ressemblait à rien de ce que les anciens avaient connu. Les premiers chants des troubadours avaient été l’expression naïve des mœurs chevaleresques. Les exemples qu’ils avaient offerts, les traditions qu’ils avaient laissées, comme aussi les malheureux raffinements des Italiens, leurs imitateurs, et les oiseuses subtilités des cours d’amour, triste parodie des formes et trop souvent des obscurités de l’école, avaient créé parmi les modernes un langage auquel la rime ajoutait ses entraves, un langage qui n’était plus le langage vulgaire, mais qui n’est pas encore de la poésie. L’amant de Laure y ajouta tout ce que la supériorité de son génie lui avait appris. Nous avons vu qu’il avait étudié Platon ; mais son âme toute seule aurait deviné le disciple de Socrate, et d’ailleurs cette union des âmes, que le philosophe avait quelquefois rêvée, est aussi loin du sentiment qui inspirait Pétrarque que les moeurs domestiques des Grecs étaient loin des mœurs domestiques du 14e siècle. Ce n’est point l’amour platonique qui anime le poète, c’est l’amour tel que le christianisme et la chevalerie l’avaient fait. Cet amour, que la corruption de notre âge a nommé surnaturel, est bien autrement poétique que les feux matériels de Properce et d’Ovide. Il manque de mouvement et de variété ; mais il a une chaleur vraie et pénétrante, une élévation qui va jusqu’au sublime, une pureté qui a quelque chose de céleste. Pétrarque, le premier et longtemps le seul de tous les poètes, a fait de l’amour une vertu. L’italien, créé par le Dante, n’avait guère conservé après lui que cette rudesse un peu sauvage que nous pardonnons avec peine à quelques morceaux de son Enfer. Pétrarque se fit à lui-même sa langue, comme Dante s’était fait la sienne ; ses tours sont presque aussi hardis : il retrouva surtout ces couleurs gracieuses, cette délicieuse harmonie avec laquelle Dante a raconté les malheurs de sa Francesca, et depuis la publication du Canzoniere, l’idiome italien n’eut rien de barbare. Quand on lit les vers de Pétrarque, on croit entendre les frémissements de sa lyre ; partout le poète en tire des sons d’une ineffable douceur. Dans la première partie, lorsqu’il chante les perfections de Laure, son expression devient rêveuse ou extatique ; dans la seconde, lorsqu’il pleure son amie, ses chants ont un accent pénétrant et solennel. Quelquefois il prète son luth aux leçons de la philosophie. Ailleurs, c’est la harpe hébraïque qui fait entendre les malédictions des prophètes, ou bien c’est une muse romaine qui gémit sur l’abaissement et les malheurs de la patrie. Ceux qui aiment les rapprochements ont remarqué que ses sonnets rappellent par leur forme quelques-unes des petites odes d’Horace, et, pour la grâce comme pour la simplicité des détails, la manière du poète de Téos. C’eut à ses devanciers que Pétrarque devait ce genre de poésie ; mais c’est lui qui a rendu ces petits poèmes plus parfaits et plus difficiles, et les lois qu’il leur a données n’ont reçu jusqu’à ce jour aucune atteinte. Ses Canzoni, titre qu’il ne faut pas traduire comme Voltaire par celui de Chansons, sont des odes dont il emprunta la forme à nos troubadours, mais en les élevant à toute la hauteur du genre lyrique. Les Italiens ont épuisé toutes les formules de l’admiration sur celles que Pétrarque parait avoir préférées et qu’il appelait les trois Sœurs, comme ses commentateurs les ont appelées les trois Grâces. Les yeux de Laure font le sujet de ces trois odes, qui sont les 18e, 19e et 20e du recueil. Quelle que soit la perfection du style qui les distingue, un lecteur français comprendra toujours avec peine la longue superstition littéraire dont elles ont été l’objet. Les esprits graves préféreront sans doute la canzone sur la croisade, que nous avons déjà indiquée (la 5e), et cette ode si nationale où le poète retrace en traits de feu l’oppression de sa chère Italie, et nous la montre sanglante et mutilée, mais encore pleine de sa gloire et capable de guérir ses blessures (canzone 29) ; l’une et l’autre si peu connues de ces littérateurs superficiels qui n’ont vu dans un homme de génie qu’un faiseur de madrigaux. Tous ceux qui savent la langue de Pétrarque ont cité avant nous parmi les monuments de son amour les sonnets célèbres Solo e pensoso dans la première partie et Le commi il mio pensier, dans la deuxième, et tant de canzoni non moins fameuses, parmi lesquelles on n’ose pas choisir. Nous rappellerons seulement la 37e, dont la première strophe a été si heureusement imitée par Voltaire, qui n’a pas jugé Pétrarque avec le même bonheur. M. Sismondi s’est montré de nos jours moins léger, mais presque aussi sévère. La monotonie qu’il a reprochée à Pétrarque n’est-elle pas le défaut du genre encore plus que celui du poète ? L’amant de Laure se plaint, puis il se plaint encore, et cette plainte éternelle fatigue sans doute quelquefois ; mais l’amour aime les redites, et Pétrarque a varié autant qu’il était en lui ce fond uniforme par des tableaux de la vie champêtre qui sont pleins de naturel et de charme, ou par de hautes pensées religieuses. Ce n’est pas que ses poésies et ses sonnets surtout aient toujours échappé au goût de son siècle. Trop souvent il n’est qu’ingénieux et même recherché ; mais lorsqu’on relit la seconde moitié du Canzoniere, qu’on préfère assez généralement à la première, il n’y a qu’une extrême injustice qui puisse ne voir qu’un jeu d’esprit dans cette douleur si vraie et si profonde et dans le sentiment qui l’avait inspirée. - L’édition la plus complète des Œuvres de Pétrarque est celle de Bâle, 1581. in-fol. (1) [11]. C’est celle que nous avons suivie dans l’indication de ses pièces les plus remarquables : il y manque un certain nombre de lettres, comprises dans celle de Genève, 1601 ; mais on y trouve l’Itinerarium Syriacum, oublié par l’abbé de Sade dans la liste des ouvrages de Pétrarque, et qui atteste toute l’étendue des connaissances du poète en géographie (2) [12]. La plus ancienne édition des œuvres latines porte aussi le nom de Bâle, 1496, in-fol. C’est dans les bibliothèques d’Italie qu’il faut chercher ses lettres et ses manuscrits autographes. Sa harangue au roi Jean et celle qu’il prononça comme ambassadeur de J. Visconti devant le sénat de Venise sont conservées parmi les manuscrits de la bibliothèque impériale de Vienne ; plusieurs de ses lettres, dont quelques-unes inédites, sont dans la bibliothèque de Paris. Le traité De remediis utriusque fortunæ (Cologne, 1471, in-4e) a été trois fois traduit en français, la première d’après les ordres de Charles V, par Nicolas Oresme, Paris, 1534 ; la deuxième, par de Grenaille, sous ce titre : le Sage résolu contre la fortune, Rouen, 1662, 2 vol. in-12, et la troisième, par un anonyme, Paris, 1673, in-12. Pétrarque a composé un ouvrage historique, qui est devenu rare et qu’on recherche comme un des plus anciens monuments de la prose italienne ; il est intitulé Vite de’ pontifici et imperadori romani, Florence, 1478, in-folio. Ses poésies italiennes ont été seules réimprimées dans ces derniers temps. La première édition, contenant les Sonnets et les Triomphes, est celle de Venise, 1470, grand in-4o. Ces Triomphes sont des espèces de visions allégoriques. dont les Provençaux avaient offert les premiers exemples ; ils sont écrits en tercets, a la manière du Dante, et l’on y trouve toute l’imagination et tout l’éclat de la poésie de Pétrarque, mais un style plus faible et des taches bien plus fréquentes. Parmi les éditions estimées, nous indiquerons celle d’Alde Manuce : le Cose vulgari, etc., Venise, 1501, in-8o ; — Il Petrarca, Lyon, 1574. in-16, adopté comme testo di lingua par l’académie de la Crusca ; - le Rime di Petrarca, Padoue, 1722, in-8o. On y trouve, p. 64-104, le catalogue raisonné des principales éditions précédentes ; — idem, avec des notes de Muratori, Venise, 1737, in-4o ; — les éditions de Bodoni, 1799, 2 vol. in-fol, et in-8o ; — celle du bibliothécaire Morelli, avec les remarques de Beccadelli, Vérone, 1799, 2 petits in-8o ; — celle de Pise. 1805, 2 vol. in-fol., dont l’exécution est fort belle et qui renferme une vie de Pétrarque par J. Rosini ; — celle de Rome, 1806, 2 vol. in-8o, dont l’aspect n’est pas séduisant, mais qui renferme un bon choix de notes empruntées aux meilleurs commentateurs ; — celle de Londres, 1811, revue par Romualdo Zotti et que recommandent les notices littéraires qui y sont jointes ; - celle qui fait partie de la Biblioteca poetica italiana, publiée par M. Buttura et imprimée par Didot l’aîné, 3 vol. in-34 ; — l’édition avec commentaires donnée en 1821, in-8o, par Biaggioli. On y a réuni à ces poésies celles de Michel-Ange, édition précieuse, surtout par les notes d’Allieri, qui avait fait sur Pétrarque le même travail que sur Dante[13]. Ces diverses éditions sont d’ailleurs à peu près effacées par celle que M. Marrand a fait paraître à Padoue en 1819-1820, 2 vol. in-4°, et qui a été extrêmement soignée. Le texte, corrigé avec scrupule, est celui que suivent les éditeurs jaloux de la correction de ce qu’ils mettent au jour. Entre autres ornements, ces beaux volumes offrent des portraits de Pétrarque et de Laure. À la fin du second tome est placée une Biblioteca petrarchesca, qui occupe 116 pages. Le texte, arrêté par M. Marrand, a été réimprimé plusieurs fois, notamment à Florence, 1821, 2 vol. in-8o, et 1822, 4 vol. in-16 ; Milan, 1824, 2 vol. in-8o ; 1825, 2 vol. in-16 ; 1826, 2 vol. in-8e, etc. La plupart de ces éditions sont accompagnées de notes plus ou moins étendues. Celle de Padoue, 1826, 2 vol. in-8e, revue par M Carrer, est estimée ; elle offre un choix de notes variorum. On estime celle de Florence, 1829, in-8o, avec de courtes annotations de G. B. Giuseppe Borghi) ; les 2 vol. in-8o mis au jour par les soins de C. Albertini, Florence, 1832, reproduisent les meilleurs textes en y ajoutant ce qu’on a écrit de plus intéressant sur Pétrarque et sur ses œuvres. Nous ne parlons point des essais qui ont été tentés pour traduire le Cansoniere en français. Laharpe a dit : « Ne traduisons point Anacréon. » Nous pourrions dire à notre tour avec plus de justice : Ne traduisons point Pétrarque [14]. Cependant nous pouvons remarquer, à cause de la naïveté du tour et de l’expression, les six sonnets de Pétrarque sur la mort de Laure, traduits en vers par Clément Marot (Recueil de pièces diverses, de 1530 à 1537, etc., in-8o). Nous n’essayerons pas de compter les commentateurs de Pétrarque ; il a eu près de trente biographes. Tomasini, dans son Petrarcha redirirus, a fourni de bons matériaux à ceux qui sont venus après lui (voy. TOMASINI). Les autres méritent peu de considération jusqu’à l’ouvrage de l’abbé de Sade (Mémoires sur Pétrarque, 1784, 3 vol. in-4o), qui s’est fait de la gloire de Pétrarque un intérêt de famille. On peut consulter après lui Tiraboschi, dans son grand ouvrage, et M. Baldelli (Del Petrarca e delle sue opere, 1797, in-4o). Lord Woodhouselee a aussi donné en anglais un Essai historique et critique sur la vie et le caractère de Pétrarque, Londres, 1810, in-8e. Le professeur Levati a publié, sous le titre de Viaggi di Fr. Petrarca in Francia, in Germania ed in Italia, Milan, 1830, 5 vol. in-8e, un tableau des mœurs du 14e siècle.

F-t.


PETREIUS (Marcus), général romain, joignit à de grands talents un attachement inviolable à son pays, et acquit beaucoup de gloire dans les charges de tribun et de préteur (voy. Cicéron, Pro Sato, 5). Le consul Antoine ayant feint une indisposition pour se dispenser de marcher contre Catilina, Petreius, son lieutenant, poursuivit les conjurés et les tailla en pièces (voy. Catilina).


  1. (1) Gariel, Idée de Montpellier.
  2. (1) On conteste encore de nos jours l’authenticité de cette note, parce qu’on voudrait renverser toute l’histoire de Laure. M. Whyte, savant anglais, qui a découvert à Florence une Vie inedite de Petrarque écrite peu de temps après sa mort par Luigi Ferruzzi, qui l’avait connu, récuse aussi le témoignage de la même note. Mais elle est écrite d’un ton qui doit désespérer les incrédules : on ne ment point ainsi. Le Virgile de Pétrarque a été longtemps à Paris (Voy. NOVES)
  3. (1) Cic., Pro Archia poeta, § 19.
  4. (2) Dans l’Histoire littéraire d’Italie, p. 582, t. 2, Ginguné établit, contre M. Baldeili, que l’Epître à la postérité est de 1352 et non de 1372.
  5. (1) Morelli, Della publica libraria di S. Marco, Venise, 1774, in-4e, p. IV et suiv..
  6. (1) Plusieurs. de ces livres, oubliés là pendant prés de trois siècle, tombaient en poussière, d’autres étaient comme pétrifiés. Tomassini (Petrarcha redivir., 1635, p. 85) donne la liste de ceux qui furent alors trouvés en bon état. On y remarque un vocabulaire polyglotte, latin, persan et turc (communicum, écrit en l’an 1303), et dise il copie un petit échantillon.
  7. (2) Morelli, loc cit. p. VI. Ce savant bibliographe donne le détail de plusieurs de ces manuscrits, qui se voient encore aujourd’hui dans la bibliothèque de St-Marc. Il explique l’espèce d’oubli dans lequel on les avaient laissés pendant si longtemps par l’enthousiasme qu’occasionna au 16e siècle l’acquisition bien plus considérable des manuscrits grecs du cardinal Bessarion.
  8. (1) De Gérando a traduit quelques fragments de ce bizarre dialogue dans les Archives littéraires (t. 2, p. 269-285), sous ce titre : De la philosophie de Pétrarque.
  9. (2) Plusieurs biographes ont donné à Pétrarque une sœur qu’ils disent avoir été aimée du pape Benoit XII. Cette fable, accueillie par les protestants, trop légèrement répétée par l’historien Villaret et même par Fleury, est réfutée par un fait qu’il n’est plus permis de contester : Pétrarque n’a point eu de sœur.
  10. (l) Le poème de l’Africa est l’objet d’une analyse étendue dan. l’Histoire des langues romanes, par M. Bruce-White, t. 3, p. 413-477.
  11. (1) La bibliographie des œuvres nombreuses et diverses de Pétrarque, si souvent réimprimées et traduites, pourrait être fort longue, mais nous nous bornerons à un aperçu sommaire, en renvoyant pour plus amples détails au Manuel d’un libraire de M J.-Ch. Brunet, t. 3, P. 691.711.
  12. (2) Cet itinéraire se trouve aussi dans l’édition latine de ses Opuscules historiques, 1601, 15-16.
  13. M. Raynouard a rendu compte de cette édition dans le Journal des savants, décembre 1821.
  14. Quelques tentatives récentes pour faire passer en français les vers de l’amant de Laure ont été distinguées par la critique. Nous mentionnerons, sans prétendre les juger, les Sonnets traduits par M. de Grammont, le Choix de sonnets, dû à M. C. Esmenard, Paris, 1830, les Sonnets, canzones, ballades et sextines, traduits par le comte de Montesquiou, Paris, 1812. Les vieilles traductions d’Avort de Laval, (1686), de Maldeyhem, (1600), de J. Rayr (1688), de Catanasi, (1669), sont justement oubliées ; celle de Levesque en prose, Paris, 1774 et 1786, n’est guère supportable. Les bibliophiles seuls recherchent quelques éditions des Triomphes qui ont paru en divers formats, dans la première moitié du 16e siècle ; on les paye fort cher lorsqu’on en rencontre de beaux exemplaires, mais on ne les lit pas.